Rachid Ouramdane, artiste chorégraphe français, directeur de la danse au Théâtre de Chaillot depuis avril 2021, a été invité par le ballet de l’Opéra de Tunis, en résidence, dans le cadre d’une session intensive avec les chorégraphes tunisiens du ballet de l’Opéra durant cinq jours. Ce talent a été accompagné par un jeune circassien, Hamza Benlabied.
L’occasion pour le public tunisien, dans un futur proche, de découvrir une création qui verra le jour à Tunis, résultante d’une collaboration et d’un travail communs qui aura lieu sur la durée entre communauté de danseurs, circassiens et chorégraphes des deux rives de la Méditerranée, chaperonnés par Rachid Ouramdane, qui sera dans la transmission d’un savoir-faire, et dans le partage d’expériences. Ce bref, mais intense passage à Tunis, trace les prémices d’une création et d’un enrichissement artistique garanti.
Ce travail artistique est une occasion de voir fusionner de nombreux imaginaires qui existent entre communautés d’artistes venues de toutes parts : Ouramdane est à Tunis et tient à capter l‘actualité, à se familiariser dans l’environnement du travail, et à être observateur.
Il s’est fait accompagner par un jeune acrobate, Hamza Benlabied, porteur et circassien, riche d’un parcours prolifique : il est diplômé de l’Ecole nationale marocaine du cirque Shems’y, de l’école préparatoire de Rosny-sous-Bois, puis du Centre national des arts du cirque à Châlons-en-Champagne. A son actif, la création « Mobius », de la compagnie XY dont il fait partie et qui a été travaillée avec Rachid Ouramdane. Le jeune artiste enchaîne depuis avec la création suivante —toujours avec ce dernier— titrée « Corps extrême ».
Hamza enchaîne en commentant son expérience : « Dans le cadre de cette immersion, le but est de mélanger les mouvements acrobatiques et de danse : j’interviens là où il faut ajouter un peu de ce que je pratique. C’est intéressant de voir jusqu’où les danseurs participants du Ballet de l’Opéra de Tunis sont à l’aise dans des mouvements au sol, étoffant ainsi un savoir inédit et des pratiques nouvelles pour eux ».
L’idée de faire intervenir ces deux artistes a émergé quand la compagnie XY devait se produire sur scène à Tunis en 2021. Créer un spectacle pour le BOT, signé Ouramdane dans le cadre d’un travail élaboré en commun est très important, selon Malek Sebai, directrice artistique du Ballet de l’Opéra de Tunis.
La compagnie XY, dirigée par Rachid Ouramdane, est une référence au niveau national, dans le monde de l’art aérien et dans l’acrobatique. Une compagnie qui, dans son mode de fonctionnement, invite souvent d’autres artistes d’une autre discipline artistique à dialoguer, créer et inventer à partir du langage acrobatique des spectacles, d’où la création du spectacle « Modius ».
« Depuis que j’ai rencontré ce collectif en 2019, je vois bien qu’il y a une façon d’inventer, de chorégraphier, de faire des mouvements de la scène qui restent hybrides, particuliers, et qui font partie des arts des gestes. Tous les mouvements peuvent avoir une sensibilité, exprimer des choses. Des acrobates et circassiens peuvent exprimer des messages, des émotions, en les créant avec des enfants, des migrants, et tous profils confondus. Il faut une grande dextérité et une maîtrise de ce savoir-faire, car fusionner le langage acrobatique et chorégraphique et parvenir à réunir deux mondes artistiques, ou plusieurs disciplines est délicat ».
Rachid Ouramdane précise aussi qu’une immersion se doit de se faire sur place et que le contact entre artistes et membres d’une même équipe est essentiel. « J’ai besoin de rencontrer les personnes avec qui je vais travailler et être sur place. Une semaine, c’est court pour apprendre à se connaître. Ce principe d’immersion, c’est d’arriver avec des choses existantes, de confronter les artistes à des partitions et de mettre les mains sur des aspects déjà très aboutis. Ce n’est pas qu’exploratoire. On va vers des choses écrites avec rigueur, dans ées ou interprétées déjà par des virtuoses et des professionnels. »
Un dialogue générationnel entre artistes s’entretient toujours : entre anciens et nouveaux. La génération récente a un parcours plus large : les anciens ont un rapport traditionnel à une discipline. Le croisement des arts reste enrichissant. Au-delà de la discipline et des figures, il y a une communauté au service de l’autre. Ouramdane cite : « Ce qui me plaît quand je travaille sur de grands groupes, c’est cette capacité à créer ensemble et à transmettre au public. Tout travail est engagé et politique. Beaucoup d’enjeux et de messages sont transmis. Mobiliser un public sur une heure de spectacle et arriver à l’interpeler, c’est important. Agir en collectivité, en duo ou en solo n’est pas antinomique. »
« Ce travail n‘est pas juste une commande de spectacle : c’est créer ensemble, faire comprendre quels sont les enjeux de notre métier, faire réfléchir sur l’humain qui importe pour les danseurs du ballet de l’Opéra. », conclut Malek Sebai. Ce travail est soutenu par l’Institut Français de Tunisie.