Transcendant, psychédélique, haut en couleur… Le 2e long-métrage du jeune Ari Aster a révolutionné les films du genre. Il serait léger ou même rabaissant de classer «Midsommar» film d’épouvante/horreur quand cette attraction cinématographique est très loin d’en être un. Les spectateurs se font entraîner dans une spirale visuelle hallucinogène à l’image des protagonistes également aspirés par les rites païens et ancestraux d’une petite communauté… Bienvenue à «Harga».
Ari Aster, qui a enchaîné avec «Midsommar», à peine un an et demi après le déroutant «Hérédité», s’est abandonné dans les effets visuels tout en maîtrisant le drame principal. Une histoire qui passe de la noirceur à une fausse luminosité, dénuée d’espoir, porteuse de terreur et d’hostilité. Ce film est un voyage spirituel qui prend un tournant terrifiant, vécu sous les cieux brillants d’une région rurale, ensoleillée, tout le temps …En Suède ! Et survivre au soleil de Minuit s’avérera... fatal.
Le film relate l’histoire d’une rupture amoureuse, aggravée par le drame familial affligeant vécu par Dani (Florence Pugh). Christian, son copain depuis 3 ans et demi (interprété par Jack Reynor), est de plus en plus absent, évasif au fil des années. L’éloignement se fait sentir. C’est alors qu’un voyage en Suède s’offre à eux deux et à un groupe d’amis de Christian. Un voyage peu ordinaire dans lequel ils devaient assister et participer aux coutumes locales d’une secte mystérieuse. Petit à petit, des évènements plus qu’étranges surviendront…
Les déplacements, comportements, mimiques et gestuels des figurants -acteurs du film sont perçus comme une chorégraphie synchronisée du début à la fin, qui plongerait et les visiteurs sur place et les spectateurs dans les us étranges de cette communauté… En apparence bienveillante ... rassurante avant d’entamer subtilement des rituels d’initiations diverses.
Premier constat, la plupart des habitants de cette communauté sont des femmes : la structure même de ce microcosme rural est matrimonial. Le matriarcat bat son plein à «Harga», ce village sordide où tâches ménagères, accouplements, cuisine, besognes du quotidien sont effectués au détail près. La cheffe suprême de la tribu est d’ailleurs nommée «Reine de Mai». Pour cette cérémonie, une nouvelle reine doit être élue tous les 90 ans et Dani, une fois sur place, ne passe pas inaperçue et se laissera au fur et à mesure même tenter par le trône.
Contrairement à la majorité des films d’horreur, «Midsommar» est coloré et lumineux. Ce long-métrage d’épouvante solaire est visuellement très attractif grâce à une nature fleurie et verdoyante, filmée en abondance. Les rites effectués par la communauté de «Harga» se déroulent une fois tous les cent ans, pendant la période du solstice d’été, lorsque le soleil ne se couche jamais pendant des mois et des mois à «Harga». Effrayant à souhait sous le soleil brûlant de ce beau patelin, "Midsommar" rime avec sacrifices humains, agissements sordides et interrogations à n'en plus finir… Autant de détails plaisants esthétiquement pour les yeux s'avèrent trop beaux pour être vrais. Ils étaient même annonciateurs d’un cauchemar esthétique, fortement oppressant.
Ari Aster n’a pas manqué de placer des personnages déficients mentalement et très présents d’ailleurs dans la bande-annonce. Son but était de normaliser la différence chez les autres à travers des apparitions très furtives. Ces mêmes personnages ne pesaient pas tellement dans l’intrigue du film mais étaient sans doute générateurs de tensions et de visions déroutantes. Des personnages déficients mentalement mais acceptés et même adulés par cette secte malgré leurs handicaps.
Dans des médias étrangers, Aster dit vouloir changer la représentation des handicapés dans ses films. Ces individus très souvent mal représentés selon lui dans de nombreux chefs-d’œuvre du cinéma devront avoir leur place au cinéma. Le réalisateur et scénariste n’hésite pas à tacler cette culture New Age montante et très en vogue dans les Etats-Unis de Trump où de petites communautés, comme celles de «Harga», ne cessent de pulluler. Dans de nombreuses scènes, Aster les tourne même en dérision. Ari présente aussi une vision de l’amour totalement spirituelle, utopique et réesquisse l’accouplement et le fait de donner la vie, Autrement... à sa manière.
Des recherches très approfondies ont été menées depuis au moins 6 ans avant la sortie du film. Une plongée dans les traditions nordiques et folkloriques suédoises a été menée par Aster qui a découvert de nombreuses coutumes sanguinaires et même des méthodes de torture largement héritées par des générations. Un langage corporel et verbal a même été inventé en plus d’avoir attribué à cette secte fictive des traditions inspirées de faits réels.
«Midsommar» nous étouffe autrement que par des méthodes classiques qu’on a largement l’habitude de voir dans d’autres films d’épouvante. Anxiogène et solaire, il nous prend aux tripes du début jusqu’à la fin. Du haut de ces 33 ans, Aster révolutionne à la racine le film du genre. Une prouesse saluée par Martin Scorsese en personne qui commente ainsi «Midsommar» dans les médias étrangers : «Je ne veux rien dévoiler de ce film, car vous devez le découvrir par vous-même. Je peux vous dire que la maîtrise formelle est tout aussi impressionnante que celle qu’on perçoit dans ‘Hérédité’. Peut-être même plus, et qu’il creuse des émotions tout aussi réelles et profondément inconfortables que celles partagées par les personnages du film précédent. Je peux également vous dire qu’il y a dans ce film des visions réelles, en particulier dans la dernière partie, que vous ne risquez pas d’oublier. Moi, je ne les ai certainement pas oubliées.».