« Papillon d’or » d’Abdelhamid Bouchnak est actuellement en salle. Alliant drame social et fantaisie, ce film continue à conquérir son public. Mohamed Souissi, dans son premier grand rôle, a endossé celui de Moez : flic perturbé, violent, doux, incompris, parfois drôle, le personnage s’avère complexe, mi- attachant, mi- repoussant. Dans cet entretien, l’acteur naissant nous en parle davantage.
D’ingénieur-son à acteur. Le public vous découvre totalement pour la première fois sur grand écran dans « Papillon d’Or », le 2e long métrage d’Abdelhamid Bouchnak, dans le rôle de Moez, le flic. Comment cette aventure trépidante a-t-elle commencé ?
On ne m’a pas fait « casté » pour le film. On se connaissait déjà depuis longtemps à « El Teatro », depuis 2008, environ… J’y travaillais à la longue et Abdelhamid était parti et revenu du Canada… On a repris contact pour un rôle dans « Hadhoukom », sa série. J’ai campé le rôle d’un portier. Ce fut une belle expérience. Depuis, Abdelhamid m’avait fait savoir qu’il se pourrait qu’il fasse appel à moi à nouveau pour un autre rôle. « Papillon d’or » était écrit déjà, depuis 2006. Des années après, il me rappelle pour le rôle du flic. J’ai été excité, très curieux de connaître la suite. On en a parlé, il m’a posé des questions sur ma maîtrise des émotions, les piques émotionnelles, et voulait en savoir plus sur ma personnalité … bien avant que je ne lise le scénario. Il m’a fait confiance. Je me devais d’être à la hauteur. Abdelhamid croyait en moi. A la lecture du scénario, j’ai été choqué.(rire) En faisant connaissance avec Moez, mon personnage, je me suis dit : ce film va changer ma vie. Et c’est ce que je vis actuellement …
Moez est un rôle difficile, complexe, sensible et violent. Comment vous êtes- vous préparé à l’endosser ?
Un personnage très difficile. Emotionnellement, je ne me suis pas beaucoup préparé. Je me suis fié à mon instinct en tentant d’être spontané, en m’inspirant de la réalité, en approchant des flics, des policiers, des bons et des ripoux… en approchant différents profils, j’apprenais. Ensuite, j’ai également visité des amis non-voyants. J’ai posé une question récurrente à ceux et celles qui sont nées non-voyants, et leur disais : « De quoi rêvez-vous la nuit quand vous dormez ? ». Je me demandais : puisqu’ils/ elles n’ont jamais perçu le monde qui les entoure, j’ai été curieux de savoir comment leur subconscient prenait forme : les couleurs, les formes, le ciel, la mer, la terre, etc. Les réponses étaient très différentes. Toute personne rêvait à sa manière : certains avaient des sens beaucoup plus développés que d’autres… Il y en a qui n’ont pas eu de réponses à formuler, et d’autres qui ne rêvaient pas du tout.
Moez c’est le flic brute, c’est également le non-voyant, et c’est le fils désaimé de son père. Alterner autant d’axes ne vous a-t-il pas perturbé ?
Je m’en sortais en posant plein de questions et en faisant de la recherche. En prenant contact, tout en me référant aux attentes d’Abdelhamid Bouchnak. Quand on est face à Fathi Haddaoui, dans le rôle du père, je suis dans le partage tout le temps : dans le off, dans les loges, dans les coulisses… je faisais attention à ses expressions, sa gestuelle… Je me suis focalisé sur Fathi longuement. C’est un grand acteur. Je me devais d’être à la hauteur et d’être précis dans mon jeu, spontané. Moez est un rôle à plusieurs facettes : sociopathe, doux, violent, entretenant une relation aiguë avec son père… C’était un dosage difficile à faire.
Vous avez partagé, en grande partie, l’écran avec le grand acteur Fethi Haddaoui, et le petit Rayen Dhaouadi…
Dans le contact, il y a eu des points communs avec les deux : ils me stimulaient et m’inspiraient différemment. Un très bon partage a eu lieu avec Rayen. Un acteur qui n’a pas besoin de s’exprimer pour tout dire. Une alchimie a parfaitement eu lieu avec le petit.
Vous avez assisté à la projection du film en prison face à un corps sécuritaire et des détenus. Comment la séance s’est-elle déroulée ?
C’était époustouflant. J’ai été subjugué par les détenus à la prison du Kef. J’ai eu un accueil extraordinaire, symbolique, enrichissant. Le personnage de Moez avait fait bonne impression sur tout le monde. Les policiers ont beaucoup aimé Moez aussi. Des interventions très édifiantes de détenus-spectateurs en prison m’avaient marqué.
Etait-ce facile de vous dissocier du personnage du flic, après le tournage ?
Ça allait… Je m’en suis débarrassé, doucement mais sûrement. (rires)
Peut-on dire de « Papillon d’or » que c’est un film tout public ?
Aux enfants, je dirais, pas moins de 12 ans, tout de même… parce que le film contient quelques scènes violentes. En revanche, quand ils grandiront, ils pourront le revoir. Ce film n’a pas d’époque : il est atemporel. Il se regarde comme un rêve. Il a un aspect fantaisiste.
« Papillon d’or » vous a-t-il ouvert les portes du cinéma ?
Le cinéma est désormais une addiction. Je ne pourrai plus m’arrêter. (rires) C’est la magie du cinéma. Celle de se retrouver face à la caméra. Je reste ouvert au théâtre et à la magie de la scène aussi. Je manierai les instruments, les acquis et les techniques autrement …
Quels sont vos projets d’avenir ?
Je ferai partie de la prochaine saison de « Ken ya Makenech ».