Du haut de ses 15 ans, Amir Fehri s'est fixé comme objectif de lutter contre le harcèlement scolaire à travers un ouvrage qu'il vient de publier au titre évocateur «Harcèlement, les journées mouvementées d'un écolier» paru chez KA'Editions. Un sujet longtemps passé sous silence par les parents, les enseignants, et l'Etat et qui ne cesse de briser des vies.
L'engouement se fait sentir autour de votre livre. Est-ce qu'il s'agit de votre première expérience en tant qu'auteur ?
Non. Il s'agit de mon 4e roman. Le 3e est déjà sous presse et celui-ci a été publié avant le 3e. C'est un peu bizarre, je sais. J'en ai 4 qui n'ont pas tous la même thématique.
Est-ce que cette toute dernière parution est autobiographique ?
Elle l'est, bien sûr. Alex est un pseudonyme. Je compte beaucoup sur le changement de nom parce que le but n'est pas de révéler ce qui s'est passé ou de procéder à un règlement de comptes, non, le but est d'aider les autres. C'est ce que je ressens à chaque fois : on ne doit pas le faire pour nous, on doit penser que chacun a besoin, quand même, de sortir de la situation du harcèlement scolaire. Chaque personne qui souffre de sa différence (couleur de peau, orientation politique, sexuelle, religieuse…) toute chose qui peut faire la différence ne doit pas être un obstacle. On ne doit pas considérer l'autre comme un être étranger.
Vous traitez donc de ce qu'on appelle de nos jours communément le «bullying» ?
Tout à fait ! Et c'est pour cela que j'ai décidé avec Madame Brigitte Macron, avec qui je collabore depuis un certain moment sur la question du harcèlement scolaire, de lancer le hashtag #ImDifferent pour qu'on vienne en aide à ces enfants qui souffrent de ce fléau qui gagne de plus en plus de gens. Et comme le disait Blaise Pascal : «N'ayant pas réussi à faire de ce qui est juste plus fort, on a fait de ce qui est fort plus juste». On a maintenant essayé d'utiliser le harcèlement comme une forme de justice pour punir les gens pour leurs différences, chose qui devrait être une qualité tout d'abord.
Ce sujet sensible est pourtant fréquemment traité sur différents supports (séries TV, films, livres…).
Et heureusement ! Malgré cela, je trouve qu'on n'en parle jamais assez. Et il ne sera jamais assez de dénoncer. Tant qu'il y a un enfant qui n'arrive toujours pas à s'exprimer, c'est qu'on n'a toujours pas fait notre travail comme il faut.
Vous ne trouvez pas que c'est un sujet qui n'est toujours pas pris au sérieux ni par les autorités ni par les parents, encore moins par les enseignants ?
Par les enseignants, je comprends, parce que dans certains cas, c'est eux qui font subir cette forme de harcèlement. Ils ont tout d'abord pour mission de transmettre le savoir, ce qu'ils accomplissent parfaitement dans certaines écoles de la Tunisie, mais on a un certain nombre de plus en plus grand de professeurs ou enseignants qui exercent ce genre de pression, c'est d'ailleurs ce qu'a vécu Alex, le personnage du livre.
Et d'après vous, qui devrait contribuer en premier à faire face à ce phénomène ?
Je pense que c'est l'Etat. C'est ce que je vais demander au président Béji Caïd Essebsi. J'aimerais beaucoup publier un communiqué de presse pour venir en aide aux enfants. C'est une étape essentielle. D'abord, cela aidera les parents à prendre conscience de leurs droits qui seront protégés. Si on instaure une loi contre le harcèlement scolaire, ça ira forcément mieux. C'est comme en France, lorsque l'Assemblée nationale a voté contre le châtiment corporel : une mesure qui est demeurée phare. La suède l'a adoptée depuis les années 70, la France vient de l'adopter, c'est bien. Actuellement, une approche a été présentée contre ces violences-là, comme les parents prendront conscience qu'ils sont protégés par la loi et de part et d'autres les élèves qui pratiquent ce harcèlement auront peur de le faire. Ça sera réciproque. Actuellement, on a besoin de lois pour pouvoir arrêter ce problème-là. On espère avancer le plus rapidement possible. Pour information, je suis parti visiter des enfants dans des camps de réfugiés en Irak, entre autres, pour discuter avec eux sur les droits de chacun, sur le droit d'être libre et sur le droit d'identité. Que chaque personne soit considérée comme un être ayant des sentiments, des émotions. Un enfant n'est pas un objet qu'on peut maltraiter. Il souffre et s'il n'exprime pas cette souffrance, ce n'est pas qu'il ne souffre pas, bien au contraire. C'est qu'elle est en train de devenir de plus en plus profonde.