Le travail de Mara Fortunatovic se caractérise par sa (re)mise en valeur des formes et des volumes en usant d’un blanc éclatant et infini. Diplômée des Beaux-Arts de Paris, elle se spécialise dans les pratiques conceptuelles, créant un rapport nouveau et exprimant sa propre vision singulière d’un environnement. Après avoir investi et revisité divers lieux dans de nombreuses régions et pays, elle s’arrête à la Médina, en s’appropriant à sa manière le nouveau «Mono». Mara dévoile à La Presse son dernier accomplissement.
Pouvez-vous nous en dire plus sur ce «Mono Zéro» ?
A l’intérieur, il y a un cercle au sol et les arches : il y en a quatre, deux qui étaient déjà présentes, espacées et allongées. J’ai reproduit les deux arches déjà existantes au millimètre près en métal inoxydable et je les ai copiées en créant une sorte de profondeur afin de faire un transfert, un déplacement imaginaire multidimensionnel de la galerie, comme s’il y avait une porte qui pouvait se continuer : quand on est dans l’espace, on voit les quatre arches et l’ombre des lames qui surgissent des murs. On peut se les imaginer se terminer jusqu’au sol comme si c’était une continuité dans l’espace. Ce qui reste vraiment, c’est cette histoire d’architecture, de multidimensionnalité, d’ombre, de lumière et d’immersion du corps, du geste, du regard. Mon challenge était de ne pas utiliser la hauteur d’œil parce que c’est là où les prochains artistes vont exposer et que mon œuvre va rester «ad vitam æternam» : il fallait vraiment que j’intervienne au niveau du volume de l’espace, de sa hauteur. Mon travail est ancré sur la lumière, le «White cube», le plan, chercher où réside l’intervention de l’artiste, la limite entre la sculpture, la peinture, la scénographie, etc. C’est nouveau pour la Médina et c’est un défi pour moi de faire mes preuves ici.
Avez-vous procédé à un repérage avant ?
Bien entendu ! J’étais venue un an auparavant. Je suis venue pour parler avec l’équipe, mieux cerner le concept de ce «Mono» : on a fait le nécessaire avant. J’aimais bien cet aspect mystique, mais sans entrer dans aucune religion. Cette idée que quand un visiteur se fend dans n’importe quelle galerie, il faut qu’il entre dans cette sorte de méditation, se créer un miroir de soi, contempler et je tenais à créer ce sanctuaire, cette aura et révéler la beauté que peut offrir cet espace, en prenant les éléments de l’architecture, combinés à la volonté de créer quelque chose d’extrêmement propre, «White cube», moderne.
Comment peut-on parler de votre travail, où le présenter ?
Mon travail perturbe car il y a cette idée que l’artiste peut se permettre de ne pas montrer son talent de dessinateur, son geste. Il ne permet pas au spectateur de s’approprier un objet comme un tableau, par exemple, et de créer quelque chose qui appartient à la galerie, à un espace précis. Il y a cette dé-personnification, le vide et ce que c’est que cette peur du vide : j’aime que le corps soit pris en considération et que le spectateur prenne son temps lors d’une expo. Je me rappelle en 2013, lors d’une expo, il y avait des journalistes qui ne voyaient pas mes œuvres : ils étaient perdus (rires). La question autour de l’invisible, de l’effort, revient souvent. Prendre le temps qu’il faut pour voir en profondeur les œuvres et se révéler est important.