«L’Animed» est une plateforme de recherche et de mise en valeur de l’histoire de la Tunisie, et valorise des thématiques peu exploitées ailleurs. Bouthaïna Gharbi, docteure en mise en valeur du patrimoine culturel et CEO de l’entreprise, nous dévoile les dessous d’une aventure entrepreneuriale inédite, qui travaille sur la mise en valeur et la médiation du patrimoine culturel.
Comment l’aventure « Animed » a-t-elle commencé ?
Tout a commencé à travers l’association de plusieurs personnes autour d’un projet, qui consiste à mettre en place un circuit innovant, nommé «Le circuit Magon», qui est un itinéraire culturel de mise en valeur du patrimoine viticole et de l’homologie en Tunisie. Il s’agit d’un circuit à vocation culturelle qui relaye les circuits des sites archéologiques avec les caves des viti-vinicultures. On a eu une subvention de l’Union européenne pour créer ce circuit. En parallèle, à cette époque-là, j’ai été en Master spécialisé en patrimoine architectural du XIXe /XXe siècle à l’Ecole des beaux– arts, d’où mon intérêt pour le volet architectural archéologique. C’est ainsi que je m’étais retrouvée embarquée dans cette aventure avec plusieurs acteurs de la Tunisie, mais aussi de l‘Italie. L’objectif pressant était de créer des projets de mise en valeur du patrimoine. J’ai entamé une thèse de doctorat, toujours en parallèle sur la mise en valeur du patrimoine aussi. J’alternais les deux, tout en prenant conscience de la pertinence de cette recherche et de ce volet.
N’avez-vous pas eu des difficultés à démarrer ?
En effet, au départ, on voulait créer une association pour pouvoir lancer des projets autour de la mise en valeur du patrimoine. Les difficultés sont principalement liées à la réglementation tunisienne, la bureaucratie, et l’Etat tunisien était réticent par rapport à la thématique de la viticulture, de la vigne et du vin. On a, du coup, créé une entreprise très imprégnée par l’esprit de la société civile. On s’est regroupé avec, notamment, une amie à moi, Mila Lauretta, avec qui on a créé «l’Itinéraire Magon», dans le cadre d’une association qui n’a pas marché. L’entreprise culturelle qu’on a créée a vu le jour : elle est spéciale dans le sens où elle s’investit dans les causes patrimoniales, culturelles. Une partie des bénéfices servait à peaufiner, à alimenter cette responsabilité culturelle.
Quelle est votre définition de « responsabilité culturelle » ?
Les deux dernières années, on évoque souvent la « responsabilité sociale», les entreprises sociales et solidaires… Nous, on a commencé en 2017, et on voulait se focaliser sur la responsabilité culturelle, d’où la création d’ «Animed».
D’où vient ce nom «Animed» ?
«Med» se réfère à la Méditerranée et «Anime», en punique veut dire « prospérité » et «richesse». Le patrimoine étant une source de prospérité, de richesse intellectuelle, culturelle, économique. C’est ce qu’on essaie de mettre en avant : faire en sorte qu’il y ait de projets à portée sociale, culturelle et économique. Et on a une richesse culturelle et patrimoniale incommensurable : près de 30.000 sites archéologiques en Tunisie. Un chiffre approximatif, mais attesté, près de 1.000 sites attestés et classés. Cette richesse-là coïncide avec la pauvreté qui existe dans des zones tunisiennes, en partie de l’intérieur, où ces monuments existent. On se focalise sur ces régions-là, en les mettant en valeur, leur donner plus visibilité, les faire connaître par un large public à travers la digitalisation, les faire connaître auprès du Tunisien lambda, à travers notamment nos capsules, scientifiquement pertinentes. On crée un contenu attesté et la médiation fait en sorte que ces contenus peuvent circuler, les rendre accessibles, courts, à la portée, attractifs, divertissants. Tout un travail autour de la diffusion a été accompli, autour de la présentation, essentiellement et sur la langue utilisée : le dialecte pour toucher le Tunisien et le sous- titrage en anglais pour notre audience étrangère.
Vous proposez aussi des services inédits et innovants. Pouvez-vous nous en dire plus ?
Toute une plateforme de visibilité, un site officiel, rassemble ces vidéos et les astuces et indications qui permettent à un voyageur lambda de mieux circuler dans nos régions, notamment à Hidra, Zaghouan, le Kef et autres : sur notre site, on lui facilite le trajet, on lui fournit des conseils, les moyens de transports, des propositions d’activité à faire, le logement… Rendre au maximum les déplacements à la portée, c’est notre but, avec une mise à jour des informations utiles, une facilité de manipulation, en usant d’une manière attestée et efficace de notre plateforme. Peu importe où ce voyageur se trouve dans le monde, il peut planifier son voyage en amont et venir. Pour rendre notre action pertinente, il faut favoriser les visites dans ces régions, entre autres, de cette manière.
De qui est composée votre équipe ?
Moi-même Bouthaina Gharbi, cofondatrice et manager d’ «Animed», docteure en mise valeur du patrimoine et entrepreneuse. Avec moi, l’équipe scientifique : Mounir Fantar, archéologue-scientifique, directeur des sites archéologiques. On est chargé de la révision scientifique. Pour information, le patrimoine tunisien est répertorié selon un découpage scientifique, par thème : Antiquité, époque romaine, etc. donc, on s’adapte pour le travail selon le site, avec un conservateur spécialiste en site archéologique. Le conservateur nous fournit en articles et en matière scientifique, avec une mise à jour continue des découvertes faites au jour le jour… On veille à faire une dernière vérification au niveau scientifique. Dans la médiation, Hela Djebby, conservatrice, qui écrit des scénarios, on les travaille ensemble, on retouche, «Hokka Hendi» gère des volets dans des tournages, drones, et gère la coordination de la partie audiovisuelle. Pour la partie plateforme, Mehdi Ridene, notre ingénieur, et Mariam KMS, community manager.
Comment se passe le contact avec les institutions étatiques comme l’INP ou autres ?
On travaille avec l’’INP et l’Agence de mise en valeur du patrimoine et de promotion culturelle. On est soutenu. On fait toutes et tous partie du milieu scientifique. On entretient une relation correcte. Je crois qu’on est la seule entreprise privée qui possède un partenariat avec l’Amvppc, et nous collaborons avec Mme Amel Hachana, dont elle fait partie. Un partenariat est en cours avec l’INP. Quand on a conçu le projet et on lui a réservé un budget, on est allé voir les institutions qui étaient coopératives.
Quel sera votre apport à la recherche scientifique ?
On essaie de mettre en place la logique de la recherche et du développement. On tend la main à des chercheurs, qui peuvent effectuer leurs recherches en dehors des centres de recherche. Je trouve que le secteur privé a besoin de la pertinence du monde de la recherche. La recherche doit être accessible, à la portée. Dans la recherche appliquée dans le domaine du patrimoine, il y a de bons résultats. On incite les gens à travailler dans ce domaine, large, exploitable, à portée économique. Il y a beaucoup de potentiel à faire et plusieurs disciplines à appliquer dans l’air du temps et à développer des initiatives autour. C’est un domaine vierge. Il suffit d’avoir la volonté et les outils nécessaires afin d’y arriver. On est en contact avec l’université d’Ibn-Charaf, afin de mieux approcher les étudiants, les accompagner dans leur recherche, voire à les embaucher. C’est une nécessité