Sarah Hannachi : «Je fais partie de cette nouvelle vague d’artistes qui a envie que les choses changent…»

6 / 2 / 2020ENTRETIENSSarah Hannachi : «Je fais partie de cette nouvelle vague d’artistes qui a envie que les choses changent…»

Sarah Hannachi a incarné Sameh dans la 5e saison d’«Awled Moufida». Pour la première fois, l’actrice fait ses preuves à la télévision. Habituée à des rôles de femmes battantes dans le cinéma, ce rôle s’est présenté comme une nouvelle aventure qu’elle se devait de mener sur le petit écran. Mission accomplie !

«Awled Moufida» est ta toute première aventure télévisée. Comment s’est passée ton intégration dans cet univers, qui vient de clôturer sa 5e saison ?


J’habite entre Tunis et la France. Déjà qu’auparavant, il était prévu que je travaille avec Sami el Fehri sur «Tej el Hadhra», mais cela ne s’est pas fait pour des raisons professionnelles. L’équipe me connaît depuis et Zakaria Troudi, par la suite, qui est le directeur de casting, a proposé mon nom. Ils ont contacté mon agent. Je suis rentrée à Tunis. J’ai pris rendez-vous. Sami était confiant. Il avait une idée de mon parcours et cherchait de jeunes talents.


Qu’est-ce qui t’a le plus plu dans le rôle de «Sameh» ?


C’est un rôle qui m’a forcément attirée parce que je suis féministe. (Rire). Je voulais sortir de ma zone de confort. C’était mon objectif premier. J’ai joué énormément de rôle de femmes battantes, dures, errantes mais tenaces. Avec «Sameh», je m’apprêtais à jouer le rôle d’une jeune femme —mère célibataire plutôt sage—, qui a les pieds sur terre, endeuillée par moments, et qui se bat pour sa survie et celle de son enfant. C’est un personnage plutôt posé. C’était une occasion à saisir pour moi. Elle survit à sa manière et à son rythme dans un quartier populaire, mère-célibataire, fait face au chômage, au regard pesant de la société. Le personnage en soi est riche et pose de nombreuses problématiques. J’ai tenu à l’interpréter d’une manière nouvelle, innovante, fraîche, fine, simple et neutre. Et incarner Sameh m’a donné l’impression de marcher sur une corde raide !


Il s’agit de ton premier rôle sur le petit écran. As-tu fait exprès d’éviter auparavant la télévision ?


Peut-être oui ! J’explique : dans ma nature, j’ai toujours été attirée par l’underground, l’aspect recherché, un art nouveau, des formes artistiques peu courantes, disjonctées, par moment inaccessibles… Je recherchais autre chose que ce qu’on trouve à la télé. Même mon parcours était distingué. J’étais nourrie par des inspirations totalement autres et mon éducation artistique ne me permettait pas de me lancer dans la télévision aisément. Maintenant, avec Internet et Netflix, c’est en train de changer. Mais depuis un an, j’ai pris la décision de mener ma vie et mon parcours artistique comme je l’entends. Je suis artiste et je tiens à apporter mon empreinte. Foncer et assumer, c’est ce que je ferai désormais. Je suis «un enfant» du monde, prête à me donner à fond dans toutes les propositions qui mériteraient tout intérêt. Notre arme ultime, surtout en ce moment, en Tunisie, c’est bien l’art et je veux servir mon pays. L’art est sans visa ! Il n’a pas besoin de passeport. Là où je peux me donner à fond, j’y reste. Le secteur en Tunisie devient de plus en plus solidaire et des changements nouveaux et positifs sont en train d’avoir lieu.


"Le personnage en soi est riche et pose de nombreuses problématiques. J’ai tenu à l’interpréter d’une manière nouvelle, innovante, fraîche, fine, simple et neutre. Et incarner Sameh m’a donné l’impression de marcher sur une corde raide !"

Donc tu n’as pas eu des difficultés pour effectuer jusqu’au bout cette transition cinéma/télé ?


On ne peut pas réellement parler de transition. La télévision a beaucoup évolué et s’est surtout ouverte sur le cinéma et les nouveaux talents. La mentalité a beaucoup changé et en bien. Il y a plus de recherches et on est moins carré qu’avant. L’écriture des personnages, la manière de les filmer… Trop de choses ont changé en mieux et c’est tant mieux. (Sourire) Attirée par le rôle, je voulais essayer… même si une bonne partie du travail n’a pas été montrée, pour cause de coupures au montage et de Corona. Je n’accepterai pas tous les rôles à la télé ni au cinéma. Du coup : j’ai tendance à trier et c’est normal. Il y a des rôles qu’on ne peut pas accepter. Je fais partie de cette nouvelle vague d’artistes qui a envie que les choses changent radicalement en Tunisie. Le cinéma tunisien brille dans le monde depuis récemment. C’est sublime ! C’est bien de faire ses preuves à l’étranger mais n’oublions pas notre pays.


C’était comment de travailler avec Saoussen Jemni ?


Extraordinaire ! On ne se connaissait pas au début mais elle sait créer un lien solide entre réalisateur et acteur. Elle te met à l’aise et ne travaille pas du tout sous pression. Elle est respectueuse et je suis reconnaissante. Elle est même très soucieuse du bien-être de ses acteurs. C’était formidable de travailler avec elle et elle a beaucoup de choses à accomplir encore.


Et comment étaient tes rapports avec Nidhal Saâdi, ton partenaire principal à l’écran ?


J’ai appris à le connaître au fur à mesure. Il est davantage habitué à la télé, ce qui n’est pas mon cas. Mais une complicité s’est vite installée. Il est très correct, respectueux et te met à l’aise. Il n’est pas imbu de lui-même.


"La télévision a beaucoup évolué et s’est surtout ouverte sur le cinéma et les nouveaux talents. La mentalité a beaucoup changé et en bien."

Peux-tu nous raconter les dessous de cette scène dramatique finale ?


Je suis silencieuse d’habitude sur les plateaux de tournage. Je puise ma force dans le silence surtout quand j’ai une séquence difficile à faire. Je m’isole dans un monde qui est mien, j’active ma propre musique puisque je travaille aussi avec et je suis dans l’observation de mon partenaire. Je le scrute même en temps normal, même en dehors des scènes à tourner programmées. Je l’imagine et j’essaie de mieux le cerner. Tout ça m’aide à me concentrer. Pour cette scène-là, Saoussen nous a mis dans le bain et on en a même parlé deux mois avant de la tourner. A chaque fois, on revenait dessus jusqu’à l’instant T où il faut que tu t’appliques. (Sourire)


Tu as beaucoup baigné jusqu’ici dans un registre dramatique. Te verra-t-on prochainement dans une comédie ?


J’espère, j’en rêve. (rire) J’adore le sarcasme. Je ne suis pas attirée par la comédie au premier degré. Mais c’est un souhait ! Et j’ai très hâte de faire mes preuves.


Avec quel autre grand acteur/actrice, réalisateur/trice aimerais-tu jouer ?


Rim Riahi, je l’admire. Fathi Haddaoui, je suis clichée sur ce coup-ci mais je rêverais de travailler avec (rire). Pour les réalisateurs, j’aimerais travailler avec Alaeddine Slim, Nejib Belkadhi. Mehdi Hmili, j’ai même un film de lui attendu et qui sortira bientôt, Ismail Leamsi, ou Kaouther Ben Henia. J’ai adoré travailler avec Jilani Saâdi et Mahmoud Ben Mahmoud : ils sont géniaux et généreux.


"Je fais partie de cette nouvelle vague d’artistes qui a envie que les choses changent radicalement en Tunisie"

Est-ce que tu te serais vue dans l’univers de «Nouba» ?


Oui, pourquoi pas? C’est des amis proches. On a fait El Teatro ensemble avant. Ce n’est pas un souhait ultime mais si un rôle intéressant est proposé, je ne le raterai pas. Yasmine, Abdelhamid, Hela, Skander… ils/elles écrivaient beaucoup. Je le faisais en solo à la même époque. Je suis indépendante. Je me représente. Je me fraye mon propre chemin. J’ai été soutenue par ma mère bien après : j’ai fait mes preuves un peu partout. Elle est fière de moi et c’est l’essentiel. J’avance individuellement.


Est-ce que tu serais ouverte à la scène théâtrale ?


Absolument ! Déjà que j’en ai fait beaucoup avant avec M.Taoufik Jebali et El Teatro. S’il y a un bon projet, je suis preneuse d’autant plus que j’adore les installations.


Et pour une suite de «Awled Moufida» ?


Evidemment pour une suite qui aura le même niveau ou qui sera, je l’espère, mieux. Je reste partante.

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