En trois jours successifs, 6 artistes, issus de 7 pays ont défilé sur la scène du festival international de Hammamet. L’amphithéâtre bat son plein depuis le 11 juillet 2025. En musique et en danse, les artistes ont fait voyager leur public. Le Maroc, l’Algérie, la France / Haïti, Liban, Syrie ou encore le Soudan, tout un florilège d’horizon sonore qui continue de bouleverser. Focus sur ces parenthèses nocturnes !
Hind Ennaïra et Djazia Satour : une double prestation distinguée
Hammamet, 13 juillet 2025. Deux femmes. Deux univers se dévoilent au public. Le Festival de Hammamet a vibré au rythme d’une double performance portée par la puissance du corps, de la voix et du patrimoine musical. La Marocaine Hind Ennaïra et l’Algérienne Djazia Satour ont chacune, à leur manière, occupé musicalement l’espace et conquis les plus mélomanes.
Première à entrer en scène, Hind Ennaïra, une étoile de la musique« Gnawa » et saharienne, marque par sa présence scénique. Entourée de danseurs et musiciens, elle transforme la scène en fête. Rythmes effrénés, youyous, clins d’œil au public en dialecte marocain : l’artiste sublime. Son répertoire riche, profondément africain — puise dans des titres comme «Fongoro», «Folani Hirisa» ou «Baba Mimoun».
Avec sa voix puissante, ses percussions hypnotiques et ses habits aux motifs amazighs, Ennaïra s’affirme en tant que femme et musicienne dans un univers dominé par les hommes.
Elle cède aussitôt sa place à une autre icône : celle des paroles engagées. Djazia Satour, drapée d’une kufiya rose et noire, apparaît sur scène avec un répertoire marqué par des thématiques engagées, telles que la résistance et l’exil. Dans sa chanson «Idh», elle rend hommage au peuple palestinien et dénonce les atrocités subies, les massacres, le silence.
Les mots sont posés, sans détours. Ils font l’effet d’un couperet autant qu’ils adoucissent. Sa voix, mêlée à des instruments, glisse vers des terrains sonores alternatifs et urbains avec des chansons, telles que «Loun Liyam» ou «M’Siria». Elle clôt sa prestation par un chant en anglais, dédié aux peuples asservis, rappelant que la musique peut aussi être « mémoire » et « lutte ».
Naïka : astre d’un autre continent
Dans un amphithéâtre plein à craquer, Naïka, étoile montante franco- haïtienne de la scène internationale, a livré un show mémorable, mêlant émotion, groove et totale osmose avec son public. La soirée était annoncée «Sold Out» depuis plusieurs jours. Bien avant l’ouverture des portes, les fans affluaient, bravant chaleur et attente.
L’amphithéâtre a rapidement épousé l’univers de la chanteuse. Et dès les premiers rythmes, Naïka s’est imposée, solaire et magnétique. Sa voix puissante et son énergie scénique débordante, ont retenti. L’artiste navigue avec aisance entre les sonorités afro-pop, les rythmes caribéens et les grooves urbains. Sa musique dépasse les frontières et tisse des ponts entre les continents.
Sur scène, Naïka ne chante pas seulement. Elle raconte anecdotes de vie, souvenirs de voyage, et fait des clins d’œil à ses racines… Elle crée une intimité, ponctuant ses morceaux d’intermèdes complices, d’humour et de tendresse. L’artiste confirme qu’elle n’est pas qu’une étoile montante parmi d’autres : c’est la voix majeure d’une génération qui veut danser et s’émouvoir.
RUST / Alsarah & The Nubatones : deux dimensions distinctes
Dans la nuit du 15 juillet 2025, place à la musique alternative arabe, marquée par la performance du duo libano-syrien Rust et de la chanteuse soudanaise Alsarah, accompagnée de son groupe « The Nubatones ». Le duo Rust, formé en 2020 par Petra Hawi, chanteuse libanaise, et Hany Manja, producteur et musicien syrien, a entamé la soirée avec un set d’une heure mêlant électro, Tarab et influences orientales. Leurs compositions, entre tradition et innovation, ont su capter l’attention du public.
Lors d’un point de presse, le duo a déclaré : « Nous sommes plus que ravis d’être ici. L’endroit est féerique », annonce avec enthousiasme Petra Hawi. Hany Manja a ajouté, ému : « Si je pouvais chanter, je me serais exprimé en chantant.
Basé à Beyrouth, le duo affirme placer l’humain au cœur de leur création artistique. Leur titre « Diaspora » explore notamment le thème de l’exil et les identités fragmentées qui en découlent. « En 20 ans, le ressenti reste le même », souligne Hany Manja.
En seconde partie de soirée, « Alsarah & The Nubatones » ont pris la relève avec une performance aux influences nubiennes et afro-arabes. La chanteuse, exilée depuis trois décennies, a affirmé l’importance de vivre pleinement le moment :« Cet espace est le nôtre. Ce moment va être mémorable ». Elle a interprété des morceaux, tels que « Men Ana », « Salam Nubia», « Sudani » et « New Habibi», ponctuant son concert de touches d’humour et de proximité avec le public. En évoquant l’exil, Alsarah a rappelé: « Quand on est exilé et qu’on revient sur nos terres d’origine, on ne reconnaît rien.
Le partir est un sentiment très étrange ». Cette soirée à Hammamet a confirmé l’effervescence d’une nouvelle scène musicale arabe, à la fois ancrée dans ses racines et résolument tournée vers l’avenir, modernisée.
La question « Initiatives internationales et dialogue interculturel : quels enjeux aujourd’hui face au chaos du monde ? » est l’intitulé d’une conversation édifiante entre différents directeurs à la tête de structures culturelles, dont certaines existantes dans des pays sud et de la région Mena. Le sujet invite à une réflexion commune sur le rôle de la coopération internationale et du dialogue entre les cultures dans un contexte mondial marqué par l’instabilité, les conflits, les tensions identitaires et les bouleversements climatiques.
Par Haithem Haouel, envoyé spécial au festival d'Avignon
Les attachées culturelles de la Tunisie et du Liban, Fanny Rolland et Charlotte Aillet, représentantes à la tête des Instituts Français, ont éclairé l’audimat à travers leur travail à caractère culturel effectué dans ces pays respectifs où elles opèrent.
Au fil des rencontres de l’Institut Français programmé dans le cadre du festival d’Avignon, toujours en cours, leur prise de parole a suscité l’intérêt aux côtés de différents intervenants issus d’autres pays du monde : citons Mazen El Gharabawy, acteur, directeur et fondateur et président de «l’International Theater Festival For Youth–Sifty» de Sharm El Cheikh, en Egypte, Sacha Witowsky, responsable des appels d’offre d’arts et de culture (Etat de Goiàs au Brésil), mais aussi Heather Croall, directrice de l’Adélaide Fringe en Australie et d’EllinorFristorpRodén de l’Ecosse, représentant de l’Edinburgh Fringe.
Les initiatives internationales demeurent un levier de coopération, de paix et de compréhension, réalisé à travers le soutien financier et matériel aux artistes et à la scène culturelle. Ce même engagement favorise les échanges interculturels. Des espaces de dialogues avec les jeunes et les citoyens continuent de voir le jour face à des difficultés de taille.
Fanny Rolland, attachée culturelle à l’Institut Français de Tunisie, a traité de questions liées à l’actualité. Focus sur la pensée arabe et sa mise en valeur en langue française, particulièrement celle d’auteurs tunisiens, algériens, marocains, égyptiens. L’initiative de traduire des ouvrages favorise le dialogue interculturel, l’ouverture et la compréhension de l’autre. Le soutien à la publication d’ouvrages et leur traduction restent de mise.
L’attachée culturelle rappelle : «Nous valorisons les programmes de débats d’idées dans le but de favoriser les échanges et je cite aussi l’exposition ‘‘Ce que la Palestine apporte au monde‘‘, pensée bien avant le 7 octobre 2023, maintenue et qui a pris tout son sens par la suite».
Toujours dans le cadre de cette table ronde, le maintien du dialogue interculturel dans ce monde un peu chaotique a duré plus d’1h30. La Tunisie a été le point de départ « Des printemps arabes ». Questionner la migration chez les jeunes Tunisiens et rappeler le contexte géopolitique glissant, avec le génocide à Gaza est à l’odre du jour.
«J’ai rappelé la notion des résidences artistiques effectuée par l’IFT, en insistant sur la notion de réciprocité, qui reste importante pour nous en tant qu’institution culturelle, exemple de la résidence Salammbô». Commente Fanny Rolland. Elle poursuit : «Nous soutenons les artistes en Tunisie et également leur résidence en France comme dans le cadre de la cité des arts ou de la francophonie de Limoges». D’autres exemples d’outils que l’institut met en place pour soutenir le dialogue interculturel ou comment les trouver pour répondre à ce chaos : celui de la traduction de textes de penseurs et traducteurs s’est imposé. Il s’agit d’une solution parmi d’autres qui cède la place à différentes positions et idées dont le but est de favoriser le dialogue.
De quel chaos parle-t-on aujourd’hui ?
Dans un pays caractérisé par des identités multiples comme le Liban, la coopération peut être source de reconstruction. Peut -on réinventer la coopération et la penser autrement ? Charlotte Aillet, attachée culturelle à la tête de l’Institut Français du Liban, déclare que contre le chaos de la guerre, quand elle surgit dans un territoire, lutter contre devient extrêmement difficile et désarmant. Il faut donc en parler, dénoncer la guerre, et lutter contre l’effacement, le «Culturicide», comme celui en cours à Gaza.
«Cette tentative d’effacement total de culture est inacceptable. Après la Palestine, le Liban est dans la ligne de mire de cette suppression. Il faut qu’on continue à parler de ces cultures », déclare fermement Charlotte Aillet. Selon l’attachée, un autre chaos préoccupant est celui lié au climat.
Un danger qui reste menaçant, pesant. «Même si souvent on ne sait pas si, à travers la culture, on peut lutter contre ce danger». Commente-t–elle. Il reste le chaos idéologique ou économique à souligner également en ayant espoir de pouvoir accomplir quelque chose à travers le dialogue interculturel. Elle rappelle la nécessité de l’entretenir à la longue en espérant créer l’impact. L’urgence d’agir est fortement scandée !
Avec une édition 2025 organisée en hommage à la langue arabe, cette présentation de l’événement est en phase avec la ligne directrice du festival.
« La saison Méditerranée », le grand événement artistique annoncé qui englobe la région méditerranéenne, était au cœur d’une discussion, programmée dans le cadre des rencontres de l’Institut français à la 79e édition du prestigieux festival d’Avignon. Julie Kretzschmar, commissaire général de l’événement, a pris la parole aux côtés d’Ali Chahrour, chorégraphe libanais engagé de renom.
C’est dans l’enceinte de la collection Lambert, en plein cœur de cette ville berceau du théâtre mondial, que se sont rassemblés les professionnels du théâtre et de l‘événementiel artistique, régional et mondial autour de thématiques diverses et de préoccupations contemporaines. Tiago Rodrigues, directeur du festival d’Avignon, et Eva Nguyen Binh, présidente de l’Institut français depuis 2021, ont inauguré cette rencontre attendue avant de céder la parole à la commissaire invitée.
« La saison Méditerranée » est un événement d’envergure lancé en 2023. Sa prochaine édition, prévue en mai 2026, s’inscrit dans un cadre de coopérations culturelles solides en cours de consolidation avec l’ensemble de la région méditerranéenne, plus spécifiquement avec 5 pays, à savoir l’Algérie, la Tunisie, le Maroc, l’Egypte et le Liban. L’initiative tient à entretenir un mouvement qui vise à valoriser la diaspora nord-africaine. L’objectif est de soutenir des œuvres et projets émergents, la nouvelle vague d’artistes professionnels, porteurs de projets inédits en leur garantissant accompagnement, concrétisation et mobilité.
Avec une édition 2025 organisée en hommage à la langue arabe, cette présentation de la « saison Méditerranée » est en phase avec la ligne directrice du festival d’Avignon. Partir à l’affût de différents styles de narration, divers vécus, imaginaires et fournir de l’aide à l’écriture restent prioritaires.
« La saison Méditerranée » œuvre à incarner d’une manière tangible plusieurs formes de coopération en visant à s’entourer de partenaires locaux solides qui nourrissent le travail artistique. Evoquer la mer méditerranée en tant que zone de vulnérabilité, face aux changements climatiques est aussi nécessaire. Julie Kretzschmar le souligne dans le cadre de son intervention et rappelle, par ailleurs : « Nous tenons à mettre en valeur les représentations alternatives qui conjuguent identités particulières et imaginaires prônées par une jeunesse de la diaspora, qui documente des récits de vie. A la façon dont cette diaspora les tisse et les élabore ».
La nouvelle création d’Ali Chahrour, « When I Saw the Sea », a été présentée en première française au Festival d’Avignon 2025, du 5 au 8 juillet à La FabricA.
Ce spectacle pluridisciplinaire mêle la danse, le chant et le théâtre pour raconter les récits de trois femmes — Zena Moussa, Tenei Ahmad et Rania Jamal — confrontées à la violence du système de la kafala au Liban, une forme d’esclavagisme moderne imposé aux travailleuses migrantes, notamment éthiopiennes et libanaises, exacerbée par les conflits armés. Nous y reviendrons !
Voyager éclaire et édifie, surtout quand on opte pour des circuits insolites ! Une aubaine que de se retrouver dans un village provençal rempli d’histoires, d’anecdotes et de traces indélébiles d’érudits qui l’ont traversé. Bienvenue à Lourmarin, un des 10 plus beaux villages de France, mais aussi cette toute petite commune où reposent des écrivains comme Albert Camus, le romancier français Henri Bosco ou l’auteur britannique Peter Mayle.
En groupe, nous nous sommes empressés de répondre à cette invitation au voyage. Par une journée d’été ensoleillée et à 36°, un soleil méditerranéen irradie vignobles, clairières et arbres ombragés. L’itinérance routière prend aussitôt des airs d’échappée dominicale. Notre route empruntée serpente des étendues de champs et des montagnes à perte de vue, nous donnant un avant-goût de l’esprit de villégiature qui règne dans ce joyau pittoresque du sud de la France, à 30 mn en voiture d’Aix en Provence et à 1 heure d’Avignon.
Des vignobles, certes, mais aussi des vignes, amandiers, ou oliveraies à couper le souffle bercent les 1.200 villageois vivant sur place, nichés au creux de la vallée du Luberon, au Vaucluse. Lourmarin est pittoresque à souhait : elle happe ses visiteurs par ses bâtiments historiques et sa faune et sa flore qui réjouiront les plus ornithologues d’entre nous.
Rendez–vous à l’ombre à 11h00 tapantes pour une visite passionnante, assurée par deux spécialistes du village, Florian Bouscarle, professeur des écoles, originaire de la région, accompagné de Michèle Stubbe Robinet. Le duo est connaisseur de l’histoire du Lourmarin, et spécialiste d’Albert Camus.
A travers leur travail associatif charnu, ils se sont consacrés à l’œuvre de ce pilier de la littérature française moderne en organisant de nombreuses conférences et événements littéraires tout public, autour de l’œuvre et la vie camusienne sur place, mais aussi dans d’autres régions. De nos jours, ils s’ouvrent davantage sur d’autres formats et activités littéraires et culturelles. Michèle et Florian ont organisé une conférence à succès autour de la vie d’Albert Camus, à Hammamet en 2022.
Les retrouvailles se font au pied du «Château Renaissance», restauré depuis les années 20 et qui accueille toute sorte de concerts et d’événements musicaux depuis des décennies. L’édifice existe depuis 1480. Son restaurateur est Robert Laurent–Vibert. Le lieu accueille aussi résidences artistiques et expositions.
Son jardin surplombe le village, un petit paradis qui accueille insectes, oiseaux et poissons d’eau douce qui cohabitent en harmonie. Lourmarin est un village à moitié catholique et à moitié protestant. L’ancien donjon du premier château médiéval est visible de loin, tout comme la cloche qui sonne chaque heure et rappelle cet aspect spirituel et paisible. Au loin, un édifice fait office de temple protestant. L’architecture puise dans son époque médiévale. L’édifice a été bâti sous le règne de Napoléon Bonaparte sur des années.
Le village s’envole tel un colimaçon construit comme une coquille d’escargot et tient son nom du latin qui signifie «lieu marécageux», «nom légionnaire», ou plus probable «forêt marécageuse». Lourmarin tient son éclat grâce aux maires qui ont su la préserver en l’aménageant et en luttant contre les constructions anarchiques.
Plusieurs fontaines historiques jalonnent le village et sont classés monuments historiques depuis 1914. Le site a vu passer diverses civilisations dont les Maures ou Sarrazins et possède son histoire néolithique, qui est attestée.
Lourmarin possède son centre-village jalonné de petits commerces et de cafés et restaurants gastronomiques. «Chez Gaby» offre salades fraîches et autres plats méditerranéens succulents. Lourmarin vit au rythme des touristes qui la traversent, spécialement en plein été. Ils peuvent ainsi profiter des marchés provençaux et leurs nombreux stands, et des marchés, avec leurs producteurs locaux d’huile d’olive, de miel, tomates, gibassié… et l’agriculture locale spécialisée davantage dans les vignobles des Côtes‑du‑Luberon (AOC) ou les cultures fruitières des cerises, amandes et huile d’olive.
La chocolaterie Zucchini et les pâtisseries Riquier font le bonheur des touristes et des locaux.
Artisanerie, culture, nature, faune, flore, gastronomie fusionnent harmonieusement dans cet écrin, situé entre montagnes, terres à perte de vue et forêts. Une destination qui a fait rêver intellectuels et écrivains et qui bouleverse toujours autant ses visiteurs. Albert Camus a écrit «Le premier homme» à Lourmarin avant d’y être inhumé.
C’est au pavillon de Hanovre, en plein cœur de la ville, qu’un cri d’humanité a résonné au fil des discours tranchants et concis, donnés par l’équipe engagée derrière l’organisation de cet évènement d’envergure, alternatif et distingué. Cette 5e rencontre, appelée aussi « Le Magma Project », met en exergue un théâtre arabe libre, universel, ancré dans son époque.
Par Haithem Haouel, envoyé spécial à Hanovre
De nos jours, on reconnaît l’engagement et l’impact d’un geste artistique ou d’une manifestation culturelle par la portée de son message et des missions qu’elle prône, et ce, partout dans le monde… y compris en Allemagne.
«Magma Project», ou la 5e rencontre du théâtre arabe à Hanovre, démarre en présence de son équipe, d’invités, d’artistes et de journalistes. Aux allures d’une rencontre intime et prolifique, très loin d’une cérémonie d’ouverture pompeuse, le festival voit défiler sur sa petite scénette située au pavillon artistique de la ville quelques acteurs culturels, les membres de l’équipe, à l’initiative du «Magma Project», et d’universitaires et docteurs.
Ce rendez-vous sobre s’érige tout en simplicité et pertinence et célèbre le démarrage de cette manifestation engagée, qui existe déjà depuis une quinzaine d’années. Elle crie les maux d’une région Mena / Arabe, secouée depuis par des bouleversements sociopolitiques et qui, depuis, tel un «Magma volcanique», ne cesse de bouillir.
Ponctuée par des intermèdes musicaux interprétés par la virtuose Marie Awadis, la levée du rideau s’est déroulée en paroles libres rappelant l’essence même de ce rendez-vous en langue allemande et en arabe et s’est clôturée en guise de fin par «Bells of Hope», un morceau musical envoûtant interprété toujours par Marie Awadis au Piano.
Sabine Trötschel et Abdulrahman Alqalaq, deux membres de l’équipe, inaugurent la soirée et citent en premier les difficultés qu’ils ont eu à convier les collègues, alliés et invités de Beyrouth, au vu du contexte actuel de guerre qui prime. Une situation chaotique qui en cache une autre, celle liée à la libre circulation et aux visas imposés qui ont surtout posé des problèmes auparavant, moins cette année. «Beyrouth» est toujours sous les bombes à l’heure actuelle. Les deux membres rappellent la création du projet «Magma», sa pérennité et son importance dans une époque aussi complexe. «L’humanité écrasera tout ce qu’il y a de plus vil dans la politique », conclut le duo.
Le ministre des Sciences et de la Culture, Falko Mohrs, a pris la parole en soutien à la manifestation en rappelant l’effort et le travail immense des artisans du 4e art dans le monde, à Hanovre et dans le monde arabe. «Le théâtre est un art caractérisé par la diversité, la création et par les problématiques actuelles qu’il met toujours en valeur, avec une perpétuelle transmission de génération en génération et une pertinence ressentie, au-delà des frontières et des cultures. Le théâtre est une initiation aux dialogues, à l’échange, au débat fructueux et prospères entre les nations et les cultures».
«The Waterproofed Artist» de Youness Atbane
Un solo dansant ponctué de silence et de discours directs s’est déroulé sur une heure de temps face à un public nocturne aux aguets, prêt à découvrir la création scénique de Youness Atbane, titrée «L’artiste imperméabilisé». Une création autour du décolonialisme vu par l’artiste, qui puise dans sa vie, au vécu entre deux rives de la Méditerranée pour questionner l’époque autrement.
C’est le post-décolonialisme qui est surtout sujet à l’interrogation au fil de différents thèmes traités. Futuriste, la création plonge le spectateur dans un avenir imaginé autrement. Youness Atbane, artiste polyvalent, se glisse dans différents rôles, tout en ayant un sens critique aigu et jusqu’à pointer du doigt une politique artistique répressive et colonialiste.
Sa création se passe en 2048, dans une biennale (fictive) de Venise. Atbane questionne les métiers de l’art, les mécanismes douteux mis aux service du marché de l’art et la domination culturelle.
La passion pour le 7e art est palpable à Clermont-Ferrand, ville connue pour son festival international des films courts depuis des décennies. Historique et engagée, cette manifestation draine des réalisateurs des quatre coins du monde.
De notre envoyé spécial à Clermont-Ferrand Haithem HAOUEL
En 48h chronos, une spirale de films courts vous happent … Le monde paraît défiler en écran large et sous vos yeux. Entre l’inédit et le rétrospectif, quelques découvertes sur grand écran n’ont pas laissé de marbre, surtout quand on évoque « le cinéma du Sud », émergeant, définitivement installé dans un cinéma du monde, florissant et visible en abondance dans la programmation du premier festival des films courts au monde.
Cette 47e édition du festival international du court métrage de Clermont-Ferrand consacre en 2025, dans sa très large programmation, quatre sections LBN, consacrées au cinéma libanais et une autre « Regards d’Afrique – African Perspective », entièrement dédiée au cinéma africain. Des essais courts, qui oscillent entre fictions et documentaires, révélateurs de maux sociaux omniprésents. Ils font échos en traversant les cultures du monde et luttent contre l’oubli. Un cinéma du Sud qui éveille les consciences et qui crie tout haut le conflit soudanais, les heurts au Kenya, la condition de la femme africaine, les guerres successives au Liban, la famine, le réchauffement climatique… Autant de problématiques traitées qui se succèdent et ne se ressemblent pas.
Face à l’intérêt grandissant d’un public averti, cette floraison de scénarios titille les réflexions, suscite le débat, lève le voile sur des thématiques diverses… et se fait entendre.
La passion pour le 7e art est palpable à Clermont-Ferrand, ville connue pour son Festival international des films courts depuis des décennies. Historique et engagée, cette manifestation draine des réalisateurs des quatre coins du monde. Cette 47e édition a connu la participation remarquée d’une réalisatrice tunisienne montante, Sahar El Echi, avec son 5e film « Bord à bord », retenu dans la section « Regards d’Afrique », unique participation tunisienne. Son actrice principale, Meriem Sayah, a aussi répondu présente, afin d’accompagner les projections du film, déjà projeté lors des JCC 2024. Cette histoire courte raconte l’affranchissement social d’une femme, confrontée à sa condition sociale difficile, et contrainte de subir les aléas relationnels vécus avec deux hommes, interprétés par Mohamed Hassine Grayaa et Aymen Mejri. Le film a suscité le débat tout comme l’ensemble de la section « Regards d’Afrique » qui a regorgé de découvertes pour la plupart inédites. Passage en revue !
We shall Not Forget (Nous n’oublierons pas) de Brian Obra : contre l’oubli
Terriblement oppressif et violent, le documentaire de 4 min est un cri d’alerte collectif. Celui d’une génération meurtrie et violentée au Kenya. Heurts urbains et révolte anti-sociale constituent la trame de fond du documentaire signé Brian Obra. Comme son titre l’indique, toute une génération de jeunes Kenyans se dresse contre l’Etat et laisse derrière elle un constat glaçant. Une parenthèse d’une violence inouïe est mise en lumière dans ce film court, dont la portée est de se souvenir de cette révolte de jeunes contre l’injustice et la corruption étatiques. Manifestation sanglante et slogans descendus révèlent la désillusion d’une génération et son asphyxie. Des jeunes «du clavier» jettent leurs machines et affrontent corps à corps les forces de l’ordre suite à la proclamation d’un projet de loi financier qui menace leur avenir.
Is it War ? (Est-ce la guerre ?) de Timeea Mohamed Ahmed : l’expérimental au service de la paix
Le 2e film visionné tourne autour d’une guerre toujours en cours au Soudan, sans doute une des plus meurtrières de l’histoire contemporaine. A travers un traitement innovant et moderne, cette fiction, signée Timeea Mohamed Ahmed, nous présente Jaâfar, son personnage principal errant. Telle une âme détachée de son corps, il se laisse errer dans une forêt. Surréaliste à souhait, le film est une échappée mentale pour son héros qui fuit la mort ambiante dans son pays. Une manière de sauver (ou pas) son esprit, sa santé, son existence. Filmé via des techniques développées visuellement, le ton reste léger, et le contenu dénué de toute violence visible. Le symbolisme autour de la misère du peuple soudanais parvient intelligemment et d’une manière insolite à un large public, généralement mutique face à cette catastrophe humanitaire. Le cinéma soudanais ne cesse de s’exporter depuis les 7 dernières années.
Time To Change (Il est temps de changer) de Pocas Pascoal : une plongée dans l’histoire
Ce court film fait office d’un document historique et éveille les consciences. Il nous vient de l’Angola et à travers un montage expérimental d’une grande maîtrise, il puise dans des archives coloniales rares. Il raconte en un temps limite l’asservissement de tout un peuple par son colonisateur. Misère, famine, maltraitance et exploitation rongent cette réalisation. Ce film reflète, tout haut, la naissance du capitalisme, sa propagation dans le monde et crie son essence même… qui ne date pas de nos jours. Une relation colons /colonisés, toujours d’actualité. Le suprématisme blanc et son emprise broient des peuples pillés, spoliés, appauvris et… ce document expérimental l’atteste.
Alazar de Beza Hailu Lemma : tragédie en terre aride
Ce film frôle le format « Moyen métrage ». Il bouleverse par la profondeur de son histoire maîtrisée. Son scénariste s’est permis une liberté d’écriture ressentie au fil des évènements visionnés, au point où le court a failli lui échapper. Cette plongée dans le vécu d’une tribu éthiopienne bouleverse par sa sincérité. « Alazar » raconte l’exode d’une communauté paysanne, désireuse urgemment de quitter son territoire de naissance pour subvenir à ses besoins les plus élémentaires, afin d’éradiquer pauvreté et famine. Leur terre ne devenait plus fertile, et la pluie se faisait rare. Suite à la découverte du corps d’un patriarche dans un puits sec, les convictions et pratiques religieuses se retrouvent ébranlées et une enquête est entamée afin de découvrir les dessous de cette mort, quitte à remettre en question les déductions d’un homme de l’église. Et c’est le fils du défunt qui entame cette quête.
Breastmilk (Lait Maternel) d’Ifeyinwa Arinze : L’affranchissement d’une mère
Cette fiction courte de 16 min traite de plusieurs tiraillements, vécus par Aduke, jeune mère nigériane, qui doit se réconcilier avec son passé pour pouvoir s’accomplir dans le présent, quitte à chambouler sa relation déjà tendue avec son mari, esquiver les croyances superstitieuses de son entourage et surtout pouvoir allaiter son nouveau–né. Cette embrouille afflue sur son corps et perturbe l’allaitement par voie naturelle. L’interprétation féminine de l’actrice principale ne laisse pas indifférent et retient l’attention de bout en bout. Entre consultation médicale, heurts avec un mari infidèle et la naissance de son bébé, sa condition de femme et de mère peine à trouver le juste équilibre…pire, elle est écrasée. Le court métrage lève le voile sans retenue sur des dérives sociales, qui peuvent surgir souvent au sein même du noyau familial. Pour les confronter, autant couper les chaînes et chasser ce qui se présente comme des obstacles à l’épanouissement. Une leçon de vie !
Clap de fin de la 47e édition du Festival international du court métrage de Clermont-Ferrand : l’édition en chiffres
Le palmarès officiel est constitué des prix remis par les jurys officiels, étudiants et publics dans chacune des trois compétitions. Cette 47e édition, en plus de ses compétitions, a mis à l’honneur le cinéma libanais ainsi que l’importance du son dans les films. Elle a enregistré un bilan positif avec plus de 4100 professionnels accrédités par le Marché du film court et un nouveau record battu : plus de 173 000 entrées ! À noter que ce nombre d’entrées a été possible sur 454 séances réparties sur les 14 salles qui ont accueilli le festival. 34 stands ont fait vivre le Marché du court. 51 pays étaient représentés dans les trois grandes compétitions et au palmarès, 26 pays sont représentés : Allemagne, Australie, Belgique, Brésil, Canada, Égypte, États-Unis, France, Irlande, Islande, Italie, Kosovo, Liban, Maroc, Mexique, Palestine, Philippines, Royaume-Uni, Sénégal, Singapour, Slovaquie, Suède, Suisse, Taïwan, Tchéquie et Ukraine. Le festival rempile déjà du 30 janvier au 7 février 2026.
A l’aube d’une nouvelle année, il y a de ces initiatives qu’on voit défiler et qui semblent être en phase avec leur époque. « Diasporactive » en fait partie. Ce programme incite de jeunes entrepreneurs tunisiens, installés à l’étranger, et même ceux qui ambitionnent de devenir investisseurs, à implanter leurs projets dans leur pays d’origine. Tout un programme édifiant leur a été préparé pour un retour au bercail.
La Presse — En rencontrant ce noyau de jeunes Tunisiens, résidents à l’étranger, l’espoir renaît grâce à leur volonté de s’accomplir dans leur pays et d’y apporter leurs pierres à l’édifice. Déployer ses ailes et apprendre à l’international, c’est sans doute important mais s’implanter dans son pays d’origine reste à l’ordre du jour. Dans une époque où on évoque le plus souvent la migration vers d’autres cieux et la fuite des cerveaux, « Diasporactive » valorise une migration des cerveaux à l’envers. Celle qui rime avec le retour d’une vie… pensé, conçu, imaginé par une cohorte de 6 personnes munis de 6 projets solides à concrétiser pour la Tunisie.
Un programme d’accompagnement
« Diasporactive » est un programme élaboré par l’incubateur « 1kub » et a pour objectif d’encourager de jeunes entrepreneurs tunisiens, vivant à l’étranger, d’investir dans leur pays. Une initiative qui offre accompagnement, sessions de formation, services et consultations effectuées par des experts. «Diasporative» est l’émergence d’un espace d’échanges d’expériences, d’outils, de savoir et se présente comme une aubaine pour réseauter dans un cadre propice à la créativité et à la conception. Le programme engage les participants dans une expérience fructueuse, qui donne des réponses, en théorie, aux inquiétudes liées à l’investissement en Tunisie, à l’aspect administratif tunisien, à la bureaucratie, à la loi tunisienne, et au contexte national, qui reste méconnu pour des jeunes ayant passé des années de leur vie, loin du pays. Le programme « Diasporactive » a débuté en septembre avec la sélection de 9 entrepreneurs tunisiens essentiellement basés en France, Belgique, Italie, Autriche, Allemagne … mais aussi aux USA. La moitié sont des femmes, pour la plupart de formation ingénieur ou issues du secteur informatique. Les candidats ont, à leur actif, au minimum 12 années à l’étranger, et envisagent de percer professionnellement avec un projet qui leur permet d’être fonctionnels, pourquoi pas, entre deux rives. Cette envie devient persistante, malgré leur position professionnelle avantagée à l’étranger.
Une succession de projets ambitieux
Un éventail de projet viables est présenté lors d’une session de formation organisée par « 1Kub ». Les secteurs concernés sont le tourisme durable, l’amélioration des services du quotidien chez les Tunisiens, l’exportation de produits d’artisanat ou du terroir tunisien, et d’autres, à caractère technologique impactant comme le lancement d’applications, de plateformes ou de CRM. L’accompagnement dans une première étape a duré 3 mois pour les participants désireux d’élaborer leurs projets. La progression pour chacune et chacun varie : il y en a qui pensent encore leur vision, et d’autres qui sont déjà dans la concrétisation. Sarah Bourouissi pense un projet écolo, pour un tourisme durable et sain pour l’environnement à développer auprès de restaurants et d’hôtels en Tunisie. Une idée qui nécessite actuellement son étude du marché. L’aspect «développement» de son projet prometteur évolue bien. Adel Lusakula est tuniso-congolais, ingénieur à Toulouse. Depuis son plus jeune âge, il rêve d’entreprendre. Son souhait prend forme dans son projet destiné à la fabrication du miel organique : une vente export qu’il trouve nécessaire à la valorisation du miel de Tunisie. Safouane ben Haj Ali tient à concevoir une plateforme numérique au nom insolite « My Chakchouka » qui connecte les artisans tunisiens au marché global. Sa cible, ce sont les personnes qui s’intéressent aux produits tunisiens.
Aya Omrani, au parcours universitaire atypique, veut fonder « Med Journey », une agence de tourisme médical en Tunisie. Une aubaine qui pourrait rallier soins et tourismes. Ala Selmi savoure son expérience naissante dans le e-commerce avec son associé tunisien basé aux USA. Son projet vise à lier les commerçants à leurs clients à travers « Souk express ». Son e-ccommerce a pour but de faciliter les courses de tous les jours chez les citoyens tunisiens. Taoufik vit à Paris depuis 35 ans. Il tient à récupérer un bien familial : une ferme coloniale, qu’il tient à convertir en chambres ou maison d’hôtes. Il a une collection importante d’objets historiques qu’il peut exposer ou en faire un musée. Un lieu de villégiature est actuellement en devenir à Zaghouan, dans ce domaine de Bir Mchergua.
Cette première cohorte de ce programme est financée par l’Union européenne et soutenue par «Thamm Ofii» qui cible les membres de la diaspora et leur capacité d’offrir des opportunités économiques, sociales et culturelles attrayantes. Le programme est aussi déployé sur d’autres gouvernorats : le Cap Bon et Zaghouan, Béja et Sfax. D’autres projets vont voir le jour. «1Kub», l’incubateur, lance régulièrement des appels pour le programme «diasporactive», pour accompagner d’autres entrepreneurs de la diaspora, dans la structuration et la mise en œuvre de leurs projets, dans la définition du Business Modèle, la construction du Business Plan, l’étude de marché mais aussi la connexion avec les structures facilitatrices, peut -on lire dans un communiqué.
La Société française d’entraide et de bienfaisance (Sfeb) rempile pour une 2e édition, haute en couleur et en œuvres d’arts. Arts plastiques, peinture, œuvres visuelles en collage, d’autres en céramique et plusieurs créations distinguées sont visibles dans un pavillon à Gammarth jusqu’au 8 décembre 2024. Ce lieu abrite désormais cette biennale de plus en plus prisée par ses 50 artistes tunisiens et étrangers toutes et tous engagés pour la bonne cause.
«Le caritatif est totalement indissociable à l’engagement humain et aux arts comme le prouve notre rendez-vous biannuel». Affirme Michel Delattre, président de la Sfeb lors d’un point de presse organisé au pavillon annexe de l’hôtel Golden Carthage. Une longue liste d’artistes plasticiens, peintres, céramistes tunisiens, étrangers ou vivant en Tunisie se mobilisent pour l’art et s’engagent dans l’entraide et la solidarité. 50 artistes, en grande partie tunisiens, ont mis à la vente plus de 145 œuvres d’art à la vente. Les gains partiront en partie dans des actions visant à aider des personnes dans le besoin. Ils pourront, en effet, apporter, une aide sur le plan social, psychologique, matériel : la Sfeb veille à accompagner des personnes vivant en Tunisie, mais socialement en difficulté, en les aidant à s’insérer et à mieux faire face à la précarité. Les 50 artistes de la Biennale d’art sont engagés humainement avant tout et se sont organisés longuement en amont pour la réussite de cet événement artistique et caritatif mené par Nadia Zouari, artiste et commissaire d’art.
La Biennale de L’art a été inaugurée le 30 novembre 2024 en présence de la plupart des artistes participants et de l’ambassadrice de France, Son Excellence Anne Gueguen. M. Anouar Ben Ammar, directeur général d’Ennakl Automobiles, et M. Mutaz Nazzal, directeur général de Total Energies Marketing, deux partenaires principaux de la Sfeb ont également répondu présent.
Les visiteurs n’ont cessé d’affluer en accès libre depuis l’ouverture. Quelques œuvres ont déjà été vendues. Les artistes s’enchaînent au quotidien pour une prestation artistique en direct et des étudiants des Beaux-Arts de Nabeul sont en visite sur place. Une aubaine pour eux d’être en contact avec des professionnels de renom et d’échanger autour des différentes pratiques. «La Biennale voit participer des créateurs de tous les âges et nous avons opté pour la thématique du Pop–art cette année, qui est d’ailleurs, en grande partie visible», déclare Nadia Zouari, qui ajoute : «C’est plus l’humain que la nationalité qui prime dans cette rencontre. Nous avons différentes nationalités retenues, certes, mais c’est toutes et tous des personnes qui ont la Tunisie en commun et ressentent cette appartenance à ce beau pays».
Derrière des œuvres, des rencontres
Des tableaux mêlant photographies de lieux, des sites historiques, des édifices familiers et des endroits délabrés occupent un coin du pavillon. Ces œuvres sont colorées avec différentes couleurs attractives, pas forcément harmonieuses. Michel Giliberti, artiste photographe, né à Menzel Bourguiba, est à l’origine de ces créations photographiques, fortes de son empreinte. L’artiste nous fait voyager à travers des lieux à Djerba, à Kairouan et à Menzel Bourguiba, plus précisément jusqu’au lieu exact où il est né. Un palais du Bey, autrefois abandonné, mais qui, actuellement, subit des travaux de restauration à La Marsa, est également visible dans un autre tableau. Cette déambulation photographique de Giliberti fait effet.
Un peu plus loin, d’autres tableaux fusionnent plusieurs pratiques : il s’agit des créations d’Alia Derouiche Cherif, avec comme ligne directrice les papillons, l’allure et le visage d’une jeune femme, inspirée par une de ses étudiantes. Alia Derouiche Cherif explique : «Je voulais un côté léger et j’ai opté pour une palette dont je n’ai pas l’habitude. J’ai répondu à l’appel de la légèreté, exprimée à travers le papillon qui est présent d’une manière récurrente». Elle souligne la sensibilité artistique toujours très vive en chaque vrai artiste et qui va de pair avec l’engagement humain. «J’ai répondu à l’appel avec les 49 autres artistes. C’est normal et humain qu’on réponde présent à cette biennale». Les tableaux particulièrement vifs, hauts en couleur et en éléments d’Amel Kebailli attirent l’attention : «En tant qu’artistes, il y a des événements qui nous permettent de sortir de notre zone de confort. De notre monde ou atelier où nous créons d’habitude ! On répond à l’appel d’une exposition ouverte comme celle organisée par la Sfeb, notre Biennale de l’Art. C’est ma 2e participation après celle de 2022. J’ai essayé d’y créer un monde imaginaire et d’y introduire les visiteurs, de les entraîner dans un univers alternatif à notre vécu et à notre quotidien difficile et si dur. Mes œuvres ont été spécialement réalisées pour cet événement. Ma technique n’a pas de limites : j’use de tout car je déborde d’imagination que j’essaie de canaliser».
L’allure distinguée d’un artiste participant, portant un habit original aux motifs colorés, vole les regards. Il s’appelle Bernard Roth et vit en Tunisie depuis plus de 7 ans. L’artiste est fondateur d’une association artistique à but caritatif, déjà très active à Tunis. «On est artiste et avant tout humain. La biennale rappelle mon travail engagé et c’est naturel d’y participer. En Tunisie, nous rencontrons beaucoup de gens dans le besoin et nous essayons d’aider comme on peut à travers notre art». Conclut l’artiste sur cette note optimiste.
«La fondation Hasdrubal pour la culture et les arts Mohamed Amouri» et son directeur musical Laurent Jost invitent sur scène une floppée de musiciens professionnels et émergents, issus de toutes les nationalités du monde pour «Le concert des continents». L’événement musical rime avec résonances et mélodies occidentales et orientales. Les cordes à instruments s’apprêtent à fusionner.
Un Quartet de musiciens tunisiens apparaît sur scène : muni de son violon, il entonne un morceau du compositeur allemand Felix Mendelssohn. Des répertoires connus comme Beethoven ou Joseph Haydn n’ont pas tardé à résonner. Le public est comme happé dans une spirale de mélodies, maîtrisées et entraînantes. Le Conservatoire national supérieur de musique et de danse de Paris se lance, ensuite, dans des répertoires de compositeurs connus comme Germaine Tailleferre, Maurice Ravel ou Antonin Dvorak. Le conservatoire de Vienne s’empare ensuite de la scène du Hall et ne manque pas d’honorer, toujours en musique, le patrimoine d’Ernst Dohnanyi, Jean Françaix ou de Johann Strauss. Sur une trentaine de minutes, avec de légers intermèdes, il y a comme un rythme musical enchanteur qui s’est installé et qui fait effet sur la durée. A deux reprises pendant le concert, des musiciens, en alternance, joueront encore, citons Daniel Schultz, Takanori Okamoto, Felix Pascoe et d’autres noms comme Valentin Hoffman, Bénédicte Leclerc ou Pail Wiener. Le violon et les violoncelles font toute la magie de leur performance et sont issus du «Royal Academy Of Music Of London». Et puis arrive ce moment clé où l’appellation «Concert des continents» prend totalement sens avec «les musiques arabo–orientales et improvisations» ou c’est quand Zied Zouari, en compagnie de son orchestre formé par 11 musiciens, présente «Prayer» (Prière), un morceau musical composé en 4 jours seulement dans le cadre d’une résidence à l’Hasdrubal. Véritable ode à la paix dans le monde en ces moments incertains, le morceau est saisissant. Zied Zouari commente cette performance et en fait une dédicace précieuse : «C’est un rêve réalisé ce soir que de pouvoir présenter cette musique. C’est un rêve que je dédie spécialement à Laurent Jost, directeur musical de la fondation Hasdrubal, qui œuvre depuis si longtemps pour ce pays». Plus d’une trentaine de musiciens venus des quatre coins du monde ont clôturé ce spectacle. Parmi eux une douzaine de Tunisiens arborant leur contrebasse, violoncelle, violon, percussions et Alto.
La fondation Hasdrubal pour la culture et les arts Mohamed Amouri, voit grand : elle prône le partage d’expériences musicales, organise des récitals et des résidences de haut niveau pour de nombreux apprenants et futurs virtuoses tunisiens et étrangers. Ces concerts sont tissés par des spécialistes du monde, issus en grande partie d’établissements européens, favorisant l’appui de pays européens. A cette occasion, l’ambassade de France et de l’Autriche ont soutenu l’événement ainsi que l’Institut français de Tunisie. La fondation œuvre pour la création de programmes d’échanges entre artistes ou étudiants en musique, issus des deux rives ou d’ailleurs.