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«Le concert des continents : Cordes en Harmonie» : Une rencontre musicale au carrefour des cultures
REPORTAGES10 / 17 / 2024

«Le concert des continents : Cordes en Harmonie» : Une rencontre musicale au carrefour des cultures

«La fondation Hasdrubal pour la culture et les arts Mohamed Amouri» et son directeur musical Laurent Jost invitent sur scène une floppée de musiciens professionnels et émergents, issus de toutes les nationalités du monde pour «Le concert des continents». L’événement musical rime avec résonances et mélodies occidentales et orientales. Les cordes à instruments s’apprêtent à fusionner.


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Un Quartet de musiciens tunisiens apparaît sur scène : muni de son violon, il entonne un morceau du compositeur allemand Felix Mendelssohn. Des répertoires connus comme Beethoven ou Joseph Haydn n’ont pas tardé à résonner. Le public est comme happé dans une spirale de mélodies, maîtrisées et entraînantes. Le Conservatoire national supérieur de musique et de danse de Paris se lance, ensuite, dans des répertoires de compositeurs connus comme Germaine Tailleferre, Maurice Ravel ou Antonin Dvorak. Le conservatoire de Vienne s’empare ensuite de la scène du Hall et ne manque pas d’honorer, toujours en musique, le patrimoine d’Ernst Dohnanyi, Jean Françaix ou de Johann Strauss. Sur une trentaine de minutes, avec de légers intermèdes, il y a comme un rythme musical enchanteur qui s’est installé et qui fait effet sur la durée. A deux reprises pendant le concert, des musiciens, en alternance, joueront encore, citons Daniel Schultz, Takanori Okamoto, Felix Pascoe et d’autres noms comme Valentin Hoffman, Bénédicte Leclerc ou Pail Wiener. Le violon et les violoncelles font toute la magie de leur performance et sont issus du «Royal Academy Of Music Of London». Et puis arrive ce moment clé où l’appellation «Concert des continents» prend totalement sens avec «les musiques arabo–orientales et improvisations» ou c’est quand Zied Zouari, en compagnie de son orchestre formé par 11 musiciens, présente «Prayer» (Prière), un morceau musical composé en 4 jours seulement dans le cadre d’une résidence à l’Hasdrubal. Véritable ode à la paix dans le monde en ces moments incertains, le morceau est saisissant. Zied Zouari commente cette performance et en fait une dédicace précieuse : «C’est un rêve réalisé ce soir que de pouvoir présenter cette musique. C’est un rêve que je dédie spécialement à Laurent Jost, directeur musical de la fondation Hasdrubal, qui œuvre depuis si longtemps pour ce pays». Plus d’une trentaine de musiciens venus des quatre coins du monde ont clôturé ce spectacle. Parmi eux une douzaine de Tunisiens arborant leur contrebasse, violoncelle, violon, percussions et Alto.

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La fondation Hasdrubal pour la culture et les arts Mohamed Amouri, voit grand : elle prône le partage d’expériences musicales, organise des récitals et des résidences de haut niveau pour de nombreux apprenants et futurs virtuoses tunisiens et étrangers. Ces concerts sont tissés par des spécialistes du monde, issus en grande partie d’établissements européens, favorisant l’appui de pays européens. A cette occasion, l’ambassade de France et de l’Autriche ont soutenu l’événement ainsi que l’Institut français de Tunisie. La fondation œuvre pour la création de programmes d’échanges entre artistes ou étudiants en musique, issus des deux rives ou d’ailleurs.



«Le concert des continents : Cordes en Harmonie» : Une rencontre musicale au carrefour des cultures
«Fragments d’un refuge» de Rima Hassan : Capturer des vécus
REPORTAGES10 / 11 / 2024

«Fragments d’un refuge» de Rima Hassan : Capturer des vécus

La 7e édition de «Jaou Tunis» a débuté le 9 octobre et se tiendra aux quatre coins de la capitale durant tout un mois. L’occasion pour les festivaliers de découvrir le projet photographique de Rima Hassan, titré «Nakba Survivor» ou «Survivants de la Nakba». Le vernissage de l’exposition est prévu pour cet après-midi à partir de 18h00, dans un entrepôt situé à Rue de Palestine–Tunis. Le travail annoncé d’emblée est une série de portraits intimistes de réfugiés palestiniens, révélateurs de leur vécu dans des camps.


La photographe elle–même, née dans un camp de réfugiés en Syrie, puise dans son vécu, ses valeurs, et ses luttes pour donner vie à son art militant, dédié à la population palestinienne. Son travail garantit une immersion photographique, notamment à l’aide de technologies numériques avancées comme l’Intelligence Artificielle. À travers cette exposition attendue, la résilience des réfugiés, leurs combats, leur quotidien se font sentir. «Nakba Survivor» raconte des récits de vie à travers des images brutes, vraies, et d’autres qui sont générées aussi par la technologie donnant forme à des récits poignants, singuliers, qui racontent l’individuel mais narrent aussi le collectif, dans sa dimension la plus tragique. Le festivalier pourra visiter Jbal Hussein, en Jordanie ou Neirab en Syrie et autant de camps et de lieux, broyés par une colonisation sioniste qui perdure dans le temps, et qui est plus que jamais d’actualité.

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Lutte pour la survie, pour les droits fondamentaux, voix des dominés, récits porteurs d’espoir et contre l’oubli, dénonciation du génocide en cours, «Nakba Survivor» s’érige, grâce à la commissaire d’exposition Kenza Zouari, et à l’artiste Rima Hassan, comme une porte–voix pour les Palestiniens colonisés réfugiés, et prône l’identité palestinienne. «Il y a autre chose à montrer de ce peuple que sa mort ! Malgré sa souffrance inouïe, on a besoin que ce peuple se raccroche à la vie et qu’il ait surtout mille et une facettes à montrer en rapport avec sa culture, son histoire, sa résistance». Cite Rima Hassan, dans un Teaser, en attendant de la retrouver en Tunisie pour l’inauguration de son exposition individuelle. Rima Hassan a entamé ce projet engagé bien avant. Soutenue par la Fondation Kamel Lazaar, elle prenait des photographies dans les différents camps de réfugiés, au Liban, en Syrie et en Jordanie. Des personnes réfugiées qu’elle photographiait avec le Keffieh sur le visage, (ou sans Keffieh). L’artiste a aussi cédé sa caméra à des réfugiés pour qu’ils prennent, à leur tour, des prises, en photos ou en vidéos, au fil de son itinéraire.

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En tant que commissaire d’exposition, Kenza Zouari a commenté, lors d’un point de presse, sa difficulté à s’immiscer dans cette itinérance aussi intime, propre au vécu collectif de ces réfugiés et à celui de l’artiste. «J’ai tenu à apporter une vision externe et essayé de montrer comment le monde, de loin, voit ou vit la vie des Palestiniens, en dehors ou dans Gaza, en utilisant l’Intelligence Artificielle. Mon intervention consiste à générer des photos, à répondre à certaines questions, et d’avoir toute une conversation avec différentes I.A autour de la Palestine. Et ce sont ces intelligences qui façonnent ce que je leur demande». C’est ainsi que se résume l’apport de la commissaire. L’exposition s’adresse à un public averti, comme le public tunisien. Elle s’annonce expérimentale mais n’informe pas forcément les festivaliers sur la situation des Palestiniens ou le calvaire des réfugiés. Au cœur de l’exposition, les photographies prennent vie. La touche de sa commissaire articule une 2e narration au contenu visuel et auditif de «Nakba Survivor». L’étroitesse du lieu méconnu permet de vivre l’expérience autrement. Un atout de taille. Une déflagration de récits et de lectures diverses seront accessibles à travers «Fragments d’un refuge», à découvrir jusqu’au 9 novembre 2024, au 6, rue de Palestine. Rima Hassan est juriste de formation et actuelle députée européenne.

«Fragments d’un refuge» de Rima Hassan : Capturer des vécus
1ère édition de «Les écrans de Hammamet» au CCIH et au théâtre de Hammamet : Au gré des essais filmiques
REPORTAGES8 / 10 / 2024

1ère édition de «Les écrans de Hammamet» au CCIH et au théâtre de Hammamet : Au gré des essais filmiques

Après le clap de fin de la 58e édition du festival international de la ville de Hammamet, le théâtre et son centre culturel «Dar Sebastian» accueillent une manifestation cinématographique titrée «Les écrans de Hammamet», sous la houlette du ministère des Affaires culturelles et du Cnci.


Sur une durée de 7 jours, le théâtre a vécu au rythme d’installations d’œuvres vidéo, de conférences mais surtout de projections nocturnes de courts et de longs métrages tunisiens, anciens et… inédits ! Car l’événement laisse libre cours à la réalisation et initie des jeunes talents à la fabrication de films courts de 3 à 5 min, en utilisant le smartphone. Focus sur le «Mobile Movie», qui a permis à 8 nouveaux films de voir le jour et d’être en compétition jusqu’au 11 août 2024. Le public, suite à un vote au quotidien, pourra élire la meilleure réalisation, en attribuant des étoiles sur un écran numérique.


En présence d’un jury formé par la réalisatrice Salma Baccar, l’artiste visuelle, cinéaste et chercheure Sahar El Echi, et la réalisatrice Emna Najjar, les participants ont élaboré des scénarios, qui ont pour thématique «Le théâtre de Hammamet, son histoire, celle du festival et de la villa Sebastian».


Arrêt sur 8 histoires, 8 films courts, 8 découvertes sur grand écran, en première !

«Champ contre champ» de Nermine Ben Hmida, rencontre intemporelle


Du haut de ses 18 ans, Nermine Ben Hmida, dans son premier film, décide de braquer la caméra du smartphone sur deux actrices tunisiennes : Mouna Noureddine, pionnière de la scène théâtrale et de la télévision tunisiennes, et Ibaa Hamli. Les deux sont issues de deux générations totalement différentes. «Champ contre champ » ne les compare sans doute pas. Il revient sur un projet théâtral récent qui a croisé leurs deux parcours, celui d’«Othello et après» de Hammadi Louhaïbi, présentée pour la première fois à l’ouverture de la 58e édition du festival international de Hammamet. Il s’agit d’une version revisitée, d’«Othello» d’Ali ben Ayed, initialement présentée en 1964, sur cette même scène, année de la création du festival. 60 ans plus tôt Mouna Noureddine était à l’affiche, dans le rôle d’«Emilia». En 2024, ce même rôle est campé par Ibaa Hamli. La jeune réalisatrice est revenue brièvement sur la rencontre des deux interprètes. Plongée rapide dans les coulisses, retour sur des archives photos, évocation de souvenirs lointains et aboutissement sur une rencontre entre les deux interprètes. Un mini– hommage en film qui s’ajoute à un autre rendu à Mouna Noureddine, le 5 juillet 2024, à l’occasion du soixantenaire du FIH.


«Deadline» de Hazem Fenira, «Tapages nocturnes des pensées»

Le spectateur est comme entraîné dans une spirale de peur, d’hésitation, d’espoir, de rêves et de cauchemars éveillés. Le court métrage de Hazem Fenira «Deadline» filme un dialogue entre deux versions de lui-même… qui s’entrechoquent et s’échangent autour de l’avenir. Un avenir post-inscription à cette résidence artistique «Des écrans de Hammamet». Tantôt il se voit propulsé, de renommée internationale, ayant une notoriété fulgurante, tantôt il se voit perdu, paumé, noyé dans un avenir sombre… livré à lui-même et n’arrivant pas à faire décoller sa carrière. Tel un diable et un ange, l’heure est aux doutes ! Une discussion qu’on a voulue plus développée et plus lente entre son soi et son alter–ego malveillant. Sa participation au «Mobile Movie» en dit long sur sa décision finale prise.


«Broova» de Youssef ben Said, «Un amour imaginaire ?»

Gros plan sur le visage admiratif d’un certain Youssef, qui n’a d’yeux que pour l’artiste-chorégraphe qui performe au théâtre. Youssef travaille dans la buvette, quand son regard se pose sur sa dulcinée rêvée, adulée en secret et qu’il souhaite approcher. Commence, alors, une poursuite faite en douceur avec toute la bienveillance du monde, afin qu’il puisse l’aborder. Il la regarde répéter dans une salle de cinéma, traverse les jardins de «Dar Sebastian»… Jusqu’au coup de théâtre qu’il vit sur la plage de Hammamet. Quelques minutes de cet amour imaginaire et adolescent agissent comme un ascenseur émotionnel. Un film court et sensible, bercé par une musique touchante.


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«A suivre…» de Farés Lafif, «Prémices d’un docufiction»

Tout un univers sépare le travail administratif et la passion dévorante pour le théâtre… Pourtant, Jamila Chihi, artiste comédienne et fonctionnaire, jongle entre ces deux spécialités. Jamila passe son quotidien à gérer les plateaux de répétitions, les fonctionnaires, les artistes. Pendant les tournées ou les représentations, elle occupe les loges, s’imbibe de savoir, d’arts, de rencontres enrichissantes, s’imprègne aussi du stress des préparatifs, de l’état d’esprit des artistes mais aussi «des équipes de l’ombre». Sa mission consiste à ce que tout se déroule bien ! Dans ce film, Farés Lafif effectue avec son téléphone portable une plongée dans les préparatifs de la pièce de théâtre «L’albatros» de Chedli Arfaoui, lors d’une représentation au festival international de Hammamet. Une journée vécue dans et autour du théâtre de la ville, condensée sur grand écran, en 5 min… L’aboutissement de deux mois de travail dans le cadre des « Ecrans de Hammamet». Le court scénario de Farés Lafif reflète son quotidien, son vécu, ses propres émotions. «A suivre…» a sorti son jeune réalisateur et Jamila Chihi d’entre les murs de l’administration.


«Si Bastien» de Rayen Bedoui, «Discussion d’outre-tombe»

C’est l’histoire du gardien du temple historique de Sebastian… ce lieu, appelé couramment de nos jours «Dar Sebastian». Un gardien de nuit fait une rencontre improbable et surnaturelle avec le fantôme du feu bâtisseur du lieu. Ce dernier fait sa ronde en apparaissant, à l’occasion de son anniversaire, puis disparaît. Se créer alors une interaction des plus insolites entre le gardien, et cette présence de l’au-delà dans l’enceinte de la résidence. Le fantoche en profite pour exprimer sa déception et sa nostalgie quant à l’état des lieux de ce bijou historique et architectural. L’échange devient ludique puisqu’il rappelle l’histoire de la résidence «Dar Sebastian», ses coins et ses recoins. Filmé sur un ton léger et ayant un titre «Si Bastien», à connotation tunisienne, le court métrage passe pour un court hommage insolite à un lieu incontournable.


«Lumières invisibles» de Wiem Rebah, «Au-delà du visible»

Et pas n’importe lequel… il s’agit bien de la scène du théâtre mythique de Hammamet, qui fête ses 60 ans cette année, qui a connu pas moins de 58 éditions du festival et d’autres événements à n’en plus finir, organisés hors festival. La réalisatrice Wiem Rebah, dans son 2e film court, transmet au spectateur les lumières et les sons émanant de cet endroit. De cette scène qui vit au rythme des arts et de ses guerriers de l’ombre, citons techniciens, régisseurs, metteurs en scène, organisateurs, responsables coulisses, administrations… ces faiseurs de spectacles qu’on ne voit pas et sur qui repose le visible, l’artistique. Un film court, qui se laisse écouter et voir. Un film d’ambiance, sensoriel, qui prône le travail de fourmi élaboré «hors caméra» et qui tisse une atmosphère vraie, celle de «derrière la scène».


«Mon double» de Karama Sayadi, «Intergénérationnel»

Une plongée autrement dans les coulisses des performances artistiques. A travers «Mon double » signé Karam Sayadi, le spectateur fait la connaissance de Ferid, danseur – chorégraphe, imprégné par le savoir et la carrière florissante de sa grand-mère. Deux savoirs différents, deux époques à l’apogée, deux vécus sans doute contraires, mais les mêmes ressentis, sensations, réflexes minimes, dans cette même loge, avec son lot de préparatifs. L’existence d’une grande artiste qui fait écho chez son petit-fils. Une parenthèse filmée, celle de l’avant-spectacle, et la rencontre avant le public. Dans les rôles principaux de «Mon double», «Achraf ben Hadj M’barek» et «Nawel Skandrani».


«Le SI, magique d’être» d’Imène Ghazouani, «Quête de soi»

Il s’agit d’une quête nocturne de soi et d’un personnage… effectuée d’une manière effrénée. Dissimulé (e) et se faisant discrèt (e), tel un cambrioleur, elle/il escalade les murs, traverse buissons et arbres, évite de se faire repérer, esquive toutes les attentions et les discussions, jusqu’à atteindre l’amphithéâtre en plein air. Son identité, une fois dévoilée, commence alors un monologue autour du théâtre, plus particulièrement en évoquant le mythe de Médée. Hommage filmé face caméraportable, à des personnages incontournables et des interprétations marquantes qui ont dû enrichir auparavant l’histoire du festival international de Hammamet, des décennies durant.


«Les écrans de Hammamet» dans sa première édition se poursuit jusqu’au 11 août. Toute la résidence artistique s’est faite sous la supervision du réalisateur Brahim Letaief. Khedija Lemkacher et Hamza Ouni, deux scénaristes et réalisateurs, ont mené à bout la phase «écriture des scénarios» avec les 8 participants. Les projections des courts métrages en compétition se font dans l’enceinte du théâtre plein air de la ville. Le public peut noter les films après chaque projection pour contribuer à élire le gagnant. Les séances de nuit commencent par la projection des courts inédits, suivis d’un ancien court et d’un ancien long métrage tunisiens. Un débat clôture les soirées cinéma des «écrans» qui rappellent une ancienne tradition estivale à Hammamet, celle de visionner des films à la belle étoile. Les festivaliers ont pu assister à des conférences et débats variés chaque matin à partir de 11h00 en présence de différents réalisateurs et invités pour parler d’arts vidéo, de comment réaliser des films à petit budget, ou de rencontre autour du parcours de Salma Baccar ou de Moncef Dhouib. Les moments visuels forts restent sans doute les jeux de lumière, les jeux de réalité virtuelle la Ciné Box, avec un visionnage et des activités pour les enfants. «Frame», l’installation d’art visuelle collective à la maison Sebastian reste accessible au grand public chaque après-midi. Nous y reviendrons !

1ère édition de «Les écrans de Hammamet» au CCIH et au théâtre de Hammamet : Au gré des essais filmiques
Au gré des expositions: Raconter des lieux
REPORTAGES5 / 26 / 2024

Au gré des expositions: Raconter des lieux

Le plus souvent, les expositions fleurissent au printemps, et, au gré des promenades, souvent, on peut tomber sur des découvertes. Véronique Engels, artiste peintre, a transformé la galerie Alain-Nadaud, le temps d’une exposition de ses œuvres, dans un jardin poétique et imaginé. Par ailleurs, l’exposition itinérante, à caractère urbain, autour de la ville d’Hammam-Lif, poursuit son chemin jusqu’à octobre 2024.


«Hammam-Lif, mémoire vivante d’une ville aux mille visages»


Qui serait plus efficace qu’une exposition photographique, en images d’archives et en légendes, afin de raconter autrement une ville historiquement riche ? C’est dans le hall de l’Institut français de Tunisie que l’exposition didactique autour de la ville d’Hammam-Lif s’est tenue en premier, avant de se déplacer… sur le Grand-Tunis, se rendant ainsi accessible aux étudiants et aux habitants de la ville concernée, joyau historique de la banlieue sud de la capitale.


Une ville, qui, dans le temps, fut la destination préférée du Bey. Mi-montagneuse – mi-côtière, elle a longtemps été ornée d’habitats, et de lieux qui racontent l’histoire de la Tunisie sous le colon, et bien avant. Des édifices et coins emblématiques, pour la plupart désertés, détériorés, pas conservés. Elle allie différents styles architecturaux. Le travail a été accompli sous la houlette des deux commissaires, Leila Ammar et Mme Nawel Laroui. Avec leur équipe, elles se sont basées sur les travaux de recherches de chercheurs, enseignants, architectes, paysagistes, urbanistes, experts.


Le rendu final est édifiant : il raconte le passé d’une cité et éclaire aussi sur son avenir menacé. M. Jelal Abdelkafi, Mme Nabila Bakli, Mme Hanène Ben Slama, Mme Cyrine Bouagila, Mme Saloua Ferjani, Mme Baya Labidi ont prêté main-forte afin de réaliser ce travail, mené à bout grâce à leur implication. Patrimoine architectural, paysages naturels, urbanisation et enjeux liés à la menace climatique sont racontés à travers ce travail, visible encore au public, du 23 mai au 28 juin à l’Ecole nationale d’architecture et d’urbanisme (Enau) de Tunis. Du 30 juin au 15 octobre à la municipalité d’Hammam-Lif, et à partir du 15 octobre dans les écoles, collèges et lycées de la ville.


«Regarde !» de Véronique Engels


Fusionner influences poétiques et sa propre peinture dans une galerie aussi connue que celle d’Alain Nadaud, Véronique Engels l’a fait ! «Regarde !», sa dernière exposition en date, organisée à Tunis, a attiré plus de 400 visiteurs (hors vernissage !) sur une douzaine de jours. Nous approchons d’un finissage réservé aux retardataires et n’avons pu résister afin de nous laisser emporter par le vert, qui prime dans tout l’espace et sur deux étages. Tel un jardin, l’espace abrite différentes peintures hautes en couleur. Un travail pictural, habité par des chats (en référence à Colette, figure littéraire incontournable) et de citations, y compris celles de Mahmoud Darwish.


L’artiste fait référence aussi aux miroirs, qui provoquent émerveillement. Elle mentionne les fauteuils intégrés, les plantes, et autant d’éléments qui constituent une forêt. Une ambiance autre ! «Le parallèle avec Darwish était évident pour moi : un clin d’œil à l’Orient qui fait partie de mon existence, de mes voyages. C’est le poète de la nature du quotidien : il détourne les maux du monde avec des mots d’amour et de poésie. Colette manie la langue d’une manière simple et singulière». Cite Engels lors d’une visite de la galerie. Zeineb Henchiri, alias Zou Vitamine, a prêté sa voix aux passages audio de Colette et de Darwish. Fayçal Karray a signé la scénographie. Véronique Engels espère rendre son travail itinérant afin de le faire parvenir un plus grand nombre de personnes, surtout en dehors de la capitale.

Au gré des expositions: Raconter des lieux
«l’Eductour» de «TounesWijhetouna» : L��’itinéraire des découvertes
REPORTAGES5 / 4 / 2024

«l’Eductour» de «TounesWijhetouna» : L’itinéraire des découvertes

C’est à Mahdia et à El Jem que «TounesWijhetouna» choisit de se poser pour son premier marathon «Eductour». Au programme ? Mise en valeur du patrimoine local, déambulation dans les ruelles de la Médina mahdoise, visites d’artisans locaux et découverte d’initiatives touristiques : autant de points de chute, accumulés en 24h, dans le centre du gouvernorat et dans sa ville phare avoisinante. Deux jours également marqués par l’organisation des Journées romaines d’El Jem dans l’enceinte de l’amphithéâtre.


Faire les routes de Tunis prend tout son sens, encore plus via un «Eductour», qui est le tout premier organisé par le programme «TounesWijhetouna», qui combine différents volets : le culturel, le touristique et l’économique. Sa mission est de soutenir le tourisme durable, de préserver le patrimoine culturel et l’économie. «L’Eductour» permet de découvrir l’impact de «TounesWijhetouna» localement, en présentant les bénéficiaires et les initiatives. Le marathon commence de Tunis, direction Mahdia jusqu’à l’arrivée à l’amphithéâtre d’El Jem pour l’évènement «Thysdrus», appelé aussi couramment les journées romaines. Un clin d’œil à l’histoire millénaire du pays, célébrée à travers un spectacle historique qui se présente comme étant de cape et d’épée, mais qui, finalement, se laisse regarder comme un spectacle populaire en entrée libre, à la portée des habitants de la région et surtout des enfants.

En marge de «Thysdrus», Mahdia…

Mahdia, presqu’île fatimide qu’on ne présente plus, à la richesse historique considérable, est truffée, de nos jours, d’initiatives nouvelles à caractère touristique, qui visent à promouvoir le tourisme local et international. Le patrimoine culinaire, historique/artisanal et économique est soutenu dans la région et nos hôtes nous le font bien savoir. Le premier arrêt ? Chez DMO-Mahdia (Destination Management Organisation ou OGD : organisme de gestion de la destination). Il fonctionne grâce à un nouveau modèle de gouvernance du tourisme, qui vise à rassembler des acteurs touristiques privés et publics pour renforcer la gestion d’une destination, la rendre encore plus attractive, et ce, en mettant en relief son intérêt, sa richesse. Il existe aussi une DMO à Jebel Dahar et une autre à Djerba. La route se poursuit, direction la conviviale Mahdia et ses joyaux cachés. Tags sur les murs, plantations, édifices, cafés connus, commerçants et artisanats, bains maures ou lieux historiques comme la «Skifa El Kahla» rythment sa vie urbaine au quotidien. Située à quelques mètres de la mer et du fameux port de pêche de la ville côtière, elle ne manque pas de charme. Des acteurs originaires de Mahdia investissent dans de nouveaux projets afin d’affiner l’aspect attractif de la ville, hiver et été. Les maisons d’hôtes et les différentes formes de tourisme alternatif existent déjà. «Dar Evelyne», joyau familial historique, au centre de la Médina, accueille, dans son patio, clients fidèles et touristes de passage dans un cadre authentique, sans artifices. Ce lieu est bénéficiaire du programme «Tourisme durable» dans le cadre de «Mekletna», qui développe l’offre culinaire dans plusieurs régions.


Petite escale, avant de repartir à «Borj Erras» pour le musée archéologique et patrimonial de la ville, riche de ses collections puniques, romaines, byzantines et islamiques et des traditions anciennes de Mahdia. Le musée se situe au bout de la «Skifa El Kahla», artère principale commerçante de la Médina, mais aussi une de ses entrées et sorties.

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C’est dans une caverne d’Ali Baba nommée «Skila» que les artisans de tissus créent à la file, quotidiennement. Nichés chacune et chacun dans un coin, dans l’enceinte de cet atelier incontournable, ces mêmes artisans usent de cet appareil traditionnel, manié avec les pieds et à la main, pour créer des pièces uniques, faites en soie, comme les écharpes de qualité, les cache-cols, très prisés par les Tunisiens et les touristes en visite. Cette adresse phare de création, qui fait office de Showroom également, a été restaurée au fil des décennies. Leur savoir-faire consiste à entretenir cet art du tissage, extrait à partir de fibres naturelles, d’une manière durable et équitable. Un art ancestral qui est en phase avec l’univers de la mode actuelle. Valorisation réussie du travail fait main de la soie. Quatre arrêts de cet «Eductour», avant l’ultime à El Jem, qui vit au rythme des journées romaines de «Thysdrus».


A El Jem, place aux spectacles, aux ateliers et aux découvertes…


L’après-midi s’annonce festive dans l’enceinte et autour de l’amphithéâtre grâce au maintien des Journées romaines de «Thysdrus» qui, cette année, réservent aux spectateurs une parade historique de plus de 120 participants lambda, tunisiens et étrangers habillés avec des costumes, capes et épées et des habits romains avec faux arcs et armes anciennes. En groupe, ils avancent, avec un fond musical des plus audibles et s’emparent du lieu historique mettant en scène une bataille de gladiateurs, sous les yeux d’un «roi», une heure durant. Une performance accompagnée d’une voix narratrice et face à un public majoritairement composé de jeunes de la région et d’enfants passionnés par ce spectacle.

Ce même spectacle a été présenté deux fois, à la demande du public d’El Jem. Ridha Hfaidh, fondateur et directeur des Journées romaines d’El Jem-7e édition, commente l’évènement organisé par une association locale «We Love el Jem» : «Ce spectacle a pour thématique les Jeux olympiques romains qui font écho aux vrais Jeux olympiques attendus à Paris en 2024. Ces journées ont vu défiler toute une légion de soldats romains, dans les jardins de l’amphithéâtre et qui ont vu s’installer aussi des ateliers pluridisciplinaires destinés aux enfants et aux jeunes, avec vente de produits artisanaux locaux comme la halfa, la poterie, la mosaïque, le tissu, l’argile, etc.».

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Un musée de micro-mosaïque appelé «Dar El Jem», situé à quelques pas de l’amphithéâtre, est riche de reconstitutions de tableaux artistiques mondialement célèbres. Des œuvres réalisées pour la plupart par des artisanes de la région. Un travail qui éblouit les visiteurs de ce lieu, créé par le même fondateur. Le programme «TounesWijhetouna» (Tunisie, notre destination) appuie la diversification du tourisme, le développement de l’artisanat et la valorisation du patrimoine en Tunisie. Ce programme de 51 millions d’euros, cofinancé par l’Union européenne sur une durée de 6 ans (2019-2025), contribue au développement économique durable et inclusif de la Tunisie en créant des synergies entre les secteurs du tourisme, de l’artisanat, des produits du terroir et du patrimoine culturel. La destination du prochain «Eductour» n’est pas communiquée.

«l’Eductour» de «TounesWijhetouna» : L’itinéraire des découvertes
Festival international de Hammamet | Kenny Garrett et IBEYI à Hammamet : Prouesses cosmopolites
REPORTAGES7 / 26 / 2023

Festival international de Hammamet | Kenny Garrett et IBEYI à Hammamet : Prouesses cosmopolites

Une musique du monde a conquis le public présent durant deux soirées successives au théâtre plein air de Hammamet, ouvert au public depuis le 8 juillet, date du démarrage de la 57e édition du Festival. La venue de Kenny Garrett et Ibeyi, un duo d’artistes sœurs jumelles franco-cubaines, rappelle un cosmopolitisme musical propre à Hammamet.

Une floraison de sons

Durant ces deux nuits caniculaires et musicales de juillet 2023, le théâtre de Hammamet est occupé par des mélomanes connaisseurs, venus spécialement écouter Kenny Garrett, le musicien de jazz, qui nous arrive des Etats-Unis… en arborant de l’inédit. L’artiste saxophoniste présente en Tunisie son dernier album en date titré «Sounds from the Ancestrors», composé de 8 morceaux datant de 2021.


Garrett s’est emparé de la scène entouré de Rudy Bird à la batterie, Melvis Santa, vocaliste à la percussion, Corcoran Holt à la contrebasse et Keith Brown au piano.

L’album exploite différents patrimoines musicaux issus de contrées africaines : une façon de rendre hommage à ses origines. Des airs afro-cubains, du jazz moderne, du gospel, du motown et même du hip-hop retentissent durant tout le spectacle.


La performance d’une heure trente se caractérise par une harmonie ressentie, celle qui lie les artistes sur scène. Kenny Garrett rend non seulement hommage à une musique authentique émergeante —en partie— de pays du sud, mais valorise également son attachement à ses ancêtres à travers ses compositions. L’artiste a exprimé son attachement au continent africain, à sa ville natale «Detroit» et déclare rejouer sans hésitation en Tunisie, si l’occasion se présenterait.


Une prouesse en double

Le duo féminin Ibeyi a assuré, la veille, un spectacle des plus rythmés, en sons et en lumière. Voix et instruments accompagnaient leurs morceaux, face à un public connaisseur mais timidement présent. Les hommages vibrants rendus à leur grand-mère originaire de la Tunisie, un autre destiné à leur père, à la patrie ou aux liens forts qui unissent les deux sœurs, se sont succédé, ponctuant ainsi de nombreux morceaux connus et moins écoutés. Les fans présents sont parties à la découverte de quelques morceaux joués et se sont imprégnés des messages, anecdotes, pauses drôles, racontés par ces deux artistes… sans cesse en interaction.


Lisa Kaindé et Noémie Diaz, de leur vrai nom, ont présenté au total 18 morceaux sur une durée d’une heure trente accompagnées d’un claviériste/bassiste. Parmi les morceaux les plus écoutés présentés sur scène «Sister 2 Sister», «Lavender and Red Roses» et le fameux «River», qui les a révélées au public en 2017. Du rap, de la percussion, du chant et de la danse cubaine ont mis en valeur cette performance de Downtempo, hip-hop, RnB ou soul. «Ici, c’est le pays de notre grand-mère. On est émues de chanter pour elle et pour la Tunisie», a confié Liza-Kaindé. Une belle première en Tunisie !

Festival international de Hammamet | Kenny Garrett et IBEYI à Hammamet : Prouesses cosmopolites
Pascal Quignard à Tunis : Quignard et la Méditerranée
REPORTAGES4 / 6 / 2023

Pascal Quignard à Tunis : Quignard et la Méditerranée

Le Colloque international consacré à l’écrivain français Pascal Quignard et à la Méditerranée, qui s’est tenu les 2 et 3 mars à Ennejma Ezzahra, aura été un événement culturel marquant, associant des lectures croisées de l’œuvre par des universitaires de renom à deux spectacles musicaux qui feront date dans l’histoire du Centre des musiques arabes et méditerranéennes. Cet événement littéraire d’envergue a été organisé par le laboratoire «Langues et Formes Culturelles» de l’Institut supérieur des langues de Tunis, grâce aux efforts conjugués de la présidence de l’université de Carthage et du Centre des musiques arabes et méditerranéennes (Ennejma Ezzahra), en partenariat avec l’Institut français de Tunisie, le Cerilac Paris VII et l’Item (Cnrs-ENS de Paris).

Musicien, scénariste, et écrivain contemporain, Pascal Quignard est connu du grand public pour ses récits: tous les matins du monde (1999) consacré à la figure de Marin Marais, joueur de viole de gambe du XVIIes, et adapté au cinéma la même année par Alain Corneau, Villa Amalia (2006), ou encore tout récemment, L’Amour, la mer (2022), hymne à la beauté du monde, à la vie ainsi qu’à l’impermanence de toutes choses, d’une écriture poétique remarquable, autant de textes rythmés par la musique qui traverse tous les romans de Quignard, et qui y joue un rôle essentiel à l’instar de la beauté des choses “naturelles”. Mais il est également l’auteur d’essais inimitables comme le Dernier royaume : t.1 Les Ombres errantes Prix Goncourt 2002, Les Désarçonnés ou Vie secrète, faisant de son œuvre, complexe, exigeante et érudite, l’une des plus importantes de la littérature française contemporaine, dans la lignée d’écrivains comme Blanchot ou Bataille.


Si l’art occupe une place centrale dans sa réflexion, les frontières entre les genres disparaissent dans son écriture musicale, au profit de l’entrelacement des thèmes obsessionnels du silence, de la lecture, de la mort, de la sidération, ou encore de la figure du jadis.


Puisant dans l’héritage universel, la pensée de Quignard établit un dialogue original avec le fonds méditerranéen dont se nourrit son imaginaire tout autant que sa poétique. Ses références — à cet égard — sont multiples et variées, puisant aussi bien dans L’Odyssée, L’Enéide, Les Mille et Une Nuits ou les mythologies égyptienne, phénicienne, sumérienne que dans les contes populaires et les grands auteurs de l’Antiquité ou du Moyen-Age : Eschyle, Euripide, Averroès, Ibn Arabi, Apulée, Ovide, Saint Augustin, ou Montaigne, pour ne citer que ceux-là; à la source de son inspiration également, les œuvres d’art (mosaïques, tableaux, fresques ou gravures), mais aussi les cités (telles Carthage, Alexandrie, Rome, Athènes, Utique, Naples), et les îles (Ischia, Jerba, Capri), sans oublier le soleil méditerranéen, très présent dans son œuvre.

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Dans cette perspective, une équipe de chercheurs du laboratoire « langue et formes culturelles » de l’Institut supérieur des langues de Tunis a proposé une réflexion sur le rapport de l’œuvre de Quignard avec la Méditerranée, interrogeant les mécanismes créateurs dans ses textes, afin de voir comment cet espace marin façonne l’imaginaire de l’auteur et comment sa représentation se trouve en retour façonnée par la pensée quignardienne.


Carthage, cité-phare du monde méditerranéen, point de rencontre entre l’Afrique du Nord, Rome et le Moyen Orient, mais aussi l’un des « lieux de Pascal Quignard », constituait un cadre idéal pour accueillir une telle réflexion, d’autant que cette problématique n’avait pas encore été abordée dans le contexte d’une réflexion collective internationale. Et il est hautement significatif que le colloque se soit tenu au Palais du baron d’Erlanger, cet esthète des années 1900, qui, comme Quignard, était féru d’art et de musique, auteur d’une précieuse histoire de la musique arabe, et collectionneur de manuscrits anciens et d’instruments de musique rares.


Dans ce haut lieu de l’art et de la pensée, le colloque a réuni des universitaires tunisiens, mais aussi français, italiens et japonais, en présence de Pascal Quignard lui-même, et les communications furent de haut niveau, permettant aux étudiants, aux chercheurs et au public de découvrir l’œuvre d’un auteur inclassable et inimitable, mais aussi de rencontrer un écrivain chaleureux et simple, profondément humain et toujours à l’écoute de l’Autre.


La représentation du fonds méditerranéen dans l’œuvre de Quignard, et les lectures que les textes quignardiens proposent d’un tel fonds comportaient plusieurs axes : la mer, aspect essentiel de l’œuvre, mais aussi les figures d’Ulysse et de Boutès (ou l’appel du chant) ou encore Saint Augustin, figure des deux rives. Ont été également étudiés le dialogisme littéraire et artistique de son œuvre, ses descriptions-commentaires de la mosaïque d’El Djem, ou des fresques étrusques, ainsi que son rapport à la rhétorique antique et à la linguistique.


Les regards croisés des chercheurs des deux rives de la Méditerranée ont permis de fructueux points de convergences et de stimulantes découvertes ; étudiants et public ont pu apprécier les différentes étapes de l’écriture d’une œuvre à travers une belle exposition des manuscrits de Boutès ou le désir de se jeter à l’eau : Rendue possible grâce à la collaboration du Cerilam et de la Banque centrale.


Au plaisir de l’esprit, s’ajoutait celui des sens, chaque journée ayant été clôturée par un récit-récital, avec les textes de Quignard, lus par l’auteur lui-même, accompagné au piano par Aline Piboule, artiste virtuose passionnée et sensible, dont le talent a conquis l’auditoire. Si le premier récital, Boutès, consacré à la figure de cet homme symbole du désir, comprenait des œuvres musicales du répertoire classique (Ravel, Chopin, Fauré, Schubert, Messiæn), et une transcription inédite de La Mer de Debussy, la grande première fut le récit-récital Les Ruines de Carthage, texte inédit, écrit spécialement pour l’événement par Quignard, poignante méditation sur la destruction de la pensée, des cultures et des civilisations.


Enfin, la matinée du 4 mars, à l’Institut supérieur des langues, a été consacrée à la présentation des travaux des doctorants, en présence de l’auteur lui-même et de tous les intervenants au colloque, qui ont pu apprécier la qualité de nos jeunes chercheurs, stimulés par un tel public.


La convention de partenariat entre l’Université de Carthage et le Centre des musiques arabes et méditerranéennes, aura permis de réaliser cette jonction entre le monde universitaire et celui de la culture. Méditerranéen, cet événement le fut assurément, avec la rencontre des cœurs et des esprits des deux rives, grâce aux énergies fédératrices des femmes et des hommes, universitaires, enseignants, chercheurs, libraire, artistes et étudiants qui ont fait de ces journées, une célébration mémorable.


Amina Chenik, (Spécialiste en littérature et civilisation françaises) et Haithem Haouel

Pascal Quignard à Tunis : Quignard et la Méditerranée
Conjoncture économique critique: La menace plane
REPORTAGES3 / 12 / 2023

Conjoncture économique critique: La menace plane

Deux nouvelles ont retenti cette semaine sur les réseaux sociaux, ébranlant l’univers des arts et de la culture : la fermeture définitive de la salle de cinéma Amilcar à El Manar, après 8 ans de bons et loyaux services, et l’annulation de Mûsîqât, manifestation musicale tout aussi importante. Deux disparitions regrettables, révélatrices d’une détresse économique.


L’endroit et le rendez-vous musical possèdent leur public. Une notoriété acquise depuis bien après 2011. Le Cinéma Amilcar est opérationnel depuis 2015, sous l’égide du distributeur de films tunisiens «Hakka Distribution». Composé d’un noyau de jeunes passionnés, cinéphiles, engagés, «Hakka» est parvenu à créer une dynamique nouvelle dans le secteur cinématographique à travers la gestion d’au moins deux autres salles en Tunisie, celle de Menzel Bourguiba, et Cinémadart Carthage. Les salles prônent un cinéma tantôt commercial, tantôt indépendant, très varié. Cinéclubs, rencontres, masterclass, évènements musicaux, ciné-concerts ont fait partie intégrante de leur programmation. Cette salle était la plus prisée du côté d’El Menzah-Manar-Mutuelle-ville, et même du centre-ville de Tunis. La voir disparaître est une perte pour le cinéma, dans une époque où les salles se font rares.

Le communiqué est posté sur les réseaux par l’équipe «Hakka». L’équipe informe que le 12 mars 2023, la salle fermera ses portes. «Annonce importante, après une magnifique aventure qui a commencé depuis octobre 2015, notre collaboration avec la salle Amilcar se termine. Nous fermerons à partir du dimanche 12 mars et rendons la salle à ses propriétaires (…) Nous appelons les autorités compétentes et particulièrement le ministère de la Culture à se pencher sérieusement sur la situation des salles de cinéma. Ce secteur continue d’exister grâce au courage des exploitants et à leur passion, mais l’Etat doit prendre ses responsabilités pour préserver et faire avancer ce secteur, pilier majeur de la vie culturelle en Tunisie. L’aventure Amilcar s’achève là, mais notre dévouement aux auteurs tunisiens et aux cinéphiles se poursuit au Cinémadart Carthage et au Métropole à Menzel Bourguiba». Lit-on dans cette annonce.


L’équipe tente d’attirer l’attention des autorités et du ministère de la Culture, quant à la dégradation des salles de cinéma et de l’importance de les garder. Les exploitants rendent la salle à son propriétaire, après avoir essayé de surmonter les aléas économiques des deux dernières années, causées par la pandémie. La conjoncture globale du pays reste très critique. Cette volonté collective de maintenir et de sauver le lieu s’est dissipée, face à un ministère de la Culture indifférent, peu réactif. L’entretien des machines et du matériel n’est plus faisable. Les multinationales s’imposent également dans le paysage : elles possèdent une autonomie financière et ont davantage de moyens pour garantir leur fonctionnement. La concurrence est rude et les salles tunisiennes indépendantes voient de nos jours leur pérennité sérieusement menacée. Amilcar a consacré sa dernière semaine à un public désireux de (re)découvrir les plus grands films qui ont fait le succès de l’année 2022. Un marathon qui clôt en beauté un lieu dont on se souviendra longtemps. *


Une manifestation musicale à l’arrêt


Mûsîqât, évènement prisé et fédérateur de la scène musicale tunisienne, n’aura pas lieu aussi cette année. La nouvelle a déçu les plus mélomanes, public, musiciens et passionnés. D’après le communiqué de presse, repris par l’agence TAP et d’autres médias locaux, nous pouvons lire :

«Le Festival Mûsîqât, événement phare de la scène musicale traditionnelle et néo-traditionnelle, ainsi que de la musique du monde, ne pourra malheureusement pas être organisé cette année encore..."

Créé en 2006, en co-production entre Scoop Organisation et le Cmam, le Festival Mûsîqât a été le premier PPP culturel. Après plusieurs années de programmation de qualité, la direction du Cmam a finalement décidé de ne plus allouer de budget, malgré l’obligation contractuelle de cette institution de prendre en charge le budget artistique.

Malgré les efforts des co-organisateurs, le ministère des Affaires culturelles n’a pas réagi aux différentes sollicitations et problèmes persistants dans le secteur, probablement trop occupé (ou préoccupé) par la bonne douzaine de festivals qu’il gère et finance directement, faisant ainsi de l’ombre aux initiatives privées.

Les années 2022 et 2023 auraient dû être les années de reprise de Mûsîqât, mais il faut maintenant se faire une raison : la politique culturelle en Tunisie a d’autres préoccupations et objectifs.

"Nous sommes profondément attristés de ne pas pouvoir vous proposer une nouvelle édition de Mûsîqât cette année, mais nous tenons à remercier tous les artistes et les partenaires qui ont contribué à faire de cet événement un beau succès au fil des ans. Nous espérons que la situation évoluera favorablement et que le Festival Mûsîqât pourra renaître, probablement différemment, dans le futur pour le plus grand plaisir des amoureux de la musique traditionnelle et néo-traditionnelle ainsi que de la musique du monde». Lit-on dans le communiquée.

Deux disparitions provoquées par une politique culturelle précaire, fragilisée, au plus haut point, une crise économique suffocante, et sans doute par les conséquences de la pandémie. Prémices d’une agonie inévitable ?

Conjoncture économique critique: La menace plane
L’Indigo club à l’Enau: Un élan dynamique
REPORTAGES2 / 5 / 2023

L’Indigo club à l’Enau: Un élan dynamique

«Le Pavillon Bleu», espace d’échange et de partage, conçu au sein de l’Ecole nationale de l’architecture et de l’urbanisme (Enau) de Tunis, ne cesse d’abriter des expositions photos, des œuvres, et permet aux étudiants de l’école, en particulier, de découvrir des travaux élaborés autour de l’architecture ou des arts visuels. Focus!


A la tête du club Indigo ? Un comité directeur, formé par la présidente Aya Sellami, et Amine Maatouk, vice-président, tous les deux étudiants en 3e année architecture, entourés d’une quarantaine de membres. Ensemble, et en équipe, tout un noyau estudiantin, appartenant à une seule génération, se fraye actuellement son chemin, en garantissant une pérennité durable pour le club, malgré les difficultés.

S’unir autour d’une idée

L’Indigo Club a émergé afin d’affiner cette soif de création et d’activités chez les jeunes étudiants. L’Enau est d’ores et déjà réputée pour sa vie estudiantine foisonnante découverte au fil des générations. Les idées innovantes qui visent à améliorer l’état des lieux de l’Ecole n’ont cessé de fleurir, dont celle de créer «Le Pavillon bleu», lieux d’expositions, de réflexions, de partages, aux murs bleus-Indigo, qui accueille différents événements depuis quelques mois. Mais quand on remonte le temps, rien qu’un peu, ce club du même nom a émané d’une curiosité entre étudiants commune et très persistante.


Le noyau, qui, au départ, était composé de 6 personnes, a été soutenu par leurs deux professeurs et architectes «Narjess Abdelghani» et «Alia Belhaj Hamouda». Officiellement depuis une année et demie, la dynamique estudiantine a donc pris forme, émanant d’une volonté propre à ses étudiants ambitieux et au corps enseignant. L’Indigo Club s’est distingué grâce à ses activités culturelles et artistiques dans un écosystème de clubs déjà très présents dans l’enceinte de l’Enau, et qui travaillent sur d’autres disciplines et centres d’intérêt, comme le cinéma et l’entrepreneuriat.

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Les évènements sillonnent l’Enau


«Initialement, le projet du “Pavillon Bleu” a vu le jour suite à la proposition de notre enseignante “Narjess Abdelghani”. On tenait à avoir cet espace puisque déjà on organisait des expositions mais éphémères. On s’est dit autant créer un espace permanent d’échanges, un lieu d’exposition, et sa plateforme. Ainsi, nous arriverons à valoriser les travaux des étudiants et à rendre l’architecture accessible au monde extérieur». Explique Aya Sellami, la présidente. «Le club prône des valeurs comme Valorisation (de travaux des étudiants), Interaction (entre étudiants, professionnels, spécialistes et professeurs) et Epanouissement culturel. Une culture connectée étroitement à l’architecture», souligne Amine Maatouk, le vice-président.


Il est aussi à rappeler que le comité du «Pavillon Bleu» est composé de professeurs, et de toute une équipe jeune dont Yacine Ayeb, étudiant en architecture et qui a participé à l’emergence du projet. L’Indigo a mis en place 4 catégories qui sont : «Un architecte, une œuvre» et qui se déroule sous la forme d’une conférence et d’une exposition de travail de l’architecte invité, étranger ou tunisien. La 2e est baptisée «Un livre, pour un architecte» (Philosophe ou chercheur). La 3e est consacrée aux conférences et quant à La 4e, elle s’ouvre sur les expositions. Des catégories qui visent à nourrir cette pensée autour de l’architecture. «Nous agissons comme une vitrine qui fait défiler la richesse de l’école, qui l’expose, qui la valorise», commente le vice-président. L’accès aux activités reste ouvert à tout le monde et le club communique à travers des dépliants, affiches et les réseaux sociaux. Dernière venue en date ? Une conceptrice-lumière japonaise nommée Akari Lisa Ishii, qui a donné une conférence importante au sein de l’école et a exposé ses photos. L’événement a été soutenu par l’Enau et l’ambassade du Japon. Le club l’a accueillie.

L’Indigo Club poursuit son travail grâce au soutien de l’Ecole, même si, au départ, s’imposer et lancer les activités n’a pas été facile. Le travail accompli par ce groupe d’étudiants est, certes, prenant, mais il reste passionnant et va de pair avec leur cursus universitaire.

Parmi les accomplissements de l’Indigo : l’évènement «Rihla», qui était plus orienté vers des débats et des conférences. La conférence-exposition de Feriel Lajri, architecte spécialiste tunisienne qui s’est adonnée à un partage fructueux de savoir. L’enseignante universitaire Alia Belhaj Hamouda chaperonne la scénographie. «Nos enseignants nous soutiennent et nous poussent à développer nos conceptions et nos idées de bout en bout». Déclarent Aya Sellami et Amine Maatouk.

Un cycle sur le «Logement» est attendu pour le mois de février 2023 et qui sera marqué par la participation d’une architecte française en visio-conférence et d’autres conférenciers en présentiel. Le cycle a été précédé par l’arrivée d’un autre architecte le 1er février. Plus de détails seront affichés en ligne sur Facebook et Instagram.


Crédit Photos : Alia Bel Haj Hamouda et Feriel Mesbeh

L’Indigo club à l’Enau: Un élan dynamique
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