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Conjoncture économique critique: La menace plane
PORTRAITS / PÊLE - MÊLE 3 / 12 / 2023

Conjoncture économique critique: La menace plane

Deux nouvelles ont retenti cette semaine sur les réseaux sociaux, ébranlant l’univers des arts et de la culture : la fermeture définitive de la salle de cinéma Amilcar à El Manar, après 8 ans de bons et loyaux services, et l’annulation de Mûsîqât, manifestation musicale tout aussi importante. Deux disparitions regrettables, révélatrices d’une détresse économique.


L’endroit et le rendez-vous musical possèdent leur public. Une notoriété acquise depuis bien après 2011. Le Cinéma Amilcar est opérationnel depuis 2015, sous l’égide du distributeur de films tunisiens «Hakka Distribution». Composé d’un noyau de jeunes passionnés, cinéphiles, engagés, «Hakka» est parvenu à créer une dynamique nouvelle dans le secteur cinématographique à travers la gestion d’au moins deux autres salles en Tunisie, celle de Menzel Bourguiba, et Cinémadart Carthage.


Les salles prônent un cinéma tantôt commercial, tantôt indépendant, très varié. Cinéclubs, rencontres, masterclass, évènements musicaux, ciné-concerts ont fait partie intégrante de leur programmation. Cette salle était la plus prisée du côté d’El Menzah-Manar-Mutuelle-ville, et même du centre-ville de Tunis. La voir disparaître est une perte pour le cinéma, dans une époque où les salles se font rares.


Le communiqué est posté sur les réseaux par l’équipe «Hakka». L’équipe informe que le 12 mars 2023, la salle fermera ses portes. «Annonce importante, après une magnifique aventure qui a commencé depuis octobre 2015, notre collaboration avec la salle Amilcar se termine. Nous fermerons à partir du dimanche 12 mars et rendons la salle à ses propriétaires (…) Nous appelons les autorités compétentes et particulièrement le ministère de la Culture à se pencher sérieusement sur la situation des salles de cinéma. Ce secteur continue d’exister grâce au courage des exploitants et à leur passion, mais l’Etat doit prendre ses responsabilités pour préserver et faire avancer ce secteur, pilier majeur de la vie culturelle en Tunisie. L’aventure Amilcar s’achève là, mais notre dévouement aux auteurs tunisiens et aux cinéphiles se poursuit au Cinémadart Carthage et au Métropole à Menzel Bourguiba». Lit-on dans cette annonce.


L’équipe tente d’attirer l’attention des autorités et du ministère de la Culture, quant à la dégradation des salles de cinéma et de l’importance de les garder. Les exploitants rendent la salle à son propriétaire, après avoir essayé de surmonter les aléas économiques des deux dernières années, causées par la pandémie. La conjoncture globale du pays reste très critique. Cette volonté collective de maintenir et de sauver le lieu s’est dissipée, face à un ministère de la Culture indifférent, peu réactif. L’entretien des machines et du matériel n’est plus faisable. Les multinationales s’imposent également dans le paysage : elles possèdent une autonomie financière et ont davantage de moyens pour garantir leur fonctionnement. La concurrence est rude et les salles tunisiennes indépendantes voient de nos jours leur pérennité sérieusement menacée. Amilcar a consacré sa dernière semaine à un public désireux de (re)découvrir les plus grands films qui ont fait le succès de l’année 2022. Un marathon qui clôt en beauté un lieu dont on se souviendra longtemps.


Une manifestation musicale à l’arrêt


Mûsîqât, évènement prisé et fédérateur de la scène musicale tunisienne, n’aura pas lieu aussi cette année. La nouvelle a déçu les plus mélomanes, public, musiciens et passionnés. D’après le communiqué de presse, repris par l’agence TAP et d’autres médias locaux, nous pouvons lire :


«Le Festival Mûsîqât, événement phare de la scène musicale traditionnelle et néo-traditionnelle, ainsi que de la musique du monde, ne pourra malheureusement pas être organisé cette année encore."


Créé en 2006, en co-production entre Scoop Organisation et le Cmam, le Festival Mûsîqât a été le premier PPP culturel. Après plusieurs années de programmation de qualité, la direction du Cmam a finalement décidé de ne plus allouer de budget, malgré l’obligation contractuelle de cette institution de prendre en charge le budget artistique.


Malgré les efforts des co-organisateurs, le ministère des Affaires culturelles n’a pas réagi aux différentes sollicitations et problèmes persistants dans le secteur, probablement trop occupé ou préoccupé par la bonne douzaine de festivals qu’il gère et finance directement faisant ainsi de l’ombre aux initiatives privées.


Les années 2022 et 2023 auraient dû être les années de reprise de Mûsîqât, mais il faut maintenant se faire une raison : la politique culturelle en Tunisie a d’autres préoccupations et objectifs. Nous sommes profondément attristés de ne pas pouvoir vous proposer une nouvelle édition de Mûsîqât cette année, mais nous tenons à remercier tous les artistes et les partenaires qui ont contribué à faire de cet événement un beau succès au fil des ans. Nous espérons que la situation évoluera favorablement et que le Festival Mûsîqât pourra renaître, probablement différemment, dans le futur pour le plus grand plaisir des amoureux de la musique traditionnelle et néo-traditionnelle ainsi que de la musique du monde».


Deux disparitions provoquées par une politique culturelle très précaire, fragilisée, au plus haut point, une crise économique suffocante, et sans doute par les conséquences de la pandémie. Sont-ce les prémices d’une agonie inévitable ?

Conjoncture économique critique: La menace plane
«Just More : Fragile Edition» de Nizar 13 : Une passion pour les vinyles
PORTRAITS / PÊLE - MÊLE 3 / 7 / 2023

«Just More : Fragile Edition» de Nizar 13 : Une passion pour les vinyles

Voici venu le moment pour Nizar 13 de lancer sa propre production de disques vinyle titrée «Just More : Fragile Edition». Nizar 13 est artisan et a un penchant pour la musique d’où cet intérêt pour les disques anciens.

L’artiste a tenu à sortir cet album sur des disques vinyles, tout en sachant qu’il n’y a pas d’usine de pressage en Tunisie. Il raconte : «J’ai décidé de prendre les choses en main et de créer mes propres disques faits main. A partir d’un disque original de ’[Just More’’, j’ai pu créer de nombreuses copies à la main en utilisant une technique de moulage. J’ai également fait fabriquer les pochettes en carton et les ai peintes en tissu à l’aide d’acryliques. Le résultat final est le disque vinyle ’’Just More : Fragile Edition’’, qui a été bien accueilli par les collectionneurs et les amateurs de musique, tout récemment».

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«Just More : Fragile Edition» de Nizar 13 : Une passion pour les vinyles
Inka Gressel, curatrice allemande de l’exposition « The Event Of a Thread » : «Le textile nous touche à l’unanimité !»
ENTRETIENS2 / 20 / 2023

Inka Gressel, curatrice allemande de l’exposition « The Event Of a Thread » : «Le textile nous touche à l’unanimité !»

« The Event of a Thread » est une exposition artistique faite en fils et textile. Elle a démarré en grande pompe le 27 janvier 2023 et reste accessible à « Central Tunis » et son espace le 15, jusqu’au 11 mars. Cet évènement co-organisé par « La Central Tunis », « Le Goethe Institut Tunis » et l’IFA nous raconte différentes histoires sociales, des récits singuliers d’artistes et constitue un dialogue entre l’Allemagne et la rive sud, le tout, dans une esthétique artistique qui valorise le patrimoine culturel d’ici et d’ailleurs. Inka Gressel, curatrice allemande de l’exposition, nous en parle davantage à l’occasion de son arrivée en Tunisie.


Que pouvez-vous dire à nos lecteurs à propos de l’exposition «The Event Of a Thread», organisée par le Goethe Institut Tunis et la « Central Tunis » et qui est ouverte au public jusqu’au 11 mars 2023 ? Pouvez-vous revenir sur sa genèse ?


Ces dernières années, un certain nombre d’expositions ont mis en exergue l’importance du textile dans l’art contemporain. Leur impact et leur popularité sont sans équivoque. Dans l’univers des Textiles, le traditionnel et le contemporain, les arts et l’artisanat, les connaissances locales et mondiales artistiques fusionnent. Les récits personnels et l’esthétique se mêlent afin de refléter les conditions sociales et économiques des sociétés dans un monde globalisé. Les textiles nous touchent toutes et tous à l’unanimité.


Lors de l’élaboration de l’exposition, Susanne Weiß et moi-même, Inka Gressel, nous nous sommes posé une série de questions — les questions sont toujours un point de départ important afin de concrétiser nos idées : Quelles informations le textile stocke-t-il ? Quelles histoires les tissus peuvent-ils raconter sur leurs origines, leurs significations, leurs utilisations matérielles ou Immatérielles ? Dans quelles conditions économiques et à travers quelles structures sociales les motifs et les divers langages se sont-ils développés au fil du temps ? Comment se transforment-ils quand ils traversent les cultures ? Comment les artistes peuvent-ils enrichir notre compréhension des textiles ? Quelles techniques s’approprient-ils ?

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Ainsi, l’événement «The Event of a Thread. Global Narratives in Textiles» porte sur les œuvres textiles dans l’art contemporain, et revient sur des significations et des messages véhiculés par les tissus : leurs significations culturelles, ainsi que sur les façons de les lire. Dans les textiles, nous pouvons découvrir des codes, des symboles et différentes esthétiques. Un tissu révèle-il également quels matériaux sont importants ou comment les techniques migrent, se transmettent ou changent ?


L’exposition présente treize artistes contemporains internationaux d’Allemagne en dialogue avec des artistes locaux. Ainsi, les liens entre les différentes œuvres changent en fonction des espaces culturels dans lesquels elles ont vu le jour et ont pu être regardées. L’exposition vise à s’enraciner dans différents contextes, permettant ainsi l’émergence de nouvelles narrations. Il n’existe pratiquement aucune région du monde dans laquelle les textiles n’ont pas été inscrits dans l’histoire culturelle, économique ou industrielle. Ainsi, à travers cette matière vitale, nous pouvons créer des liens puissants.

Le titre de l’exposition — « The Event Of a Thread » ou « L’événement du fil » — est une citation de l’artiste du Bauhaus, spécialiste en tissu Anni Albers, qui l’a cité dans la préface de son célèbre ouvrage intitulé « On Weaving ». Ses réflexions sur les textiles nous ont interpelés par leur modernisme et leur poésie. C’est par le biais de l’événement — qui se veut matériel, spirituel, visuel — que nous pouvons redécouvrir ensemble des parcours, des personnes, des récits et des contextes, à l’échelle individuelle ou collective. L’histoire de l’atelier textile du Bauhaus joue un rôle important dans l’exposition. Nous avons invité l’artiste berlinoise Judith Raum à examiner de près l’atelier dans l’intention de l’intégrer à l’exposition.

Judith a fait des découvertes étonnantes. En six chapitres, l’installation, intitulée « Bauhaus Space », retrace l’histoire de l’atelier, à l’aide de reproductions de tissus et d’enregistrements de personnages importants tels que Gunta Stölzl et Otti Berger, de Weimar et Dessau, une période cruciale en Allemagne, celle située entre les deux guerres mondiales. Judith a créé un espace qui pousse les spectateurs à toucher et à sentir les matériaux, leur permettant ainsi d’apprécier leurs qualités artistiques.

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Avant de vous avoir connue à Tunis en tant que curatrice de l’exposition « The Event of a Thread», vous faites partie de l’IFA, qui est co-organisatrice de l’événement. Pouvez- vous nous présenter brièvement l’IFA ? Quel rôle a-t-il joué dans la réussite de cet événement ?


L’IFA (Institut für Auslandsbeziehungen) a été fondé en 1917 à Stuttgart — dans le sud de l’Allemagne — en tant qu’organisation intermédiaire internationale qui promeut une coexistence entre les peuples et les cultures du monde entier. Nous considérons l’art contemporain comme un vecteur important du dialogue international. L’IFA organise des expositions d’art visuel, d’architecture, de design, de photographie.. etc. Les présentations monographiques et thématiques mettent en valeur des prises de positions d’artistes qui s’expriment différemment, dans une époque actuelle. Avec les expositions itinérantes internationales — comme « The Event of a Thread » — et les programmes d’accompagnement, nous créons des échanges entre les artistes et les institutions de partout et soutenons ainsi l’expansion des réseaux artistiques. Dès 2008, l’ifa s’est consacré à la question de la culture textile mondiale et de sa signification, socialement parlant. Avec le projet d’expositions, l’ifa a initié une plateforme de dialogue sur la mode, l’Afrique et sa diaspora. Comment la signification lue dans les tissus évolue-t-elle au cours des voyages, à travers différents contextes ? Les pièces de Zille Homma Hamid que nous exposons à Central Tunis / Le 15 sont une résultante de ce projet. En tant que co-directrice de la galerie IFA à Berlin et en collaboration avec la galerie IFA de Stuttgart, nous présentons les arts visuels issus d’un monde globalisé et qui puisent leurs sens dans les développements culturels et sociopolitiques actuels (Des axes à thèmes comme les héritages coloniaux dans nos sociétés contemporaines, les questions de migration, les mouvements sociaux ou écologiques sont traités…). Les séries d’expositions donnent un aperçu de ce qui se passe dans les sociétés du monde, dépassant ainsi les frontières.

Avec le programme « Contacts d’artistes « (titre traduit du français à l’allemand), ainsi qu’avec un programme de « Financement d’expositions «, l’ifa soutient la coopération internationale et met en contact les acteurs culturels au niveau international, consolidant ainsi le dialogue interculturel entre l’Allemagne et les pays du sud. Créer, des réseaux artistiques de la sorte, a permis de développer entre autres, cette exposition.

L’exposition a mis en valeur des artistes allemands autour de ce savoir – faire textile, mais également des artistes locaux tunisiens. Quels ont été vos critères de sélection et comment s’est-elle faite?


Les artistes allemands que nous avons invités viennent de cultures différentes. Ils créent à travers la vidéo, la peinture ou autres… De cette manière, nous mettons en exergue la qualité des textiles et la manière dont elle est travaillée, sa beauté et le contexte dans lequel cette matière s’est développée.

En collaboration avec des artistes et des galeristes et spécialistes locaux, l’exposition est enrichie par des œuvres d’art, des performances ou des actions qui donnent vie à de nouveaux récits pertinents, reliant ainsi l’exposition à la ville concernée et à ses textures. Les histoires liées au textile que nous pouvons découvrir dans cette «édition de Tunis» sont le résultat d’une collaboration avec les commissaires locales Emna Ben Yedder et Soumaya Jebnouni de la « Central Tunis ». Grâce à un appel lancé par le Goethe Institut Tunis, nous avons reçu un nombre considérable de candidatures.

Lors d’une visite effectuée en décembre, des commissaires d’Allemagne et de Tunisie, avec le chaperonnage du Goethe Institut Tunis — Andrea Jacob, la directrice et Souhir Buonomo, programmatrice culturel — nous avons demandé à un groupe d’artistes de présenter leur travail et leurs idées, ainsi que leurs visions. Par exemple, Abdesslem Ayed a fait usage de la broderie dans ses œuvres d’art, ce qui nous permet de nous rapprocher d’une pratique ancienne et quotidienne. Nous avons été fascinés par le va-et-vient spatial et temporel que l’on retrouve dans les œuvres d’art, en général. Oumayma Ben Hamza utilise également la broderie et nous a fait prendre conscience de la renaissance ou de la continuité. Dans son travail textile, Asma Ben Aissa crée des paysages impressionnants qui traversent les frontières et se connectent à d’autres que nous retrouvons dans d’autres œuvres, faisant partie de l’exposition. Ces mêmes œuvres puissantes sont pour nous une véritable découverte. Il en va de même avec les nouvelles pièces de Ferielle Doulain Zouari, qui travaille aussi bien avec des matériaux industriels que naturels. Elle construit des liens et créée un dialogue entre ces éléments opposés mais inhérents à l’histoire du textile. Gani Riza, un jeune designer textile basé à Paris, utilise les tapis et la tapisserie pour raconter l’histoire et les origines de sa famille kosovare-albanaise ; il questionne les traditions et souligne le « vivre ensemble » de deux cultures. Safa Attyaoui coud également des fils pour raconter l’histoire de la matière, liée à la famille. Enfin, je tiens à souligner ici l’œuvre révélatrice de Soufia Ben Said qu’elle a présentée lors du vernissage. C’était la meilleure façon de présenter au public ce que peut être un «événement fait en fils». Les tissus font l’architecture de notre corps. Ils nous protègent, nous abritent ; ils sont associés à l’identité, à la transgression, et nous permettent de communiquer.

Comment avez-vous vécu le vernissage de l’exposition à Tunis et en quoi était-il différent des autres pays ?

Il s’agit d’une expérience unique à Tunis qui a permis de valoriser le contenu de l’exposition d’une manière impactante et via une performance. Vous pouvez voir comment l’exposition devient un rempart via lequel il est possible d’établir un réseau local d’artistes avec leur travail autour du tissu, fait d’histoires, de pratiques singulières, d’un savoir-faire qui distinguent cette exposition.


Crédit photos : Hamza Bennour


Inka Gressel, curatrice allemande de l’exposition « The Event Of a Thread » : «Le textile nous touche à l’unanimité !»
Exposition «Pèlerinage» de Sonia Souissi à l’espace Sophonisbe : Puiser en soi
REVIEWS & CRITIQUES2 / 17 / 2023

Exposition «Pèlerinage» de Sonia Souissi à l’espace Sophonisbe : Puiser en soi

Une vie cyclique et son savoir sont revisités dans l‘exposition personnelle de l’artiste-peintre Sonia Souissi, titrée «Pèlerinage», maintenue jusqu’au 19 février 2023 à l’espace Sophonisbe de Carthage.

«Pèlerinage» est un terme à connotation religieuse qui fait écho à la sacralité de la vie, célébrée singulièrement par l’artiste-peintre Sonia Souissi. Ses tableaux reflètent couleurs denses ou claires, truffés de symboles, de visages, de silhouettes, souvent féminines. Des éléments qui jaillissent d’une vision artistique précise et laissent libre cours à diverses interprétations chez les récepteurs. Des bribes de mémoire de l’artiste naissent d’un champ de recherche large. Un champ qui interroge la vie, la place de la femme et parvient à surprendre à travers son étendue. La vision de l’artiste peut être parlante pour les femmes. L’exposition tire sa force d’un imaginaire propre à l’artiste et est subtilement onirique. «Pèlerinage», ce sont les arrêts effectués durant une vie, caractérisée par des contemplations, des méditations, de la recherche et de beaucoup d’observation. Des états d’âme fusionnent avec formes, couleurs et lumières. L’artiste puise dans son environnement, son vécu et affine sa créativité.

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Sonia Souissi est originaire des îles de Kerkennah et décide de troquer son parcours dans l’informatique, contre sa passion pour les arts picturaux. Elle est autodidacte, s’inspire des traditions de sa région, de son pays, de ses souvenirs et leur donne vie autrement à travers ses tableaux. Aussi personnelle que sa passion pour les arts puisse être, son exposition paraît universelle et pioche dans les origines d’une civilisation. La nôtre ? Quelques hiéroglyphes ou lettres ne laissent pas de marbre.

L’exposition «Pèlerinage», c’est éclaircir le passé, un patrimoine, des traditions, une époque d’antan afin de la mettre en valeur, pour mieux exploiter le présent et appréhender l’avenir. C’est aussi évoluer, s’affranchir du traditionnel et embrasser la modernité de notre époque.

Exposition «Pèlerinage» de Sonia Souissi à l’espace Sophonisbe : Puiser en soi
Exposition de Tine Decroix, designer et décoratrice artistique à Tunis : Histoire d’une passion
REVIEWS & CRITIQUES2 / 9 / 2023

Exposition de Tine Decroix, designer et décoratrice artistique à Tunis : Histoire d’une passion

Un duo d’artistes, Tine Decroix et Peter Bulcke, investit à travers leurs créations toute la partie d’un hôtel, à l’occasion de leur vernissage/ exposition. Leurs créations mêlent art numérique, design, meubles et décoration d’intérieur. Tine Decroix est designer et décoratrice, belge– flamande, vivant à Tunis avec son mari. Ils entament en tandem leur aventure.

Le Movenpick Hôtel du lac de Tunis ouvre son espace en grande partie à une succession de rendez-vous artistiques, en 2023. Tine Decroix et Peter Bulcke inaugurent la saison en happant leur public dans un univers distingué tout en investissant artistiquement cet établissement hôtelier. Une grande aile de l’espace attire les visiteurs, grâce aux imposants tableaux de Peter Bulcke, spécialiste en art numérique. Le but du vernissage est de donner un nouveau souffle, une nouvelle harmonie à l’espace, loin de l’artisanerie et autres concept store à vocation commerciale, purement touristique.

Histoire d’une reconversion

Decroix et Bulcke vivent en Tunisie depuis 13 ans, soit peu de temps avant le déclenchement de la révolution de 2011. Tine était styliste modéliste et Peter travaille dans une société belge. C’est à travers ses découvertes du pays, faites au gré des hasards, que l’artiste est tombée amoureuse de ce pays. Architecture, artisanat tunisien, textile ont nourri cette passion pour le design et l’ont influencée. Son amour pour la conception des meubles et pour la décoration d’intérieur n’ont cessé de grandir, au point où, quelques années plus tard, elle finit par s’y consacrer. Une passion prenante pour le dessin des meubles, pour la décoration d’intérieur ont fini par prendre forme sur ses croquis d’abord, et en vrai ensuite. Concevoir des meubles en Tunisie était devenu un objectif. Son mari, Peter Bulcke, l’a soutenue, en piochant davantage dans sa passion pour les arts numériques. Le couple s’est fixé comme objectif de créer en Tunisie, de faire travailler les Tunisiens, de vendre sur place et d’exporter vers la Belgique ou ailleurs, offrant ainsi des opportunités d’embauche à des Tunisiens et Tunisiennes.

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Leur site «Tinedecroix.com» a vu le jour. L’artiste déclare dans les pages promotionnelles du magazine de l’hôtel que son objectif, c’est surtout de travailler avec des Tunisiens d’ici. Une façon efficace de les embaucher et de les aider à percer dans ces temps durs. « En offrant cette possibilité de travailler à des jeunes sans emploi, d’exercer leur savoir, on pourra les sauver, leur redonner de l’espoir, en leur procurant un travail décent, et surtout cette envie d’aimer la Tunisie et d’être utile ici», déclare-elle.


L’exposition de Tine Decroix puise sa force dans une ambiance créée à travers les créations de Peter Bulcke. Des tableaux numérisés qui font l’univers Decroix. Peter est passionné de photographies digitales et spécialiste en «sublimage». Il est graphique-designer, artiste-numérique et sait manier différents logiciels pointus. Ses tableaux sont des photos qu’il modifie, à sa manière, en imprimant, en couleur, les filtres et les formes. Bulcke crée derrière son écran et fusionne avec les créations Decroix. La prochaine exposition attendue dans ce même espace est dédiée à «L’amour dans tous ses états», une exposition collective, organisée par la commissaire d’exposition Michela Margherita Sarti, et maintenue à l’occasion de la Saint Valentin.

Exposition de Tine Decroix, designer et décoratrice artistique à Tunis : Histoire d’une passion
L’Indigo club à l’Enau: Un élan dynamique
REPORTAGES2 / 5 / 2023

L’Indigo club à l’Enau: Un élan dynamique

«Le Pavillon Bleu», espace d’échange et de partage, conçu au sein de l’Ecole nationale de l’architecture et de l’urbanisme (Enau) de Tunis, ne cesse d’abriter des expositions photos, des œuvres, et permet aux étudiants de l’école, en particulier, de découvrir des travaux élaborés autour de l’architecture ou des arts visuels. Focus!


A la tête du club Indigo ? Un comité directeur, formé par la présidente Aya Sellami, et Amine Maatouk, vice-président, tous les deux étudiants en 3e année architecture, entourés d’une quarantaine de membres. Ensemble, et en équipe, tout un noyau estudiantin, appartenant à une seule génération, se fraye actuellement son chemin, en garantissant une pérennité durable pour le club, malgré les difficultés.

S’unir autour d’une idée

L’Indigo Club a émergé afin d’affiner cette soif de création et d’activités chez les jeunes étudiants. L’Enau est d’ores et déjà réputée pour sa vie estudiantine foisonnante découverte au fil des générations. Les idées innovantes qui visent à améliorer l’état des lieux de l’Ecole n’ont cessé de fleurir, dont celle de créer «Le Pavillon bleu», lieux d’expositions, de réflexions, de partages, aux murs bleus-Indigo, qui accueille différents événements depuis quelques mois. Mais quand on remonte le temps, rien qu’un peu, ce club du même nom a émané d’une curiosité entre étudiants commune et très persistante.


Le noyau, qui, au départ, était composé de 6 personnes, a été soutenu par leurs deux professeurs et architectes «Narjess Abdelghani» et «Alia Belhaj Hamouda». Officiellement depuis une année et demie, la dynamique estudiantine a donc pris forme, émanant d’une volonté propre à ses étudiants ambitieux et au corps enseignant. L’Indigo Club s’est distingué grâce à ses activités culturelles et artistiques dans un écosystème de clubs déjà très présents dans l’enceinte de l’Enau, et qui travaillent sur d’autres disciplines et centres d’intérêt, comme le cinéma et l’entrepreneuriat.

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Les évènements sillonnent l’Enau


«Initialement, le projet du “Pavillon Bleu” a vu le jour suite à la proposition de notre enseignante “Narjess Abdelghani”. On tenait à avoir cet espace puisque déjà on organisait des expositions mais éphémères. On s’est dit autant créer un espace permanent d’échanges, un lieu d’exposition, et sa plateforme. Ainsi, nous arriverons à valoriser les travaux des étudiants et à rendre l’architecture accessible au monde extérieur». Explique Aya Sellami, la présidente. «Le club prône des valeurs comme Valorisation (de travaux des étudiants), Interaction (entre étudiants, professionnels, spécialistes et professeurs) et Epanouissement culturel. Une culture connectée étroitement à l’architecture», souligne Amine Maatouk, le vice-président.


Il est aussi à rappeler que le comité du «Pavillon Bleu» est composé de professeurs, et de toute une équipe jeune dont Yacine Ayeb, étudiant en architecture et qui a participé à l’emergence du projet. L’Indigo a mis en place 4 catégories qui sont : «Un architecte, une œuvre» et qui se déroule sous la forme d’une conférence et d’une exposition de travail de l’architecte invité, étranger ou tunisien. La 2e est baptisée «Un livre, pour un architecte» (Philosophe ou chercheur). La 3e est consacrée aux conférences et quant à La 4e, elle s’ouvre sur les expositions. Des catégories qui visent à nourrir cette pensée autour de l’architecture. «Nous agissons comme une vitrine qui fait défiler la richesse de l’école, qui l’expose, qui la valorise», commente le vice-président. L’accès aux activités reste ouvert à tout le monde et le club communique à travers des dépliants, affiches et les réseaux sociaux. Dernière venue en date ? Une conceptrice-lumière japonaise nommée Akari Lisa Ishii, qui a donné une conférence importante au sein de l’école et a exposé ses photos. L’événement a été soutenu par l’Enau et l’ambassade du Japon. Le club l’a accueillie.

L’Indigo Club poursuit son travail grâce au soutien de l’Ecole, même si, au départ, s’imposer et lancer les activités n’a pas été facile. Le travail accompli par ce groupe d’étudiants est, certes, prenant, mais il reste passionnant et va de pair avec leur cursus universitaire.

Parmi les accomplissements de l’Indigo : l’évènement «Rihla», qui était plus orienté vers des débats et des conférences. La conférence-exposition de Feriel Lajri, architecte spécialiste tunisienne qui s’est adonnée à un partage fructueux de savoir. L’enseignante universitaire Alia Belhaj Hamouda chaperonne la scénographie. «Nos enseignants nous soutiennent et nous poussent à développer nos conceptions et nos idées de bout en bout». Déclarent Aya Sellami et Amine Maatouk.

Un cycle sur le «Logement» est attendu pour le mois de février 2023 et qui sera marqué par la participation d’une architecte française en visio-conférence et d’autres conférenciers en présentiel. Le cycle a été précédé par l’arrivée d’un autre architecte le 1er février. Plus de détails seront affichés en ligne sur Facebook et Instagram.


Crédit Photos : Alia Bel Haj Hamouda et Feriel Mesbeh

L’Indigo club à l’Enau: Un élan dynamique
Yacine Boularès, saxophoniste et musicien de Jazz : «Il y a de l’inattendu dans “Osool“» !
ENTRETIENS1 / 31 / 2023

Yacine Boularès, saxophoniste et musicien de Jazz : «Il y a de l’inattendu dans “Osool“» !

Yacine Boularès, saxophoniste et musicien de jazz, s’est emparé de la scène des JMC, lors de sa 8e édition. Programmé en guise de clôture avec d’autres groupes, l’artiste-musicien s’est entouré d’artistes, comme le rappeur Mehdi WMD, Hedi Fahem, Nesrine Jabeur, Omar el Ouaer, Youssef Soltana et Nasreddine Chabli. Ensemble, ils forment «Osool», groupe musical distingué, qui se fraye un chemin, à l’international et qui chante l’identité en ayant un répertoire varié.


Vous participez aux JMC de 2023 en tant qu’intervenant dans des masterclass, mais aussi en tant qu’artiste-musicien programmé sur scène avec votre groupe «Osool». Pouvez-vous nous en dire plus ?


Le groupe s’appelle «Osool». C’est un groupe que j’ai monté il y a 2 ans, pendant la pandémie. À l’époque, il s’appelait «Night In Tunisia». Il a évolué au fur et à mesure. J’ai eu l’opportunité de créer le festival Habibi à New York, premier festival dédié à la musique actuelle du monde arabe. Je l’ai cofondé avec le Joe’s Pub – Public Theatre. Il remplit une fonction importante puisqu’il y a un vide culturel immense spécialement en ce qui concerne la musique actuelle du monde arabe et particulièrement celle du Maghreb aux USA. La première édition s’est faite en 2021, la 2e en 2022. En tant que cofondateur et artiste en résidence, j’ai eu l’opportunité de faire venir des groupes, de les choisir. Je tenais à ce que le groupe «Osool» fasse une tournée aux États-Unis. On a répété à distance, fait un concert à Tunis au théâtre de l’Opéra en 2021, un autre concert à Abidjan (Côte d’Ivoire), puis, c’était autour de la tournée américaine qui a débuté en octobre 2022. Deux soirs à New York à guichets fermés, dans le New Jersey, et on a fini à Duke University en Caroline du Nord. On a aussi enchaîné le travail dans un studio d’enregistrement. Dans le cadre des JMC, j’ai fait trois jours de Masterclass avec Hedi Fahem sur l’improvisation. Le public était diversifié et très présent.


Quel répertoire joue «Osool» ?


Il est plus orienté Jazz. Avec l’équipe, on a réalisé que ce qu’on voulait faire était différent, qu’il fallait mettre le rappeur Mehdi WMD en avant, qu’on voulait aussi écrire le répertoire autour de l’instrument de Hedi Fahem. J’ai donc écrit le répertoire en puisant dans le Hip-Hop, le chant de Nesrine Jabeur et dans le Ouatar. Le jazz reste présent : je suis saxophoniste, musicien de Jazz initialement, mais le jazz est davantage utilisé comme moyen de composition. La musique d’ «Osool» fusionne des sonorités tunisiennes : châabi, stambali. Du tunisien mélangé au Hip-Hop, au Outari donne au final un résultat hybride. Ce n’est pas un mélange forcé : il reflète nos identités. Notre identité commune en tant que Tunisiens ainsi que nos influences. Quand Hedi Fahem m’a parlé de Mahdi WMD, le rappeur, et quand j’ai écouté ses textes, découvert son écriture en arabe littéraire, senti son sens rythmique poussé, j’ai été attiré d’autant plus que ce n’est pas donné à tous de chanter en live. «Osool» surprend, il y a de l’inattendu, et voir notre rappeur s’adapter à cela, c’est excellent.

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Que pouvez-vous nous dire davantage sur le Habibi Festival que vous avez co-créé aux USA ?


L’organisation s’appelle Joe’s Pub – public theatre. Ils ont un programme de résidence d’artistes destiné à 5 artistes, chaque année. C’est comme un incubateur qui les aide à monter des projets et à les soutenir. Quand j’étais en résidence dans ce cadre, je regardais énormément de concerts, je vivais là-bas et j’ai réalisé qu’aux USA, il y avait pas mal d’artistes de la diaspora arabe qui n’étaient pas assez représentés par rapport à d’autres identités ou ethnies, ou communautés, venues du monde entier. Aux USA, il y a même une image assez muséale de ce que c’est que la musique au monde arabe, qui se rapporte à l’âge d’or de l’Islam, la musique d’antan… Une image très policée qui ne reflète pas du tout l’alternatif qui bouillonne de nos jours et qui est immensément riche. C’est même sous-représenté aux États-Unis et j’ai fini par en parler au directeur du Joe’s Pub, qui était partant pour l’idée. On a lancé une première édition locale du festival en 2021 dans laquelle on a présenté une panoplie d’artistes pendant 4 soirs. La 2e année, on pouvait faire venir des artistes d’ailleurs, et leur garantir le visa. Un rêve qui se réalise pour moi ! Faire traverser les frontières aux artistes sous Trump pour participer au Habibi Festival, c’est un sacré accomplissement. En 2023, ça continue ! Le public suit et part à la découverte aux États-Unis, ce qui n’est pas le cas en France par exemple où le paysage est garni et reste très différent. C’est une opportunité formidable à saisir pour les artistes étrangers désireux de se produire sur scène aux USA. Je suis franco-tunisien, j’ai grandi en France. J’ai une relation musicale avec la Tunisie, mais je suis aussi beur. Dans ma tête, en tout cas, il y a toujours cette différence que j’essaie de combler, et une volonté de comprendre la Tunisie et le monde arabe. Le festival Habibi est pour moi une manière de reconstituer une identité fragmentée.


Quels sont vos prochains projets ?


Je travaille sur un autre disque avec un autre groupe. AJOYO est un groupe avec lequel j’ai déjà joué en Tunisie. J’ai enregistré un disque en quartet de Jazz au mois de novembre. J’ai une série de dates en avril à New York avec Archie Shepp … Et je viens d’avoir un bébé ! (rire). J’espère revenir en Tunisie plus souvent avec ce projet.

Yacine Boularès, saxophoniste et musicien de Jazz : «Il y a de l’inattendu dans “Osool“» !
« Harka » de Lotfy Nathan : Vers l'abîme
REVIEWS & CRITIQUES1 / 21 / 2023

« Harka » de Lotfy Nathan : Vers l'abîme

«Harka» est le premier long métrage de Lotfy Nathan, réalisateur et cinéaste américain d’origine égyptienne. Il fait écho à la détresse d’une jeunesse tunisienne aux prises avec les désillusions, avec une misère ambiante, un chômage grandissant. Il s’ajoute à une série exhaustive de films tunisiens traitant des maux persistants post-révolution… Douze ans plus tard.


«Harka», d’une durée de 87’, sort dans les salles tunisiennes, la veille d’un 14 janvier 2011, « anniversaire de la révolution » date désormais symbolique dans l’histoire de la Tunisie. Elle célèbre, depuis, le début d’une nouvelle décennie qui a été fort houleuse et qui continue à l’être. « Harka » ou « Brûlure » (en dialecte tunisien littéralement traduit) peut se référer à la migration clandestine des jeunes Tunisiens, de plus en plus fréquente. Elle résonne aussi comme une métaphore qui crie une souffrance permanente, qui lance l’alerte, qui exprime une douleur commune.


Le film est un drame dur : il suit l’existence précaire d’un jeune Tunisien nommé Ali, originaire de Sidi Bouzid, qui, pour subvenir à ses besoins et aux besoins de ses deux sœurs, finit par s’adonner à des activités illégales sur les frontières tuniso-libyennes pour avoir de quoi manger et payer les dettes de son défunt père. Le jeune homme voit partir son frère aîné, subit les aléas d’une banque, sans scrupule, qui prive ces jeunes de leur habitat modeste. Ali se heurte, violemment, à l’hostilité d’un système administratif profondément bureaucratique, injuste, au chômage, à la violence policière… A un pays en déliquescence. Autant de péripéties annonciatrices d’une fin tragique, prévisible, qu’on voit arriver.

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La tragédie, brillamment menée de bout en bout par l’acteur franco-tunisien, Adam Bessa (Prix de la meilleure interprétation masculine au festival de Cannes de 2022 à la section « Un certain ,Regard »), fait l’effet d’un tourbillon, d’une tourmente, de plus en plus asphyxiante, mais prévisible, truffée de plans désertiques, arides, d’un soleil de plomb pesant, d’un décor rustique et précaire, qui met en lumière une face de la Tunisie, sans doute la moins reluisante. Une voix off féminine (inutile ?) commente quelques scènes du film en mettant l’accent sur cette misère gangrénée.


Ali, antihéros par excellence, fait écho à des milliers de jeunes Tunisiens marginalisés et défavorisés qui rêvent d’un départ vers l’Europe, quitte à traverser dangereusement la Méditerranée pour fuir une vie précaire. Le héros y pense d’ailleurs vaguement, mais priorise la survie de ses sœurs avant la sienne et son éventuel départ. Le film, dans une durée standard, parvient à interpeller et rappelle surtout à quel point la situation sociale n’a nullement changé en 12 ans… Une existence sociale, qui, au contraire, se détériore. « Harka » est un film maitrisé qui interpelle mais ne nous apprend rien. « Harka » évoque la migration clandestine certes, mais se focalise davantage sur le sort de ceux et celles qui ont décidé de rester au pays et… d’y (sur)vivre par tous les moyens.

« Harka » de Lotfy Nathan : Vers l'abîme
«L’homme abstrait : l’aventure picturale de Hédi Turki» de Rami Jarboui : À la mémoire d’un pionnier
REVIEWS & CRITIQUES1 / 19 / 2023

«L’homme abstrait : l’aventure picturale de Hédi Turki» de Rami Jarboui : À la mémoire d’un pionnier

Il sera bientôt présenté en salle et reste attendu pour les férus des arts. «L’Homme abstrait : l’aventure picturale de Hédi Turki» de Rami Jarboui, film documentaire qui rend hommage au parcours du peintre tunisien feu Hédi Turki, est un portrait accrocheur d’une heure. En le visionnant, le spectateur pourra connaître au plus près un pionnier de la peinture, et replonger dans une époque historique richissime et peu connue de la Tunisie.


«L’homme abstrait» est un documentaire prenant qui revient sur l’existence même du peintre tunisien Hédi Turki (1922–2019), depuis sa naissance, son enfance, jusqu’à son ascension artistique fulgurante au fil des décennies. Le peintre a toujours allié peinture abstraite et figurative, à une époque « postindépendance », durant laquelle l’art oriental et colon battait son plein. Il perçait en exploitant des terrains inconnus, de nouvelles techniques, un savoir-faire qui perdurera encore jusqu’à nos jours.


Le film cède la parole aux membres de la famille du peintre, qui veillent à conserver ce patrimoine culturel, et à le faire connaître mais également à d’autres artistes de son temps et à des amis, qui l’ont côtoyé. Des témoignages qui lèvent le voile avec beaucoup de lucidité et de recul sur cette période qui a été en grande partie prolifique artistiquement grâce à Hédi Turki. Le documentaire possède une touche visuelle nouvelle, à travers l’animation conçue par Rami Jarboui, son réalisateur.

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L’œuvre de «Baba Hédi» puise sa force de son quotidien, des gens qu’il connut, de lieux, et des peintres célèbres dans le monde (citons les Américains Jackson Pollock et Mark Tobey) et qu’il prit comme référence. De nombreuses influences citées ont abouti à un cheminement fructueux et singulier de l’artiste. Son univers fusionne modernité, authenticité, il s’ancre dans son époque, mais continue à résonner dans la nôtre.


Une galerie «L’Espace art et culture Hédi Turki», créée par sa famille, conserve une quarantaine de ses œuvres. En 2022, l’artiste aurait eu 100 ans. Le film a une portée didactique et est destiné en grande partie aux étudiants en arts. Hayder Turki, petit-fils de l’artiste, a coproduit le film qui s’apprête à faire la tournée de quelques festivals dans le monde. Une 2e projection de «L’homme abstrait» est prévue pour bientôt. La première s’était déroulée à la Cité de la culture.

«L’homme abstrait : l’aventure picturale de Hédi Turki» de Rami Jarboui : À la mémoire d’un pionnier
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