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Isabelle Coulon, documentariste-Photographe : «L’exposition photographique offre un regard complémentaire aux films»
ENTRETIENS11 / 14 / 2022

Isabelle Coulon, documentariste-Photographe : «L’exposition photographique offre un regard complémentaire aux films»

«Sur la route» a interpellé l’attention des cinéphiles. L’exposition photographique installée à la Cité de la culture est une continuité des projections de la trilogie ethnographique de Jean-Michel Corillion et Isabelle Coulon, programmée lors des JCC. Ce travail photographique itinérant a vu le jour grâce au soutien de Dalila Choukri, consultante artistique du festival. Il sensibilise à des problématiques socioclimatiques majeures.

L’exposition «Sur la route» à la Cité de la culture a accompagné les visiteurs. Comme un complément aux projections de votre trilogie ethnographique, coréalisée avec Jean-Michel Corillion et présentée lors de la 33e édition des Journées cinématographiques de Carthage, elle a permis à des spectateurs de poursuivre cette itinérance, à travers une série de photographies prises pendant le tournage. Quelle est sa genèse?


L’idée d’organiser cette exposition a, en effet, surgi en même temps que la projection des trois films «Sur la route», tournés au Malawi, en Chine et en Inde. Les photos sont un moyen de raconter autre chose : une vision, moins documentaire et plus poétique de ce qu’on peut voir dans les films. L’expo nourrit l’imaginaire de personnes qui regardent les photos et qui se créent leurs propres histoires. C’est un cheminement différent mais complémentaire aux films. On a fait une sélection de 5 photos par pays, classées selon des thématiques : celles des femmes, de la nature, de la spiritualité et celle liée à une atmosphère, ou à des ambiances.


«Sur la route» offre aux spectateurs de la trilogie, projetée pendant les JCC, une autre vision de vos trois films. Comment les visiteurs l’ont-t-ils vu ?


L’exposition découle non pas des films, mais de leurs tournages. C’est un regard complémentaire à des histoires racontées sur grand écran. Le vernissage s’est déroulé à la Cité de la culture. Je suis très heureuse de cette collaboration franco-tunisienne puisque l’imprimeur est tunisien et s’appelle Saber Bahri, un professionnel qui a mené à bout l’impression des photos. C’était un travail collaboratif. De Paris, il n’y a eu que les envois de photos en fichiers. Le développement et le processus se sont entièrement déroulés en Tunisie. Tout s’est bien passé. Je suis satisfaite. Il y a des formats horizontaux de photos qui montrent la nature. Et d’autres verticaux, d’1m50 sur 1 mètre, offrant ainsi une proximité entre nous, spectateurs, avec les personnes visibles sur les photos. Ces mêmes photos qui permettent à ces dernières d’être avec nous. Y en a un, par exemple, qui est décédé, et qui continue de vivre à travers l’image. Pendant la fin de l’expo, on peut voir un moine qui regarde la vallée : on l’a suivi et on a clôturé le travail avec lui. La photographie est un instant figé, comme un arrêt sur image : j’essaie d’instiller des mouvements dans la photo en ayant l’impression que les personnages photographiés sont souvent en activité, en mouvement. Les déplacements sont ressentis à travers nos photos. Une autre thématique cruciale, visible, c’est bien ce rapport qu’entretient l’Homme avec la nature et les animaux. Ce rapport-là est traité différemment d’une culture à une autre.


Pouvez-vous nous en dire plus sur cette trilogie ethnographique, visionnée sur grand écran pendant les JCC ?


Ces trois films longs documentaires sont : «Sur la route de Phirilongwe» au Malawi, «Sur la route de Zanskar» en Inde, et le 3e «Sur la route de Xiao Jang», et sont coréalisés avec Jean-Michel Corillion. Nous avons été extrêmement touchés par la réaction du public. Il y a eu des pleurs, des applaudissements… C’était émouvant, touchant. C’est uniquement dans des festivals qu’on a des retours intéressants.

Isabelle Coulon, documentariste-Photographe : «L’exposition photographique offre un regard complémentaire aux films»
Sahar el Echi, artiste photographe et programmatrice : «L’entretien d’une dynamique de réflexion est crucial »
ENTRETIENS11 / 13 / 2022

Sahar el Echi, artiste photographe et programmatrice : «L’entretien d’une dynamique de réflexion est crucial »

Lors de la 33e édition des Journées cinématographiques de Carthage, une nouvelle section «Semaine de la Critique» a brillé par la sélection de ses films signés par des réalisateurs en pleine ascension. Le débat a foisonné autour d’un nouveau cinéma éclectique et souvent méconnu du large public. Sahar El Echi, responsable et programmatrice de cette Semaine de la Critique, nous en dit plus.


Vous avez géré une nouvelle section lors de la 33e édition des Journées cinématographiques de Carthage, celle de la «Semaine de la Critique». Elle rappelle celle du festival de Cannes… Celles de festivals comme Venise, Berlin…


L’appellation fait écho à cette section internationale qui a toujours existé dans les plus grands festivals du monde. Cette année, dans le cadre des JCC, on s’est intéressé à ces films qu’on ne voit pas beaucoup dans la compétition officielle : ceux qui nous viennent de l’Amérique latine, de l’Europe de l’Est, quelques films européens aussi… Mais ce qui distingue cette section, c’est qu’elle soit davantage focalisée sur les 1ère et 2es œuvres longs métrages de fiction des auteurs. Cette section offre un espace à ces artistes émergents qui viennent d’intégrer l’industrie cinématographique. Elle existe désormais pour les soutenir.


Comment s’est faite cette sélection de films ?


Il y a eu un appel à films lancé depuis mai 2022. Plusieurs films ont été reçus via la plateforme. Tout un comité de sélection m’a accompagnée. La semaine de la Critique est une section indépendante avec un comité de sélection indépendant formé par des critiques de cinéma qui sont aussi à la Fipresci. On a vu tous les films soumis et on les a retenus via un système de sélection, sur des étapes et en se basant sur des critères. Les films sont de nationalités diverses : Ils nous viennent du Mexique, de Roumanie, du Chili, de Belgique / Sénégal, du Maroc, d’Italie et de France. Il ne s’agit pas d’une copie des sections qu’on voit dans les autres festivals. Il faut retenir qu’il s’agit d’une section qui rassemble tous les cinémas du monde, ceux des réalisateurs émergents du monde entier. C’est important pour notre festival qui est arabe et africain de leur donner un espace aussi utile. Rappelons que Tahar Cheriaa a toujours milité pour le cinéma du sud. C’est essentiel qu’ils soient aussi dans une compétition, avec un prix décerné à la fin. C’est impératif de confronter les cinémas du sud et du nord et de mettre en valeur des films avec leurs atmosphères particulières et leurs univers qu’on ne voit pas ailleurs. S’ouvrir sur un cinéma aussi distingué, c’est tout aussi important pour le public tunisien.


Peut-on revenir sur le jury de cette sélection ?


Le jury international se compose de critiques : Serge Toubiana est le président d’UNI France, ancien rédacteur en chef de «Cahiers de Cinéma», ancien directeur de la Cinémathèque. Il a un rapport très personnel à la Tunisie puisqu’il a grandi ici. Les JCC marquent son retour. Kamel Ramzi est écrivain et critique égyptien. Thiorno Ibrahima Dia du Sénégal est chercheur en arts, critique et journaliste. Chiara Spagnoli Gabardi, d’Italie, est critique de cinéma et journaliste. La section doit susciter l’intérêt des critiques tunisiens et journalistes, et celui des Tunisiens qui sont cinéphiles. Après chaque projection, un débat s’organise autour des films projetés. Cette dynamique reste primordiale. La présence du public était remarquable. Cette soif de découverte était omniprésente. Le maintien de cette section est une réussite avec des retombées qui l’attestent. Nous avons aussi invité Charles Tesson qui est critique de cinéma pour une journée autour de la critique cinématographique, organisée en partenariat avec l’IFT. C’était une master-class fructueuse.


Le public présent était conquis. Cette ouverture sur le monde, sur une autre esthétique, et l’entretien de cette dynamique de réflexion sont cruciaux. La section prône des causes humaines, universelles, politiques qui provoquent le débat. Ces films reflètent leurs cultures, mais s’adressent, en même temps, à tout le monde.

Sahar el Echi, artiste photographe et programmatrice : «L’entretien d’une dynamique de réflexion est crucial »
« Nos cérémonies » de Simon Rieth : Une fraternité singulière
REVIEWS & CRITIQUES11 / 6 / 2022

« Nos cérémonies » de Simon Rieth : Une fraternité singulière

«Nos cérémonies», premier long métrage de fiction de Simon Rieth, crève l’écran par son esthétique distinguée et sa thématique exploitée autour des liens du sang. Cette histoire douce et déroutante, vécue entre deux frères, interpelle par sa touche à la fois poétique, et violente.


Tantôt amis / ennemis, tantôt complices, deux frères se chamaillent depuis leurs plus tendres enfances. Ils s’aiment et se confrontent souvent, mais parviennent à entretenir cet amour fraternel, en apparence, indestructible et résistant au-delà des épreuves de la vie. Tony et Noé, interprétés avec justesse par Raymond et Simon Baur, sont inséparables : un jour, en jouant à Royan, région connue pour ses décors naturels, un drame survient et impactera à jamais le restant de leur vie : l’un d’eux chute brusquement du haut d’une falaise. Miraculeusement, il survit, mais s’ensuivra après des changements qui bouleverseront profondément leur relation fraternelle pourtant soudée, jusqu’à l’après-adolescence. Une fois adultes et durant l’après-drame, le spectateur réapprendra à les connaître au gré des premiers émois, des amitiés / inimitiés et des amours de jeunesse…


La particularité du film, c’est son récit : sa narration douce-amère, sur fond d’esthétique nouvelle élaborée avec une touche de fantastique, happe de bout en bout et parvient à retenir le spectateur. Ce récit, qui est totalement dénué de présence parentale, ne tardera pas à nous faire vivre un tournant majeur quand les deux frères tomberont amoureux de Cassandre, la fille des voisins.

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«Nos cérémonies » oscille entre violence et douceur, sublimé dans un cadre spatial saisissant. Il redéfinit les liens fraternels et les dessine autrement : des liens truffés d’amour, mais aussi de rivalités et de confrontation. La touche fantastique glissée dans le film traduit une forte relation de dépendance entre les deux personnages, campés par des acteurs, frères aussi dans la vraie vie. Une histoire saisissante, qui fusionne à la perfection, tendresse et violence, souvent symbolique, et même onirique.


« Nos cérémonies » de Simon Rieth est une découverte inédite pour le public des Journées Cinématographiques de Carthage lors de sa 33e édition. Il a été sujet d’un atelier d’écriture lors d’une journée consacrée à la Semaine de la Critique, maintenue par l’Institut Français de Tunisie et les JCC. Le film sortira en France en mars 2023. Une partie du public tunisien a pu le découvrir bien avant sa sortie officielle.

« Nos cérémonies » de Simon Rieth : Une fraternité singulière
 Parution de l’ouvrage collectif « Le geste en héritage, la Main Tunisienne » : L’artisanat tunisien au fil du temps
REVIEWS & CRITIQUES11 / 3 / 2022

Parution de l’ouvrage collectif « Le geste en héritage, la Main Tunisienne » : L’artisanat tunisien au fil du temps

Désormais en vente dans les librairies tunisiennes et étrangères, « Le geste en héritage, la Main tunisienne » est un ouvrage collectif utile et riche par son contenu : il valorise l’objet artisanal tunisien d’excellence en mettant en lumière son histoire régionale et son savoir-faire distingué mondialement. La publication puise dans l’essence-même du patrimoine tunisien et éclaire son devenir.


Grâce au soutien de l’Office national de l’artisanat et de la fondation Rambourg, le livre voit finalement le jour. Une conférence de presse s’est tenue à la Galerie Antinéa d’Alya Hamza, située à l’avenue Kheireddine Bacha. Ce berceau discret des arts abrite de nombreuses expositions, de présentations de livres et sert de lieu de rencontres foisonnantes entre artistes et férus des arts.


Ce livre est l’aboutissement d’un programme mis en œuvre autour du renforcement du secteur de l’artisanat tunisien. Un projet fructueux qui a rassemblé de nombreux axes et composantes : une définition de l’objet artisanal d’excellence, un état des lieux de l’artisanat tunisien et des ateliers de création et de recherche sont à l’origine de la genèse de ce livre. Il synthétise tout un travail minutieux effectué sur plus d’une année. Cette initiative s’est faite connaître auprès de nombreux contributeurs, et a pu donner un regard autre sur l’artisanat, en valorisant ses trésors, entre autres, par le biais de la photographie. Le tout concrétisé grâce à un comité éditorial. L’ouvrage met en avant les ressources culturelles et tunisiennes et le potentiel inépuisable des artisans et créateurs tunisiens. Une plateforme numérique qui servira de support au contenu de cet ouvrage verra le jour prochainement.

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Molka Haj Salem, directrice éditoriale du livre, a présenté les trois grandes parties qui composent l’ouvrage : un prélude, un 2ème chapitre qui évoque l’Atlas et la cartographie de l’artisanat tunisien, et un 3ème autour du «Voyage dans les métiers » : une lecture historique et sémiologique. Le livre revient également sur les ateliers, menés par les artisans et créateurs. Sa composition est ponctuée par des hommages rendus à des pionniers de l’artisanat choisis par Alya Hamza et qui sont Aly Bellagha, Samia Ben Khalifa, la famile Halioui, Hmida Wahada et Leila Menchari.


Le processus de publication était long mais a été renforcé grâce aux soutiens de collectionneurs privés et de l’État : l’ouvrage réunit plus de 200 objets et des pièces inédites entre collections nationales de l’Office National de l’artisanat et des collections privées. Un comité curatorial composé de Azza Ayachi, Shiran Ben Abderrazak, Molka Haj Salem, Alain Lardet et Mamia Taktak a veillé au bon déroulement du travail écrit par Alya Hamza et Noureddine Saidi. Le livre n’aurait pas pu voir le jour sans la contribution d’auteurs, de participants à l’atelier Fronat, de l’agence Dzeta, de collectionneurs privés, de l’ONA et des équipes de la Fondation Rambourg.

Parution de l’ouvrage collectif « Le geste en héritage, la Main Tunisienne » : L’artisanat tunisien au fil du temps
Andrew Graham, chorégraphe : «La culture devrait être accessible à tout le monde sans exception»
ENTRETIENS11 / 2 / 2022

Andrew Graham, chorégraphe : «La culture devrait être accessible à tout le monde sans exception»

C’est dans le cadre d’ateliers pour enfants et adolescents organisés par l’association «l’Art Rue» qu’Andrew Graham, chorégraphe, a interrogé «l’impraticabilité de la ville». L’artiste avec son groupe de participants a présenté une étape de sa création «Lignes» dans «Dream City». Des enfants en fauteuils roulants, aidés par leurs mères sont au centre de cette création dansante. «Lignes» ou «Lines» raconte cette solidarité entre personnes désireuses de contourner les difficultés afin d’accéder plus facilement à la culture. Cette danse était une communion vécue entre toutes ces personnes mixtes. L’artiste nous en dit plus sur ce processus de création enclenché.


A Tunis, vous avez montré un aperçu bouleversant de «Lines». Une étape, annonciatrice d’une création qui se fera prochainement sur la durée…

Je suis arrivé en septembre 2021, invité par l’association «L’Art Rue» afin d’animer des ateliers sur deux semaines pour différents groupes d’enfants. On s’est ouvert à plusieurs personnes, dans différents quartiers, en nous adressant à différentes classes sociales et à des personnes souffrant de situations de handicap, à Tunis comme aux environs. Les enfants et les adolescents de la Médina font déjà partie du public avec qui «L’Art Rue» travaille. On a fait ces deux semaines de rencontres au théâtre el Hamra. La plupart des participants ont fait et feront partie du projet «Lines». Le public cible, en premier, c’était les enfants. On a surtout pensé à qui n’a pas accès à la culture et à aller chercher ces gens. De bouche à oreille, ils et elles se sont toutes et tous appelés et l’équipe s’est élargie. Il y a eu beaucoup d’enthousiasme autour de ce travail.


Qu’est-ce qui vous a le plus interpelé pendant ce processus ?

Il y a eu deux choses qui m’ont marqué dans le rapport parents / enfants : ces mamans qui traversent la ville avec leurs enfants en situation de handicap (ou pas) pour les emmener dans cet atelier. Elles insistaient et elles étaient déterminées à traverser toute cette ville impraticable au quotidien. Comme Mme Basma, professeur de langues, malvoyante, qui a eu un accident en venant à l’atelier. Elle tenait à assister à notre atelier, comme tout participant. Et il y a eu ces mamans aussi qui se mobilisaient entre elles pour porter leurs enfants sur scène : j’ai rarement vécu des moments aussi bouleversants. J’ai été danseur dans une compagnie, avec plein de chorégraphes connus. Une étape qui m’a permis déjà d’approcher une communauté d’artistes en situation de handicap auparavant. C’était devenu pour moi incontournable de me demander : qui se sent handicaper par la ville ? Qui est handicapé par la société ou qui est oublié par elle ? La culture devrait être accessible à tout le monde sans exception.

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Pouvez-vous nous en dire plus sur ces mamans ? Quel rôle ont-elles joué dans le projet ?

On aurait dit un match de football. (Rire) Elles encourageaient leurs enfants tout le temps. Mais à un moment, je leur ai demandé de sortir pour pouvoir travailler davantage l’autonomie avec les enfants. Elles étaient d’accord. Elles discutaient entre elles beaucoup, notamment concernant leurs enfants… c’est comme si elles s’étaient créé involontairement une cellule d’écoute. Un espace Safe. On a réfléchi, ensuite, à la façon de créer un espace sur la durée. Elles ont continué à se voir, juste pour se parler. A partir de ces rendez-vous, j’ai fini par les inviter à participer aux ateliers, ensuite, aux auditions et à les inclure. A la fin des deux semaines, on a pu passer des auditions à des enfants professionnels.


Comment avez-vous mené à bout ce processus de création ?

On n’a fait que de la recherche. On n’en était qu’au début. On est en phase de création. On ne l’a même pas commencée. La création commencera en janvier ou février 2023. On a tâté le terrain, découvert les matériaux. Cette phase de recherche reste très importante parce que c’est aussi comprendre les besoins de chacun et chacune et connaître le langage que tout le monde parle. C’est d’arriver à connaître les disciplines qui les intéressent ou qu’ils pratiquent déjà : la danse, le théâtre, le chant … Cette étape de «Lines» sert à repérer tout cela, afin de commencer à écrire avec eux et elles.


Votre projet est inclusif : on y voit des personnes migrantes, Queer, des personnes à capacités réduites, des femmes…

Je trouve que je suis privilégié de pouvoir travailler en mixité ainsi, parce que cela me permet de réfléchir, de me mettre à créer. Cela m’ouvre de nombreuses portes et des espaces de créativité. C’est beau comme processus. Je les ai toujours ramenés dans le vif de la créativité.


Pour la direction d’artistes, pouvez-vous nous en dire plus ?

Je me suis fait aider par les mamans. Cette étape première de «Lines» est un travail qui part des réalités et des besoins de chacun. C’est plus facile de travailler avec des enfants dans une situation de handicap : ils ou elles ont une temporalité et une réceptivité différentes. Travailler avec eux et elles, c’est créer un lieu qui soit adapté à leurs attentes. On a fait surtout beaucoup d’improvisations en inventant des choses, en réfléchissant.


«Lines» a été présentée au stade municipal de La Hafsia, en plein air. Pourquoi ce choix de lieu ?

C’est une étape de travail, une expérimentation. En vrai, être dans ce terrain de foot était davantage pour qu’on se donne l’expérience d’être face au public. C’est un moment de recherche. Ce terrain a nourri cette curiosité et a donné une direction à la création. Je voulais qu’on sache ce que c’est d’être visible à l’extérieur, d’être face à un large public, d’arriver à travailler dans un espace dehors. Ce terrain est un espace d’échanges, de rencontres en temps normal. Il s’agit d’une méditation qui s’adressait surtout aux gens du quartier : une curiosité s’est mise en place. Toute l’équipe allait s’emparer de ce terrain de foot qui n’est pas le nôtre, en réalité. Il n’y a eu aucune hostilité. Il y a eu plein de moments où les gens du quartier venaient nous voir danser et chanter. Ils étaient collés au grillage. C’est à travers ce lieu-là que tout le monde a pu se rencontrer. Cette accessibilité est bien plus importante pour moi que notre danse.

Andrew Graham, chorégraphe : «La culture devrait être accessible à tout le monde sans exception»
«L’Esclave» d’Abdelilah Eljaouhary : Conte moderne sur grand écran
REVIEWS & CRITIQUES11 / 1 / 2022

«L’Esclave» d’Abdelilah Eljaouhary : Conte moderne sur grand écran

La 33e édition des Journées Cinématographiques de Carthage met différents cinémas à travers le monde en lumière: Le saoudien, l’espagnol, l’italien, le palestinien. «L’esclave» d’Abdelilah Eljaouhary, retenu en compétition officielle, ajoute de l’éclat à la programmation des films marocains, en partie présents cette année.


«L’esclave» ou «The Slave» d’Abdelilah Eljaouary, bien avant sa projection, laisse présager aux spectateurs une découverte : celle d’un conte contemporain sur grand écran. Le long métrage du réalisateur marocain Abdelilah El Jaouhary traite du rapport au travail, de la place dominante qu’il prend dans l’existence individuelle et collective de personnes, et des sociétés. Sans oublier la hiérarchie, le capitalisme, la lutte des classes, la déshumanisation, l’asservissement au travail : autant d’axes racontés autour d’une histoire non moins intrigante à propos de «l’esclavagisme» moderne.

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Le film de 100 min s’ouvre sur l’arrivée d’un jeune homme prénommé Brahim dans un village au Maroc : il se présente dans «un café de la Place» et déclare, sans gêne à la foule, qu’il désire être «l’esclave» d’un acheteur, de préférence riche, et ajoute que c’est dans cette condition qu’il aimerait subvenir à ses besoins… Au grand étonnement des villageois qui ont trouvé sa proposition aberrante. Qu’un homme se mette ainsi «en vente» est contraire à la religion musulmane, aux us et coutumes… L’esclavagisme étant aboli, officiellement, mais qui est reste perpétré sous d’autres formes. L’homme persiste, et revient souvent dans ce même café, sans cesse à la recherche «d’un maître», en affirmant haut et fort que «Je suis un villageois à vendre!». Criait-il.


Agression, rejet, et effarement rythmeront le film… Point de départ de cette histoire contemporaine, qui déteindra au fur à mesure sur d’autres intrigues, autour de nombreux personnages. «L’esclave», au titre intriguant, raconte un Maroc, asservi au travail, mais met en lumière des classes et des protagonistes broyés, soumis au poids des traditions et du relationnel : unions, désunions, rapports houleux entre classes appauvries : celles prolétaires face aux hautes sphères du pouvoir. Le conte se laisse raconter de bout en bout, et est enrichi d’une esthétique attrayante. Mi- moderne, mi- authentique, mi- traditionnelle, propre au Maghreb.


Le scénario est coécrit par Abdelilah Eljaouhary et Kamél ben Ouanes, produit par «Dark Prod Ciné». Abdelilah est journaliste de profession, critique de cinéma, réalisateur, scénariste et universitaire, connu pour «Raja Bent El Mellah», «Cri de l’âme», «Clics et déclics», «La danseuse», «De l’eau et du sang». Une filmographie enrichie par cette dernière réalisation en date et par son casting composé de Saad Mouaffak, Ismail Abu Kanater, Hajar Chergui et une pléiade d’acteurs. Le film concoure, afin de rafler le «Tanit d’or», dans la catégorie «compétition officielle – Long métrage». Une catégorie qui laisse prévoir diverses découvertes au fil des JCC.

«L’Esclave» d’Abdelilah Eljaouhary : Conte moderne sur grand écran
Conférence autour de «La peste» d’Albert Camus à Hammamet : Une œuvre toujours d’actualité
REPORTAGES11 / 1 / 2022

Conférence autour de «La peste» d’Albert Camus à Hammamet : Une œuvre toujours d’actualité

Une conférence s’est tenue autour des «multiples sources d’inspiration de la peste», roman majeur d’Albert Camus. Paru en 1947, il connaît, actuellement, un regain d’intérêt considérable dans le monde. A Hammamet, Michèle Robinet et Florian Bouscarle, deux conférenciers-camusiens, ont éclairé un public présent à cet évènement édifiant.


«L’étranger» ou «Caligula» font la renommée de ce pionnier de la littérature. Atemporel, «La Peste» se distingue : il a plus que jamais été d’actualité, car, pour son large lectorat, il fait écho à la lutte contre le Covid-19. Des valeurs comme «Le Respect, la justice, l’amour et la générosité» ont été longtemps prônées au gré des œuvres de l’auteur engagé.


A l’honneur, deux spécialistes-camusiens : Michèle Robinet, inspectrice du travail honoraire, conférencière, travaillant sur Camus notamment avec les personnes seniors en situation de réinsertion sociale et Florian Bouscarle, conférencier, professeur, travaillant avec les jeunes. Les deux chercheurs veillent à faire connaître autour de la Méditerranée, et à travers leur association «Partages culturels en Provence», la littérature francophone. Une association qui a pour but de diffuser et de promouvoir l’art, la culture et le patrimoine, de consolider les liens entre pays francophones et de faciliter les partenariats entre les deux rives de la Méditerranée.

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«Le récit de la Peste ne meurt et ne disparaît jamais» : une expression qui fait référence à l’atmosphère de menace, la crainte, l’impossibilité de se projeter, la peur de vivre, les innombrables vertiges de la vie. Des états d’âme qui se confondent souvent avec le terme «Fléau» et qui signifie le «Mal» sur Terre.


Camus a puisé dans différentes sources pour écrire «La Peste» : littéraires, historiques, personnelles, scientifiques, relationnelles. Les deux «Camusiens»-conférenciers ont mis en valeur sur près d’une heure ces différentes sources en les citant. Ce roman fictif qui s’est déroulé sur 9 mois —du printemps à l’hiver de l’an 1940— a vu le jour grâce à des références littéraires et philosophiques dans lesquelles Camus a baigné : son oncle «Gustave Acault», doté d’une grande bibliothèque en Algérie et chez qui l’écrivain pouvait lire des livres. L’historien Jules Michelet, l’historien grec «Thucytide», auteur de «La grande peste d’Athènes», l’écrivain latin Lucrèce (1er siècle avant J.-C.), l’écrivain italien Boccace, qui a évoqué «La peste de Florence» dans son œuvre (l’an 1300). Le journaliste Daniel Defao qui a voué un intérêt à la grande peste de Londres. Les écrits d’Adrien Proust, père de Marcel Proust, et la fable «Les animaux malades de la Peste» de La Fontaine ont également profondément inspiré Camus : à propos de ce dernier exemple cité, les réactions des différents animaux reflètent celles des humains et trouvent leur sens dans leur existence. Pétrarque, Antonin Artaud, et les ravages causés par la Peste à Marseille, en Tunisie et en Algérie ont enrichi ses connaissances. Les personnages de «La peste» d’Albert Camus sont inspirés par des gens que l’écrivain a connus. Michèle Robinet a évoqué le cadre spatio-temporel du roman, qui se déroule dans les années quarante, à Oran, ville côtière, décrite comme labyrinthique, poussiéreuse, peu attrayante : «Une cité qui tourne son dos à la mer», selon Camus.


La conférence a davantage été focalisée sur la composition de l’œuvre, la vie de l’auteur, et moins sur la philosophie du roman. Ce rendez-vous s’est clôturé par une tombola gratuite, qui a permis à une dizaine d’invités de gagner des livres d’Albert Camus et de son œuvre.

Conférence autour de «La peste» d’Albert Camus à Hammamet : Une œuvre toujours d’actualité
« Dream concerts » à « Dream City » : Sonorités du monde
REPORTAGES10 / 12 / 2022

« Dream concerts » à « Dream City » : Sonorités du monde

Deux lieux phares de Tunis : le Théâtre municipal et place de la Hafsia ont été imprégnés par les rythmes de nombreuses musiques du monde : « Alsarah & The Nubatones » et « Love & Revenge » ont mobilisé leur public tunisien, étonnamment jeune et large.


Il est 21h00, place de la Hafsia. De nombreux festivaliers se ruent vers ce lieu central de Tunis, situé en plein cœur du quartier de la Hafsia, réputé pour sa fripe et ses visiteurs dans la journée et son aspect moins chaleureux le soir, en temps normal. Mais depuis le 30 septembre 2022, le contexte festif bouleverse le quotidien des habitants : Une scène, installée à l’occasion de « Dream City », s’apprête à accueillir gratuitement, et pour les festivaliers et pour les habitants du quartier, « Love & Revenge », un groupe de musique pop-électro, venu du Liban et de différentes destinations. Dans l’air du temps et frais, les morceaux joués par les musiciens parviennent à conquérir très vite le public présent et à attirer les curieux, d’où l’objectif de base de « Dream City » : celle d’investir artistiquement les lieux publics et de faciliter l’accessibilité à la culture pour les citoyens.


« Love & Revenge » fait écho aux aspirations musicales et aux attentes des gens présents puisqu’il revisite un répertoire arabe garni et célèbre, en y ajoutant sa touche. De nombreuses idoles populaires y sont célébrées : Najat Al Saghira, Kadhem Saher ou Abdel Wahab…Des tubes revisités connus qu’ils ponctuent avec des morceaux moins connus. Une manière pour le groupe de faire danser la foule et de sauvegarder la mémoire collective (arabophone ou pas). « Love & Revenge » chante un électro-pop alléchant afin, entre autres, de raviver une époque jugée « plus glorieuse et nostalgique » surtout pour les adultes.


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Autres contrées célébrées et d’autres répertoires ont attiré un public tunisien majoritairement jeune, ceux qu’ « Alsarah & The Nubatones », particulièrement éclectique, a célébré haut et fort dans l’enceinte du théâtre municipal de Tunis. Une musique du monde aux sonorités diverses qui touchent la globalité des auditeurs, issus de différentes cultures ou d’influences ethniques diverses. « Alsarah & The Nubatones » viennent du Soudan et des USA. Leur mélange musical est un rétro-pop émanant de l’Afrique de l’Ouest. Leur musique chante les richesses culturelles qui unissent le peuple soudanais et égyptien, leur histoire, évoquent des schémas migratoires contemporains, et célèbre « des chants de retours » nubiens, dans une langue peu accessible mais aux sonorités attractives.

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La Chorale ne jurent que par la soul, qui, selon ces membres, traversent toutes les peuples et tous les répertoires musicaux. Un cocktail extrait de leurs trois derniers albums a finalement été présenté sur 75 min. Un public fan était globalement satisfait même si une partie aurait préféré profiter de ces artistes dans un lieu, plus décontracté comme une place, en plein air, qui aurait pu leur permettre de mieux profiter de cette musique dansante et de cette atmosphère musicale unique.

« Dream concerts » à « Dream City » : Sonorités du monde
« Dans la peau de l’autre » de Pepe Elmas Naswa. Cie Pepenas :  « La danse du Serpent » à l’honneur
REPORTAGES10 / 8 / 2022

« Dans la peau de l’autre » de Pepe Elmas Naswa. Cie Pepenas : « La danse du Serpent » à l’honneur

La République Démocratique du Congo est à l’honneur ce soir au théâtre Municipal de Tunis. Toujours dans le cadre de « Dream City », à partir de 20h30, le public peut découvrir le spectacle de danse «Dans la peau de l’Autre » de Pepe Elmas Naswa / Cie Pepenas.


Après une série de concerts musicaux programmés dans le cadre de la 8ème édition de « Dream City », place à la danse au théâtre municipal de la Capitale. Le 9 octobre, les artistes s’emparent de la Place Beb Souika à partir de 17h afin de présenter aux passants leur performance.


« La danse du serpent », venue tout droit de Kinshasa a été valorisée à travers ce travail scénique développé par Pepe Elmas Naswa, qui en aout 2016, a pu découvrir cette art local pratiqué dans le cadre d’une fête populaire.

Cette danse est pratiquée à Kinshasa au Congo par les enfants de la rue et les jeunes gangsters de la région, couramment appelés « Les Chégués » et « Les Kuluna ».

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Une danse transposée à Tunis sur scène, et qui est révélatrice du malaise d’une partie déshéritée et désabusée de la jeunesse congolaise. Un cri d’alerte, exprimé à travers les corps, qui peut faire écho à d’autres jeunesses appauvrie dans le monde.


Le spectacle est dansant : chorégraphie contemporaine engagée et musique traditionnelle revisitée accompagnent les danseurs congolais. Sept interprètes exprimeront un langage corporel hybride, universel, qui fait résonner un chaos sonore et visuel, émanant notamment des nuits nocturnes enflammées de Kinshasa. Pepe Elmas Naswa a procédé à des ateliers de réflexions avec ses danseurs.


« Dans la peau de l’autre » est l’aboutissement d’ateliers de créations et de réflexions. Un travail qui a initié tous les artistes participants à « la danse du serpent ».


Un art qui sera présenté au public tunisien dans le cadre de « Dream City ».



« Dans la peau de l’autre » de Pepe Elmas Naswa. Cie Pepenas : « La danse du Serpent » à l’honneur
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