« Florilège», un nouveau recueil de poésie, est à la portée des férus de lecture. Il s’agit d’un ouvrage édité chez «Contraste Editions» et qui rassemble de nombreux textes appartenant à Slaheddine Haddad, poète tunisien des temps modernes.
L’initiative a vu le jour en avril 2018 grâce à sa fille Hager Haddad et à ses plus proches amis, dont entre autres, l’écrivain François George Bussac, Rabâa Ben Achour Abdelkefi, Moncef Ghachem ainsi que d’autres poètes tunisiens ou français comme Moez Majed, Anne Brousseaux ou James Sacré. Plus connu en France dans les cercles des poètes, ce groupe de proches a choisi de publier des textes de ce virtuose des mots poétisés. Actuellement, la santé du poète lui fait défaut.
A la découverte de Slaheddine Haddad et de son œuvre
A l’occasion du Festival de la Poésie de Sidi bou Said, hommage à Slaheddine Haddad est programmé le 15 juin 2019 de 17 à 18h! Nous avons rencontré sa fille Hager Haddad, qui tient à valoriser l’œuvre de son père à travers cet ouvrage intitulé «Je ne saurais jamais, Florilège» et qui s’ajoute à des écrits à lui comme «Vie : visages démodés», Arabesques, «Au nom du temps, je vous arrête», publié chez Nirvana et «Les auto-stoppeurs», Contraste éditions.
On voudrait en savoir davantage sur le contenu de ce nouveau recueil, réalisé par les amis proches de Slaheddine Haddad ?
En ce qui me concerne, j’ai sélectionné les textes selon mon vécu. Des moments de mon enfance. Ce sont des textes qui rassemblent mes états d’âme. Il s’agit de textes de mon père dans lesquels je me retrouve. J’ai fait la sélection d’une partie, et pour les autres collaborateurs et amis de mon père, chacun d’eux s’est chargé de s’occuper d’une partie, de sa propre sélection, jusqu’à en atteindre le nombre de 6. Chaque sélection est différente de l’autre : tout dépend de la sensibilité de chacun et de son vécu avec mon père. Par exemple, Moez Majed est plus sensible aux poèmes de mon père qui évoquent La Goulette.
Le livre rassemble donc les meilleurs textes de votre père, selon ses amis ?
Tout à fait ! Il rassemble les best de tous les livres de mon père. Une vraie sélection. Sachant qu’il a écrit près de 27 livres si ce n’est plus. Il a à son actif des contes pour enfants mais il s’est consacré essentiellement à la poésie.
Parlez-nous du lien qui vous unit à l’œuvre de votre père ?
Comme on a grandi à l’époque à Grombalia, ma sœur et moi, avant de nous installer à La Goulette, mon père a commencé à écrire depuis que nous étions toutes petites. Il se découvrait en tant que poète et on a assisté au démarrage de sa carrière. Nous n’étions pas conscientes de cela, nous n’y accordions pas beaucoup d’intérêt. Il a beaucoup tenté d’attirer notre attention sur ses textes. Mais on fuyait… Après, quand nous avons commencé à évoluer, comme je suis designer et j’enseigne à l’école de Design, sa poésie a parallèlement commencé à se faire entendre, à se faire connaître, j’en étais consciente et je n’ai jamais eu le courage de connaître ses œuvres. Ensuite, quand il est tombé malade, j’ai pris conscience que je passais à côté et je m’étais dit qu’il fallait valoriser son œuvre. On se devait de le faire… et j’ai lu presque la majorité de ses textes. J’ai découvert mon père à travers ses écrits. Je m’y suis retrouvée. C’était une véritable immersion. On lui a rendu hommage.
Vous souhaitez rendre cet hommage impactant…
C’est la moindre des choses. Il a beaucoup souffert de cela. Le monde de la poésie est vraiment très restreint en Tunisie. On cultive plus de l’intérêt pour la poésie et la littérature arabes. Lui, il s’est forgé une notoriété à l’étranger. Et ce n’est pas quelqu’un qui sait se vendre non plus. Il se consacrait davantage à son travail de professeur d’histoire/géographie. Et sa poésie était une satisfaction personnelle.
Ses écrits s’inspiraient de la vie de tous les jours ?
Oui. Ils s’inspiraient des histoires de la famille, des histoires de tous les jours, de ses relations, de la solitude, ses tracas, ses doutes, les subtilités d’un quotidien qui peut toucher tout le monde, de ses promenades. Une écriture sans artifices, accessible, simple et touchante…
Parlez-nous des textes que vous avez choisis ?
J’aime tous les poèmes que j’ai choisis en fait parce qu’ils parlent de souvenirs d’enfance, marquants, à la portée de tous, que tout le monde a dû vivre au moins une fois dans sa vie. La façon de les raconter est simple, subtile, limpide, avec peu de mots. Parler des envies, de la sensualité de l’enfance, le rapport au père, de la colonisation, etc.
Et comment l’idée de lancer ce recueil a vu le jour ?
C’était une idée du «Capitaine», alias François-George Bussac qui a demandé à ses proches poètes d’y collaborer. C’était en mars 2018 et tout le monde était coopérant. Un bel hommage. Abderrazak Khchine, qui est un très bon ami de mon père, s’est chargé de l’éditer chez «Contraste Editions» et je me suis chargée d’étoffer l’ouvrage par des illustrations. Ce petit livre est un bel objet fait avec beaucoup d’amour. Lors des prochaines rencontres littéraires, on fera en sorte de le faire connaître au public.
Mehdi Cherif est un jeune Tunisien d’une vingtaine d’années. Son nom a retenti, avec la publication de son propre livre, publié à compte d’auteur, et intitulé “Réflexions d’un élève insoumis, ma contribution à la réforme de l’éducation”, toujours en vente. Depuis sa parution (fin 2017), la crise de l’enseignement s’est davantage aggravée, ce qui rend son contenu toujours d’actualité. Ce même (ancien élève) insoumis donne une vision globale de l’état actuel du système éducatif tunisien, mais propose aussi des solutions qu’il considère “personnelles” et totalement “subjectives”. Entretien.
Après avoir eu le bac, tu as carrément passé une année sabbatique pendant laquelle tu t’es consacré à l’écriture de ce livre. Quelles sont les raisons qui t’ont poussé à faire ce choix ?
C’est en premier lieu parce que j’ai beaucoup vécu à l’étranger (pas moins de 10 ans, cinq aux Etats–Unis et cinq en France) et, qu’une fois en Tunisie, j’ai fait partie du système français. Cela m’avait beaucoup dérangé, j’étais mal à l’aise et limité. J’ai échangé avec des élèves tunisiens issus de l’école publique, et il y avait cette fois où un garçon m’a confié qu’il m’enviait, car je faisais partie du système français. C’était le déclic pour moi ! Il a commencé à me décrire ses lacunes et celles de ses camarades, et comment se déroulait l’enseignement dans les établissements publics. C’est à ce moment que j’ai réalisé que j’avais, un énorme problème : j’étais complètement déconnecté de la réalité. C’était il y a 3 ou 4 ans ! Depuis, je me suis dit qu’il fallait faire quelque chose, en m’appuyant justement sur mon parcours personnel en tant qu’élève à l’étranger et issu du privé tunisien : ce sont des critères qui m’ont permis d’avoir du recul, une certaine neutralité et des réflexions qu’un élève du public n’aurait pas. Mais sur le plan personnel, tout ce que j’ai étudié ici était du déjà-vu pour moi, et je dois dire qu’être issu du système privé et français en Tunisie, c’est faire partie d’une bulle : c’est comme si tu ne vivais pas en Tunisie. Tu n’as pas d’idée sur la culture locale tunisienne, tu ne maîtrises pas bien la langue… J’ai mis une année pour m’intégrer pleinement dans la société tunisienne, découvrir ses rouages, sentir que je suis vraiment Tunisien, pas seulement sur les papiers ! Ailleurs, j’étais un étranger, mais en Tunisie, il ne fallait pas l’être. Je me suis fait un réseau de connaissances, je me suis donné à fond dans l’associatif, tout fait pour perfectionner mon arabe, entre autres. L’intégration était en cours.
As-tu écrit ce livre tout seul, ou est-ce que quelqu’un t’a aidé durant le processus ? Quelles ont été tes sources ?
Le livre, je l’ai écrit tout seul. Concernant les sources, il faut reconnaître qu’il y a un problème de bibliographie, pas du tout établie dans les règles de l’art. Je me suis basé sur mon expérience personnelle avec les acteurs de la sphère éducative tunisienne: j’ai rencontré des professeurs, énormément de lycéens, je suis parti dans les lycées, j’ai discuté avec des inspecteurs, des directeurs au ministère de l’Education… Ensuite, j’ai été mis en contact avec des organismes actifs dans la société civile, comme “Wallah we can”, le think tank Tunisie alternatives, etc. intellectuellement, ça m’a permis de développer mes réflexions et de bien façonner mes propos. Bien évidemment, j’ai consulté les statistiques officielles, dont celles du ministère de l’Education et je me suis renseigné sur le système éducatif américain et finlandais.
Tu soutiens qu’après avoir eu ton bac, tu t’es consacré à la vie associative. En quoi a consisté cette expérience associative ?
Au départ, j’ai ciblé l’entrepreneuriat. J’ai lancé « African Business Leaders », qui vise à travailler avec des étudiants subsahariens, mais qui s’est essoufflé après. J’ai participé à des concours et lancé également mon propre projet, « El Mech3al » qui n’existe plus : c’était une association qui avait pour but de mettre en contact les jeunes avec des décideurs, en les initiant ainsi à la prise de décision et à être plus actifs au sein de la société civile. Ensuite, j’ai fait un peu de radio, à Express Fm. J’ai également été le porte-parole de « Walah we can » et bien d’autres…
C’est en effet très riche, mais ce parcours n’a pas de rapport (du moins direct) avec l’éducation tunisienne…
Cet intérêt s’est développé précisément lorsque j’ai participé au Think tank Tunisie alternatives, de Mehdi Jomaâ (ancien chef de gouvernement de la Tunisie en 2014, Ndlr). Ils ont fait appel à moi pour faire partie d’un groupe de réflexion sur la culture et la réforme de l’éducation, et c’est d’ailleurs à travers cette expérience que j’ai été mis en contact avec des ministres, dont celui de l’éducation, en plus de « Wallah we can » et mon travail sur le terrain.
Comment quelqu’un qui n’a pas connu l’école publique tunisienne peut–il écrire un ouvrage qui traite de la réforme de l’éducation tunisienne ?
La situation était tellement grave qu’il fallait faire quelque chose immédiatement; or, l’élève tunisien n’a pas le temps de penser à ça : il a tout le temps des devoirs à préparer, des concours à réussir, des heures de cours à valider… Il est surmené : le système actuel supprime cet esprit critique. C’est d’ailleurs, une déduction qui m’a poussé à me consacrer à ce système forcément problématique, pour essayer d’y remédier, pendant toute une année.
Ce livre reflète-t-il les rêves que tu espères voir se réaliser, ou alors plutôt des suggestions concrètes pour le système éducatif ?
Deux grands axes sont exposés dans le livre : une présentation de l’état actuel de ce système éducatif, puis une exposition de ma vision personnelle du système idéal. Je dis ce que je ferais si j’avais la possibilité de changer les choses, en proposant des solutions concrètes.
Quel effet espères-tu produire avec ce livre ?
J’espère qu’il va avoir un impact symbolique, qu’il poussera les premiers concernés, c’est-à-dire les élèves à agir. Ce n’est pas parce qu’ils n’ont pas un parcours académique remarquable ou qu’ils ne tiennent pas de discours bien structurés qu’il faut les empêcher de s’exprimer ou les ignorer. Ces élèves ont des revendications, des idées à véhiculer. Il faut les écouter. Ce que j’ai communiqué à travers ce livre, c’est une vision très subjective qui parle de mon système idéal à moi, et à moi seul. Une proposition qui incitera, peut-être, les décideurs à agir et à le prendre en considération.
Du 1er au 4 mai, «Doc à Tunis» rythmera le quotidien du public. Une sélection restreinte mais inédite et de qualité sera présentée au 4e art, au Centre culturel d’El Menzah 6 et à l’Institut français de Tunisie, suivie d’un détour dans des régions avoisinantes, loin de Tunis. «Tunis, capitale de la danse» commencera ensuite. L’occasion pour nous de faire le point avec Syhem Belkhodja sur les enjeux, les nouveautés, la programmation, les défis, les craintes. Un bond dans l’avenir de ces deux festivals s’impose. Entretien.
Au gré de l’actualité brûlante du pays, «Doc à Tunis» commence le 1er mai, suivi de «Tunis capitale de la danse»…
En effet, mais je voudrais tout d’abord présenter de sincères excuses pour ce qui s’est passé le samedi 27 avril. Je suis passée à la radio dans la matinée sans savoir que 12 femmes avaient trouvé la mort dans un accident de voiture horrible quelques heures avant. Des battantes qui vivent dans des conditions précaires très dures. Beaucoup ont trouvé indécent de ma part qu’on parle de danse, d’art, face à une catastrophe de cette ampleur. Je demande des excuses au public parce que je comprends leur incompréhension, mais je le répète, quand je suis passée sur antenne, je n’étais pas au courant. Comme je travaillais dans mon studio et que je ne suis pas très «réseaux sociaux», tout est arrivé de la sorte précipitamment. Je suis peinée. Mes danseurs sont issus de milieux défavorisés et ont des mères ouvrières, travailleuses et battantes, comme celles qu’on a perdues. Trois de mes élèves de Sidi Bouzid connaissent même une des victimes, donc je ne peux qu’être bouleversée.
On peut pourtant faire de l’art pour exprimer notre peine, être endeuillé, rendre hommage…
D’autant plus que je tiens à préciser que notre danse n’est pas événementielle. Ce n’est pas une danse de joie, de spectacle. C’est une danse qui est engagée. On a programmé d’ailleurs un film intitulé «L’urgence d’agir» de Magui Marin, à voir absolument : l’urgence d’agir dans toutes les conditions, l’égalité des chances, des corps, la présence du corps sur scène, l’écriture du corps… donc, on devrait se mettre en tête, comprendre et admettre que la danse est une affaire sérieuse et pas juste une animation de rue. Quand j’en fais d’ailleurs dans la rue ou dans la télévision, c’est pour attirer ce grand public vers la danse. Mais l‘écriture de la danse contemporaine, ce que nous on fait au théâtre de l‘Opera, ce qu’on fait en tant qu’artistes engagés : Nawel Skandrani, Malek Sebai, Najib Khalfallah, Imed Jemaa, Imen Smaoui, Wael Margheni, Oumaima Manai… les danseurs tunisiens qui sont actuellement exceptionnellement à l’étranger comme Aicha Mbarek, Hafidh Dhaou, Kais Chouibi, Mohamed Toukabri, Hamdi Dridi, etc. C’est une exigence, un travail qui demande une rigueur, une éthique, qui n’est pas du tout dans le superficiel. Pour les excuses, c’était une parenthèse. Ça m’a doublement peinée de voir autant d’incompréhension. Puisque je fais de la danse, je respecte donc la vie et la mort.
Comme à l’accoutumée, les deux manifestations s’enchaîneront à partir du 1er mai. Où est-ce qu’elles en sont ?
Ça fait quand même deux années qu’on est en train de faire un festival transversal. Grâce à la notoriété des «Rencontres Chorégraphiques de Carthage». Comme l’Etat tunisien a créé ces «Journées chorégraphiques de Carthage», ça fait quand même 4 ou 5 ans qu’on a changé de titre et c’est «Tunis, capitale de la danse» depuis, et on rêve que ça devienne une capitale des danseurs. «Doc à Tunis» est toujours aussi important également depuis 13 éditions. Beaucoup de Tunisiens ne lisent pas de livres et un film documentaire peut remplacer un livre de 300 ou 600 pages. Il y a cette culture, non pas de la consommation, mais elle est orale, puisqu’on est originaire d’une société orale. Cela fait deux années au moins que j’ai fusionné les deux festivals parce que je ne crois plus aux frontières du festival : il n’y a plus de danse seule, plus de documentaires à part, plus de design seul : nous, on est dans les trois disciplines, rappelons-le. En plus du Doc et de la danse, j’ai aussi un festival de design. La force de ce documentaire et la force contemporaine que je démontre est une «danse documentaire» parce que la danse contemporaine parle d’aujourd’hui et le doc est un regard d’aujourd’hui. C’est essentiel pour moi que les deux se complètent et avec la gratuité, c’est important que le public puisse continuer à découvrir et la danse et l’univers du documentaire simultanément.
Peut-on donc clairement affirmer que les deux manifestations se réinventent ?
D’une part, elles se réinventent pour plusieurs projets : j’ai la chance d’avoir 56 ans, je le confirme et j’en suis fière. Parce que stupidement, quand j’ai créé ces deux festivals-là, en 2002 et 2006, et que j’ai fait un long chemin de 18 ans, j’avais l’impression d’avoir éduqué une bonne partie de la population par ce regard critique et par ces remarques mais il faut retenir que tous les cinq ans, il y a une nouvelle génération qui arrive. Les jeunes qui étaient présents en 2002 par exemple avaient 20 ans quand on a commencé, en 2012, ils en ont 30. Sauf qu’en 2012, il y a une nouvelle génération émergente qui n’a pas connu celle de 2002, etc. Pareil pour les films que j’ai présentés, début de la décennie précédente et ô combien je devrais les repasser aujourd’hui. Donc, ils se réinventent, oui, mais parce que le public est nouveau aussi. C’est-à-dire, le public, que j’ai gagné pendant toutes ces années, peut assister automatiquement à «Doc à Tunis» ou pas. Ils ont pris l’habitude au point qu’ils peuvent ne pas venir et dire qu’ils sont venus… Ils s’y sont tellement familiarisés. Il faut qu’il se déplace : je sais que c’est très dur actuellement. N’oublions pas que «l’Ecole des arts et du cinéma» et «le Centre culturel El Menzah 6» sont prêts à accueillir ce public qui rate un film, mais qui ne le rate pas «parce que je reste à la maison et quand j’ai le temps, je vois le documentaire»… non, ce n’est pas uniquement cela : c’est bien ce moment d’être ensemble pendant 4 jours qui est essentiel.
Pouvez-vous nous en dire plus sur la programmation de «Doc à Tunis» cette année ?
D’habitude, on reçoit 70 à 80 films par an : cette année, on n’en a retenu que 20 : on est tellement submergé par un tsunami d’informations. Les gens n’ont plus le temps d’avoir un recul sur les choses et un état des lieux : le documentaire t’impose ce moment d’1h avec le réalisateur pour une leçon de cinéma, un regard autre sur la vie. Et cette année, comme d’habitude, tous les jours, on a une leçon de cinéma et on a choisi deux Belges spécialistes pour le film «Ni juges ni soumises» et c’est un homme de 70 ans et un homme de 50 ans qui seront là. L’un d’eux me demande «mais je me prépare comment ?», je lui dis : « ça va être des jeunes qui ne parlent même pas français», j’ai dit qu’il faut être présent au moins pendant cinq jours : deux c’était peu, et pendant 2h, un cours sera donné. Pareil pour les masterclass de la danse : une rencontre de deux heures peut changer notre vie : une rencontre avec un artiste nous enrichit et en plus nous arme pour aller de l’avant. Pour la danse, on s’est beaucoup appuyé sur «les ateliers chorégraphiques». Avec «Tfanen Creative» et grâce à cette rencontre avec l’U.E, on a pu persévérer, partir dans les régions. Et avec le festival, ils sont non seulement dans des ateliers, mais aussi sur scène. On invite les plus grands dirigeants des plus grands ballets dans le monde pour qu’il y ait un regard critique. Aujourd’hui, c’est la première fois que l’Etat tunisien investit sur les danseurs. Pour la première fois, on a désormais des danseurs salariés : des danseurs de danse traditionnelle, de danse contemporaine, de danse renouvelée… Toutes les créations ne sont pas bonnes mais une danseuse ou un danseur de nos jours parviennent à dire à leurs parents qu’ils sont danseurs professionnels et que c’est leur métier. On en serait pas là sans le soutien de nos partenaires : le ministère de la Culture, celui du tourisme : l’image de la Tunisie est en jeu. Et je voudrais aussi inclure le ministère de la Jeunesse et du Sport mais c’est toujours en cours de négociation.
Pour quelle raison ce soutien ministériel de la jeunesse et du Sport compte autant pour vous ?
Parce qu’on a un championnat du monde, parce que le break danse va rentrer dans les Jeux olympiques de 2024, parce qu’on un grand championnat demain au centre culturel d’El Menzah 6 : on retient 4 danseurs qu’on va emmener en Chine pour qu’ils deviennent athlètes. Ceci est l’underground : que veut dire devenir athlètes ? Parfois c’est manger correctement, qu’on les entretienne, qu’on fasse en sorte qu’ils dorment : les 8h de sommeil. 30 km dans un bassin pour un sportif professionnel de natation, c’est comme avoir 30h de danse avec moi. Que l’Etat et Tunisair deviennent mes partenaires est très important. Que je parvienne à ramener tous les chorégraphes du monde ici serait idéal : je n’ai pas besoin de quitter la Tunisie, et je crois toujours en mon pays. On ne cesse d’impressionner malgré tout. Il faut travailler et qu’on arrête de se flageller. De nos jours, nos compagnies sont partout dans le monde : A Ramallah, France, Berlin, New York… Et c’est très diversifié : toutes les danses sont là : soufi, trans, religieuse… on a une diversité d’écriture exceptionnelle : aujourd’hui, les Tunisiens sont de plus en plus portés sur la chorégraphie coréenne même.
Concernant le public de «Doc à Tunis», est-ce qu’il est toujours aussi réceptif ?
Vous êtes toujours très proches du documentaire, c’est méchant ! (rire). Le public, que les manifestations culturelles tunisiennes, toutes disciplines confondues, ont éduqué, est forcément là, sauf qu’il y a une nouvelle génération qui émerge et qui est obnubilée par les nouvelles technologies et qui s’ennuie au bout d’1h (danse ou doc). C’est à nous de faire un travail sur le public. J’ai ramené une centaine d’enfants de quartiers défavorisés pour voir de grands spectacles : on passe du temps ensemble, on mange, on échange et au bout du compte, sur 100 enfants, je ne gagne que six. Je remercie au passage «la Coupole d’El Menzah» et «le Centre culturel d’El Menzah 6» qui ont assuré le transport et le bus qui ramène les enfants des quartiers défavorisés jusqu’ici. Il faut avoir les moyens pour agir davantage. La danse est vitale, et les films aussi.
La gratuité est toujours de mise ?
Si ce n’était pas gratuit, je ne toucherai que les chics de Tunis, seulement, je tiens à ce que ces deux manifestations puissent toucher le plus de Tunisiens possibles, toutes les classes sociales confondues. Je veux toucher ces Tunisiens qui n’ont pas les moyens d’accéder à la culture, faute de moyens ou d’opportunités. Arrêtons aussi de dire que c’était mieux avant. La poche est plus vide de nos jours mais on est beaucoup plus ouvert sur l’art et le monde. Tout est tellement à la portée.
Que devient «Al Kalimat» ?
Toujours au programme ! On a un invité de prestige au programme : il va parler de Break dance et de poésie. On est en train de développer un «Kalimat» danse et mots sur deux jours avec le fameux «FATI ART» et des rencontres avec Hela Ouardi et Luc Ferry sont prévues. Avec le ramadan qui arrive, on a opté pour la transversalité dans les festivals. Une compétition de solo va être reportée pour fin mai.
Est-ce que les Journées Chorégraphiques de Carthage, prévues en juin, complètent ou empiètent sur «Tunis capitale de la danse»?
Je vais être de mauvaise foi si je dis que «mes Journées Chorégraphiques de Carthage» sont devenues étatiques. Bien sûr, j’aurais voulu prendre la direction, c’est tout à fait normal. Ça fait 18 ans que je dirige cela, j’avais un budget très limité et tout d’un coup, l’Etat, le jour où il organise son propre festival, attribue le budget à une nouvelle manifestation naissante. Mon âge —ou bien peut-être la danse— font en sorte que je parvienne à encaisser les choses négatives autrement : en les positivant le plus possible. Aujourd’hui, les danseurs ont deux rendez-vous : ils dansent chez moi et aux «Journées Chorégraphiques de Carthage». Si après 18 ans, l’Etat s’est approprié un festival de danse, au final, on ne peut être que très heureux et donc, c’est vraiment un 2ème rendez-vous incontournable pendant l’année. Maintenant, c’est à l’Etat de le développer sans me fragiliser: je ne tiens pas du tout à être concurrente : j’étais la seule à me battre pour la danse depuis 2002, pour que 450 compagnies arrivent à Tunis. Aujourd’hui, il faudrait qu’on soit vraiment partenaires : d’ailleurs, je suis programmée dans «les Journées Chorégraphiques de Carthage» notamment pour aider Mariem Guallouz ou autres et tout le monde s’ouvre à l’Etat. Il ne s’agit nullement de direction ou de prises de postes, on est face à un Etat réceptif, qui nous écoute enfin. Et c’est excellent pour tout le monde ! J’aurais aimé être directrice, mais ce n’est pas grave, on ne peut être que ravis face à l’évolution de ces deux manifestations. Je souligne l’implication du ministre des Affaires culturelles, M.Mohamed Zine Abidine, d’avoir soutenu le secteur de la danse. Il nous a donné notre crédibilité. Du jamais vu auparavant : on a des danseurs salariés, des chorégraphes invités, deux studios de danse et trois lieux à notre disposition. Il est à l’écoute et offre énormément d’opportunités. Je le revendique. Rappelons pour finir que : la musique c’est un milliard 700 mille, le théâtre c’est 3 ou 4 milliards de DT, le cinéma c’est 8 à 10 milliards et la danse, c’est 250 mille dinars. On n’a pas d’école supérieure de danse, pas de centre chorégraphique à part celui de l’Opera de Tunis : on a au retour 10 centres d’arts dramatiques : faisons d’un seul un centre chorégraphique. Maintenant, on est 4 générations de chorégraphes et de danseurs, il est grand temps de leur donner leurs droits et de régulariser le statut de l’artiste. Si la danse contemporaine, par exemple, n’est pas comprise, c’est parce qu’elle n’a jamais été étudiée nulle part ici. Il faut que cela change à la racine et c’est en cours.
Du haut de ses 15 ans, Amir Fehri s'est fixé comme objectif de lutter contre le harcèlement scolaire à travers un ouvrage qu'il vient de publier au titre évocateur «Harcèlement, les journées mouvementées d'un écolier» paru chez KA'Editions. Un sujet longtemps passé sous silence par les parents, les enseignants, et l'Etat et qui ne cesse de briser des vies.
L'engouement se fait sentir autour de votre livre. Est-ce qu'il s'agit de votre première expérience en tant qu'auteur ?
Non. Il s'agit de mon 4e roman. Le 3e est déjà sous presse et celui-ci a été publié avant le 3e. C'est un peu bizarre, je sais. J'en ai 4 qui n'ont pas tous la même thématique.
Est-ce que cette toute dernière parution est autobiographique ?
Elle l'est, bien sûr. Alex est un pseudonyme. Je compte beaucoup sur le changement de nom parce que le but n'est pas de révéler ce qui s'est passé ou de procéder à un règlement de comptes, non, le but est d'aider les autres. C'est ce que je ressens à chaque fois : on ne doit pas le faire pour nous, on doit penser que chacun a besoin, quand même, de sortir de la situation du harcèlement scolaire. Chaque personne qui souffre de sa différence (couleur de peau, orientation politique, sexuelle, religieuse…) toute chose qui peut faire la différence ne doit pas être un obstacle. On ne doit pas considérer l'autre comme un être étranger.
Vous traitez donc de ce qu'on appelle de nos jours communément le «bullying» ?
Tout à fait ! Et c'est pour cela que j'ai décidé avec Madame Brigitte Macron, avec qui je collabore depuis un certain moment sur la question du harcèlement scolaire, de lancer le hashtag #ImDifferent pour qu'on vienne en aide à ces enfants qui souffrent de ce fléau qui gagne de plus en plus de gens. Et comme le disait Blaise Pascal : «N'ayant pas réussi à faire de ce qui est juste plus fort, on a fait de ce qui est fort plus juste». On a maintenant essayé d'utiliser le harcèlement comme une forme de justice pour punir les gens pour leurs différences, chose qui devrait être une qualité tout d'abord.
Ce sujet sensible est pourtant fréquemment traité sur différents supports (séries TV, films, livres…).
Et heureusement ! Malgré cela, je trouve qu'on n'en parle jamais assez. Et il ne sera jamais assez de dénoncer. Tant qu'il y a un enfant qui n'arrive toujours pas à s'exprimer, c'est qu'on n'a toujours pas fait notre travail comme il faut.
Vous ne trouvez pas que c'est un sujet qui n'est toujours pas pris au sérieux ni par les autorités ni par les parents, encore moins par les enseignants ?
Par les enseignants, je comprends, parce que dans certains cas, c'est eux qui font subir cette forme de harcèlement. Ils ont tout d'abord pour mission de transmettre le savoir, ce qu'ils accomplissent parfaitement dans certaines écoles de la Tunisie, mais on a un certain nombre de plus en plus grand de professeurs ou enseignants qui exercent ce genre de pression, c'est d'ailleurs ce qu'a vécu Alex, le personnage du livre.
Et d'après vous, qui devrait contribuer en premier à faire face à ce phénomène ?
Je pense que c'est l'Etat. C'est ce que je vais demander au président Béji Caïd Essebsi. J'aimerais beaucoup publier un communiqué de presse pour venir en aide aux enfants. C'est une étape essentielle. D'abord, cela aidera les parents à prendre conscience de leurs droits qui seront protégés. Si on instaure une loi contre le harcèlement scolaire, ça ira forcément mieux. C'est comme en France, lorsque l'Assemblée nationale a voté contre le châtiment corporel : une mesure qui est demeurée phare. La suède l'a adoptée depuis les années 70, la France vient de l'adopter, c'est bien. Actuellement, une approche a été présentée contre ces violences-là, comme les parents prendront conscience qu'ils sont protégés par la loi et de part et d'autres les élèves qui pratiquent ce harcèlement auront peur de le faire. Ça sera réciproque. Actuellement, on a besoin de lois pour pouvoir arrêter ce problème-là. On espère avancer le plus rapidement possible. Pour information, je suis parti visiter des enfants dans des camps de réfugiés en Irak, entre autres, pour discuter avec eux sur les droits de chacun, sur le droit d'être libre et sur le droit d'identité. Que chaque personne soit considérée comme un être ayant des sentiments, des émotions. Un enfant n'est pas un objet qu'on peut maltraiter. Il souffre et s'il n'exprime pas cette souffrance, ce n'est pas qu'il ne souffre pas, bien au contraire. C'est qu'elle est en train de devenir de plus en plus profonde.
La cinémathèque Tunisienne a consacré un cycle au « Je » au cinéma et l’a intitulé « de l’autoportrait à l’autobiographie ». Une rencontre avec Rémi Fontanel, spécialiste en 7ème art, enseignant à l’université de Lyon 2 a eu lieu dans l’après-midi du 12 décembre 2018 afin d’animer un échange qui fut fructueux avec les cinéphiles présents et d’éclaircir différents points sur ce genre cinématographique singulier, illustré dans divers films programmés à la cinémathèque. Rencontre avec cet enseignant en Etudes Cinématographiques et Audiovisuelles et également auteur de plusieurs ouvrages sur le cinéma.
Au férus qui étaient absents, pouvez- vous nous rappeler en quoi cet échange a consisté ?
La rencontre a porté sur « le récit de soi au cinéma ». C'est-à-dire, tout ce qui touche à ce qu’on appelle plus communément l’ « autobiographie » ou, la manière de certains cinéastes de relater des parties de leurs vies, des moments de leur existence : leur enfance, leur adolescence … Il s’agit d’une démarche ancrée au présent. Je pense au journal filmé qui est une catégorie du récit de soi que le cinéma restitue : un rapport, un lien, une confrontation avec la littérature et d’autres arts, puisque l’autobiographie n’a pas été inventée par le cinéma : elle a été réinvestie dans le cinéma avec les moyens qui sont les siens et c’est intéressant de comprendre les enjeux qui s’opèrent d’une transposition à une autre : pour moi, est ce que l’image –art du cinéma, art du montage- parvient à investir avec sa propre écriture une catégorie une pratique, un genre qui est littéraire, et qui continu à traverser d’autres arts, mais aussi d’autres pratiques médiatiques ? Aujourd’hui, avec les nouvelles technologies, la question du récit de soi et par soi est présente en permanence dans nos vies.
Est-ce que « le récit de voyage » est considéré comme « un récit de soi » ?
Le voyage peut être un articulateur : une manière de parler de soi. On peut aussi très bien travailler des récits de voyage sans parler de soi. Le film de Coppola « Apocalypse Now » est un film sur un voyage qui évoque le voyage de quelqu’un qui part à la rencontre de quelqu’un d’autre. Il y’a peu d’autobiographie dans le film, ce n’est pas celle de Coppola en tout cas. Même s’il y’a dans l’aventure du personnage, une aventure que le cinéaste va vivre au sein de son tournage. Le récit de voyage n’est pas exclusivement une autobiographie mais il peut en faire partie, oui. Je pense à « No Sex Last Night » de Sophie Calle qui est un Road Movie. L’héroïne prend sa voiture avec son compagnon et raconte au jour le jour leur voyage et à travers leur récit de voyage on les découvre : ce qu’ils sont ce qu’ils vivent … etc etc
Et quelle est donc cette différence entre l’autobiographie et l’autoportrait ?
C’est large ! Il va me falloir beaucoup de temps. Mais je dirais qu’en premier lieu, il y’a une grande porosité entre les catégories. Il n’y’a pas d’étanchéité entre les deux. Après, l’autobiographie a ses avantages si on prend les choses au pied de la lettre. Et c’est toujours difficile de les prendre au pied de la lettre, parce que la pureté de la catégorie est quand même relative. L’autobiographie a un regard rétrospectif, un désir de construire une image, de Neutraliser le temps. Il s’agit d’un rapport au temps qui pourrait distinguer les deux catégories avec cette idée que l’autoportrait, c’est la reconstruction d’une image par éclats, par fragments, par morceaux. C’est assez paradoxal de parler d’autoportrait au cinéma qui est un acte du récit et du mouvement. Alors que l’autoportrait est une mise à l’épreuve du récit et du mouvement. La question serait de savoir comment le cinéma, bien qu’il soit « art du récit » et « art du mouvement », a finalement réinvesti l’autoportrait ? On le voit dans « Les plages d’Agnès » d’Agnès Varda, par exemple : il y’a cette idée d’éclater le « Je », d’éclater ce qu’elle est, et de partir à la reconstruction de sa personnalité à travers ces morceaux, comme du collage.
D’où vous vient cet intérêt pour l’œuvre de Maurice Pialat ?
Mon intérêt pour Maurice Pialat tient au fait d’être toujours attiré par ses films, son cinéma. Il s’agit d’une référence : c’est un cinéma qui m’a fait comprendre beaucoup de chose sur le 7ème art, sur le monde. Je retrouve chez ce cinéaste un rapport au réel assez particulier. Et puis, je suis assez intéressé depuis toujours par ces cinéastes qui décident de se raconter, de tout mettre sur la table, de se servir de leur vie pour faire du cinéma, du cinéma pour aussi construire leur vie, c’est le cas de François Truffaut par exemple, qui a toujours pensé d’une manière proche et intime, le rapport entre le cinéma et la vie. J’ai beaucoup travaillé sur Jean Moustache aussi.
Quelle est la différence entre adapter une autobiographie et adapter un roman sur grand écran ?
La différence est simple : lorsqu’on adapte un roman, il peut être autobiographique, si c’est vous qui avez écrit ce roman. Par contre, si ce n’est pas vous qui l’avez écrit, vous faites une adaptation ou ce qu’on appelle une « biographie » ou « un biopic ». La différence entre la biographie et l’autobiographie, c’est que dans une biographie, on raconte l’histoire de quelqu’un. Dans l’autobiographie, vous racontez une vie, et c’est la votre. Alors, justement le problème que pose le cinéma : « C’est qui raconte ? » est ce que c’est le scénariste ? Le metteur en scène ? Et quelle est la part du monteur dans cette 3ème lecture. Et c’est là que les choses se complexifient au cinéma. Aborder la question de l’énonciation et trouver qui est ce « Je ». En littérature, ça ne semble pas trop poser de problème, quand quelqu’un écrit sa biographie, c’est forcément lui, mais quand on réalise un film, on est dans une démarche collective, même si une petite caméra permet aujourd’hui de travailler seul, mais globalement, on travaille dans le cadre d’une collaboration collective et dans le cadre de 3 écritures au moins. Quand Jean Moustache fait la maman et la putain, la dimension autobiographique réside dans le scénario qu’il écrit tout seul, après, il faut passer par des acteurs pour interpréter son histoire, et ensuite, faire appel à un monteur pour recomposer son histoire. Donc il y’a quand même des strates qui viennent complexifier la nature autobiographique.
« Yasmina Khadhra » fait un détour par Tunis et part, entre autres, à la rencontre d’étudiants tunisiens en lettres, comme ceux de l’Institut Supérieur des langues de Tunis où il a animé une rencontre - débat intitulée « La Braise des mots, les mots de la braise », organisée par le département de l’établissement universitaire. Le romancier attise la foule et attire le lendemain un raz de marée de lecteurs férus à la librairie El Moez à Tunis : son dernier ouvrage paru « Khalil » a été épuisé en moins d’1h et sa séance dédicace a duré pendant plus de 4h. Samedi après -midi, c’est à la première 3Assise mondiale des journalistes" que le romancier s’est livré devant un public attentif. Un retour s’impose sur les déclarations de l’auteur.
1-L’accueil de votre dernier livre paru « Khalil » en Tunisie était fabuleux. Qu’avez-vous à dire sur cette rencontre avec un public aussi féru ?
C’était un grand bonheur ! Merci beaucoup à l’universitaire Cyrine ben Rjab et à Mohamed Bahri, propriétaire de la librairie El Moez d’avoir organisé cet évènement. Ils y ont cru et ils l’ont fait. Le public était mélangé, j’ai vu des gens venir du sud spécialement pour cette rencontre. Je m’attendais un peu à ça : les tunisiens m’écrivent beaucoup sur les réseaux sociaux. Ce peuple a besoin de recouvrir sa lucidité et j’y crois beaucoup, il se relèvera. Il résistera. Je suis admiratif. Une prochaine tournée aura sans doute lieu prochainement.
2-« Khalil », votre dernier roman en date présente une approche différente du terrorisme. Vous avez à votre actif, autant de romans qui traitent de différents sujets. Etes –vous tenté d’évoquer un thème encore inexploité pour vous ?
Peut – être un roman érotique ! (rire). Je ne suis pas spécialisé dans le terrorisme. J’ai fait voyager mes lecteurs un peu partout au Mexique, aux Etats-Unis, au Cuba, en Palestine. Je suis quelqu’un de très à l’écoute de son époque. Le grand malaise de la littérature, c’est qu’elle se fait actuellement otage des manifestations et des problèmes d’identification alors qu’on a beaucoup de chose à dire du monde et au monde qui est toujours réceptif. Il ne faut pas hésiter à répondre aux attentes du public.
3-Le terrorisme change de visage et a été traité différemment dans un grand nombre de vos romans y compris le dernier…
Il y’a un courant terrible pire que le djihadisme, c’est celui des philosophes et ntellectuels, politiques, qui essaient de stigmatiser l’Islam et les musulmans alors que notre maux suprême à tous c’est le terrorisme. Cette manipulation peut être le résultat d’un choc entre les cultures, les nations. On est voué à des théories fantaisistes, on est effrayé, c’est ça le véritable terrorisme psychologique. Autant vivre sa vie, malgré tout, foncez et ce qui doit arriver arrivera. Ne pas se plier face à cette idéologie fasciste. Il s‘agit d’un mouvement ultra puissant. D’un endoctrinement terrible derrière lequel il existe un grand lobbying.
4- Avez – vous un auteur que vous admirez ?
Je n’ai pas d’auteur qui m’inspire mais tous les auteurs m’ont construit, je leur dois tout ce que je fais, tout ce que j’écris. Il faut se nourrir de tous les courants littéraires.
5- Vous participez à un évènement majeur comme ces premières « Assises du journalisme » organisé à la cité de la culture. Il s’agit d’une occasion en or pour les journalistes de débattre…
Pas débattre, les journalistes savent exactement ce qu’ils ont à faire mais de se rassembler, de se retrouver, d’échanger, c’est bien. Il faut qu’ils retrouvent cette notoriété qu’ils ont toujours ou qu’ils avaient, qu’ils luttent à leur manière contre les courants extrêmes et les dictatures naissantes. Qu’ils soient solidaires, convaincus par leur mission, par l’apport qu’ils doivent donner pour une société meilleur. Des militants.
6-Quelle est la part de responsabilité d’un citoyen comme vous et moi ?
Un citoyen n’a pas honte d’avoir confiance. S’il s’aperçoit qu’on lui ment, il cède à la toile, qui est capable d’apporter tout ce qu’il a besoin de savoir en un simple clic. Mais le journaliste a la légitimité de l’information, il doit absolument la recouvrir cette information, sur la toile elle est chosifiée, vilipendée … ce qui provoque un ras-le-bol citoyen. J’espère que tout cet enthousiasme pour la toile va s’amenuiser. La vérité et l’authenticité retrouvent toujours leur place.
7- Mais le citoyen, comme le journaliste de nos jours est devenu acteur. Il ne relaye pas cette information sur le net mais il l’a reproduit …
C’est un figurant, il est souvent anonyme. Le citoyen n’aura jamais autant de poids face au journaliste et la presse redeviendra la force qu’elle était le jour ou elle comprendre qu’elle ne doit obéir qu’à sa propre conscience. Trump se bat tout le temps contre le « Washington Post » et ce 4 ème pouvoir, mais la Presse américaine n’a rien à craindre là-bas parce qu’elle est libre et qu’elle croit en son authenticité.
Avant d’être élue 4ème femme à la tête de la Fédération Tunisienne des Cinéclubs, Manel Souissi, médecin de formation a toujours été membre actif pendant des années au sein de cet organisme historique réputé pour son militantisme pour la diffusion d’une culture cinématographique accessible à tous les citoyens sans concession. Avec l’émergence d’un cinéclub à Hammamet, depuis 2012 et plus d’une trentaine d’autre à travers toute la Tunisie, la présidente nous livre un bilan des acquis, des travaux réalisés et nous donne un avant-gout des objectifs à atteindre.
Puisque votre actualité récente a davantage tourné autour de la 2ème édition de « Regards de femmes - Biouyounihonna », pouvez-vous nous dire comment cette initiative a vu le jour ?
Tout d’abord, il faut retenir que le festival « Regards de femmes » est le 4ème festival réalisé par la Fédération Tunisienne des Cinéclubs : le cinéma de la Paix, le festival des Courts métrages à Gabes, et un autre à Menzel Bourguiba. Pourquoi un festival ? Parce qu’au sein de la FTCC, on croit fort que ce type d’initiatives peut refléter une vision qui peut être compatible avec la diffusion de la culture cinématographique à travers les cinéclubs mais aussi les festivals et toutes les journées ciné organisés, notamment dans les régions. Des journées qui peuvent avoir un impact important dans des villes et des régions qui n’ont jamais connu le 7ème art auparavant. Ces citoyens peuvent connaitre une cohésion sociale, iront dans des endroits qu’ils n’ont pas l’habitude de fréquenter et connaitront les passionnés actifs au sein de la FTCC. Ils peuvent s’y initier et seront là également à guetter les retombés économiques grâce à ces manifestations : les jeunes auront plus de chance de travailler. Ils œuvrent pour un paysage cinématographique meilleur qui a surtout besoin d’une distribution. Puisqu’il n’y’a pas de salles de cinéma, les cinéclubs et les festivals les remplacent et serviront de plateformes de distribution de films en Tunisie ou ailleurs. Des festivals aux petits budgets et à la thématique récurrente comme la paix, la femme…
Pourquoi la femme ?
La femme parce qu’à Hammamet par exemple, tout est partie sur la discrimination : le festival repose essentiellement sur une rencontre des femmes cinéastes en Tunisie ou dans le sud de la méditerranée. Elles sont dans l’échange, rencontrent leur public et présentent leurs films. L’important est que l’œuvre soit créée par une femme peu importe la thématique traitée. En plus des formations consacrées aux enfants, les résidences d’écriture pour les jeunes cinéastes femmes dirigées par Besel Ramsis, les tables rondes pour parler d’un sujet précis. L’année dernière c’était l’écriture féminine, cette année, c’’était l’aide à la production. Une table ronde en présence de réalisateurs, de femmes cinéastes. Dire, qu’il y’a des ouvertures sur différents axes aux participants. Il faut citer aussi les statistiques qui attestent que le nombre des femmes cinéastes ou travaillant dans le domaine du cinéma est bien plus qu’inférieur aux hommes. J’ai jeté un coup d’œil sur le programme des Journées Théâtrales de Carthage, j’ai trouvé que dans chaque catégorie il n’y avait que 2 ou 3 femmes … c’est peu. Le festival valorise la place de la femme dans le secteur. La 2ème édition, on l’a aussi attaché aux « films Festival Academy » qui est une formation pour des jeunes cinéastes organisée presque en parallèle par la FTCC et qui se déroulait à Hammamet, au centre culturel de la ville sur 4 sessions. Les participants à cette formation ont pu y participer et apprendre beaucoup notamment en matière de « Branding », d’écriture, de journalisme… Ces mêmes jeunes qui conserveront ainsi en même temps la pérennité du festival.
Vous dirigez également la Fédération Tunisienne des Cinéclubs depuis un an. Un petit bilan de vos travaux accomplis s’impose …
On a opté en premier lieu pour un retour aux fondamentaux et aux cinéclubs. Les festivals par la suite, et aussi les formations. Le cinéclub de Tunis à un très bon atelier. Les autres cinéclubs tentent de lancer les leurs aussi. Je vois dans cette effervescence la naissance d’un mouvement cinématographique alternatif. Les clubs pullulent partout, à Tibar, Médenine, dans toutes les régions… ce réseau alternatif qui est accompagné, encadré … on diffuse la culture cinéma, et on accorde de l’importance aux débats, aux sorties tunisiennes inédites. Armé les spectateurs pour leur permettre d’être mieux réceptifs aux productions cinéma quelque soit son genre, son thème, son origine, et grâce aussi au maintien des formations.
Et quels sont les projets d’avenir de la Fédération ?
Cette année par exemple, on a assisté au lancement de l’initiative « Cinéma fi Houmetna » dans 26 régions. On a transporté du matériel afin de projeter des longs, courts et moyens métrages dans toute la Tunisie et dans des quartiers divers principalement les régions isolées. Les projections ont eu lieu sur les murs, dans des places publiques. L’expérience est importante et est aux cœurs des objectifs de la FTCC. On compte en faire à long terme un cinéma ambulant.
Le cinéclub Hammamet a été conçu par une équipe de jeunes dont vous, en 2012 et il poursuit ses activités depuis au centre culturel international d’Hammamet. Une programmation est – elle à l’heure du jour ?
Bien sur ! Le temps de terminer les Journées Culturelles de Carthage et les activités reprendront comme chaque année. Le cinéclub de la ville a acquis une notoriété importante, il possède son public, ses habitués. Comme elle est en manque de salle de cinéma, Hammamet doit bénéficier d’un cinéclub, d’un festival. On va vers l’ouverture de nouveau projet comme on a fait avec « Tfannen », et on a des projets prochainement avec le réseau des cinéclubs algériens. On était à Bjaïa, le réseau algérien a vu le jour dans ce cadre là. Ils ne savent pas encore si c’est une association ou un réseau. On s’est partagé notre expérience mutuellement à travers des formations. Dans un moyen terme, on assistera espérons à la naissance d’un festival itinérant entre la Tunisie et l’Algérie.
En tant que jeune femme active dans l’engagement cinématographique local, quels sont les difficultés auxquelles vous avez été confrontée ?
Je sens par moment, qu’on est toujours réticent à l’idée qu’on puisse compter sur une femme dans ce milieu, celui de l’engagement, ou du militantisme. Mais je signale que je suis volontaire, pas du tout professionnel et qu’entre les deux, ce n’est pas pareil. Le combat de la femme sur ses deux fronts n’est pas comparable.
Etes – vous toujours optimiste face à cette fuite des cerveaux et celles des jeunes talents en particulier ?
On ne reste pas indifférent face à cette fuite que je vis depuis la médecine. Je suis médecin et pendant mon cursus, on n’a pas cessé de voir les jeunes partir. De nos jours, il s’agit d’une politique, que je comprends. Je ne blâme pas ceux et celles qui partent, parce qu’en restant ici ils ne trouvent pas d’alternatifs, rien qui puisse réellement subvenir à leur attente. Y’en a qui restent, qui ne sorte pas de leur bocal : ils se résignent. La résignation que je considère comme un acte de résistance de nos jours. Il s’agit d’un concept qu’on discute beaucoup de nos jours, très récurrent d’habitude dans le domaine de la psychiatrie. C’est des épreuves qu’il faut surmonter pour instaurer de force et parfois malgré le manque de moyens, la culture des cinéclubs. Heureusement qu’il y’en a qui restent, qui s’accrochent et qui aspirent aux changements. Je reste quand même optimiste.
Comment définiriez – vous le paysage cinématographique tunisien actuel ?
On vit une renaissance ! Il y’a un mouvement important qui se créé. Une nouvelle vague de jeunes créateurs qui ne cessent d’émerger, qui innovent, qui surprennent des fois, malgré le manque de budget. On voit davantage les films d’animation : à la FIFAK par exemple, j’ai vu des créations sur l’environnement. Les jeunes sont sensibles à divers sujets internationaux. Ça fait plaisir.
La FTCC sera présente lors des prochaines JCC ?
Evidemment ! Comme chaque année. On est un partenaire historique. On va faire la présentation de tous les films retenus dans la compétition officielle et hors compétition, les 4 focus avec l’aide de nos cinéphiles venus de toute part. On les prend en charge, ils animent au retour les rencontres, les débats, les présentations. On donne cet aspect là au festival, pour qu’il ne devienne pas un marché du film. Et on travaille sur le décorticage des œuvres cinématographiques, le rapprochement entre public et réalisateurs. Etc
L’artiste tunisienne Emel Mathlouthi est revenue spécialement de New York à Tunis, le temps d’assurer un concert qu’elle donnera à l’occasion du lancement de la toute première édition des « Journées culturelles de Carthage pour les artistes tunisiens à l’Etranger », programmé pendant la soirée du 13 octobre 2018 à la Cité de la culture. Enthousiasme débordant et nouveautés se font sentir et seront au rendez-vous.
Nous assistons au lancement d’une manifestation tunisienne inédite dédiée aux « artistes tunisiens à l’étranger » et vous serez la première à ouvrir les festivités. Qu’avez –vous à nous dire sur ce festival ?
J’ai senti d’emblée qu’il y’ avait énormément d’enthousiasme derrière cette initiative de la part des initiateurs de ce festival et de l’équipe organisatrice. Ils ont dû faire face à beaucoup de difficultés et ont tenu bon. Je m’associe à eux et je les encourage vivement. Il s’agit d’une initiative noble qui vise à promouvoir les artistes tunisiens vivant à l’étranger et c’est important. Tout mon soutien aux musiciens particulièrement. Tout artiste tunisien est comme une fenêtre qui s’ouvre sur le monde : il tend à enjoliver l’image de notre pays. Des nouveautés se créent à l’échelle locale et c’est extraordinaire !
Qu’avez-vous préparé à votre public ce samedi 13 octobre 2018 pour la soirée d’ouverture ?
J’ai quand même pris mon temps, et j’ai beaucoup réfléchie en me référant au concert que j’avais donné à Carthage l’année dernière. D’ailleurs, j’ai tenu bon à revenir en Tunisie depuis, et voilà que l’occasion se présente. J’opterai pour une sorte de compilation de mes anciens morceaux. Quelques uns du moins, jusqu’à arriver aux nouveautés et à l’inédit voire jusqu’à présenter quelques morceaux de mon dernier album. Je serai accompagnée sur scène d’un quatuor à cordes. Depuis ma prestation au prix Nobel, je me suis focalisée davantage sur la rythmique, la sono, les cordes.
Les responsables des « Journées culturelles de Carthage pour les artistes tunisiens à l’étranger » vous rendront hommage lors de la cérémonie d’ouverture. En tant que jeune artistes, quelle importance peut avoir cette récompense pour vous ?
Je viens tout juste de le savoir, en effet. Je suis agréablement surprise. (rire) J’en suis honorée et touchée. On se sent comme éternellement jeune (rire). Je ne demande rien. Le plus important pour moi est d’être en Tunisie très souvent. Je ne peux pas me permettre de m’absenter. Je veux être présente lors des festivals. Revenir à la source. Dès qu’on m’offre la possibilité de me produire sur la scène de n’importe quel festival ici, je suis toujours partante avec mes musiciens.
Se produire sur scène à l’étranger ou ici, est-ce la même chose pour vous ?
Non, pas du tout. Déjà, je stresse davantage quand je suis ici (rire). Je me suis produit un peu partout, dans pas mal de concerts, mais ici, sur n’importe quelle scène, je me dois de me donner toujours plus et c’est comme si c’était ma première fois sur scène. Une sensation plaisante, déjà parce que je chantais en arabe, d’ailleurs je le fais toujours. Mon nouvel album est pour information, en préparation. J’ai déjà beaucoup chanté en arabe devant un public qui ne le comprenait pas y compris pour le public arabe qui ne comprend pas forcément le tunisien.
Qu’avez-vous à nous dire sur votre dernier album ?
Je vis depuis 4 ans aux Etats-Unis et j’ai éprouvé le besoin d’enregistrer mon dernier disque en anglais. Me surpasser tout en ayant en tête que je peux le faire. Chanter en tunisien ou en arabe est toujours une fierté mais j’ai envie de me donner dans de nouvelles expérimentations. L’album comporte 12 chansons dont 3 en arabe et les thématiques traitées concernent davantage les aspects humains. L’humanité a besoin d’empathie face à autant de malheurs dans le monde. On doit toutes et tous se sentir concerner par les réfugiés les immigrés, les guerres, les maladies … etc
Un dernier mot à dire à votre public tunisien ?
Vous m’avez tant manqué. Même si je ne suis pas souvent ici, je voudrais leur dire que je ne pourrai hélas pas l’être davantage. Je suis reconnaissante et je ne vous remercierai jamais assez pour votre soutien notamment sur les réseaux sociaux. J’essai d’interagir le plus possible et j’espère que le concert de samedi vous plaira.
Vous avez défini le théâtre dans un média étranger en citant « Il est temps de mettre fin au théâtre bourgeois », qu’est ce que vous entendez par cela ?
Grâce au théâtre, on peut changer un point de vue sur le monde. Pour le passionné, le théâtre est comme le cinéma ou la musique. Le 4 ème art devrait être plus ouvert, plus populaire. Je me réfère au concert que je chante : je me suis retrouvé dans des situations extraordinaires et dans des ambiances festives. Il y’a des gens qui viennent voir mon concert musical et qui sont mélangés, issus de tout bord : de différentes religions, cultures, des réfugiés, venant de territoires de guerre. Le théâtre est plutôt réservé à un une élite ciblée. En Europe, en tout cas, il l’est. Et pour moi le théâtre doit être ouvert aux autres, à tout le monde sans exception, et toujours plus accessible.
Votre spectacle « La Goia », « La Joie » programmé lors de la 54 ème édition du Festival international d’Hammamet, est défini comme une idée angoissante. Contrairement à ce que son titre reflète. Pouvez-vous nous en dire plus ?
La joie c’est une parole, une felcidade, c’est hippie… c’est un sentiment très profond qui se confond avec la douleur dans certaines conditions. « La joie », on peut l ‘atteindre après avoir traversé des épreuves difficiles. C’est la tragédie qui génère la joie dans des contextes inattendus et qui n’inspire que douleur et tristesse.
Est-ce qu’on peut dire que votre démarche théâtrale repose sur le questionnement plutôt quesur les discours ?
Oui, je me questionne tout le temps. Au fond, je suis une personne qui a beaucoup de capacités mais qui a aussi ces limites. Ces limites m’ont poussé à bout, m’ont montré le plus dur dans la vie et m’ont permis de me poser des questions : qu’est ce que tu fais ? Pourquoi tu fais du théâtre ? Pourquoi parler de certains sujets ? Des éléments qu’il faut remettre en cause incessamment. Et c’est toujours bien de se remettre en question.
Votre travail est très visuel et met en valeur le travail du corps …
Oui, c’est un théâtre de couleurs, de paroles, de mots, de chants, d’images, de musique. Je préfère me perdre dans mes spectacles. Il y’a un sens profond dedans : on parle de la guerre, de la vie, de la mort, de l’amour, de l’espoir, de l’amitié… de la JOIE. Et avant d’arriver à ça, tu te perds dans le rêve et dans l’imaginaire.