Afef Ben Mahmoud est connue auprès du public en tant qu’actrice. L’artiste est pourtant multidisciplinaire : elle est réalisatrice, productrice et a fondé sa propre boîte de production en 2018. Depuis les Journées cinématographiques de Carthage, «Les Epouvantails» est en salle et sillonne différents festivals nationaux et étrangers dont un passage remarqué à la Mostra de Venise. Dans ce long métrage, elle y incarne le rôle d’une avocate, farouche défenseure des droits humains tout en étant productrice sur ce dernier film en date de Nouri Bouzid. Afef revient sur ses deux films à l’affiche actuellement au cinéma, son tournage avec Mehdi Hmili et annonce le lancement de son propre film en tant que réalisatrice. L’artiste n’a pas manqué l’occasion d’éclaircir quelques points cruciaux. Rencontre.
Le public vous connait en tant qu’actrice. Comment a viré votre carrière vers la production?
Effectivement, j’ai pu lancer ma propre boîte pour produire mon propre film en tant que réalisatrice en 2018, tout récemment. C’est vrai que c’est ma première production mais ce monde-là ne m’a pas été toujours inconnu. J’ai fait des études approfondies en cinéma : je suis passée par l’Essec, j’ai une maîtrise en management, ensuite, j’ai réalisé mon premier court métrage et c’est là où j’ai décidé de me spécialiser en cinéma : j’ai eu mon diplôme en réalisation et j’ai fait mon DEA en Design/Image. Donc tout ce qui est management, gestion de ressources humaines, comptabilité, finance, etc, je les ai étudiés et ils m’ont toujours été familiers. J’ai beaucoup profité d’ailleurs de mes années à l’Essec.
Et pour «Les Epouvantails» de Nouri Bouzid, c’est donc vous qui avez proposé de le produire?
Absolument ! Je n’étais qu’actrice depuis 2013 sur ce film. Comme Nouri a eu des problèmes de financement, de production et de film à stagner, je lui ai proposé de tenter le coup en montant ma propre boîte. Il était partant, et je me suis lancée dans l’aventure.
C’était comment de travailler avec Nouri Bouzid ?
Enrichissant ! Nouri, c’est quelqu’un de qui et avec qui on apprend beaucoup. Cette production du film est très particulière parce que je n’ai reçu le papier officiel qui disait que le film passait à ma propre boite que le 9 janvier. Et comme le film traîne depuis 2014, la condition était de signer la convention avant le 31 janvier. Une fois la convention signée, le compte à rebours commence pour livrer le film et Nouri voulait absolument tourner en hiver. On avait le choix ou de commencer de suite ou de laisser tomber. On a commencé le tournage le 29 janvier. C’était donc une course menée avec une superbe équipe et ce n’était pas facile du tout.
Et du coup, sur ce film vous vous êtes retrouvée actrice… et productrice ? Ça n’a pas dû être facile de joindre les deux bouts.
Complètement ! On se faisait du souci pour moi et en guise de réponse, j’ai dit qu’en tant qu’actrice, ça m’arrivait souvent de changer de casquette. Parfois en même temps, on te demande de pleurer, une seconde après de changer d’état, d’apprendre un texte. J’ai réalisé à quel point le métier d’acteur est certes l’un des plus difficiles… mais il est très facile par rapport à la production ! (Rires). En tant qu’acteur, on est concentré, on fait notre boulot, ensuite, on rentre chez nous et on dort comme des bébés (rire), alors que pour la production, ce n’est pas du tout le cas. J’avais une superbe équipe réellement et c’est ce qui m’a aidée à jongler entre les deux.
Votre rôle dans le film est celui d’une avocate intègre, très engagée dans les Droits Humains. Est-ce que c’était facile de l’interpréter ?
Je l’ai aimé. (Rire). Je pense que pour un acteur, s’il aime son personnage, il fera tout pour le réussir. J’ai beaucoup aimé Nadia, de par son parcours, ce qu’elle a fait, ce qu’elle aimerait faire, accomplir, ses combats, ses convictions. Elle est l’avocate de ces deux filles, et du jeune garçon homosexuel. Elle est vraiment engagée, pour les libertés individuelles. C’est d’ailleurs ce que j’ai en commun avec elle en tant que Afef ben Mahmoud. J’ai fait le nécessaire donc pour bien l’incarner.
Comment s’est passé le tournage avec les trois nouveaux acteurs Mehdi Hajri, Nour Hajri et Joumene Limem ?
Franchement, Nouri a toujours été très fort en casting. Ça c’est l’histoire qui le prouve. Je pense qu’il n’y a pas d’acteur nouveau qui a travaillé avec lui et qui n’a pas reçu de prix d’interprétation : de Hind Sabri, Lotfi Abdelli, Ahmed Hafiane… toutes celles et ceux qui ont travaillé avec lui. Quand il choisit son acteur, je pense qu’il sait d’emblée qu’il va bien le jouer. Il sait très bien choisir. Même si j’ai plus d’expérience que Nour, Mehdi et Joumene mais ce sont des acteurs-nés. Quelque part, il fallait installer un rapport de confiance et une fois ce rapport installé, ça marche. Etre acteur, c’est avant tout être généreux ou être dans le partage avec ton partenaire peu importe qui il est. Et ils étaient formidables. J’étais très contente de travailler avec eux.
Le film passe un peu partout en Tunisie et à l’étranger. L’accueil critique et public est mitigé…
J’ai reçu beaucoup d’avis positifs. Mais de toute façon, un film c’est un point de vue. Et un point de vue diffère d’une personne à une autre. S’il était unanimement descendu, ou salué, ça aurait été bizarre. Nouri a en plus toujours su comment ouvrir le débat, et n’a jamais choisi la facilité. Ses sujets sont toujours délicats et peu traités. Déjà, quand on entend le terme «la Syrie», plusieurs nous ont dit «Non, mais c’est du déjà vu, déjà consommé». Je leur ai dit qu’on a vu beaucoup de films traiter du départ et non pas du retour. Mais le retour est très important également. On parle dans le film de la réintégration sociale des deux filles, revenues de Syrie. C’est comme si ce sujet est tabou et qu’on aimerait le garder tabou. C’est mon avis personnel. Je trouve que ce sujet n’a pas été très traité ni ici ni dans le monde arabe ni à l’étranger. C’est comme si on n’aime tellement pas parler de ces gens-là, que ça énerve de parler d’eux et de les exposer de cette manière. Ces gens-là font partie de notre société s’il s’agit de Tunisiens : on ne peut donc pas leur enlever le passeport, les rejeter ou les dénigrer. Au contraire, si c’est des gens qui rentrent avec des problèmes, il faut y remédier pour une meilleure réintégration et un vécu collectif en paix.
Le film s’en prend frontalement à la Troika, aux islamistes. Ça pouvait être redondant par moments…
D’une part, cela n’a jamais été dit d’une manière aussi frontale, je pense. On sous-entend mais pas d’une manière aussi directe. Et d’autre part, ce qu’on est en train de vivre aujourd’hui est le résultat des événements de 2013. On ne peut pas parler de quelque chose d’aussi important aujourd’hui, sans traiter le pourquoi des choses. Leur sens émane de 2013. Le spectateur pourra comprendre l’origine des choses à travers le personnage de l’avocate. D’autre part, avant la révolution, on ne pouvait jamais se permettre de parler aussi ouvertement ou d’évoquer des sujets similaires. Actuellement, on a ce luxe de s’exprimer aussi ouvertement, la tête haute. J’aime bien remettre les choses dans leur contexte et dire comment les choses ont évolué. Ça peut paraitre bizarre ! Et les combats sont toujours les mêmes depuis 2013. On est dans la continuité.
Brièvement, qu’est-ce qui différencie donc «Les Epouvantails» des autres films qui ont traité de l’extrémisme religieux ou de l’islamisme ?
Ce film parle de deux filles parties combattre en Syrie et de leur retour. Le film commence quand elles sont revenues en Tunisie et montre le déroulement de leur réintégration. On ne traite pas de l’islamisme comme dans les autres films et même pour l’aspect politique, je dis que si on a évoqué la Troika, c’est juste pour contextualiser et non pas pour parler des politiciens. Le film traite des rejets de ces personnes-là par tout le monde, par les politiciens, les voisins, leur familles, par elles-mêmes. Le film se veut différent et s’il ne s’est pas approfondi pour parler de l’islam ou de la Troika, c’est que ce n’était pas le sujet, tout simplement. C’est ma manière de percevoir les choses. Si on voulait parler de la Troika, il nous faudrait un autre film. Je suis artiste, pas politicienne. Ce qui m’intéresse, c’est le côté humain. Si on soigne l’humain, on peut régler beaucoup de problèmes sociaux et parvenir même à les éviter.
Actuellement, on peut vous voir au cinéma en tant qu’actrice dans «Avant qu’il ne soit trop tard» du jeune Majdi Lakhdhar. Comment s’est passée l’expérience ?
Mohamed Ali ben Hamra, que je salue, m’a approchée pour un premier rôle dans le film. Mais j’avais un calendrier hyper chargé et je n’étais pas disponible pendant la période du tournage. Ce qu’il m’a proposé au retour c’est de faire une apparition dans le film. Je l’ai fait sur deux jours. C’était un clin d’œil. Ça ne me dérangeait pas du tout. C’était, certes, un petit passage mais les gens m’en parlent beaucoup. L’exercice de cette caméra subjective n’était pas facile : au lieu de donner la réplique à des personnes, tu la donnes à la caméra. Même l’énergie qu’on tente de se créer entre acteurs d’habitude, elle est inexistante dans ce cas-là. Je salue d’ailleurs tous les acteurs qui ont accompagné cette expérience du début à la fin.
A l’instant, vous venez de terminer le tournage du dernier long métrage de Mehdi Hmili. Peut-on en savoir plus ?
Je n’ai pas le droit de parler avant la sortie du film. J’ai adoré travailler avec lui. C’est un réalisateur talentueux, doté d’une formidable manière de diriger les acteurs. Un rapport de confiance s’est installé entre nous et Mehdi donne de l’espace à son acteur. Chose qu’on ne peut pas avoir avec tout le monde et cet espace te permet de vivre encore plus le moment. Quand on vit le moment, en tant qu’acteur, c’est en le vivant qu’on peut réagir d’une certaine manière parfois et pas d’une autre et s’il y’a un réel rapport de confiance avec le réalisateur, tu peux te permettre de proposer, de te lâcher et de vivre le moment pleinement. J’ai fait le rôle d’une mère d’une cinquantaine d’années, c’est un rôle de composition.
Vous débutez bientôt le tournage de votre propre film en tant que réalisatrice. Où est-ce que vous en êtes ?
On attend encore le financement, collecter la somme recherchée et j’espère entamer le tournage en 2020. C’est une coréalisation et une coproduction entre la Tunisie et le Maroc. Ça parle de la danse et dans les troupes de danse, il y a toujours plusieurs nationalités. On vise beaucoup l’Europe pour les coproductions, mais moi je trouve que c’est très intéressant aussi d’en faire entre les pays du Maghreb. Il y a un traité qui parle de coproductions entre les pays maghrébins depuis 1997. Il y a eu beaucoup de films coproduits par le Maroc et qui partent ensuite en Europe pour la post-prod mais il n’y a jamais eu d’échange de films marocains vers la Tunisie. Donc, là, c’est vraiment un 50/50. Ça va être une première. J’espère qu’on va réussir à le faire. J’ai eu Malmo pour le développement, et le script et El Gouna pour le scénario. Le tournage aura lieu entre le Maroc et la Tunisie avec des acteurs algériens, marocains tunisiens et libanais. Le film s’intitule «Backstage».
Etes-vous toujours partante pour des rôles à la télévision ?
Bien sûr. Toujours preneuse. Je reste ouverte à n’importe quelle aventure professionnelle, peu importe la casquette. L’important est que le contenu soit bon. Je reste effectivement partante. Le projet doit être de qualité. J’ai un public, et je n’ai pas envie de le perdre.
Depuis sa création en 2010, « FEST-in » fait fureur à l’étranger. La manifestation cette année s’est étalée en prenant pied à Tunis et en s’organisant à cheval entre l’Institut Cervantes et l’« Esprit School of Business ». Le festival de cinéma a été dirigé au sein de cette école supérieure par « BMovie … », un noyau d’étudiants cinéphiles.
« FEST-in » sillonne le monde et s’est fait connaître au Portugal et dans divers pays européens avant de se poser du 24 au 26 avril en Tunisie pour la première fois. Il s’agit d’une manifestation cinématographique totalement itinérante et qui fête en 2019 sa 10e année. Partage, inclusion sociale, échange font partie des objectifs de ce festival qui veille à les atteindre d’un pays à un autre. La manifestation portugaise regorge de films portugais principalement, courts et longs métrages pour la plupart, riche en techniques pointues de l’audiovisuel. Donner un aperçu sur la culture portugaise et son 7e art a finalement attisé la curiosité des cinéphiles au sein de cet établissement supérieur mais aussi à l’Institut Cervantes. Les projections ont attiré un nombre correct de spectateurs malgré une communication timide. Cette 10e édition du FEST-in a été marquée par la présence de sa directrice Mme Adriana Niemeyer, venue tout droit de Lisbonne pour lancer les festivités et assister ainsi à la première projection du film brésilien « Antes que eu le Esqueça » (Avant que j’oublie).
Un marathon court et simultané de films
Le cinéma lusophone était certes à l’honneur mais la programmation était également composée de films issus du Brésil, du Cap-Vert, du Mozambique, de l’Angola et du Timor-Leste. A « l’Institut Cervantes de Tunez », trois films ont été projetés tous en VO : le brésilien « Place de Paris », le portugais « L’épine de la rose » et « Toutes les chansons d’amour », un film par jour pendant trois jours. « BMovie » au sein de l’ESB s’est chargé d’assurer les séances à partir de 17h00. Après le film d’ouverture, le portugais « Toute une vie à attendre » a été présenté le 25 avril. Le festival a tenu à consacrer sa troisième et dernière journée aux « courts métrages ». Baptisé « Les accents de la langue portugaise », d’une durée totale de 136 mn, les films sont issus des pays déjà cités mais le cycle alterne documentaires courts et fictions. Mission amplement accomplie pour ce noyau de cinéphiles au sein d’un établissement supérieur, celui de l’ESB, qui voit ses activités s’enrichir grâce à ce type d’initiative. « BMovie » a pour but d’introduire les étudiants à la culture cinématographique en temps normal à travers des projections, débats, ateliers et conférences organisés par le club. Et par projections de films, le club s’ouvre aux films d’auteur et indépendants.
Après un arrêt de trois années, «Les Dunes Electroniques» reviennent pour une 3e édition riche en musique, en art visuel, qui se veut engagée et qui se déroulera pendant le weekend du 16 et du 17 novembre dans le désert tunisien. L’évènement est un rempart aux difficultés d’ordre économique dans le sud tunisien et une aubaine pour les citoyens tunisiens originaires de Nafta et de Tozeur. Ali Patrick Ouerghi, fondateur de cet événement, nous dévoile les coulisses et les enjeux d’une édition particulièrement attendue par plus de 5000 festivaliers tunisiens et étrangers.
Patrick, vous êtes fondateur des «Dunes Electroniques» : un évènement qui a marqué 2014 / 2015. Tout comme l’Ephémère festival pendant l’été 2014, cet événement a lancé la culture des festivals de musique électronique et d’art visuel en Tunisie. Quelles sont les attentes ou l’impact que peut avoir un tel événement dans le sud du pays ?
En 2014 et 2015, ce festival a impacté la jeunesse tunisienne et les festivités électroniques qui ont suivi après. Pourquoi on l’avait créé à l’époque ? On avait lancé l’hôtel Dar Hi à Nefta, à cette époque le tourisme et l’économie du pays étaient au point mort. Et c’est le sud qui en souffrait le plus. Il fallait faire quelque chose pour que cela change et on s’est tout de suite dit que la culture pouvait être un rempart, un moyen de redynamiser la région qui était en train de mourir. Les gens de la région avaient besoin d’un coup de pouce, un coup de projecteur pour promouvoir leur région et leur remonter le moral. De plus, on pouvait en faire un outil de développement régional. La dynamique qui se crée ici pendant le festival est hallucinante : les secteurs touristiques et artisanaux sont revivifiés. Tout le monde bouge, tout le monde se sent impliqué, les commerçants sont entrés en lice, les établissements hôteliers sont au grand complet. L’impact est grandiose, c’est l’objectif.
Sur le plan de la programmation, est-ce que cette 3e édition reste dans la continuité des deux précédentes ou est-ce qu’elle s’innove et se veut différente ?
Pour la 3e édition, et d’une édition à une autre, on tient à évoluer, à s’améliorer. C’est important pour nous d’organiser cette édition en cette période de l’année, de braver les intempéries s’il y en a et de se munir. On apprend de nos expériences : en 2015, rappelons-le, tout le programme qu’on avait tracé est tombé à l’eau à cause des pluies diluviennes qui se sont abattues sur la région. Cette année, on revient avec tout ce qu’on avait prévu de concrétiser auparavant, avec une trentaine d’heures de musique électronique : une vingtaine d’artistes internationaux et une dizaine de DJ tunisiens et notamment des stars comme Luciano, un des piliers de la musique électronique. On a décidé cette année d’étoffer l’aspect artistique avec de l’art par exemple : installations artistiques, chorégraphies, œuvres d’’art venues du monde entier. De plus, la programmation promet, puisque une bonne partie de l’évènement se déroulera dans les décors de «Star Wars». D’ailleurs, on réserve de grands écrans pour regarder des films « Star Wars». On a reçu des performances de danseurs/ danseuses qui se joindront aux festivaliers pendant la nuit. Ça c’est la partie Culture / Art, répartis dans des Hashtags en ligne. On a également ajouté «les dunes Spirit» en Hashtag pour entretenir l’humeur et le bien-être des festivaliers, ajouter une touche de spiritualité, et de faire appel à un Chaman, qui fera de la méditation. D’autres activités dans ce sens sont au programme. La décoration du site de Star Wars et sa scénographie étaient au point. Sans oublier les workshops avec des étudiants de l’Enau et l’Essted chapeautés par la Maison de l’Image, etc. On se veut participatifs, tout le monde peut s’approprier «les Dunes Electroniques» et il faut garder ce fil conducteur. L’événement est tout public et s’adresse à toutes les tranches d’âge. J’espère le voir acquérir une notoriété internationale dans quelques années. Il ne faut pas oublier l’engagement écologique prôné par l’équipe des Dunes qui veillera à la protection de l’environnement en faisant appel à des associations et des organismes. On est dans le désert : il faut s’engager à le laisser propre en sensibilisant tout le monde à la protection de la nature.
Quelles sont les dispositions prises pour faire face aux intempéries et aux débordements d’ordre sécuritaire ?
Éviter les intempéries, on fera de notre mieux (rire). En tout cas, a priori, il fera beau. On a pris des dispositions très importantes bien sûr : La Garde nationale est notre alliée et ici, ça sera le coin le plus surveillé de toute la Tunisie. Notre garde travaillera à tous les niveaux, sur le site, les frontières, dans le désert, etc. Une mobilisation pareille est exemplaire. On ne peut pas organiser un événement d’envergure sans assurer la sécurité de bout en bout et sans s’associer aux autorités.
Les festivaliers seront au rendez–vous : les chiffres sont–ils à la hauteur de vos espérances ?
Les ventes se passent très bien : énormément de gens sont attendus. Les hôtels affichent complet. Le transport est au point, les covoiturages, plus de 50 journalistes attendus pour l’occasion : des festivaliers étrangers qui viendront à l’occasion. Notre parrain Jack Lang sera parmi nous, l’ambassadeur de France, M. Olivier Poivre d’Arvor, également. Une occasion de se retrouver et de montrer que c’est un festival important «Made in Tunisia».
Comment les Tunisiens originaires de Nafta et de Tozeur sur place perçoivent-ils l’organisation de ce festival ?
Si le festival tient toujours la cadence, c’est grâce à eux : depuis l’organisation de la dernière édition, ils n’arrêtent pas de réclamer le retour des « Dunes Électroniques », à l’unanimité. Ça fait plaisir de voir une si grande mobilisation pour réussir un festival qui rassemble plus de 6000 festivaliers dans la région. Même à l’époque où le tourisme allait bien, il n’y a pas eu d’évènements similaires dans la région : affiches partout, autorités régionales, le gouverneur de Tozeur et son soutien indéfectible. Cet événement est capital pour le développement de la région, sans oublier, le soutien inconditionnel du ministre du Tourisme, M. René Trabelsi.
Justement, après une éclipse de 3 ans, comment avez-vous pu ressusciter les « Dunes » avec le soutien du ministre du Tourisme ?
Je n’ai pas jeté l’éponge. J’ai continué à travailler mais tout a été mis en «stand by» pour l’aspect festif : il faut dire que depuis, la Tunisie et la France ont traversé une période sécuritaire critique. On a résisté et on a continué à essayer de remédier aux problèmes du tourisme dans la région et, au fur et à mesure, le ministre du Tourisme a été intéressé par l’initiative et a tenu à apporter son empreinte. Depuis, on a acquis une certaine expérience. Pas mal d’événements ont eu lieu à Djerba, notamment, partout ailleurs et même en France, et c’était inévitable que les Dunes devaient revenir. Et M. René Trabelsi a tenu à relancer le festival.
Trouvez-vous tout de même qu’économiquement le pays est en train de remonter la pente ? Que des améliorations sont tout de même à retenir ? Que le tourisme s’embellit dans cette région ?
Je trouve qu’en Tunisie, on a souvent tendance à parler de tourisme dans le sud ou comment faire pour remédier aux carences du tourisme du désert, du sud, ou même de l‘intérieur. On propose, on évoque, mais on n’agit pas réellement. Les hôtels, les restaurants se font rares et ne sont pas au point, les avions ne sont pas à l’heure. La culture des gros événements marquants comme celui-là ne peut être que bénéfique : il faut être innovant, la région attire toujours autant, il faut créer de nouveaux circuits, de nouveaux parcours, innover à la base. Il y a du travail, beaucoup de travail encore à faire et il faut surtout être innovant. La Tunisie a un potentiel jeunesse énorme.
Beaucoup espèrent faire des «Dunes électroniques» à long terme une sorte de «Burning Man» en Tunisie …
(Rires), Pourquoi pas ? On a tout ce qu’il faut pour atteindre cet objectif.
Le 2e court métrage de Sahar El Echi a sillonné deux festivals nationaux avant d’être retenu pour au moins trois festivals à l’international : le Beirut International Women Festival au Liban en mars, la 25e édition du Festival international de Casablanca prévue pour le 22 avril 2019 et l’Unframed festival à Berlin.
L’expérimental se laisse sentir et ne se laisse pas uniquement consommer. « Bine el Binine/In Between/Entre-deux », d’une durée de 6’24, exprime poétiquement, à travers une voix off féminine, un malaise intérieur persistant, qui peut être vécu au quotidien.
Le film plonge le spectateur dans une journée morne, celle d’un personnage enfermé chez lui, dans une demeure, secouée par des cris de détresse. Le personnage, dont on ignore le genre, est accompagné par une voix féminine qui décrit ses déplacements, ses agissements les plus ordinaires : comme veiller, dormir, s’allonger, sortir ou arpenter le jardin ou les couloirs sombres. La tension monte, accentuée par l’impact des mots énoncés. Les plans fusionnent, montrant des détails ordinaires : photographies, souvenirs, bruits, lumières, dates… La voix qui porte le film retentit comme des pensées intérieures. Celles de cet être torturé. Des bribes de pensées exprimées ouvertement. L’étouffement atteint son paroxysme vers la fin.
Le titre du film, traduit en trois langues, donne libre cours à diverses interprétations. Le court métrage est une réalisation indépendante projetée en Vost/Ang, réalisé et filmé à « Dar Eyquem » à Hammamet, lors d’une résidence artistique. La voix off est celle de Nejma Zghidi et la direction artistique a été confiée à Marwen Abouda. Le texte, point fort du film, a été écrit par Sahar El Echi et Ayoub El Mouzaine. Photographe et artiste visuelle également, Sahar El Echi a fignolé les images de son film avec l’aide de Hiba Dhaouadi.
Le film a été projeté lors de la 2e édition du festival « Regards de femmes », consacrée aux œuvres cinématographiques réalisées par des femmes tunisiennes, maghrébines ou issues de la région Mena en octobre 2018. « Entre-deux » a aussi raflé le 3e prix lors du dernier Fifak en août 2018. Le RPM Fest (Boston) l’a retenu pour son édition de février 2019, ainsi que la Sharjah Art Foundation, initiatrice du Sharjah Film Platform (UAE). Il a été sélectionné récemment au « Gabès Cinéma Fen » dans la catégorie « courts – métrages ».
Modéré par Mariem Azizi, artiste, universitaire et cinéphile, le Masterclass d’Abdelatif Kechiche était sans doute l’un des moments les plus attendus de la 2e édition du Toiff 2019, organisée récemment à Tozeur. Venu spécialement assister à ce festival du cinéma, ce géant du cinéma contemporain a rassemblé une quarantaine de professionnels du cinéma : acteurs culturels, réalisateurs, journalistes, étudiants, cinéphiles et festivaliers. Très loin de ce dont on pouvait s’attendre, le réalisateur s’est dévoilé, sourire en coin, décontracté face à son public. Une audience qui n’a pas mâché ses mots par moments en tentant de connaître le plus possible cette icône du 7e art : une personnalité qui ne cesse de cultiver le mystère. Kechiche a reçu une rafale de questions, ses réponses, en retour, étaient tantôt directes, tantôt évasives… Rencontre.
Abdelatif Kechiche, un double parcours remarquable au début en tant qu’acteur mais surtout en tant que réalisateur : un parcours jalonné de succès et primé aux Césars, à Cannes en décrochant la Palme d’Or en 2013 pour « La vie d’Adèle », ainsi que d’innombrables prix partout dans le monde dans différents festivals. Vous êtes connu pour votre mise en scène maîtrisée et votre façon particulière de diriger les acteurs : on sent que vous prenez vos acteurs tel qu’ils / elles sont dans la vie réelle.
La première chose que je tiens à dire est en rapport avec cette manifestation cinématographique remarquable : le Toiff. Hier, j’ai vu le film « La Coupe » de Mohamed Damak et j’ai découvert un véritable bijou du cinéma tunisien : il y avait une maîtrise de l’art cinématographique exceptionnelle et une mise en scène extraordinaire. Je l’ai trouvé bouleversant. On l’a vu sur la place publique. Quelques spectateurs regardaient passionnément dans le froid, dans la nuit, avec un son approximatif. Le film avait une grâce, une force dans ce désert. Parler de ce que nous sommes : hommes et femmes tunisiens. Parler de cette passion pour quelque chose d’irréel, trop beau. Ces personnages étaient remarquablement bien interprétés : c’était un plaisir de les voir si jeunes et s’amuser comme ils le font. Ce film passait à la fois comme un documentaire, et une fiction. Il a une double vocation. La mise en scène était juste. Il y avait de la dérision et j’ai beaucoup ri. C’est ce qu’on cherche depuis la nuit des temps : faire rire les spectateurs. Je voulais dire déjà que Mohamed a déjà autant, si ce n’est beaucoup plus, d’histoire et de maîtrise du cinéma que moi et je parlais tout à l’heure avec Fathi Haddaoui du cinéma tunisien qui se porte très bien : qui est polyvalent, en pleine effervescence, dégoulinant de créativité. Pour mon dernier film, « Mektoub My Love : Intermezzo », j’ai eu comme premier assistant-réalisateur Nasreddine Ben Maati, un excellent collaborateur qui a porté le film.
"J’ai plus de souvenirs de films tunisiens qui m’ont bouleversé bien plus que d’autres."
Il y avait une scène d’hôpital, qui m’a valu 15 jours de tournage : une scène chaotique, des blessés, des morts etc. Éprouvante par moments à tourner. On répétait et on tournait dans cet hôpital de nuit. Il y a eu deux jours où je n’avais plus la force de tourner, et j’ai confié la direction à Nasreddine qui devait tout mettre en scène : je lui ai tout légué. J’avais besoin d’un temps d’arrêt, les conditions de tournage étaient difficiles, pesantes… Quand j’ai vu le résultat bien plus tard, j’ai découvert, un metteur en scène excellent, qui a tous les atouts nécessaires pour aller de l’avant et faire de l’excellent travail, une maîtrise parfaite. Je sais qu’il peut galérer pour réaliser un excellent film à lui tout seul : le financement et tous les obstacles qui vont avec les préparatifs d’un film sont durs à gérer par moments, mais il peut le faire. Un film tunisien par exemple, n’a rien à envier à un film iranien ou autre. J’ai plus de souvenirs de films tunisiens qui m’ont bouleversé bien plus que d’autres. Le cinéma existe aussi dans une petite ruelle dans le désert. Je ne parlerai pas de jeunes ou vieux génies vivants actuellement et toujours aussi productifs, ils peuvent le faire pour eux-mêmes.
De vos premiers films jusqu’à « Vénus Noire », il y avait une thématique franco-française et un message universel. J’ai l’impression que dans votre filmographie, ce film était un cap pour passer à autre chose et dire « Je suis un cinéaste universel qui travaille désormais sur des sujets universels ». Vos films deviennent beaucoup plus recherchés et quelque part vous avez une envie consciente ou inconsciente de réinventer votre écriture cinématographique. Vos derniers films, est-ce que vous les tirez de gens que vous rencontrez ? D’impressions que vous voulez communiquer ? C’est comme s’il y avait tout un dispositif mis en place pour restituer les choses au-delà du réel et parfois du dérangeant. Comment vous procédez avec vos acteurs ? Comment arriver à ce degré de réalisme avec les personnages, les dialogues, etc. ?
Il y a d’après moi la notion du plaisir. Quand j’ai envie de faire des films je les fais par pur plaisir. Je ne le fais pas par nécessité d’en faire. Le désir de rêve, de bien-être, il y a une façon de s’échapper aussi. On a tous envie de s’échapper quelque part, se retrouver sur un plateau avec des personnes choisies peut être aussi la parfaite échappatoire pour un réalisateur. On peut se nourrir du plaisir des autres également. Voir de près comment s’élabore un film de A à Z. C’est toujours une idée qui vient, une rencontre, un scénario qui nous permettrait de concrétiser… Je crois que le cinéma, c’est aussi le groupe : la réussite de tout un groupe qui a porté le travail jusqu’au bout. Après, ce groupe il peut en effet, se défaire, se refaire. Il s’agit d’une énergie. Aujourd’hui, c’est plus léger de faire un film en groupe qu’avant. A l’époque, on pouvait avoir affaire à des tensions, des difficultés. Aujourd’hui, il y a plus d’audace, de souplesse pour un travail accompli d’une manière collective. C’est l’énergie des autres qui importe, toute l’équipe : ce sont des moments de création partagée. Les souvenirs et les anecdotes qu’on garde, c’est précieux.
"Il y a d’après moi la notion du plaisir. Quand j’ai envie de faire des films je les fais par pur plaisir. Je ne le fais pas par nécessité d’en faire."
Il y a eu quand même de grandes consécrations autour de vos réalisations. Votre direction d’acteur, si vous le permettez, pouvez– vous nous la décrire de plus près ?
Pardon, mais quand je travaille, je fais ce que je pense, j’applique ma vision. Je sais qu’au départ, il y a un choix de gens à faire, avec qui on a envie de travailler, et c’est des gens qui me fascinent d’emblée par leur talent, leur beauté, leur intelligence, leur malice, ruse… On va essayer de prendre ce quelque chose de plus profond en eux. C’est un métier que je trouve magique, qui perd peut-être un peu de son essence par moments mais le métier d’acteur est immense. Il nous apporte beaucoup et nous informe sur ce que nous sommes. Être devant la caméra, face à un public, incarner un personnage. C’est immense ! Personnellement, je n’ai pas pu être un grand acteur…
Suite à une rétrospective Kechiche, on a vu des différences de plans, de mouvements, de langue, de langages… Et un des thèmes marquants, c’était l’adolescence, ou cette fragilité, cette douceur qui est exprimée au monde et qui émane de cette période en particulier. J’aimerais que vous nous disiez pourquoi ce thème est si important pour vous.
"Je travaille, je fais ce que je pense, j’applique ma vision."
Je n’arrive pas à comprendre moi-même le sens de ce que je fais. Il y a tellement de choses dues au hasard, et à la chance qui font qu’un film prend un autre chemin, reflète d’autres messages. L’adolescence… Peut-être qu’au fond les artistes, acteurs incarnent à la perfection l’adolescence et qu’au fur et à mesure des changements, le thème paraît comme s’il était en permanence présent.
Il y a beaucoup d’énergie dans vos films, c’est cela qui charme énormément le public. Comment ça se fait que dans vos derniers films, vous avez eu autant de conflits et de problèmes avec vos acteurs ? Comment une si belle énergie peut-elle devenir une source de conflits ?
Je m’entoure d’acteurs / actrices que je trouve passionnants. Je les cherche pendant longtemps avant de les avoir. Rechercher l’être exceptionnel qui va porter le film à l’écran, prendre son temps… Donc, c’est souvent des personnalités très fortes. L’art dramatique et le travail immense qu’il nécessite demande à ce qu’un élément essentiel parfois du film peut craquer. On a affaire à des êtres en état de création, face à des êtres en pleine exaltation. Quand tout cela se termine, il y a un vide, une dépression, une chute… Ce qu’on garde en bon souvenir pour les uns peut être désastreux pour les autres. Une merveille pour eux, des inimitiés, des naissances, des couples qui se forment : j’ai eu pas mal de naissances et de couples sur mes films. Et c’est comme ça, c’est la vie. Après, les conflits dans le cinéma, il y en a à la pelle et malheureusement parfois, ça empêche que le film s’exprime. Mais les conflits que j’ai eu avec quelques-uns / une ne fait pas d’eux ou d’elles de mauvais acteurs / actrices, ils / elles restent à mes yeux des talents inouïs. Je ne les regretterai pas pour si peu. Tant pis s’il y a eu une volonté de scandale réel ou irréel. Ils sont ma fierté, et j’ai trouvé des gens qui ont renouvelé le cinéma français. Avec un tel charisme et une telle aura, ils font peur au monde. Initialement, c’est l’être profond qui s’exprime dans un personnage et non pas sa personnalité qu’on peut voir faire du charme dans la presse, parfois…
Les jeunes étudiants en cinéma qui sont là sont intimidés par votre présence. Nous, on vous a vu évoluer de « Bezness » jusqu’à « Mektoub my love ». Qu’avez-vous à leur dire ?
Depuis « Bezness », j’ai eu beaucoup de chance. C’est à une pointure américaine de dire ça (rire). En même temps, j’ai rencontré des personnes exceptionnelles, des metteurs en scène hors du commun, des acteurs formidables. Finalement, je me sentais plus metteur en scène qu’acteur. J’ai puisé de ce côté-là et c’est globalement un parcours léger, je trouve que j’ai eu vachement de la chance. Ce n’est rien d’autre. J’essaye de puiser dans une forme de liberté, d’échappée, de sensualité. Je me sens bien avec mes contemporains…
Êtes-vous en train de suivre le cinéma tunisien ces dernières années ?
Vraiment j’ai une très grosse lacune qui remonte à des années, jusqu’à maintenant. Je n’ai plus le temps. Je n’ai pas l’esprit à voir des films, comme je suis tout le temps sur terrain. Et c’est général, ce n’est pas propre au cinéma tunisien. Je ne suis pas du tout au courant de ce qui se passe dans le cinéma du monde. Le travail me prend trop de temps. J’aimerais bien en voir comme avant.
On ne vous voit jamais en Algérie, vos films ne passent pas là-bas. Est-ce que vous voyez des films algériens ?
On a 4 ou 5 millions d’Algériens en France. Le cinéma algérien est très à la portée de nos jours. Il n’y a plus de frontières. C’est une chance. Je sais que le cinéma algérien est exceptionnel et l’Algérie est aussi très riche de sa littérature.
"Personnellement, je n’ai pas pu être un grand acteur…"
Pourquoi Kechiche insiste en poussant jusqu’aux limites du supportable dans certaines de ces scènes ? Est-ce que c’est lié à la matière qui tourne ou est-ce que c’est prémédité dès le début pour nous faire « torturer » en quelque sorte à travers la longueur notamment de quelques scènes qui restent marquantes ?
Je n’ai pas voulu paraître sadique, hein ? (rire). C’est comme les repas, il y en a qui les trouve lents, consistants, ou trop copieux. Moi, j’aime beaucoup les images. C’est toujours difficile de trouver un équilibre qui correspond aux attentes de chacun. Un film, ça s’oublie avec le temps, les images aussi, et souvent ce qui nous a ennuyés peut nous exalter plus tard…
Peut-on imaginer un Kechiche tourner en Tunisie avec des acteurs locaux ?
Oui. Un sentiment plus qu’envahissant. Donc, oui bien sûr. Ce n’est pas à écarter.
"Le cinéma tunisien se porte très bien : il est polyvalent, en pleine effervescence et dégoulinant de créativité."
Dans vos premiers films, il y avait la thématique de la migration en France. Après, c’est devenu un choix que vous faites. Ce sont des thématiques franco-françaises qui nécessitent une connaissance de l’histoire de la France. Après le film « Mektoub My Love », la question de l’intégration ne se pose plus. Les personnages ne se demandent plus s’ils font partie de la France ou pas. On voit qu’ils jouissent librement de la vie. C’est un choix que vous avez fait et que je trouve sulfureux, non seulement dans les sujets mais aussi dans les thématiques…
Je reconnais qu’il y a des moments de lourdeur dans le film qui ne devraient pas être là mais qui me plaisaient. C’était une question de montage. C’est une histoire qui m’avait bouleversé et j’ai eu envie d’en faire un film avec des personnages fascinants. C’est difficile d’expliquer ce que j’ai voulu dire par ce film. Pour « Vénus noire », il y a eu ces scientifiques qui l’ont disséqué. Leurs propos ont eu lieu à des discussions, et ont fait office d’archives pour l’histoire. Les moulages de ce corps existent toujours dans un musée. C’est presque une relation métaphysique que j’ai avec ce personnage. Son énergie m’a habité pendant plusieurs années, j’ai eu envie d’en parler. J’ai eu envie de la raconter. Je suis fier de l’avoir fait. Si vraiment je pouvais vous dire mes motivations quant à la réalisation de tel ou tel film, je l’aurais dit… Les motivations profondes, je ne peux pas les connaître. Désolé.
Dans votre parcours, vous avez eu l’occasion de collaborer étroitement avec Ghalya la Croix. Vous formiez un duo. On voit que votre duo, dans les coulisses, marche très bien. Qu’est ce qui fait sa force ? Qu’est-ce que vous vous apportez mutuellement ?
Encore de la chance de l’avoir rencontré. Ghalya a un caractère « de cochon » par moments. Mais ce qu’on a fait à quatre mains reste entre nous. (Rire) C’était bien sûr, enrichissant de la connaître.
"Je crois que le cinéma, c’est aussi le groupe : la réussite de tout un groupe qui a porté le travail jusqu’au bout."
Une fois Bertolucci a dit « Pour filmer des corps nus, il faut que la caméra ne soit ni trop près ni trop loin », mais vous avez inventé cette manière de filmer de près, comme si cela pouvait permettre de repousser le plaisir, surtout dans vos derniers films. Est-ce que c’est vrai ?
C’est un sujet vaste « Le corps ». Il n’est peut-être pas intéressant de s’y étaler… C’est un travail difficile, le filmer est stressant. Saisir le moment où on capte quelque chose, ça mérite d’en faire des images, ce moment-là. C’est en tout cas toujours un plaisir de transmettre, d’en faire des images. Ai-je répondu ? (Sourire).
Dans cette époque difficile, quelles sont vos préoccupations actuelles ? Qu’est-ce qui vous tracasse en tant qu’être humain ? Votre rapport à cette époque ? Y a-t-il des sujets que vous aimeriez traiter, sortir ?
Quand on a de nombreuses motivations, à vouloir changer de monde : au fur et à mesure que le temps avance, c’est toujours les mêmes préoccupations de toute l’humanité. J’ai désespéré depuis le début du siècle dernier. Je fais des films pour retrouver un peu de dérision, de rires, de larmes, de rencontres. C’est presque égoïste, mais je fais du cinéma pour m’échapper.
(Rencontre collective modérée par Mariem Azizi )
L’actrice Hend Sabry, marraine du «Gabès Cinéma Fen», est partie à la rencontre des étudiants de l’Institut supérieur des arts et métiers à Gabès pour animer un masterclass dans un amphithéâtre bondé d’étudiants curieux, de journalistes et de festivaliers. Elle est revenue sur ses débuts, et son immersion dans l’univers du 7e art, tout en se focalisant sur son ascension, le rapport acteur-directeur d’acteurs et son parcours singulier.
Votre carrière a démarré sur les chapeaux de roues grâce à Moufida Tlatli et son film tunisien culte « Le silence des Palais ». La réalisatrice tunisienne vous a grandement aidée à vous insérer dans le milieu. A cet âge-là, vous étiez encore jeune adolescente. Parlez-nous de vos débuts dans le cinéma ?
« Le silence des Palais » était une aventure magique. Un an de pur bonheur. J’étais fascinée par le monde du cinéma, et je me faisais diriger pour la première fois par une réalisatrice. J’apprenais à peine les ficelles de la direction d’acteurs. J’ai également pu apprendre la maîtrise de l’éclairage, de la lumière, des intuitions d’un acteur derrière la caméra. Les premiers réflexes, je les ai appris sous la houlette de Moufida Tlatli et en ayant aussi une idée approfondie sur le travail de Youssef Ben Youssef (directeur de photographies décédé). Le travail en équipe s’apprenait à cette étape-là : chacun d’entre nous apportait sa pierre à l’édifice. La dynamique qui se crée sur un plateau de tournage est indispensable. C’était quand j’avais 15 ans, je sillonnais déjà les festivals de cinéma dans le monde. Je découvrais cet univers, et en tant qu’actrice qui apprenait tout juste, je devenais « égoïste », mon ego enflait, je le dis en toute franchise. Les lumières des projecteurs influencent notre rapport à l’autre et à soi-même. Chaque personne connue du grand public peut l’affirmer, et dans mon cas, j’avais l’impression de tout savoir, tout maîtriser, de régner. A cette époque-là, ma relation avec le cinéma fut ambiguë et ce malaise a quand même persisté parce que j’ai commencé très tôt, d’après moi. Le fait d’enchaîner les tournages, qui prenaient fin aussitôt après, m’ébranlait : on rencontre une nouvelle famille sur le plateau, on vit avec et on voit tout le monde partir après. Emotionnellement, ce n’était pas évident. Une pause de quelques années après mes débuts était donc nécessaire. Je n’ai fait qu’un seul téléfilm français en 5 ans. J’ai eu mon bac et j’ai repris le cours de ma vie…
Jusqu’aux retrouvailles avec Moufida Tlatli, et son film « La saison des hommes ». Entre actrice et réalisateur, vos rapports étaient étroits. Comment a été vécue votre collaboration par la suite ?
En parler est nécessaire, en effet. Je lui tire mon chapeau ! C’était la toute première directrice d’acteurs, et je pense que ce n’était pas évident pour elle de me diriger en me décontextualisant de mon environnement, de mon mode de vie, de mon entourage. C’était profond comme approche et elle reste à mes yeux l’une des figures les plus importantes que j’ai eu à connaître dans ma carrière : elle tire son talent de sa maîtrise du montage. Sa relation avec les acteurs s’entretenait donc initialement derrière des écrans. Elle assistait à des répétitions et savait quand un acteur faisait une bonne prise ou une mauvaise prise : l’acteur, il faut le citer, sait quand il fait une bonne ou une mauvaise prise avant le réalisateur, c’est comme une sauce : elle prend ou elle prend pas. Une intuition. Et elle, en tant que monteuse, elle sentait ça aussi. Elle savait qu’un acteur aussi ne pouvait percer que grâce à une certaine bienveillance, et à l’amour. Si l’acteur ne ressent pas ça envers un réalisateur, c’est perdu : toute cette énergie positive, elle se reflète dans le travail de l’acteur et son interprétation. Moufida était tactile, elle m’a couvert et m’a redonné confiance en moi, elle était maternelle. Lorsque je ne me suis pas sentie jugée, j’ai pu avancer. L’acteur ne peut devenir acteur qu’en acceptant d’être jugé.
Donc, finalement qu’est-ce qu’une direction d’acteur, d’après vous ?
On ne peut pas généraliser. L’interaction n’est pas la même d’un acteur à un autre : les acteurs ne se ressemblent pas, c’est au cas par cas : tout dépend du vécu de chacun, de ses références, de sa personnalité. C’est fluide. Les acteurs ne réagissent pas de la même manière. L’intimité, le partage et l’échange définissent la direction d’acteurs et Moufida Tlatli m’a appris que le cinéma est « une affaire intime ». C’est comme ça que personnellement, j’aime être dirigée. On ne peut clairement pas faire un film sans amour.
Cette bienveillance a-t-elle été toujours présente dans votre carrière ?
Evidemment que non ! Comme je le disais, c’est une relation en dents de scie, sur plusieurs niveaux. Il s’agit d’une relation de travail sérieuse à la base, mais après il peut y avoir des rivalités, une guerre d’ego, une peur de l’acteur, des fois, ces inimitiés et ces relations toxiques prennent le dessus, et ça peut aller jusqu’à l’affrontement.
L’avez-vous vécu ?
Une fois, oui. Peut-être deux. (Rire) On m’a explicitement dit une fois : « Vous êtes des acteurs, il faut qu’on vous casse pour que vous avanciez ». Il y a des réalisateurs qui ont eu des palmes d’or à Cannes et qui peuvent se permettre de réagir de la sorte.
C’est l’aspect humain qui est en jeu! Pour l’aspect créatif, les situations peuvent être immondes. Je fais en sorte de ne pas me mettre dans une situation rabaissante, malgré tout. Je souligne le regard sur l’humain, ou plus précisément sur la femme.
Toutes les réalisatrices procèdent-elles de la même manière ?
Non, ça diffère complètement. Avec l’Egyptienne Inès Dghidi par exemple, ma relation fut professionnelle et le côté humain était inexistant. Avec Hind Boujemaâ sur son dernier film qui sort bientôt, j’ai retrouvé ce bien-être. Avec Moufida, on philosophait carrément.
Les réalisatrices sont plus empathiques envers les acteurs que les hommes : la femme réalisatrice vous cerne plus rapidement et c’est aussi important dans la direction d’acteurs. Les réalisateurs avec lesquels je me suis entendue sont très empathiques.
Comment se font tes choix de rôles ?
La priorité, c’est le personnage qui est le fruit d’une écriture scénaristique, de la vision d’un réalisateur et de la composition des autres personnages. « Un personnage multidimensionnel » : il faut que le personnage me parle même s’il diffère totalement de ma propre personne : il faut qu’il soit provocateur ce personnage. Il y a des acteurs qui rompent avec le personnage tout juste à peine le tournage entamé parce qu’ils se rendent compte que leur relation avec ce personnage n’allait pas faire des étincelles. Une fois lors d’un dîner avec Robert de Niro (je suis veinarde ! (rire)), il m’a fait savoir que partout ailleurs, on fonctionnait de la même manière.
Y a-t-il une différence dans la relation entre l’acteur et le réalisateur en Tunisie et en Egypte ?
Il y a une différence, bien sûr ! Mon rapport avec Inès Dghidi était totalement différent d’avec Moufida Tlatli comme je le disais. En Egypte, j’ai directement été jetée dans le vide. Là-bas, c’est une machine. Il y a un enjeu commercial. Le film va être beaucoup plus diffusé.
D’ailleurs, quand j’ai débarqué en Egypte, on m’a souvent taxée «d’actrice commerciale». Le fameux rapport intime entre réalisateur et acteur est inexistant en Egypte.
La traversée de 3.000 km à pied de Ridha Dhib a suscité curiosité et intérêt pendant l’été. De Paris à Sousse, retour sur un itinéraire artistique marquant. L’artiste marcheur a concrétisé cette performance à l’institut Français de Tunisie le 9 septembre dans le cadre d’un finissage intitulé «ID’BA Projet hor-l-zons». Au gré des 106 étapes, et à l’aide d’une boussole performante en réalité augmentée, Ridha Dhib est parvenu à créer ce trait d’union entre la France et la Tunisie. Bienvenue dans les coulisses de cette immigration inversée hautement symbolique.
Tout d’abord, on va se focaliser sur ce fameux déclic : comment est née «cette idée de la Marche»?
La marche fait partie de mon travail et de ma démarche depuis quelques années : depuis l’avènement du numérique, on peut en effet, obtenir une trace de ce qu’on peut accomplir. Cet intérêt a vu le jour depuis une quinzaine d’années. Pour revenir sur cette performance, en tant que Tunisien : je me questionne. Cette ligne, cette traversée de la France jusqu’en Tunisie en passant par l’Italie a été un trait d’union. Sur le chemin, ce sont les rencontres qui m’ont marqué : je suis fils d’immigré et l’inattendu était stimulant. Cette démarche, cette expression par le corps, mon corps était de l’ordre de l’inconscient, de l’impensé. Je prenais en compte la misère économique, qu’on peut ressentir du nord au sud, par exemple. En France et en Italie, les gens me recevaient et m’accompagnaient. Je me suis dit qu’il faut faire l’itinéraire de cette immigration à l’envers, du nord au sud. Certains passants, des villageois, ne voient pas de touristes, ni d’immigrés, ni d’européens : ils voient leur semblable, un être humain. Ce chemin est une nécessité éthique de le faire à l’envers. Le territoire, ça se traverse et ça se vit.
En parlant, vous vous focalisez davantage sur l’Italie que la France. Pourquoi ?
En Italie, c’était la partie la plus balisée. C’était l’imprévu et c’était aussi la partie la plus longue.
Comment expliquez-vous l’hospitalité de toutes celles et ceux qui vous ont accueilli ? Est-ce que c’est dû à votre apparence ou à votre aura méditerranéenne ?
Je me vois déjà défavorisé des autres. Dans le sud, ils ont l’habitude des passants. Dans mon cas, il y a une bizarrerie, dans «comment je suis», «Ma manière d’être» dans mon énergie : je trace une ligne, je suis presque une ligne : on voit une certaine énergie qui passe : je suscite la curiosité, il y a le respect de la performance et par conséquent de la personne qui la porte.
De Paris à Palerme, en arrivant à Tunis : c’est l’immigration inversée. Comment était le contact avec les gens ? On voudrait en savoir plus sur cette diversité humaine que vous avez sûrement croisée en chemin d’une région à une autre.
J’ai été hébergé dans des monastères, des couvents : à aucun moment, la question de l’appartenance, ou de la religion par exemple, s’est posée mais une fois, je me suis retrouvé chez des prêtres issus de toutes les nationalités : ils m’ont demandé quelle était ma religion, j’ai dit que j’étais athée, mais ça ne les a pas empêchés de bien me traiter. 99% de mes rencontres se sont très bien passées —pour ne pas dire 100% : ce 1%, c’est la part des anges— (rire). Dès qu’on échange un peu, c’est la question de la performance qui prend le dessus : son sens, son message, qui a impacté toutes les rencontres. Les gens c’est des degrés, des variétés, j’ai rencontré des gens peu ouverts dans des patelins très isolés notamment dans le sud de la France. Mais j’annonce la couleur et je leur explique ce que je fais. Cette rencontre avec mes semblables s’est toujours bien passée quand je me présente. J’ai fait pas mal de bords de route également.
Avez-vous rencontré des problèmes ? Avez-vous eu des mésaventures ?
Les chiens, ce sont ceux que j’ai rencontrés le plus (rire). Et à Palerme, sur une petite plage, j’ai commencé à filmer et j’ai aussitôt été entouré de mafieux qui se sont sentis menacés et qui ont tenu à ce que je leur montre ce que j’avais filmé. C’est juste ça, mais pour le reste, franchement… tout s’est bien passé et je suis agréablement surpris !
Parlez-nous de votre condition physique ?
Je suis sur une moyenne de 33 km par jour depuis mon départ de Paris, et en Italie, j’ai pu atteindre les 40 km. J’ai des barres de céréales sur moi et de l’eau. Je bois beaucoup d’eau jusqu’à 6 ou 7 litres. En Tunisie, j’ai fait Tunis, Grombalia, Hammamet, Ennfidha, Hergla et Sousse.
Votre performance est née de cette ligne directrice que vous avez décidé de traverser. On aimerait que vous nous éclairiez davantage d’un point de vue artistique sur les arrêts que vous effectuez…
Ce sont des points de liaison et quand je construis les étapes, je cherche les distances les plus raisonnables pour un marcheur : il y a plusieurs paramètres, celui du logement, de la distance… Ces arrêts, ce ne sont pas une coupure de la marche. Il y a de points morts : le rythme s’atténue mais il n’y a pas de coupures, il ne s’agit pas de rupture. C’est une variation d’intensité plutôt qu’un rapport de rupture. L’idée est que cette ligne doit être fluide dans les deux sens.
Derrière cette performance sportive, comment pouvez-vous nous expliquer davantage la dimension artistique, philosophique et sociétale derrière, qui reste peu saisissable ?
Tracer une ligne dans le temps, c’est presque de la géologie de l’image. Reconstituer cette ligne à partir de morceaux de paysages et d’images prises, c’est ce qui est fait. Il s’agit d’un dispositif. Je me réfère à toutes ces images prises qui font l’objet d’une exposition. Ce travail se réfère à une carte stellaire. Il y a des vidéos projetées et des images et de cette dimension artistique s’est reconstitué ainsi cet itinéraire, cette ligne. C’est un travail sur l’image. L’exposition à l’Institut Français est l’apothéose de cette performance.
Surréaliste, saisissant … L’art pictural de Becem Ben Othman plonge à la fois les férus d’art moderne, de vêtements décalés, et les mordus de pop-culture dans un univers sombre, intrigant mais qui reste à la pointe de la tendance. Cet imaginaire, visible sur des tableaux ou des vêtements, fusionne mythologie, renaissance, expressionnisme, surréalisme et culture mainstream.
L’artiste a été bercé depuis son jeune âge par la poésie, les œuvres de Picasso et les livres d’art. Sa vision décalée du monde est faite de mystère, d’irrationnel et prend vie sur ses premières œuvres. Sa découverte du surréalisme a affiné ses tableaux … jusqu’à nos jours. Récemment, il revient en designer distingué : Avec « MaximVs » (Prononcé MaximUs), le créateur est parvenu à centraliser tout son univers. Il s’agit d’une appellation recherchée qui émane de l’époque romaine et du langage latin et fait référence à une création d’habits singulière, propre à l’artiste et disponible en ligne et dans deux concepts Store. Bessem ben Othman est pluridisciplinaire : il est scénariste, peintre, a déjà à son actif un livre publié à compte d’auteur titré «Source, Mouvance, Apparence» : dedans, on peut découvrir ses tableaux qui y ont été soigneusement déclinés. L’artiste a déjà exposé dans les galeries d’arts et dans de nombreux espaces et possède plus de 200 tableaux et dessins. Trois questions s’imposent pour mieux cerner cet univers détonnant.
Tes dernières créations fusionnent art et mode. Comment s’est déroulée cette transition ?
L’idée a émergé avec ce boom d’ images sur les tee-shirts qui remonte déjà à quelques années. Chacun essayant de se distinguer tant bien que mal. Je me suis inspiré d’un imaginaire collectif pop, dont il tire sa source des médias, de la télé, du net, des films, des séries, des BD, de l’univers des super-héros tendance de Marvel, et du monde de l’art dans sa globalité. Au début, j’ai commencé à reprendre ce genre d’images, celles d’autres artistes, jusqu’à récemment, où j’ai commencé à utiliser mes propres images, mes propres œuvres picturales dont certaines qui ont déjà été exposées dans des galeries, et d’autres en cours de création. Au début, j’ai fait en sorte d’opter pour des images connues dans le but de toucher plus d’adhérents consommateurs. Commencer directement avec mes créations pouvait ne pas être du goût de tout le monde.
Quelles ont été tes inspirations artistiques ?
Je me suis inspiré du travail de Marcel DuChamp, peintre, plasticien, homme de lettres. A l‘époque d’Andy Warhol, il avait fait sensation à travers son art. L’artiste a pris La Joconde, et lui a ajouté des moustaches. (Pour ne citer que cet exemple parmi d’autres). Il a travesti en quelque sorte, des œuvres connues. En ce qui me concerne, j’ai opté par exemple pour des super-héros contemporain comme Iron Man et je les ai affichés sur des tee-shirts, passant de la sorte des tableaux aux pulls. C’est principalement l’influence pop-culture du xxe siècle qui m’a poussé à aller de l’avant. C’est une époque que je trouve d’ailleurs proche de celle de la mondialisation.
Des œuvres picturales aux vêtements, tes influences sont-elles les même ?
Pas vraiment. Pour les tableaux, j’allais plus loin. Mon intérêt pour d’autres époques se fait tout de suite sentir : je parle de périodes comme la Renaissance, l’expressionisme ensuite le surréalisme et des icones comme Salvadore Dali et d’autres. Finalement, il y a ceux issus du courant moderne. Je les ai explorés en tentant de combiner entre les différentes époques. J’estime qu’au final, j’ai pu atteindre un style minimaliste. Les nouveaux dessins sont moins encombrés avec moins de détails dus à ce modernisme pop.
Les grands noms se bousculent mais ne se ressemblent pas ! Le roi de la salsa, de la kizomba et de la bachata, Ocar D’Leon, s’est emparé de la scène face à un public qui le connaît par cœur. Ambiance fraîche, importée de l’Amérique latine, ou extraite du patrimoine musical ou dansant de l’Espagne ou du Portugal, D’Leon s’est abattu sur la ville tel un ouragan, le temps d’une soirée.
Dans les gradins, que des silhouettes dansantes et déambulantes qui suivaient les rythmes des plus grands tubes de ce monument de la culture Salsa surnommé « El Leon de la Salsa » à l’image de ce qu’il a d’emblée réservé à son public tunisien, venu nombreux l’accueillir. Les spectateurs composés en grande majorité d’adeptes de la salsa, du Kizomba, ou de la Bachata ont arboré fièrement leurs connaissances et leur admiration pour cette vedette. Son répertoire était découpé, organisé et garni de sonorités latines, résultant de plus de 40 ans de carrière. L’artiste, grâce à son charisme attrayant, sa verve et sa présence scénique irréprochable, a charmé ses adeptes. L’interaction était de mise pendant toute la soirée. L’artiste, relativement âgé, a conquis petits et grands et n’a cessé d’exprimer son admiration pour la Tunisie et les Tunisiens. Talents et bonne humeur ont assuré ce concert jusqu’au bout.
Ils racontent des contrées lointaines
Argentine, Venezuela, Caraïbes, Amérique Latine, la musique de D’Leon et ses entractes permettent de voyager. «Lioraras» «Padre Y Hijo», «Ilhora» ou «Yo Quisera», autant de tubes chantonnés successivement qui racontent le quotidien de populations lointaines. Migration, esclavagisme, racisme de couleur, droit à la différence, ses textes prônent autant de valeurs humaines et ne manquent pas de profondeur. Sa carrière a duré plus de 40 ans et a avancé de pair avec son sens du militantisme. Pendant la soirée, il a présenté d’anciens et de nouveaux registres. Son talent n’a pas pris une ride. Parmi les spectateurs, de nombreux mélomanes admirateurs sont venus l’applaudir parce qu’ils le connaissaient certes, mais beaucoup étaient adeptes au quotidien des cours de Salsa et de Zumba et ont forcément connu ses airs en pratiquant leur passion. Ce concert inédit n’a pas laissé de marbre deux jours avant le passage d’un autre astre nommé Liz MaCcomb, diva du Jazz et du gospel. Le festival international se poursuivra et sont attendus Marouen Khoury, Amina Fakhet, l’Algerino, Souad Messi ou encore « Juif », pièce de théâtre de Hamadi Louhaiebi.