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Lassaad Oueslati, réalisateur de «Harga 2» : «On nous a sous-estimés au départ…»
ENTRETIENS4 / 18 / 2022

Lassaad Oueslati, réalisateur de «Harga 2» : «On nous a sous-estimés au départ…»

«Harga 2» s’inscrit en partie dans la continuité de ce qui a été montré l’année dernière, mais cette suite rime surtout avec «changements » et «bouleversements». Dans cet entretien, Lassâad Oueslati met en lumière les dessous de ce deuxième succès consécutif sur le petit écran.


La 2e saison de «Harga» est-elle une continuité ou un changement ?

C’est à 100% un changement. Je pense que c’est un challenge avant tout, celui de faire oublier la 1ère saison et d’entamer de nouvelles histoires, de nouveaux cycles.


«L’autre rive», l’intitulé de cette 2e partie fait donc référence à un changement qui va de pair avec l’émergence de nouveaux axes et le développement d’autres. Pouvez-vous nous les rappeler ?

«Harga 2» a été pensé depuis le début ou depuis l’achèvement de la première partie. «L’autre rive» devait être raconté afin de mettre en lumière l’après-«Harga», l’après-traversée de la mer et l’arrivée en Italie. L’avenir des survivants, et des échappés du «Centro». Leur vécu et leur réalité en tant que voyageurs clandestins, et les suites de divers parcours.


Quelles étaient les conditions du tournage ? Y a-t-il eu d’autres challenges et d’autres difficultés à contourner pendant la 2e saison ?

Pendant la 1re saison, il y a eu interruption de tournage à un moment, et sa reprise était bénéfique finalement. On a eu l’autorisation d’entamer le tournage de la 2e saison à 4 mois de Ramadan. La difficulté était donc d’ampleur. Le projet de la 2e partie était beaucoup plus difficile à concrétiser : rien qu’en déplaçant toute une équipe à Palerme, les problèmes de paperasses en particulier avec l’Italie, la logistique qui va avec, la gestion de l’argent, les coûts élevés… D’autant plus que j’ai insisté pour qu’on filme en Italie parce que quelques décors n’allaient pas en Tunisie. Et pour donner de l’impact à la série et de la véracité, il fallait tourner en Italie. L’écriture était autre aussi, totalement différente de la première saison.


Les prisons, le tribunal, la décharge, les rues… Autant de décors qui existent dans les deux rives de la Méditerranée, en Italie et en Tunisie. Comment s’est fait le choix de ces lieux particuliers ?

Les décors dans l’autre rive, en Italie étaient clairs et pensés d’emblée. L’extérieur et les espaces sont étroitement liés aux vécus des personnages. Ceux de la première saison ont eu leurs espaces respectifs. Pareil pour la 2e saison, qui raconte des personnages présents dans des espaces ouverts. En Tunisie, le personnage de «Naama» est central. J’ai été inspiré par le sujet des «Barbécha» et il fallait l’intégrer dans l’histoire en situant «Naama» dans la décharge de «Borj Chekir». L’urgence de raconter la vie dans le «Msabb», cet endroit si particulier, si dur, s’est directement posée. Il fallait également raconter la prison, qui accueillait de nombreux migrants et voyageurs clandestins retenus dans des conditions atroces. Dans quelques fermes en Italie, des horreurs s’y passent. Il fallait aussi reconstituer la vie dans une ferme, lieu où sont détenues de jeunes femmes clandestines et pas que des femmes : des enfants, des jeunes migrants et des gens de tout bord …


Comment s’est passé le tournage dans cette immense décharge, celle de «Borj Chekir» ?

C’est important de remercier le ministère de l’Environnement, qui nous a donné son accord afin d’effectuer le tournage sur place. Un lieu fermé et gardé, y compris par ses «Barbécha», ses employés. Des gens discrets, qui travaillent dans cette décharge, mais qui restent méfiants. L’odeur était asphyxiante à notre arrivée. On aurait pu le reconstituer ailleurs, pour le bien de l’équipe. Tout ce qu’on a pu voir était vrai et je tenais à filmer ces conditions sans artifices. On s’y est adapté pendant presque une semaine malgré les conditions très dures. Des conditions qui ont fini par nous atteindre : on ne pouvait filmer et faire le nécessaire, sans filmer toutes ces personnes, instruites, d’un certain niveau, qui fouillent tout au long de la journée dans ce «Msabb». Des personnes discrètes, souriantes, de bonne humeur souvent, mais pudiques. Elles vivent en collectivité et en symbiose ensemble. C’est un exemple du vivre-ensemble et de solidarité.


Le tournage en Italie a-t-il été à la portée ?

Un tournage préparé d’avance. Avec des repérages déjà faits, et le soutien de Hedi Krysène. Ce que je retiens c’est la solidarité des Italiens et des Tunisiens résidents là-bas et qui connaissaient déjà la série. Je salue aussi la solidarité et le soutien de l’ambassadeur de Tunisie en Italie, Moez Sinaoui. L’obtention du visa était impossible sans le soutien de la télévision tunisienne et l’intervention de l’ambassade et de Faouzi Mrabet. Malek Ben Saâd, le personnage principal des événements écrits à Palerme a eu beaucoup de mal à avoir le visa. S’il ne partait pas, c’était problématique. On a retardé d’une semaine le départ, et au final, il l’a eu à la dernière minute. C’était serré. Pendant le tournage et grâce à l’équipe soudée, on a pu filmer dans des endroits exceptionnels, comme en prison ou dans des lieux en plein air avec le drone. On nous a sous-estimés au départ, et on a dû montrer aux Italiens un sens du professionnalisme exemplaire et un niveau de travail respectable. C’est le plus important.


Il y a une phrase qui a été dite pendant la série « Les Tunisiens ont mauvaise réputation en Italie ». Est-ce que c’est vrai?

Pas que les Tunisiens et pas tout le monde. C’est un regard forcément rabaissant lancé à l’encontre des voyageurs clandestins. Leur nombre a beaucoup augmenté ces dernières années. Leur présence est devenue encombrante pour les autorités italiennes. «Harga» valorise l’image du voyageur tunisien et africain. L’intrigue autour du parcours de «Fares», incarné par Malek Ben Saâd est révélatrice : lui avoir tendu un piège et l’avoir taxé de terroriste est une manière, parmi d’autres, d’enlaidir la situation des migrants. Beaucoup profitent des voyageurs clandestins : ces derniers subissent énormément d’injustices. Les sans-papiers souffrent, encaissent et subissent faute d’alternatives.


Pouvez-vous nous en dire plus sur l’écriture nouvelle qui caractérise cette 2e saison ?

Il fallait modifier l’écriture dans un élan de changement : avec Imed Eddine Hakim, on inventait des intrigues, qu’on montrait directement au départ, et qu’on racontait après, à l’envers, plus longuement sur de nombreux épisodes. Une manière d’expliquer aux spectateurs comment tel ou tel personnage a pu se retrouver dans une situation délicate et complexe comme celle que vit «Naama» dans l’interrogatoire. Une manière de retenir l’attention du spectateur. Le parallèle caractérise aussi l’écriture de la 2e saison : Il y a le parcours de «Kayla» en Tunisie et celui de «Fares» en Italie. Les deux évoluent en même temps, les deux subissent rejets et difficultés insurmontables dans les deux pays et dans les deux cas, il y a beaucoup de similitudes. On a raconté les parcours de «Lamine» et «Naama», dans les deux rives. Toute la série repose sur des croisements inattendus entre personnages venus de toutes parts, et plus on avance dans le temps plus les croisements se font.

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La 2e saison a connu un changement important au niveau des personnages, et elle a connu de nouvelles recrues…

Quand on a ouvert de nouveaux axes, les décors de «Naama», ont par exemple changé et on a fait appel à des personnages nouveaux, comme celui de «Zina», interprété par Mouna Nourredine. «Lamine», pour Ahmed Hafiane, «Chadia» pour Nadia Boussetta, «Saber» pour Hedi Krysène. Sans oublier Fathi Akkari, Oumayma Maherzi, Amina Bdiri… Une pléiade de personnages qui ont été écrits afin d’évoquer de nouvelles problématiques liées à la migration clandestine, comme les travailleurs du sexe, le mariage de la Tunisienne avec un étranger. Il ne faut pas oublier que beaucoup de migrants traversent la mer, galèrent pour gagner leur vie, et ces mêmes migrants font nourrir leurs familles en Tunisie. Ils parviennent à le faire à distance en envoyant de l’argent au bled : ces derniers ne construisent rien pour eux-mêmes et vivent uniquement pour nourrir leurs familles à distance. C’est comme s’ils se sacrifiaient.


Tes personnages sont diversifiés et très inclusifs…

Comme les personnages à déficience mentale, souffrant de bégaiement ou de maladies auto-immunes. Il faut couper avec la 1ère saison et toutes ces vies filmées se croisent dans un seul aspect : celui de la souffrance liée à cette volonté de partir. Tout est subtilement traité dans le but de mettre en lumière ces existences et ces profils et de les voir autrement, avec un regard autre, si on les croise dans la vraie vie. Koussai Allegui, a été repéré par Rahma Jalel, la responsable du casting. Je l’ai apprécié et choisi bien avant de le voir. J’ai cru en lui. Lui et Malek Ben Saâd sont des jeunes très prometteurs, disciplinés, doués. Les avoir dirigés était exceptionnel. Le handicap du bégaiement chez Koussai a été puisé en s’inspirant de son frère dans la vraie vie. Un très bon avenir attend ces jeunes talents. Malek Ben Saâd a des réflexes et un savoir-faire que de grands acteurs n’ont pas. Une carrière florissante à l’étranger l’attend à mes côtés. (rire)


Des comédiens et grands artistes de théâtre, comme Fathi Akkari, Riadh Hamdi, Mhadheb Rmili participent-ils à l’élaboration du scénario ?

Non. La puissance des dialogues, on la doit à Imed Eddine Hakim, le scénariste. Mais avec des noms aussi connus, il y a des discussions, des échanges autour du texte, de certaines techniques. Pour Riadh Hamdi, le travail s’est fait davantage au niveau de l’accent. Je donne une marge à la modification des dialogues à temps et j’évite l’improvisation. Il y a une touche de Mhadheb Remili dans son monologue au tribunal aussi. Akkari a ajouté du sien. Il y a une toute légère intervention de la part des acteurs dans les dialogues, mais qui reste subtile et minime.

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Les Arjoun, Nour et Selim tiennent les ficelles de la musique de cette 2e partie. Pourquoi ce choix ?

Selim, je le suivais depuis longtemps. Le changement devait se faire au niveau de la musique aussi. Pour cette 2e saison, j’ai pensé à lui. C’était évident. Quand j’ai écouté son répertoire, il correspondait à la saison. Il est dynamique, très productif. Il avait déjà «Trab», la chanson du générique, sortie bien avant «Harga 2». Sa musique a donné une portée autre à la saison. C’était une découverte. Je suis reconnaissant. Le Soundtrack de «Harga 2» est disponible sur I-Tunes.


Par quoi se caractérise «votre travail en équipe» ?

Notre équipe a entamé un travail sur de bonnes bases en manipulant un «Mood Board», par exemple, qui est un montage de différents éléments graphiques qui compile toutes les sources d’inspiration d’une personne, qui peaufine les idées créatrices et les éclairent : palette de couleurs et inspirations liées aux personnages, aux lieux, aux costumes… tout passe au crible par moi-même, en équipe et dans le détail près. Tout se fait à l’avance. Je salue au passage Rabii Masseoudi, Randa Khedher, Ahmed Ben Kridis, Nahla Smati, etc : nous nous connaissons assez, fort heureusement, pour savoir comment travailler en collectivité et ce que nous voulons transmettre et réaliser. Je suis reconnaissant au producteur Ridha Slama pour son implication, et sans qui, ce tournage n’aurait pu se passer dans de telles conditions.


Avez-vous des anecdotes drôles à nous raconter ?

On nous a retenus en Italie. On ne pouvait pas rentrer avant les transferts de sommes d’argent. Et on a dû improviser sur des lieux publics pour filmer, toujours à Palerme. On se présentait comme étant des étudiants désireux de réaliser un film de fin d’études et on nous croyait. Dans la décharge, le défi c’était de ne pas filmer les gens qui travaillaient là-bas et qui étaient très nombreux.


«Harga 2» en chiffres ?

140 comédiens, plus de 25 personnages principaux, 78 jours de tournage, 70 lieux : décors et sous-décors. Deux pays. Sans compter le désert, la mer, le Sud, la capitale, les régions côtières. Plus de 80 personnes dans l’équipe technique. On a dû s’adapter à une coupure de tournage liée à une infection à la Covid et à une fatigue extrême.


Vos projets à venir ?

J’entame un tournage conséquent à l’étranger sur une très bonne période. Les années prochaines, je compte travailler davantage sous d’autres cieux. Une occasion de prendre de la distance par rapport à la production ramadanesque de feuilletons en Tunisie.


Que pensez-vous de l’émergence des plateformes de visionnage en ligne ?

A encourager. Evidemment. Le piratage doit être banni. Et on aimerait voir des plateformes qui produisent leurs créations et qui ne fonctionneront pas uniquement comme étant une vitrine ou un support. Les plateformes sont une alternative à un changement dans le paysage audiovisuel et qui doit se faire à la racine.



Lassaad Oueslati, réalisateur de «Harga 2» : «On nous a sous-estimés au départ…»
Plateformes numériques audiovisuelles en Tunisie : Un vecteur de changement ?
PORTRAITS / PÊLE - MÊLE 4 / 17 / 2022

Plateformes numériques audiovisuelles en Tunisie : Un vecteur de changement ?

Ramadan 2022 a rimé avec spoilers bien avant l’heure ! En plus des feuilletons qui font parler avant leur lancement, comme à l’accoutumée, au moins, deux plateformes numériques ont pris d’assaut le web tunisien. Pensées et conçues dans le but de réglementer le paysage audiovisuel tunisien, leur émergence marque la naissance d’un nouveau mode de consommation de productions ramadanesques pour les Tunisiens… malgré les aléas.


Deux plateformes numériques tunisiennes ont été lancées permettant la diffusion en ligne de quatre productions télévisuelles : le controversé «Baraa» de Sami Fehri et «Foundou 2» de Saoussen Jemni, disponibles sur la plateforme payante samifehri.tn. Les 2es saisons de «Ken Ya Makenech» d’Abdelhamid Bouchneq et de «Harga» de Lassâad Oueslati génèrent un nombre de visites considérables gratuitement sur «Watchnow.tv» qui a éclipsé «Artify.tn» Cette plateforme—rappelons-le—a permis, avec succès, la diffusion semi-payante de la première saison de « Harga » en 2021.


Un mode de diffusion nouveau qui a attisé la réaction globalement positive du public. Ce dernier s’est livré à une nouvelle méthode de consommation, en phase avec ce changement numérique et technologique mondial en vigueur dans d’autres pays depuis déjà belle lurette. La Tunisie est parmi les derniers pays à avoir enfin opté pour ce mode de transmission, contournant la diffusion gratuite sur «Youtube». Jusqu’à il y a deux années, presque la totalité de la production audiovisuelle tunisienne se retrouvait gratuitement sur «Youtube.com», générant des clics conséquents sans revenus. L’invention de ces plateformes inédites entre dans une volonté profonde et commune de réguler le paysage.


Sami Fehri a lancé sa plateforme du même nom «Samifehri.tn», qui, à l’heure actuelle, donne accès uniquement à la rediffusion quotidienne de «Foundou 2» de Saoussen Jemni et de «Baraa» de Sami Fehri. L’abonnement est à 8dt le mois. La diffusion est en HD, sans publicités. Les fans de ces productions s’y sont empressés, générant un bug technique, depuis peu réglé. Un bémol causé par une pression due à un nombre accru de visites. Lancée à coups de communication, de publicités et de déclarations pompeuses dans quelques médias, la plateforme restera fonctionnelle après le mois de Ramadan. L’avoir conçue payante n’a pas dissuadé une frange importante du public de s’inscrire, contournant ainsi les diffusions saccadées de publicités à la télévision.


Le service public de la «Watania 1» a opté pour «Watchnow.tv», une plateforme gratuite, totalement accessible sur le web afin de permettre aux deux saisons de «Ken Ya Makenech» de Bouchnak et de «Harga» de Lassâad Oueslati de parvenir au public à coups de clics. Les épisodes deviennent accessibles quotidiennement juste après leur diffusion à la télévision. La plateforme est achalandée de quelques classiques du cinéma tunisien et va être alimentée au fur et à mesure. «El Balas» de Zied Litayem est accessible sur «Youtube» à l’ancienne. La série policière d’Amine Chiboub «13, rue Garibaldi» ne bénéficie pas de rediffusions par choix. Une manière d’inciter le public à répondre présent devant le petit écran chaque soir et de regarder le programme à «l’ancienne».


Challenge fou mais relevé


Ce changement opère à l’heure où la production télévisuelle tunisienne atteint son paroxysme, uniquement pendant le mois saint. Un rythme de diffusion régulier, figé dans le temps, et une production sclérosée par le diktat des annonceurs et de la publicité font main basse sur le petit écran depuis des décennies. Ne voulant pas procéder à un changement permettant le lancement de productions audiovisuelles en dehors du mois saint, l’émergence de ces plateformes de streaming bousculera peut -être tout un système qui ne demande qu’à changer : le public tunisien est féru de productions tout au long de l’année : l’audience sera au rendez-vous. Les plateformes, comme alternative à cette unique production télévisuelle ramadanesque, s’annoncent a priori prometteuses. Reste à garantir sur la durée aux internautes un service performant de « télé en ligne à la demande»…

Plateformes numériques audiovisuelles en Tunisie : Un vecteur de changement ?
«Morbius» de Daniel Espinosa : Un Marvel sanguinaire
REVIEWS & CRITIQUES4 / 12 / 2022

«Morbius» de Daniel Espinosa : Un Marvel sanguinaire

Un Marvel pas comme les autres a pris d’assaut les salles de cinéma tunisiennes lors d’une sortie mondiale qui a eu lieu la veille du Ramadan. « Morbius » de Daniel Espinosa est le premier Marvel consacré à cet anti-héros vampirique interprété par un Jared Leto, plus sanguinaire que jamais.


Distribué par Pathé BC Afrique, le blockbuster compte par les plus attendus de l’année. D’une durée d’1h45 (seulement), il s’agit du premier film consacré à ce super-héros complexe et inclassable : oscillant entre le Bien et le Mal, ne sachant pas où se situer, tiraillé entre son amour pour la vie, la science, le progrès de la médecine ou remédier à sa maladie rare et incurable du sang, le docteur et chercheur « Michael Morbius », de son vrai nom, s’essaie à des expériences dans un laboratoire et… qui s’avéreront désastreuses.


Cet Homme de science va fusionner les gènes d’un ADN humain à du sang de chauve-souris, ce qui le transformera en une créature assoiffée de sang, mi-humaine, mi-bête sanguinaire. Le film est construit essentiellement sur une histoire d’amitié entre deux enfants, tous les deux atteints de cette forme de leucémie rare et élevés par un mentor. Deux enfants livrés à eux-mêmes, inséparables, et qui grandiront ensemble, luttant des années durant contre ce spectre de la mort… Ensemble jusqu’à ce qu’une folie furieuse et un excès de manipulation génétique les séparent.


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« Morbius » est sans doute l’un des anti-héros les plus sombres, les plus féroces, et les plus violents que Marvel et Sony Pictures ont pu concevoir en B.D. On s’attache difficilement à cette créature : on comprend moyennement ses choix de vie, ses réactions, son adaptation difficile aux états d’âme humains et bestiaux. Un héros qui traîne un côté énigmatique, souvent insaisissable. Son parcours reflète surtout son tiraillement entre pulsions inhumaines et sentiments nobles : les émotions d’un amoureux éperdu, d’un ami fidèle qui deviendra ennemi redoutable, d’un médecin dévoué pour ses patients. Matt Smith interprète l’ami/ennemi en question.


Le film rappelle les deux longs-métrages consacrés à « Venom », un autre héros Marvel, sujet à des expériences scientifiques qui tourneront mal : « Morbius » attise les discussions entre les fans de DC Comics, Marvel, Disney et Sony Pictures. Les Crossovers, clins d’œil et autres indices se référant à d’autres super-héros comme Spider-man ou Dr Strange, pullulent, nourrissant ainsi cette immense industrie du cinéma hyperprisée de nos jours. Un cinéma divertissant, attractif, qui nourrit l’imaginaire des enfants, des jeunes, mais également de jeunes adultes depuis déjà des années durant. Le démarrage au Box mondial de « Morbius » a bien eu lieu. L’occasion de fréquenter les salles de cinéma en Tunisie en compagnie de ses enfants, le soir ou pendant une journée ramadanesque.

«Morbius» de Daniel Espinosa : Un Marvel sanguinaire
«Ahmed Berhouma», acteur : «Un jeu sincère est essentiel !»
ENTRETIENS4 / 8 / 2022

«Ahmed Berhouma», acteur : «Un jeu sincère est essentiel !»

Aperçu enfant, dans des courts-métrages de Lotfi Achour et de Moufida Fedhila, élève studieux et passionné du ballon rond, Ahmed Berhouma, 16 ans, voue une passion inégalée pour le théâtre et pour le cinéma. A l’affiche actuellement de « Ghodwa », le premier film réalisé par Dhafer el Abidine, le jeune acteur fait ses preuves dans un rôle tout aussi important que celui du père tourmenté et fragile, incarné aussi par Dhafer. Rencontre avec un jeune talent.


Le grand public vous a connu depuis un mois dans le premier long-métrage « Ghodwa » de Dhafer El Abidine, lui-même acteur. Vous incarnez son fils à l’écran. Vous êtes tous les deux en tête d’affiche et vous formez un tandem solide père / fils, résistant face aux épreuves. Mais qui est Ahmed Berhouma ?


J’ai 16 ans, élève dans un lycée, en 2e année, grand passionné de Théâtre depuis tout petit et amoureux du 7e art. A 8 ans, j’ai fait mes premiers pas dans le film court « Père » de Lotfi Achour, ensuite dans « Aya » de Moufida Fedhila, à 10 ans. J’ai entamé une formation en théâtre avec Mme Fatma Felhi à El Teatro, depuis l’âge de 12 ans. La passion a commencé à s’entretenir concrètement depuis. J’ai fait quelques publicités aussi et je suis chanceux d’avoir été retenu pour jouer dans « Ghodwa » avec et aux côtés de Dhafer El Abidine. Les retours sont excellents. Le film passe actuellement un peu partout : Il a été présenté au Cairo International film Festival, au Red Sea, en France, et en Tunisie. Les encouragements me stimulent et me font plaisir ! « Ghodwa » cartonne, mon personnage a plu et c’est l’essentiel.


Comment avez-vous été repéré ?


Le directeur du casting, Houssem Slouli, m’avait connu sur le tournage de « Aya » auparavant et m’a appelé pour le casting de « Ghodwa » sans me dire que le réalisateur était Dhafer El Abidine. Je l’avais découvert sur place pendant le casting. On s’est vu à plusieurs reprises : il y a eu de la concurrence pendant le casting. L’esprit de compétition régnait. Maintenant, ce qui m’importe, c’est d’avoir bien joué le rôle. Le tournage a eu lieu pendant un mois à Lafayette-Tunis, sans compter la période des répétitions. C’est là aussi où j’ai connu ma camarade de classe à l’écran, avec qui j’ai répété et tourné.


Cela vous a-t-il intimidé ou fait peur de jouer aux côtés de Dhafer El Abidine ?


Beaucoup ! Évidemment. Le challenge était énorme, de taille. C’est ma première fois dans un long : tout ce que j’avais fait auparavant, c’était des courts. J’ai su aussi au fur et à mesure que Dhafer allait jouer (rire). L’engagement s’était amplifié.


En quoi votre expérience dans « Ghodwa » était–t-elle différente de ce que vous avez déjà accompli ?


Tout ! Rôle principal, relation père/fils tumultueuse, premier long… Dans ce film, c’est l’enfant qui prend soin de son père. La relation est loin d’être clémente, ou calme : ce sont des hauts et des bas avec des scènes plus intenses que d’autres, et dans lesquelles l’émotionnel primait. Le jeu sincère et juste est essentiel. Ne surtout pas être dans la sophistication. Un savoir qui n’est pas aisé et facile à maîtriser. Pour rappel, le film passe actuellement dans les salles et le public pourra le voir pendant le Ramadan.


Avec les médias et face au public, n’avez-vous pas eu peur, en tant qu’acteur jeune en tête d’affiche, de vous faire éclipser par la présence de Dhafer El Abidine ?


Quand on me retient pour jouer à côté d’une star mondiale comme Dhafer El Abidine, je ne peux pas m’attendre à être beaucoup plus visible que je ne l’ai été depuis la sortie du film : je viens de débuter dans le domaine. On ne me connaît pas assez. L’important, pour moi, était qu’on apprécie mon rôle, mon personnage, mon jeu. Le public a tout juste commencé à me reconnaître. Son accueil était extraordinaire, surtout en Egypte et en Arabie saoudite. En Tunisie, les avis étaient plus critiques et l’accueil était plaisant dans les régions. On m’a beaucoup soutenu pendant le tournage : bien encadré. J’ai été bien chaperonné en particulier par Najla Ben Abdallah que je remercie beaucoup, sans oublier Bahri Rahali, les autres acteurs, ainsi que toute l’équipe.


Pour vous, entre faire du cinéma et du théâtre, y a-t-il une différence ?


Dans le théâtre, on est entièrement face au public. Il y a une maîtrise de soi plus importante à acquérir et il faut être davantage présent. Dans le cinéma, on est vu sur grand écran, après des journées de répétitions, d’essais ratés ou réussis… C’est plus à la portée. Je tiens à remercier Mme Fatma Felhi pour tout ce qu’elle fait pour nous dans ses cours de théâtre. Je ne reste pas fermé à la télévision. C’est même très tentant. J’ai eu une proposition de film en Egypte. Ce domaine est prenant, mais la priorité est aux études.


Quelles sont vos références parmi les acteurs mondiaux et tunisiens ?


Dans le cinéma mondial, Leonardo Dicaprio et Brad Pitt. En Tunisie, c’est Fethi Haddaoui et Kamel Touati.

«Ahmed Berhouma», acteur : «Un jeu sincère est essentiel !»
Exposition «I’m a monster» d’Amir Chelly : Déconstruire le monstrueux
REVIEWS & CRITIQUES3 / 29 / 2022

Exposition «I’m a monster» d’Amir Chelly : Déconstruire le monstrueux

C’était comme si nous nous étions égarés dans un fief de monstres ! Des petites aux grandes bêtes en passant par celles qui s’apprêtent à éclore, toutes entraînent le visiteur à Central Tunis, désormais l’antre d’Amir Chelly jusqu’au 31 mars 2022. A travers son art, le créateur nous fait aimer ses propres « monstres ».


Cette déambulation artistique s’est faite au 42, rue Ben-Ghedhahem. Passants et visiteurs sont comme happés à l’intérieur, attirés par le son redondant d’une berceuse. Un son qui accompagne les plus curieux, une fois sur place, tout au long de la visite. « I’m a Monster » (Je suis un monstre) est bel et bien le titre révélateur de l’exposition-monstre d’Amir Chelly, jeune artiste tunisien, inscrit en thèse de doctorat à l’unité de recherche Esthétiques et Pratiques des arts de l’Institut supérieur des beaux-arts de Sousse. Chelly a participé furtivement à une exposition auparavant, bien avant d’arriver à mener à bout « I’m a Monster », sa première exposition officielle, tenue à Tunis.


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Le travail dans sa globalité fusionne « peintures et sculptures », visible sur les murs de l’espace et au sol : une création élaborée dans une esthétique attrayante, riche en couleurs, en formes diverses et qui dessine le milieu où vivent ces monstres en apparence, pour la plupart, « presque » inoffensifs : des bestioles tantôt attachantes, tantôt repoussantes. L’exposition plastique échappe à l’espace – temps, prend place dans notre réalité ordinaire, en lui ajoutant un zeste de fantaisie, de fantastique, le temps d’une découverte. Toutes les formes conçues et exhibées sur place par l’artiste déforment totalement notre imaginaire déjà développé autour de la figure des monstres, d’où cette volonté de la déconstruire. Un imaginaire collectif qui a puisé dans la littérature, la culture sérielle, les films, les dessins animés et qui est désormais enrichi par la touche de Chelly.


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Des physiques hybrides, des yeux globuleux, des corps tantôt humains, tantôt animaliers, des visages déformés, des ailes d’anges ou des oiseaux sur des corps d’enfants, cette monstruosité exprimée titille notre conception classique des monstres et offre une vision inédite, faite de plusieurs disciplines : une technique que l’artiste tient à appliquer. Trêve de frontières entre les disciplines. L’influence mythologico-grecque se fait d’ailleurs sentir dans son expo-monstre que l’artiste voudrait « transgressive », échappant aux normes. Il dissocie l’aspect maléfique souvent attribué à la figure des monstres, ayant une présence « repoussante » et « effrayante », et souligne cette dualité oxymorique qui caractérise son travail truffé de notions contradictoires : le beau et le laid, la tristesse et la joie, la douceur et la crainte, la féérie et la monstruosité, le diabolique et l’angélique, le céleste et le terrestre. Une vision globale qui ne laisse pas le récepteur indifférent. L’exposition monstrueuse d’Amir Chelly se poursuit jusqu’au 31 mars 2022, au 42, rue Ben-Ghedhahem, Central Tunis.




Exposition «I’m a monster» d’Amir Chelly : Déconstruire le monstrueux
« Belfast » de Kenneth Branagh : Histoire d’un déracinement
REVIEWS & CRITIQUES3 / 27 / 2022

« Belfast » de Kenneth Branagh : Histoire d’un déracinement

Le noir et blanc sur grand écran continue de conquérir le box-office. « Belfast » de Kenneth Branagh sort dans toutes les salles du monde : l’accueil commercial et critique est au rendez-vous, puisqu’il rafle, déjà, pas moins de 7 nominations aux Oscars. Le long métrage s’arrête sur une période houleuse du XXe siècle, marquée par des affrontements entre civils à caractère religieux.


« Belfast » raconte la chasse des catholiques, vue à travers les yeux de Buddy, un enfant de 9 ans, qui grandit au sein d’une famille d’ouvriers respectée, au nord de la cité de « Belfast ». Ils résident dans un quartier paisible de cette grande ville ouvrière dans lequel protestants et catholiques y vivaient ensemble en parfaite symbiose, jusqu’au jour où des émeutes violentes éclatent : c’était en plein été 1969. Le déchirement commence alors et pour Buddy et pour ses deux parents, incarnés par Jamie Dornan et Caitriona Balfe, qui font face à une vague de violence sans précédent : leur sécurité devient leur principal souci. Les parents, les grands-parents et les enfants, au sein de cette famille, tiennent toutes et tous par tous les moyens à leur terre, refusant de partir. A travers les yeux de cet enfant cadet, tout un paysage chaotique s’est créé, fait de sectarisme, de séparatisme entre bons et méchants, pieux catho ou protestants, banditisme, délinquance, conflits et frontières entre communautés.


Une guerre civile était définitivement lancée. Le réalisateur du film s’est librement inspiré de son enfance et de son propre vécu pour reconstituer cette époque tragique de l’histoire de l’Irlande du Nord.


L’enfant acteur Jude Hill, principal personnage du film, interprète remarquablement bien le rôle de Buddy : sens de la répartie, énergie, humour débordant, légèreté, réflexions d’adultes et sensibilité soulèvent l’histoire et sa trame, face à des parents à la présence physique électrique et au jeu d’acteur sobre et élégant : un duo solidaire pour sauver leur famille et aspirer toujours ensemble à une existence meilleure, dans l’ici ou l’ailleurs. Il est difficile d’évoquer cette guerre civile sans dessiner ce dialogue générationnel entre enfants (Buddy et son frère), leurs parents, et la génération des grands-parents, interprétée par Judi Dench et Ciaran Hinds. Deux personnages âgés à la présence apaisante, touchante et même drôle, mais dont l’existence est peinte volontairement dans le film d’une manière creuse et superficielle.


« Belfast » a le mérite d’être authentique et sincère dans son propos : le réalisateur était soucieux de ne pas peindre autrement l’histoire, mais plutôt de la raconter différemment.


Quelques références à un cinéma d’antan sont glissées, notamment un clin d’œil à l’ancienne version de « Thor » que Branagh finira par réaliser en 2011. L’esthétique du film est incontestablement son point fort : «le noir et blanc» utilisé accentue les sentiments, les ressentis et l’aspect émotionnel chez les personnages n’est pas forcément synonyme de drames ou de malheurs : il met même en exergue les décors, les costumes, la mimique des protagonistes.


Riche aussi d’une mise en scène maîtrisée, « Belfast » rappelle incontestablement d’autres scénarios ayant eu beaucoup de succès ces derniers temps citant « Jojo Rabbit » de Taika Waititi, qui raconte la chute de l’Allemagne nazie à travers les yeux d’un enfant, ou le Mexique de l’enfance d’Alfonso Cueron, reconstitué dans « Roma », également filmé en noir et blanc. Branagh prouve une fois de plus que les Marvel ne sont pas son seul dada. Distribué par Pathé BC Afrique, le film est programmé actuellement dans les salles tunisiennes.

« Belfast » de Kenneth Branagh : Histoire d’un déracinement
«We DOQ»  : Le rendez-vous des courts engagés
PORTRAITS / PÊLE - MÊLE 3 / 22 / 2022

«We DOQ» : Le rendez-vous des courts engagés

Le «We DoQ» a réuni 9 réalisateurs/trices jeunes qui, en un temps record et avec des moyens limités, ont réalisé 9 courts-métrages documentaires de 6 à 15 min projetés le temps d’une avant-première au Cinémad’art. Une cause universelle relie ces 9 réalisations distinguées.


L’initiative a été lancée par «Doc House» et «Mawjoudin We Exist». Une collaboration qui fusionne passion pour le film documentaire et combat pour la cause Queer et pour la défense des droits de la communauté LGBTQI++ en Tunisie, d’où ce jeu des lettres dans l’appellation «We DoQ».


L’idée initiale autour de ce projet était d’aider financièrement des jeunes à créer trois courts-métrages documentaires autour de cette thématique, réalisés à très petit budget et avec les moyens du bord en faisant appel à «Mawjoudin We Exist» qui s’est chargée de prendre contact avec des candidats intéressés et aptes à le faire. «Doc House» s’est chargée de l’accompagnement technique des productions des films. Au fur et à mesure, le nombre des candidatures s’est finalement élargi pour atteindre 9 courts-métrages. Le «We DoQ» donne un espace à ces jeunes réalisateurs/trices qui tiennent à mettre en valeur et à nu cette cause à travers ces essais cinématographiques. Ces productions réalisées serviront aussi d’archivage.


Les films documentaires conçus mettent en lumière l’existence souvent précaire des personnes LGBTQI++ tunisiennes, sur fond de questionnements divers, d’interrogations existentielles, de récits de vie réels et dénoncent les failles juridiques liées à l’article 230, les pratiques policières violentes et autres dérives. Les films éclairent sur des notions liées à l’identité sexuelle et à l’identité du genre. Les organisateurs/trices du «We DoQ» visent à intégrer les films dans des circuits de festivals en Tunisie, mais aussi à l’étranger.


Cette «urgence de créer» fait écho dans ces essais ciné dans le but d’archiver, certes, mais le «We DoQ» répond également à une vision artistique et engagée adoptée par «Mawjoudin We Exist» sur le long terme et qui est de l’ordre de «l’Artivisme».


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«Doc House» a été lancé en 2018 : il s’agit d’un collectif de cinéastes, d’universitaires, de modérateurs culturels qui travaillent sur les films documentaires dans leur sens le plus large. L’ONG promeut le réseautage, la distribution et la production des films. Elle offre des formations et soutient les réalisateurs professionnels et semi-professionnels possédant un intérêt avéré pour le genre «documentaire». Les principes de «Doc House» sont l’inclusion, l’égalité, la diversité en encourageant des visions multiples et plurielles liées aux différences ethniques, religieuses, sexuelles». Soumaya Bouallegui, directrice exécutive de «Doc House» cite: «Ce format léger a permis la réalisation de ces productions en un temps très court, en offrant carte blanche aux jeunes réalisateurs/trices. Le résultat final était frais, surprenant et satisfaisant».


Les réalisateurs/trices sont de formation artistique, et traitent dans leurs films de non binarité et de trans-identité, entre autres, thématiques annexes. Les participants/tes évoquent des moments clés et des tournants historiques liés à une lutte ponctuée de récits intimistes et de faits réels. Les films sont «Palimpsestes» de Med Osman Kilani, «Manwella» de Sahar El Euchi, «Love and Violence» d’Amel Guellaty, «Chrysalide» d’Anissa Troudi, «Butterfly, with no doubt» de Nejma Zghidi, «Thik Skin» d’Ines Arsi, «Contraste» de Jasser Bechir Oueslati, «Nidhal» de Bassem Ben Brahim et «Non-Binary» de Firas Ben Ali. Ces films seront retenus pour la 3e édition du «Mawjoudin Queer Films festival», attendue pour juillet 2022 à Tunis, en attendant qu’ils soient diffusés dans d’autres festivals à travers le monde.

«We DOQ» : Le rendez-vous des courts engagés
Guillaume Perret au « Sicca Jazz » : Un hymne sonore à la paix
REVIEWS & CRITIQUES3 / 18 / 2022

Guillaume Perret au « Sicca Jazz » : Un hymne sonore à la paix

Une spirale de sons s’est abattue sur les hauteurs du Kef, en plein mois de mars, à l’occasion du concert attendu de Guillaume Perret, saxophoniste et jazzman français, venu présenter en exclusivité «Simplify», son dernier projet en date.


«J’ai choisi de vous le présenter, en première, public tunisien, en y apportant peut-être quelques changements à l’avenir», déclare l’artiste, enthousiaste face à un public médusé. Sa musique, sur plus d’1h15, électrise à souhait, par son mélange inédit entre jazz, électro, et quelques touches d’heavy métal, et son oriental. Une maîtrise instrumentale précise qui tombe dans l’oreille d’un mélomane.


Perret, accompagné de Tao Ehrlich aux drums, s’empare de la scène du Centre des arts dramatiques et scéniques du Kef, ne communiquant qu’à travers sa musique. Son répertoire, préparé à l’occasion, paraît insaisissable au départ, jusqu’à ce qu’il prenne une dimension singulière et universelle particulière. Une musique festive et gaie qui parvient à conquérir. Trêve de frontières entre genres musicaux présentés sur scène, l’artiste affiche de loin sa caractéristique : De la musique Jazzy électro, génératrice d’émotions diverses.


Ce concert, le deuxième pour Perret, est effectué dans le cadre du « Sicca Jazz». Son genre musical est puisé dans les cultures du monde. L’artiste pioche dans le patrimoine musical de nombreux peuples et contrées et l’insuffle dans ses compositions, comme celles qui font le projet «Simplify». Une musique qui s’adresse aux peuples du monde, hymne sonore à la paix, à la tolérance et pour un monde ouvert. Le projet «Simplify», titré «simple» en anglais, reste ficelé, et musicalement élaboré. Au bout d’1h15 de temps, Perret part sous les applaudissements, et en présence sur scène des artistes Mahdi Nassouli et Karim Ziad. Les deux viennent annoncer leur prochaine soirée, attendue pour le 17 mars 2022 (hier). La ville du Kef continue à vivre au rythme de cet événement musical d’ampleur dans la région, habituellement, maintenu à la Kasbah. La scène libre du festival ne s’est pas tenue dans la journée du 16 mars 2022. D’autres noms viendront enrichir et la petite scène et la scène principale du «Sicca Jazz». La clôture est attendue pour le 20 mars 2022.

Guillaume Perret au « Sicca Jazz » : Un hymne sonore à la paix
Autour de Gisèle Halimi : Traduire contre l’oubli
PORTRAITS / PÊLE - MÊLE 3 / 11 / 2022

Autour de Gisèle Halimi : Traduire contre l’oubli

A l’occasion de la Journée internationale des Femmes, deux des livres phares de Gisèle Halimi, « Avocate Irrespectueuse » (publié chez Plon, 2002) et « Une farouche liberté » coécrit avec Annick Cojean (publié chez Grasset, 2020), ont été traduits pour la première fois en langue arabe.


Cet évènement littéraire d’envergure a été annoncé lors d’une rencontre-débat organisée à l’Institut français de Tunisie, titrée « Pourquoi traduire Gisèle Halimi en langue arabe ? » : afin de rendre hommage à l’une des avocates militantes les plus engagées de son époque. Feu Gisèle Halimi était à l’avant-garde des combats menés au profit de la Femme, notamment celui pour le droit à l’avortement et de l’entière liberté de disposer de son corps. La militante tunisienne s’est longtemps engagée pour l’abolition de la peine de mort, entre autres causes justes.


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Walid Soliman et Walid Ahmed Ferchichi, les deux traducteurs des deux livres, ont répondu présents lors de cette rencontre, à côté de l’éditeur Habib Zoghbi et de l’avocate et militante pour les droits des libertés individuelles et les droits des femmes Bochra Bel Haj Hmida. Se sont joints à la discussion via internet, Karima Dirèch, historienne franco-algérienne, Samia Maktouf, avocate franco-tunisienne et présidente de l’Association des avocats franco-tunisiens et Wassyla Tamzali, écrivaine et militante féministe algérienne. Ahlem Lamouchi, présidente du bureau de Tunis de la Fédération internationale des femmes africaines a modéré l’échange. Cet évènement a été soutenu dans le cadre du projet «Livres des 2 rives » et concrétisé en partenariat avec « La Maison du livre ».


Ce rendez-vous, hommage à cette icône des combats pour la dignité de l’être humain, souligne l’importance de la traduction dans une société plurilingue, telle que la Tunisie. Il s’agit d’ailleurs d’une parution première des deux traductions en langue arabe. L’engagement de Gisèle Halimi est politique et universel, y compris pour l’égalité femmes / hommes. Cette dernière, sous protectorat, a défendu les causes de son pays, et s’est engagée pour les nations algériennes et tunisiennes.


Habib Zoghbi, en hommage à cette sommité, déclare que ce projet était un « rêve ». Que les livres de Halimi ne soient pas traduits en langue arabe était, selon lui « inacceptable ». Une traduction qui a vu le jour après la disparition de la militante au parcours inégalé. M.Zoghbi lance un appel au ministère de l’Education tunisien : celui de programmer les ouvrages de Halimi dans l’enseignement.


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Samira Maktouf, depuis Paris, s’est exprimée sur cette visionnaire : « Halimi aurait été sur tous les fronts de nos jours, si elle était encore parmi nous. Elle a toujours cru en une Tunisie moderne et en les progrès qu’elle a acquis», rappelant ses combats lors de son intervention. De nombreuses libertés fondamentales défendues par Halimi ont vu le jour une fois pratiquées : elle faisait du terrain et était pédagogue et femme d’action. Etant imprégnée par Halimi, l’Association des avocats franco-tunisiens a créé un prix en hommage à « Gisèle Halimi ».


Bochra Bel Haj Hmida est revenue sur quelques anecdotes qui l’ont liée à Gisèle. « Je l‘ai connue très tôt, enfant même, mais je n’étais pas assez consciente de l’engagement de cette personnalité et à quel point elle allait m’inspirer par la suite. Elle militait farouchement contre la torture et la peine de mort. Je regrette qu’elle n’ait pas exercé en Tunisie ». Ces combats étaient ceux de toutes les générations.


Walid Soliman, traducteur en arabe d’ «Une farouche liberté» regrette que la nouvelle génération ne connaisse pas les combats de Halimi et son parcours inspirant, suivi, pendant des décennies, par des philosophes et écrivains de toutes parts. « Elle a fait gagner aux femmes beaucoup de temps et d’acquis. C’est le livre qui me rend le plus fier de l’avoir traduit. Le jargon que j’avais traduit était spécial et pas facile. Il fallait respecter sa touche, son esprit. Pendant que je traduisais, c’est comme si je l’écoutais ou que je parlais avec elle. J’aurais aimé qu’elle voit ses livres en langue arabe », déclare Soliman.


Walid Ahmed Ferchichi, traducteur d’ « Avocate Irrespectueuse » a déjà traduit Olfa Youssef. « Je rends hommage à la famille Halimi qui fait partie du patrimoine tunisien arabo-juif ». L’homme de lettres enchaîne : « Ce qui m’a fasciné dans le livre, c’est la ténacité de Gisèle à remettre en cause ce noble métier d’avocat et à l’interroger. Dans ce livre, elle fait son « mea-culpa » avec une grandeur d’esprit fascinante. Elle n’a jamais défendu des causes perdues et des perdants. Cette traduction consolide davantage ce travail de mémoire collective ». Issu du Sommet des deux rives, le programme « Livres des deux rives » vise à renforcer le dialogue entre les deux rives de la Méditerranée par des actions de coopération autour du livre, à soutenir les flux de traductions entre le français et l’arabe, et à accompagner le secteur du livre en Tunisie, en Algérie et au Maroc. Porté par l’Institut français et doté de 80.000 euros, le programme «Livres des deux rives», se poursuit jusqu’en février 2023. Les deux premiers livres traduits de Gisèle Halimi seront bientôt en vente.



Autour de Gisèle Halimi : Traduire contre l’oubli
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