C’est sur trois jours, à la mairie de La Kasbah – Tunis, que la 97e réunion de l’Association internationale des maires francophones (Aimf) s’est tenue du 16 au 18 novembre, en amont du 18e Sommet de la Francophonie. Pas moins de 150 personnes, dont surtout des maires francophones venus de différentes capitales, ont répondu présent.
Kinshasa, Nouakchott, Québec, Cotonou, Paris, Abidjan, Dakar ou Douala… Au moins une dizaine de maires et de représentants de mairies ont répondu à l’invitation de Souad Abderrahim, maire de Tunis et vice-présidente de l’Association. Le but de ces rencontres est de renforcer les coopérations entre différents pays, en incluant et en fusionnant l’engagement des maires et celui de la société civile : Il s’agit d’une mise en valeur du rôle central de ces élus locaux engagés pour « la Francophonie de demain » et de garantir l’impact des initiatives concrètes qu’ils mènent et mèneront en collaboration avec la société civile. Différents échanges autour de la diplomatie des villes, de la parité hommes / femmes, du rôle des diasporas ou dialogues régionaux ont été au cœur des discussions.
Une conférence de presse s’est tenue dans la matinée du 18 novembre 2022 à l’occasion de ces Assises des élus locaux francophones et de la société civile en présence de Souad Abderrahim et d’Anne Hidalgo, maire de Paris, ainsi que Robert Beugré Mambé (Ministre-gouverneur du district d’Abidjan), Bruno Marchand (Maire du Québec), Willy Demeyer (Maire de Liège) et Sami Kanaan (CA de la ville de Genève). Le point de presse est revenu brièvement sur le déroulement de cette 97e réunion. Anne Hidalgo souligne dans son discours les rôles des pouvoirs locaux, la complémentarité, et le soutien indéfectible de l’Association à des divers projets, qui se tiendront dans différentes villes. « Djerba et Tunis ne sont pas loin. Cette réunion se déroule à Tunis, presque simultanément avec le 18e sommet de la Francophonie. La décentralisation reste importante », déclare-t-elle.
L’ouverture, le 16 novembre s’est déroulée en présence de la présidente du Rflm : le Réseau des femmes leaders du Maghreb, le secrétaire général de l’UMA, et un représentant de l’Union européenne en Tunisie. Ce réseau de femmes Leaders important rassemble des entrepreneures venues des pays du Maghreb arabe. La promotion du genre dans le développement local reste de mise. Un protocole de coopération a été signé entre les maires Souad Abderrahim et Bruno Marchand (Maire de Tunis et du Québec), renforçant ainsi trois secteurs : le développement économique et numérique, le développement durable et la lutte contre les changements climatiques, sans oublier le rayonnement culturel et la préservation des espaces patrimoniaux. Réseautage et rencontres édifiantes entre différentes diasporas ont eu lieu, et notamment entre des élus locaux allemands, italiens, tunisiens et français dynamisant ainsi les coopérations. Un webinaire sur « Les conditions techniques, économiques et sociales d’une transformation du domaine bâti dans les villes décarbonées » s’est tenu. Une réflexion qui a rassemblé universitaires et professionnels autour de « L’urbanisme dans de francophonie ».
Une édition spéciale d’ « Interférence », le festival des lumières qui se tient chaque année à la Médina de Tunis a eu lieu sur trois jours à l’occasion de cette réunion de la Aimf 2022. Sur trois jours, à la médina, des installations de lumière ont été projetées sur les divers édifices historiques. Un hommage vibrant a été rendu à des personnalités féminines tunisiennes comme Ons Jabeur, Aziza Othmana ou Roua Tlili à Beb Bhar (Tunis), toujours en collaboration avec la municipalité de la ville de Tunis.
Publié aux «Editions Orizons», la parution du roman «Le miracle de Méméti» résonne comme un testament laissé aux lecteurs tunisiens. François G.Bussac, son auteur, l’a fait paraître en France, avant de le faire publier prochainement aux éditions Arabesques, en Tunisie. François G.Bussac rend hommage, à travers cette double publication, à la Tunisie, qui a longtemps été son pays hôte…
Vous avez une actualité bien rythmée : depuis votre retour en France et après de longues années passées en Tunisie, deux livres paraissent chez les éditions Orizons en France : le premier est de vous «Le miracle de Méméti», et un 2e sur vous «Bonjour Monsieur Bussac», publié par le professeur Raouf Medalgi, en hommage à un parcours prolifique, qu’est le vôtre. Pouvez-nous donner un aperçu sur votre dernière publication ?
Pour ce 1er livre cité, je le considère comme une «Lettre d’au revoir» à la Tunisie. Certains me disent que «Le miracle de Méméti» est comme un testament littéraire. Disons que c’est le premier roman politique dans lequel j’essaie de montrer la Tunisie dans toute sa complexité sociale, en suggérant aux Tunisiens, à ma manière caracolante, de se regrouper, de rester solidaires, afin d’éviter l’abîme à ce beau pays que nous aimons tant.
Dans cette société tunisienne, à qui vous adressez-vous ?
A un public francophone, et à un public qui essaie toujours de concilier démocratie et Islam. Qui continue de tirer des leçons des 10 dernières années postrévolutionnaires, qui n’ont pas été que négatives. J’ajoute ma pierre modeste dans l’essai de compréhension de ce pays.
Une Tunisie, qui, avec ses aléas, a toujours fait partie de votre œuvre…Qu’est-ce qui différencie votre approche dans «Le miracle de Méméti» ?
Le livre qui m’a fait connaître est bien celui du «Jardinier de Metlaoui» : c’était l’histoire de mon grand-père, qui travaillait dans les mines de phosphate tunisiennes, des décennies auparavant. Un livre qui m’a fait connaître et qui a éclairé un moment du protectorat, peu connu au sud de la Tunisie. J’ai publié des livres sur la jeunesse, et un roman qui s’appelle «Le cousin», toujours chez les éditions Arabesques. «Le miracle de Méméti», le dernier paru, est très différent. Il y a aussi cette histoire de ravissement de l’auteur : lorsqu’il crée 6 personnages, qui ne se connaissent pas, et qui sont tunisiens, issus de toutes les classes sociales, âgés ou jeunes, et qui, décident, un jour, de former un groupe théâtral, ensuite politique. Leurs destins s’entremêlent sur 22 chapitres, et avec l’envie commune de faire du bien à leur pays. Une Tunisie, de nos jours, qui se vide de son élite et de sa jeunesse brillante.
«Le miracle de Méméti », d’où s’inspire ce titre qui interpelle ?
«Méméti», c’est la grand-mère de celle qui s’appelle Nour, 25 ans, et qui fait partie du groupe cité. Elle vit au Kram et s’occupe de ses frères et sœurs. Elle rentre un beau jour chez sa grand-mère, au Kef, et se ressource en redécouvrant de nouvelles valeurs humaines.
La plupart de vos personnages sont inspirés de la réalité…
C’est un clin d’œil. Sur les 6 personnages, il y en a 4 inspirés par certains de mes amis proches.
«Le miracle de Méméti» est actuellement publié en France, et le sera bientôt en Tunisie.
Chez les éditions Arabesques, en effet. Ce livre sera vendu en Tunisie, à des prix abordables pour notre lectorat francophone.
Simultanément, Raouf Medelgi, professeur universitaire, publie un livre «Bonjour monsieur Bussac», chez Orizons aussi. Un livre qui relate votre œuvre, votre parcours et ce lien qui vous a uni à la Tunisie.
(Rire), une parution curieuse ! Raouf Medelgi est critique littéraire, journaliste, et professeur. Je le connaissais déjà ! Il prépare une thèse actuellement et comme il a eu l’occasion de lire bon nombre de mes livres, il a proposé d’écrire un essai sur mes livres. On a travaillé la main dans la main. Ce livre est celui de Raouf Medelgi. Des amis proches, académiciens et des journalistes y ont participé. Une publication qui est enrichie par quelques inédits de ma part. Il sera aussi édité par Arabesques éditions.
A la galerie «Musk and Amber» et à travers une série d’œuvres subtilement titrée «Bloom», l’artiste Becem Ben Othman a offert un aperçu global, mais immersif, d’un travail ficelé élaboré sur 10 ans.
L’exposition solo englobe de nouvelles œuvres de collage. Certaines sont picturales et d’autres sculpturales. «Bloom» oscille entre œuvres nouvelles et d’autres, plus anciennes, mais qui continuent à auréoler ce travail artistique. L’univers décalé, hybride et onirique de l’artiste enveloppe les visiteurs, connaisseurs et curieux, pour la plupart, venus spécialement le découvrir récemment dans ce lieu.
«Bloom»,—terme en anglais—fait écho à une éclosion / floraison, qui surgit suite à un travail / un combat mené avec persévérance par une personne lambda. Son œuvre picturale «Vedette» est visible dans cette exposition : imposante, elle n’échappe pas à l’œil du visiteur.
Elle donne de la visibilité à deux corps qui fusionnent, qui luttent pour ne pas se laisser happer par le tourbillon de la vie. Au creux d’une main, une «fleur», qui fait référence à l’accomplissement.
Becem Ben Othman associe ce tableau à «une course pour une éclosion métaphysique», cite-t-il, ou à une bouffée d’oxygène.
Une manière pour lui de dire qu’il faut s’accrocher malgré les aléas de la vie. Ce tableau central se réfère à des graines qui germent. L’aboutissement d’un parcours du combattant, un hymne à l’espoir adressé à toutes et tous. «Ne pas plier aux épreuves», c’est s’armer de ce même état d’esprit qu’il faut entretenir. Le travail de Ben Othman est truffé de symbolisme. La nature et le corps y sont frontalement visibles, parfois, légèrement dissimulés, ou présentés autrement. «J’intègre les couleurs, en gardant un style linéaire et en évitant l’encombrement. Je privilégie le minimalisme», déclare l’artiste à propos de son travail. Son œuvre est imprégnée de surréalisme moderne et accentue les volumes et les couleurs.
« Bloom » est une exposition complète, riche de plusieurs supports. Elle contient 35 œuvres : des tableaux de peinture, de collage, et des installations en passant par une projection vidéo de court-métrage. Becem Ben Othman est artiste plasticien, designer graphique et audiovisuel. Sa première expo personnelle remonte à 2012.
«Sur la route» a interpellé l’attention des cinéphiles. L’exposition photographique installée à la Cité de la culture est une continuité des projections de la trilogie ethnographique de Jean-Michel Corillion et Isabelle Coulon, programmée lors des JCC. Ce travail photographique itinérant a vu le jour grâce au soutien de Dalila Choukri, consultante artistique du festival. Il sensibilise à des problématiques socioclimatiques majeures.
L’exposition «Sur la route» à la Cité de la culture a accompagné les visiteurs. Comme un complément aux projections de votre trilogie ethnographique, coréalisée avec Jean-Michel Corillion et présentée lors de la 33e édition des Journées cinématographiques de Carthage, elle a permis à des spectateurs de poursuivre cette itinérance, à travers une série de photographies prises pendant le tournage. Quelle est sa genèse?
L’idée d’organiser cette exposition a, en effet, surgi en même temps que la projection des trois films «Sur la route», tournés au Malawi, en Chine et en Inde. Les photos sont un moyen de raconter autre chose : une vision, moins documentaire et plus poétique de ce qu’on peut voir dans les films. L’expo nourrit l’imaginaire de personnes qui regardent les photos et qui se créent leurs propres histoires. C’est un cheminement différent mais complémentaire aux films. On a fait une sélection de 5 photos par pays, classées selon des thématiques : celles des femmes, de la nature, de la spiritualité et celle liée à une atmosphère, ou à des ambiances.
«Sur la route» offre aux spectateurs de la trilogie, projetée pendant les JCC, une autre vision de vos trois films. Comment les visiteurs l’ont-t-ils vu ?
L’exposition découle non pas des films, mais de leurs tournages. C’est un regard complémentaire à des histoires racontées sur grand écran. Le vernissage s’est déroulé à la Cité de la culture. Je suis très heureuse de cette collaboration franco-tunisienne puisque l’imprimeur est tunisien et s’appelle Saber Bahri, un professionnel qui a mené à bout l’impression des photos. C’était un travail collaboratif. De Paris, il n’y a eu que les envois de photos en fichiers. Le développement et le processus se sont entièrement déroulés en Tunisie. Tout s’est bien passé. Je suis satisfaite. Il y a des formats horizontaux de photos qui montrent la nature. Et d’autres verticaux, d’1m50 sur 1 mètre, offrant ainsi une proximité entre nous, spectateurs, avec les personnes visibles sur les photos. Ces mêmes photos qui permettent à ces dernières d’être avec nous. Y en a un, par exemple, qui est décédé, et qui continue de vivre à travers l’image. Pendant la fin de l’expo, on peut voir un moine qui regarde la vallée : on l’a suivi et on a clôturé le travail avec lui. La photographie est un instant figé, comme un arrêt sur image : j’essaie d’instiller des mouvements dans la photo en ayant l’impression que les personnages photographiés sont souvent en activité, en mouvement. Les déplacements sont ressentis à travers nos photos. Une autre thématique cruciale, visible, c’est bien ce rapport qu’entretient l’Homme avec la nature et les animaux. Ce rapport-là est traité différemment d’une culture à une autre.
Pouvez-vous nous en dire plus sur cette trilogie ethnographique, visionnée sur grand écran pendant les JCC ?
Ces trois films longs documentaires sont : «Sur la route de Phirilongwe» au Malawi, «Sur la route de Zanskar» en Inde, et le 3e «Sur la route de Xiao Jang», et sont coréalisés avec Jean-Michel Corillion. Nous avons été extrêmement touchés par la réaction du public. Il y a eu des pleurs, des applaudissements… C’était émouvant, touchant. C’est uniquement dans des festivals qu’on a des retours intéressants.
Lors de la 33e édition des Journées cinématographiques de Carthage, une nouvelle section «Semaine de la Critique» a brillé par la sélection de ses films signés par des réalisateurs en pleine ascension. Le débat a foisonné autour d’un nouveau cinéma éclectique et souvent méconnu du large public. Sahar El Echi, responsable et programmatrice de cette Semaine de la Critique, nous en dit plus.
Vous avez géré une nouvelle section lors de la 33e édition des Journées cinématographiques de Carthage, celle de la «Semaine de la Critique». Elle rappelle celle du festival de Cannes… Celles de festivals comme Venise, Berlin…
L’appellation fait écho à cette section internationale qui a toujours existé dans les plus grands festivals du monde. Cette année, dans le cadre des JCC, on s’est intéressé à ces films qu’on ne voit pas beaucoup dans la compétition officielle : ceux qui nous viennent de l’Amérique latine, de l’Europe de l’Est, quelques films européens aussi… Mais ce qui distingue cette section, c’est qu’elle soit davantage focalisée sur les 1ère et 2es œuvres longs métrages de fiction des auteurs. Cette section offre un espace à ces artistes émergents qui viennent d’intégrer l’industrie cinématographique. Elle existe désormais pour les soutenir.
Comment s’est faite cette sélection de films ?
Il y a eu un appel à films lancé depuis mai 2022. Plusieurs films ont été reçus via la plateforme. Tout un comité de sélection m’a accompagnée. La semaine de la Critique est une section indépendante avec un comité de sélection indépendant formé par des critiques de cinéma qui sont aussi à la Fipresci. On a vu tous les films soumis et on les a retenus via un système de sélection, sur des étapes et en se basant sur des critères. Les films sont de nationalités diverses : Ils nous viennent du Mexique, de Roumanie, du Chili, de Belgique / Sénégal, du Maroc, d’Italie et de France. Il ne s’agit pas d’une copie des sections qu’on voit dans les autres festivals. Il faut retenir qu’il s’agit d’une section qui rassemble tous les cinémas du monde, ceux des réalisateurs émergents du monde entier. C’est important pour notre festival qui est arabe et africain de leur donner un espace aussi utile. Rappelons que Tahar Cheriaa a toujours milité pour le cinéma du sud. C’est essentiel qu’ils soient aussi dans une compétition, avec un prix décerné à la fin. C’est impératif de confronter les cinémas du sud et du nord et de mettre en valeur des films avec leurs atmosphères particulières et leurs univers qu’on ne voit pas ailleurs. S’ouvrir sur un cinéma aussi distingué, c’est tout aussi important pour le public tunisien.
Peut-on revenir sur le jury de cette sélection ?
Le jury international se compose de critiques : Serge Toubiana est le président d’UNI France, ancien rédacteur en chef de «Cahiers de Cinéma», ancien directeur de la Cinémathèque. Il a un rapport très personnel à la Tunisie puisqu’il a grandi ici. Les JCC marquent son retour. Kamel Ramzi est écrivain et critique égyptien. Thiorno Ibrahima Dia du Sénégal est chercheur en arts, critique et journaliste. Chiara Spagnoli Gabardi, d’Italie, est critique de cinéma et journaliste. La section doit susciter l’intérêt des critiques tunisiens et journalistes, et celui des Tunisiens qui sont cinéphiles. Après chaque projection, un débat s’organise autour des films projetés. Cette dynamique reste primordiale. La présence du public était remarquable. Cette soif de découverte était omniprésente. Le maintien de cette section est une réussite avec des retombées qui l’attestent. Nous avons aussi invité Charles Tesson qui est critique de cinéma pour une journée autour de la critique cinématographique, organisée en partenariat avec l’IFT. C’était une master-class fructueuse.
Le public présent était conquis. Cette ouverture sur le monde, sur une autre esthétique, et l’entretien de cette dynamique de réflexion sont cruciaux. La section prône des causes humaines, universelles, politiques qui provoquent le débat. Ces films reflètent leurs cultures, mais s’adressent, en même temps, à tout le monde.
«Nos cérémonies», premier long métrage de fiction de Simon Rieth, crève l’écran par son esthétique distinguée et sa thématique exploitée autour des liens du sang. Cette histoire douce et déroutante, vécue entre deux frères, interpelle par sa touche à la fois poétique, et violente.
Tantôt amis / ennemis, tantôt complices, deux frères se chamaillent depuis leurs plus tendres enfances. Ils s’aiment et se confrontent souvent, mais parviennent à entretenir cet amour fraternel, en apparence, indestructible et résistant au-delà des épreuves de la vie. Tony et Noé, interprétés avec justesse par Raymond et Simon Baur, sont inséparables : un jour, en jouant à Royan, région connue pour ses décors naturels, un drame survient et impactera à jamais le restant de leur vie : l’un d’eux chute brusquement du haut d’une falaise. Miraculeusement, il survit, mais s’ensuivra après des changements qui bouleverseront profondément leur relation fraternelle pourtant soudée, jusqu’à l’après-adolescence. Une fois adultes et durant l’après-drame, le spectateur réapprendra à les connaître au gré des premiers émois, des amitiés / inimitiés et des amours de jeunesse…
La particularité du film, c’est son récit : sa narration douce-amère, sur fond d’esthétique nouvelle élaborée avec une touche de fantastique, happe de bout en bout et parvient à retenir le spectateur. Ce récit, qui est totalement dénué de présence parentale, ne tardera pas à nous faire vivre un tournant majeur quand les deux frères tomberont amoureux de Cassandre, la fille des voisins.
«Nos cérémonies » oscille entre violence et douceur, sublimé dans un cadre spatial saisissant. Il redéfinit les liens fraternels et les dessine autrement : des liens truffés d’amour, mais aussi de rivalités et de confrontation. La touche fantastique glissée dans le film traduit une forte relation de dépendance entre les deux personnages, campés par des acteurs, frères aussi dans la vraie vie. Une histoire saisissante, qui fusionne à la perfection, tendresse et violence, souvent symbolique, et même onirique.
« Nos cérémonies » de Simon Rieth est une découverte inédite pour le public des Journées Cinématographiques de Carthage lors de sa 33e édition. Il a été sujet d’un atelier d’écriture lors d’une journée consacrée à la Semaine de la Critique, maintenue par l’Institut Français de Tunisie et les JCC. Le film sortira en France en mars 2023. Une partie du public tunisien a pu le découvrir bien avant sa sortie officielle.
Désormais en vente dans les librairies tunisiennes et étrangères, « Le geste en héritage, la Main tunisienne » est un ouvrage collectif utile et riche par son contenu : il valorise l’objet artisanal tunisien d’excellence en mettant en lumière son histoire régionale et son savoir-faire distingué mondialement. La publication puise dans l’essence-même du patrimoine tunisien et éclaire son devenir.
Grâce au soutien de l’Office national de l’artisanat et de la fondation Rambourg, le livre voit finalement le jour. Une conférence de presse s’est tenue à la Galerie Antinéa d’Alya Hamza, située à l’avenue Kheireddine Bacha. Ce berceau discret des arts abrite de nombreuses expositions, de présentations de livres et sert de lieu de rencontres foisonnantes entre artistes et férus des arts.
Ce livre est l’aboutissement d’un programme mis en œuvre autour du renforcement du secteur de l’artisanat tunisien. Un projet fructueux qui a rassemblé de nombreux axes et composantes : une définition de l’objet artisanal d’excellence, un état des lieux de l’artisanat tunisien et des ateliers de création et de recherche sont à l’origine de la genèse de ce livre. Il synthétise tout un travail minutieux effectué sur plus d’une année. Cette initiative s’est faite connaître auprès de nombreux contributeurs, et a pu donner un regard autre sur l’artisanat, en valorisant ses trésors, entre autres, par le biais de la photographie. Le tout concrétisé grâce à un comité éditorial. L’ouvrage met en avant les ressources culturelles et tunisiennes et le potentiel inépuisable des artisans et créateurs tunisiens. Une plateforme numérique qui servira de support au contenu de cet ouvrage verra le jour prochainement.
Molka Haj Salem, directrice éditoriale du livre, a présenté les trois grandes parties qui composent l’ouvrage : un prélude, un 2ème chapitre qui évoque l’Atlas et la cartographie de l’artisanat tunisien, et un 3ème autour du «Voyage dans les métiers » : une lecture historique et sémiologique. Le livre revient également sur les ateliers, menés par les artisans et créateurs. Sa composition est ponctuée par des hommages rendus à des pionniers de l’artisanat choisis par Alya Hamza et qui sont Aly Bellagha, Samia Ben Khalifa, la famile Halioui, Hmida Wahada et Leila Menchari.
Le processus de publication était long mais a été renforcé grâce aux soutiens de collectionneurs privés et de l’État : l’ouvrage réunit plus de 200 objets et des pièces inédites entre collections nationales de l’Office National de l’artisanat et des collections privées. Un comité curatorial composé de Azza Ayachi, Shiran Ben Abderrazak, Molka Haj Salem, Alain Lardet et Mamia Taktak a veillé au bon déroulement du travail écrit par Alya Hamza et Noureddine Saidi. Le livre n’aurait pas pu voir le jour sans la contribution d’auteurs, de participants à l’atelier Fronat, de l’agence Dzeta, de collectionneurs privés, de l’ONA et des équipes de la Fondation Rambourg.
C’est dans le cadre d’ateliers pour enfants et adolescents organisés par l’association «l’Art Rue» qu’Andrew Graham, chorégraphe, a interrogé «l’impraticabilité de la ville». L’artiste avec son groupe de participants a présenté une étape de sa création «Lignes» dans «Dream City». Des enfants en fauteuils roulants, aidés par leurs mères sont au centre de cette création dansante. «Lignes» ou «Lines» raconte cette solidarité entre personnes désireuses de contourner les difficultés afin d’accéder plus facilement à la culture. Cette danse était une communion vécue entre toutes ces personnes mixtes. L’artiste nous en dit plus sur ce processus de création enclenché.
A Tunis, vous avez montré un aperçu bouleversant de «Lines». Une étape, annonciatrice d’une création qui se fera prochainement sur la durée…
Je suis arrivé en septembre 2021, invité par l’association «L’Art Rue» afin d’animer des ateliers sur deux semaines pour différents groupes d’enfants. On s’est ouvert à plusieurs personnes, dans différents quartiers, en nous adressant à différentes classes sociales et à des personnes souffrant de situations de handicap, à Tunis comme aux environs. Les enfants et les adolescents de la Médina font déjà partie du public avec qui «L’Art Rue» travaille. On a fait ces deux semaines de rencontres au théâtre el Hamra. La plupart des participants ont fait et feront partie du projet «Lines». Le public cible, en premier, c’était les enfants. On a surtout pensé à qui n’a pas accès à la culture et à aller chercher ces gens. De bouche à oreille, ils et elles se sont toutes et tous appelés et l’équipe s’est élargie. Il y a eu beaucoup d’enthousiasme autour de ce travail.
Qu’est-ce qui vous a le plus interpelé pendant ce processus ?
Il y a eu deux choses qui m’ont marqué dans le rapport parents / enfants : ces mamans qui traversent la ville avec leurs enfants en situation de handicap (ou pas) pour les emmener dans cet atelier. Elles insistaient et elles étaient déterminées à traverser toute cette ville impraticable au quotidien. Comme Mme Basma, professeur de langues, malvoyante, qui a eu un accident en venant à l’atelier. Elle tenait à assister à notre atelier, comme tout participant. Et il y a eu ces mamans aussi qui se mobilisaient entre elles pour porter leurs enfants sur scène : j’ai rarement vécu des moments aussi bouleversants. J’ai été danseur dans une compagnie, avec plein de chorégraphes connus. Une étape qui m’a permis déjà d’approcher une communauté d’artistes en situation de handicap auparavant. C’était devenu pour moi incontournable de me demander : qui se sent handicaper par la ville ? Qui est handicapé par la société ou qui est oublié par elle ? La culture devrait être accessible à tout le monde sans exception.
Pouvez-vous nous en dire plus sur ces mamans ? Quel rôle ont-elles joué dans le projet ?
On aurait dit un match de football. (Rire) Elles encourageaient leurs enfants tout le temps. Mais à un moment, je leur ai demandé de sortir pour pouvoir travailler davantage l’autonomie avec les enfants. Elles étaient d’accord. Elles discutaient entre elles beaucoup, notamment concernant leurs enfants… c’est comme si elles s’étaient créé involontairement une cellule d’écoute. Un espace Safe. On a réfléchi, ensuite, à la façon de créer un espace sur la durée. Elles ont continué à se voir, juste pour se parler. A partir de ces rendez-vous, j’ai fini par les inviter à participer aux ateliers, ensuite, aux auditions et à les inclure. A la fin des deux semaines, on a pu passer des auditions à des enfants professionnels.
Comment avez-vous mené à bout ce processus de création ?
On n’a fait que de la recherche. On n’en était qu’au début. On est en phase de création. On ne l’a même pas commencée. La création commencera en janvier ou février 2023. On a tâté le terrain, découvert les matériaux. Cette phase de recherche reste très importante parce que c’est aussi comprendre les besoins de chacun et chacune et connaître le langage que tout le monde parle. C’est d’arriver à connaître les disciplines qui les intéressent ou qu’ils pratiquent déjà : la danse, le théâtre, le chant … Cette étape de «Lines» sert à repérer tout cela, afin de commencer à écrire avec eux et elles.
Votre projet est inclusif : on y voit des personnes migrantes, Queer, des personnes à capacités réduites, des femmes…
Je trouve que je suis privilégié de pouvoir travailler en mixité ainsi, parce que cela me permet de réfléchir, de me mettre à créer. Cela m’ouvre de nombreuses portes et des espaces de créativité. C’est beau comme processus. Je les ai toujours ramenés dans le vif de la créativité.
Pour la direction d’artistes, pouvez-vous nous en dire plus ?
Je me suis fait aider par les mamans. Cette étape première de «Lines» est un travail qui part des réalités et des besoins de chacun. C’est plus facile de travailler avec des enfants dans une situation de handicap : ils ou elles ont une temporalité et une réceptivité différentes. Travailler avec eux et elles, c’est créer un lieu qui soit adapté à leurs attentes. On a fait surtout beaucoup d’improvisations en inventant des choses, en réfléchissant.
«Lines» a été présentée au stade municipal de La Hafsia, en plein air. Pourquoi ce choix de lieu ?
C’est une étape de travail, une expérimentation. En vrai, être dans ce terrain de foot était davantage pour qu’on se donne l’expérience d’être face au public. C’est un moment de recherche. Ce terrain a nourri cette curiosité et a donné une direction à la création. Je voulais qu’on sache ce que c’est d’être visible à l’extérieur, d’être face à un large public, d’arriver à travailler dans un espace dehors. Ce terrain est un espace d’échanges, de rencontres en temps normal. Il s’agit d’une méditation qui s’adressait surtout aux gens du quartier : une curiosité s’est mise en place. Toute l’équipe allait s’emparer de ce terrain de foot qui n’est pas le nôtre, en réalité. Il n’y a eu aucune hostilité. Il y a eu plein de moments où les gens du quartier venaient nous voir danser et chanter. Ils étaient collés au grillage. C’est à travers ce lieu-là que tout le monde a pu se rencontrer. Cette accessibilité est bien plus importante pour moi que notre danse.
Une conférence s’est tenue autour des «multiples sources d’inspiration de la peste», roman majeur d’Albert Camus. Paru en 1947, il connaît, actuellement, un regain d’intérêt considérable dans le monde. A Hammamet, Michèle Robinet et Florian Bouscarle, deux conférenciers-camusiens, ont éclairé un public présent à cet évènement édifiant.
«L’étranger» ou «Caligula» font la renommée de ce pionnier de la littérature. Atemporel, «La Peste» se distingue : il a plus que jamais été d’actualité, car, pour son large lectorat, il fait écho à la lutte contre le Covid-19. Des valeurs comme «Le Respect, la justice, l’amour et la générosité» ont été longtemps prônées au gré des œuvres de l’auteur engagé.
A l’honneur, deux spécialistes-camusiens : Michèle Robinet, inspectrice du travail honoraire, conférencière, travaillant sur Camus notamment avec les personnes seniors en situation de réinsertion sociale et Florian Bouscarle, conférencier, professeur, travaillant avec les jeunes. Les deux chercheurs veillent à faire connaître autour de la Méditerranée, et à travers leur association «Partages culturels en Provence», la littérature francophone. Une association qui a pour but de diffuser et de promouvoir l’art, la culture et le patrimoine, de consolider les liens entre pays francophones et de faciliter les partenariats entre les deux rives de la Méditerranée.
«Le récit de la Peste ne meurt et ne disparaît jamais» : une expression qui fait référence à l’atmosphère de menace, la crainte, l’impossibilité de se projeter, la peur de vivre, les innombrables vertiges de la vie. Des états d’âme qui se confondent souvent avec le terme «Fléau» et qui signifie le «Mal» sur Terre.
Camus a puisé dans différentes sources pour écrire «La Peste» : littéraires, historiques, personnelles, scientifiques, relationnelles. Les deux «Camusiens»-conférenciers ont mis en valeur sur près d’une heure ces différentes sources en les citant. Ce roman fictif qui s’est déroulé sur 9 mois —du printemps à l’hiver de l’an 1940— a vu le jour grâce à des références littéraires et philosophiques dans lesquelles Camus a baigné : son oncle «Gustave Acault», doté d’une grande bibliothèque en Algérie et chez qui l’écrivain pouvait lire des livres. L’historien Jules Michelet, l’historien grec «Thucytide», auteur de «La grande peste d’Athènes», l’écrivain latin Lucrèce (1er siècle avant J.-C.), l’écrivain italien Boccace, qui a évoqué «La peste de Florence» dans son œuvre (l’an 1300). Le journaliste Daniel Defao qui a voué un intérêt à la grande peste de Londres. Les écrits d’Adrien Proust, père de Marcel Proust, et la fable «Les animaux malades de la Peste» de La Fontaine ont également profondément inspiré Camus : à propos de ce dernier exemple cité, les réactions des différents animaux reflètent celles des humains et trouvent leur sens dans leur existence. Pétrarque, Antonin Artaud, et les ravages causés par la Peste à Marseille, en Tunisie et en Algérie ont enrichi ses connaissances. Les personnages de «La peste» d’Albert Camus sont inspirés par des gens que l’écrivain a connus. Michèle Robinet a évoqué le cadre spatio-temporel du roman, qui se déroule dans les années quarante, à Oran, ville côtière, décrite comme labyrinthique, poussiéreuse, peu attrayante : «Une cité qui tourne son dos à la mer», selon Camus.
La conférence a davantage été focalisée sur la composition de l’œuvre, la vie de l’auteur, et moins sur la philosophie du roman. Ce rendez-vous s’est clôturé par une tombola gratuite, qui a permis à une dizaine d’invités de gagner des livres d’Albert Camus et de son œuvre.