«Théâtre de la liberté», titre attrayant d’une section maintenue dans le cadre des Journées théâtrales de Carthage, et qui fait écho à cette soif de liberté, ressentie par les détenus. En attendant leur liberté, qu’ils vivront au-delà des murs de la prison, ils entretiennent une passion pour les arts scéniques, spécialement pour le théâtre et nous le font savoir durant cette 23e édition.
«La sagesse d’un fou», pièce de théâtre, conçue entre les murs de la prison de «Borj El Amri», est un exemple de réalisation scénique, menée à bout par 6 jeunes détenus, la plupart trentenaires. Cinémadart est le lieu consacré aux pièces de théâtre signées par des prisonniers, femmes et hommes, issus de nombreuses prisons tunisiennes. La section se déroule en collaboration avec «le Comité général des prisons et de la rééducation». De différents établissements pénitentiaires, les prisonnières et prisonniers affluent, escortés par des agents de l’ordre. Pas moins de deux représentations par jour élaborées, sont présentées. Ambiance, qui allie curiosité, découverte et sympathie/empathie ressentie pour les interprètes. Ces derniers, pour la plupart amateurs, insufflent une dose d’émotion, à travers leurs textes, leur mise en scène, les dialogues et une certaine complicité.
Le théâtre affranchit des conditions de détention. Tout le travail scénique se fait en groupe : de la mise en scène, à l’écriture, au passage sur scène. «La sagesse d’un fou», mise en scène par le duo Hassen Ayachi et Mohamed Ali Jaouadi, le reflète bien : scène d’ouverture qui interpelle, silhouettes qui s’emparent de la scène, tout en gardant un semblant de mystère. Les interprètes parviennent à entraîner les spectateurs dans cette ambiance cacophonique. «Tkhalbiza», tel est le titre en tunisien de la pièce d’une durée de 40 mn, s’ouvre en grande pompe. Elle est annonciatrice d’une détresse commune, exprimée nonchalamment, au fil des scènes et des actes. Les interprètes incarnent, 6 personnages atteints de démence, des suites de leur enfermement. Dans le cadre d’un lieu clos qu’on confondrait avec un hôpital psychiatrique, reconstruit sur scène, ils expriment en solo ou en groupe, à gorge déployée, les raisons d’une folie. Le texte, la mise en scène et l’interprétation sont réalisés par ce même noyau. «Tkhalbiza» ou «La sagesse d’un fou» est un essai scénique amateur criant de cynisme et de mélancolie. Les présentations des pièces de théâtre réalisées par des détenus ont pris fin le jeudi 8 décembre 2022. Un prix sera décerné à la meilleure création.
A la galerie «Musk and Amber» et à travers une série d’œuvres subtilement titrée «Bloom», l’artiste Becem Ben Othman a offert un aperçu global, mais immersif, d’un travail ficelé élaboré sur 10 ans.
L’exposition solo englobe de nouvelles œuvres de collage. Certaines sont picturales et d’autres sculpturales. «Bloom» oscille entre œuvres nouvelles et d’autres, plus anciennes, mais qui continuent à auréoler ce travail artistique. L’univers décalé, hybride et onirique de l’artiste enveloppe les visiteurs, connaisseurs et curieux, pour la plupart, venus spécialement le découvrir récemment dans ce lieu.
«Bloom»,—terme en anglais—fait écho à une éclosion / floraison, qui surgit suite à un travail / un combat mené avec persévérance par une personne lambda. Son œuvre picturale «Vedette» est visible dans cette exposition : imposante, elle n’échappe pas à l’œil du visiteur.
Elle donne de la visibilité à deux corps qui fusionnent, qui luttent pour ne pas se laisser happer par le tourbillon de la vie. Au creux d’une main, une «fleur», qui fait référence à l’accomplissement.
Becem Ben Othman associe ce tableau à «une course pour une éclosion métaphysique», cite-t-il, ou à une bouffée d’oxygène.
Une manière pour lui de dire qu’il faut s’accrocher malgré les aléas de la vie. Ce tableau central se réfère à des graines qui germent. L’aboutissement d’un parcours du combattant, un hymne à l’espoir adressé à toutes et tous. «Ne pas plier aux épreuves», c’est s’armer de ce même état d’esprit qu’il faut entretenir. Le travail de Ben Othman est truffé de symbolisme. La nature et le corps y sont frontalement visibles, parfois, légèrement dissimulés, ou présentés autrement. «J’intègre les couleurs, en gardant un style linéaire et en évitant l’encombrement. Je privilégie le minimalisme», déclare l’artiste à propos de son travail. Son œuvre est imprégnée de surréalisme moderne et accentue les volumes et les couleurs.
« Bloom » est une exposition complète, riche de plusieurs supports. Elle contient 35 œuvres : des tableaux de peinture, de collage, et des installations en passant par une projection vidéo de court-métrage. Becem Ben Othman est artiste plasticien, designer graphique et audiovisuel. Sa première expo personnelle remonte à 2012.
«Nos cérémonies», premier long métrage de fiction de Simon Rieth, crève l’écran par son esthétique distinguée et sa thématique exploitée autour des liens du sang. Cette histoire douce et déroutante, vécue entre deux frères, interpelle par sa touche à la fois poétique, et violente.
Tantôt amis / ennemis, tantôt complices, deux frères se chamaillent depuis leurs plus tendres enfances. Ils s’aiment et se confrontent souvent, mais parviennent à entretenir cet amour fraternel, en apparence, indestructible et résistant au-delà des épreuves de la vie. Tony et Noé, interprétés avec justesse par Raymond et Simon Baur, sont inséparables : un jour, en jouant à Royan, région connue pour ses décors naturels, un drame survient et impactera à jamais le restant de leur vie : l’un d’eux chute brusquement du haut d’une falaise. Miraculeusement, il survit, mais s’ensuivra après des changements qui bouleverseront profondément leur relation fraternelle pourtant soudée, jusqu’à l’après-adolescence. Une fois adultes et durant l’après-drame, le spectateur réapprendra à les connaître au gré des premiers émois, des amitiés / inimitiés et des amours de jeunesse…
La particularité du film, c’est son récit : sa narration douce-amère, sur fond d’esthétique nouvelle élaborée avec une touche de fantastique, happe de bout en bout et parvient à retenir le spectateur. Ce récit, qui est totalement dénué de présence parentale, ne tardera pas à nous faire vivre un tournant majeur quand les deux frères tomberont amoureux de Cassandre, la fille des voisins.
«Nos cérémonies » oscille entre violence et douceur, sublimé dans un cadre spatial saisissant. Il redéfinit les liens fraternels et les dessine autrement : des liens truffés d’amour, mais aussi de rivalités et de confrontation. La touche fantastique glissée dans le film traduit une forte relation de dépendance entre les deux personnages, campés par des acteurs, frères aussi dans la vraie vie. Une histoire saisissante, qui fusionne à la perfection, tendresse et violence, souvent symbolique, et même onirique.
« Nos cérémonies » de Simon Rieth est une découverte inédite pour le public des Journées Cinématographiques de Carthage lors de sa 33e édition. Il a été sujet d’un atelier d’écriture lors d’une journée consacrée à la Semaine de la Critique, maintenue par l’Institut Français de Tunisie et les JCC. Le film sortira en France en mars 2023. Une partie du public tunisien a pu le découvrir bien avant sa sortie officielle.
Désormais en vente dans les librairies tunisiennes et étrangères, « Le geste en héritage, la Main tunisienne » est un ouvrage collectif utile et riche par son contenu : il valorise l’objet artisanal tunisien d’excellence en mettant en lumière son histoire régionale et son savoir-faire distingué mondialement. La publication puise dans l’essence-même du patrimoine tunisien et éclaire son devenir.
Grâce au soutien de l’Office national de l’artisanat et de la fondation Rambourg, le livre voit finalement le jour. Une conférence de presse s’est tenue à la Galerie Antinéa d’Alya Hamza, située à l’avenue Kheireddine Bacha. Ce berceau discret des arts abrite de nombreuses expositions, de présentations de livres et sert de lieu de rencontres foisonnantes entre artistes et férus des arts.
Ce livre est l’aboutissement d’un programme mis en œuvre autour du renforcement du secteur de l’artisanat tunisien. Un projet fructueux qui a rassemblé de nombreux axes et composantes : une définition de l’objet artisanal d’excellence, un état des lieux de l’artisanat tunisien et des ateliers de création et de recherche sont à l’origine de la genèse de ce livre. Il synthétise tout un travail minutieux effectué sur plus d’une année. Cette initiative s’est faite connaître auprès de nombreux contributeurs, et a pu donner un regard autre sur l’artisanat, en valorisant ses trésors, entre autres, par le biais de la photographie. Le tout concrétisé grâce à un comité éditorial. L’ouvrage met en avant les ressources culturelles et tunisiennes et le potentiel inépuisable des artisans et créateurs tunisiens. Une plateforme numérique qui servira de support au contenu de cet ouvrage verra le jour prochainement.
Molka Haj Salem, directrice éditoriale du livre, a présenté les trois grandes parties qui composent l’ouvrage : un prélude, un 2ème chapitre qui évoque l’Atlas et la cartographie de l’artisanat tunisien, et un 3ème autour du «Voyage dans les métiers » : une lecture historique et sémiologique. Le livre revient également sur les ateliers, menés par les artisans et créateurs. Sa composition est ponctuée par des hommages rendus à des pionniers de l’artisanat choisis par Alya Hamza et qui sont Aly Bellagha, Samia Ben Khalifa, la famile Halioui, Hmida Wahada et Leila Menchari.
Le processus de publication était long mais a été renforcé grâce aux soutiens de collectionneurs privés et de l’État : l’ouvrage réunit plus de 200 objets et des pièces inédites entre collections nationales de l’Office National de l’artisanat et des collections privées. Un comité curatorial composé de Azza Ayachi, Shiran Ben Abderrazak, Molka Haj Salem, Alain Lardet et Mamia Taktak a veillé au bon déroulement du travail écrit par Alya Hamza et Noureddine Saidi. Le livre n’aurait pas pu voir le jour sans la contribution d’auteurs, de participants à l’atelier Fronat, de l’agence Dzeta, de collectionneurs privés, de l’ONA et des équipes de la Fondation Rambourg.
La 33e édition des Journées Cinématographiques de Carthage met différents cinémas à travers le monde en lumière: Le saoudien, l’espagnol, l’italien, le palestinien. «L’esclave» d’Abdelilah Eljaouhary, retenu en compétition officielle, ajoute de l’éclat à la programmation des films marocains, en partie présents cette année.
«L’esclave» ou «The Slave» d’Abdelilah Eljaouary, bien avant sa projection, laisse présager aux spectateurs une découverte : celle d’un conte contemporain sur grand écran. Le long métrage du réalisateur marocain Abdelilah El Jaouhary traite du rapport au travail, de la place dominante qu’il prend dans l’existence individuelle et collective de personnes, et des sociétés. Sans oublier la hiérarchie, le capitalisme, la lutte des classes, la déshumanisation, l’asservissement au travail : autant d’axes racontés autour d’une histoire non moins intrigante à propos de «l’esclavagisme» moderne.
Le film de 100 min s’ouvre sur l’arrivée d’un jeune homme prénommé Brahim dans un village au Maroc : il se présente dans «un café de la Place» et déclare, sans gêne à la foule, qu’il désire être «l’esclave» d’un acheteur, de préférence riche, et ajoute que c’est dans cette condition qu’il aimerait subvenir à ses besoins… Au grand étonnement des villageois qui ont trouvé sa proposition aberrante. Qu’un homme se mette ainsi «en vente» est contraire à la religion musulmane, aux us et coutumes… L’esclavagisme étant aboli, officiellement, mais qui est reste perpétré sous d’autres formes. L’homme persiste, et revient souvent dans ce même café, sans cesse à la recherche «d’un maître», en affirmant haut et fort que «Je suis un villageois à vendre!». Criait-il.
Agression, rejet, et effarement rythmeront le film… Point de départ de cette histoire contemporaine, qui déteindra au fur à mesure sur d’autres intrigues, autour de nombreux personnages. «L’esclave», au titre intriguant, raconte un Maroc, asservi au travail, mais met en lumière des classes et des protagonistes broyés, soumis au poids des traditions et du relationnel : unions, désunions, rapports houleux entre classes appauvries : celles prolétaires face aux hautes sphères du pouvoir. Le conte se laisse raconter de bout en bout, et est enrichi d’une esthétique attrayante. Mi- moderne, mi- authentique, mi- traditionnelle, propre au Maghreb.
Le scénario est coécrit par Abdelilah Eljaouhary et Kamél ben Ouanes, produit par «Dark Prod Ciné». Abdelilah est journaliste de profession, critique de cinéma, réalisateur, scénariste et universitaire, connu pour «Raja Bent El Mellah», «Cri de l’âme», «Clics et déclics», «La danseuse», «De l’eau et du sang». Une filmographie enrichie par cette dernière réalisation en date et par son casting composé de Saad Mouaffak, Ismail Abu Kanater, Hajar Chergui et une pléiade d’acteurs. Le film concoure, afin de rafler le «Tanit d’or», dans la catégorie «compétition officielle – Long métrage». Une catégorie qui laisse prévoir diverses découvertes au fil des JCC.
L’exode en masse de citoyens à travers le monde pour une Syrie islamique fantasmée a marqué la décennie précédente et a inspiré d’innombrables films et séries télé traitant de l’endoctrinement religieux de Daech. La Syrie du Calife est, depuis, presque dissoute, mais continue à alimenter quelques dernières sorties cinéma. «Rebel» d’Adil el Arbi et Bilall Fellah, en salle depuis le 31 août 2022, tire son épingle de cette thématique récurrente… ou peut-être pas assez !
Fellah et El Arbi, deux nouvelles coqueluches de la réalisation à Hollywood, traitent dans «Rebel» du terrorisme en tentant de le synthétiser. Pari risqué et relevé à coups d’effets spéciaux, d’acteurs remarquables, de bande sonore attrayante… Et de scénario peu original.
Après une succession de frasques et d’égarements à Molenbeek, en Belgique, Kamal coupe les liens avec son foyer (sa mère plus précisément) et part rejoindre un organisme humanitaire qui vient en aide aux victimes de la guerre en Syrie. Une fois sur terrain, le jeune homme se retrouve embourbé dans des actions terroristes, embarqué par un groupe armé affilié à Daech et bloqué à Raqqa. Parallèlement, son petit frère, resté en Belgique, se fait endoctriner par un groupe de fanatiques religieux, installé en Europe et qui finit par l’embarquer en Syrie. Leur maman, magistralement interprétée par Lubna Azabal, désemparée, part chercher son fils cadet dans une Syrie, déchiquetée par la guerre.
Les frères belges se sont fait une place rapidement dans la Mecque du cinéma mondial en réalisant «Bad Boys 3», «Miss Marvel» ou prochainement «Batgirl». A travers ce long-métrage, les frères se ressourcent et reviennent aux origines, en optant pour un drame, inspiré de faits vécus, ayant eu lieu dans leur pays d’origine, la Belgique. Ils décortiquent l’essence même de ce fléau, son emprise du corps et du mental des victimes, dans un Occident ciblé et peu immunisé de «l’Etat Islamique». Le film est fort d’une mise en scène attrayante et d’une direction d’acteurs maîtrisée : au fil de l’histoire, de nombreuses victimes sont disloqués par le terrorisme. Les ravages d’une idéologie meurtrière sont élégamment relatés, dans ce long-métrage qui parvient à allier langage corporel, danse, musique, arts et violences inouïes, causées par l’E.I.
Des scènes chorégraphiques et de chant ponctuent le film sur 2 heures 15 d’horreur, agissant ainsi comme des intermèdes qui laissent respirer le spectateur dans ce chaos narré… Ces mêmes intermèdes qui ennuient, donnant lieu à une production qui oscille, entre musique et drame sur grand écran : Un «Rebel», Ovni.
Ce spectacle sur grand écran reste esthétique certes, mais se noye dans une horreur redondante, vue et revue et qui reste peu en phase avec l’actualité mondiale. «Rebel» fait surgir des mots enfouis, des douleurs physiques et des blessures de l’âme. Des prouesses filmées font également l’éclat de «Rebel», à travers des plans –séquences de guerre, saisissants de terreur, sublimés d’affrontements, d’exécutions et de tueries. Une horreur esthétisée qui panse un scénario peu original. A l’affiche du film, Aboubakr Bensaihi, Lubna Azabal et Amir el Arbi. Le film est distribué par Pathé BC Afrique en Tunisie et en Afrique.
Transcendant, psychédélique, haut en couleur … Le 2e long-métrage du jeune Ari Aster a révolutionné les films du genre. Il serait léger ou même rabaissant de classer «Midsommar» film d’épouvante/horreur quand cette attraction cinématographique est très loin d’en être un. Les spectateurs se font entraîner dans une spirale visuelle hallucinogène à l’image des protagonistes également aspirés par les rites païens et ancestraux d’une petite communauté… Bienvenue à «Harga».
Ari Aster, qui a enchaîné avec «Midsommar», à peine un an et demi après le déroutant «Hérédité», s’est abandonné dans les effets visuels tout en maîtrisant le drame principal. Une histoire qui passe de la noirceur à une fausse luminosité, dénuée d’espoir, porteuse de terreur et d’hostilité. Ce film est un voyage spirituel qui prend un tournant terrifiant, vécu sous les cieux brillants d’une région rurale, ensoleillée, tout le temps …En Suède ! Et survivre au soleil de Minuit s’avérera... fatal.
Le film relate l’histoire d’une rupture amoureuse, aggravée par le drame familial affligeant vécu par Dani (Florence Pugh). Christian, son copain depuis 3 ans et demi (interprété par Jack Reynor), est de plus en plus absent, évasif au fil des années. L’éloignement se fait sentir. C’est alors qu’un voyage en Suède s’offre à eux deux et à un groupe d’amis de Christian. Un voyage peu ordinaire dans lequel ils devaient assister et participer aux coutumes locales d’une secte mystérieuse. Petit à petit, des évènements plus qu’étranges surviendront…
Les déplacements, comportements, mimiques et gestuels des figurants -acteurs du film sont perçus comme une chorégraphie synchronisée du début à la fin, qui plongerait et les visiteurs sur place et les spectateurs dans les us étranges de cette communauté… En apparence bienveillante ... rassurante avant d’entamer subtilement des rituels d’initiations diverses.
Premier constat, la plupart des habitants de cette communauté sont des femmes : la structure même de ce microcosme rural est matrimonial. Le matriarcat bat son plein à «Harga», ce village sordide où tâches ménagères, accouplements, cuisine, besognes du quotidien sont effectués au détail près. La cheffe suprême de la tribu est d’ailleurs nommée «Reine de Mai». Pour cette cérémonie, une nouvelle reine doit être élue tous les 90 ans et Dani, une fois sur place, ne passe pas inaperçue et se laissera au fur et à mesure même tenter par le trône.
Contrairement à la majorité des films d’horreur, «Midsommar» est coloré et lumineux. Ce long-métrage d’épouvante solaire est visuellement très attractif grâce à une nature fleurie et verdoyante, filmée en abondance. Les rites effectués par la communauté de «Harga» se déroulent une fois tous les cent ans, pendant la période du solstice d’été, lorsque le soleil ne se couche jamais pendant des mois et des mois à «Harga». Effrayant à souhait sous le soleil brûlant de ce beau patelin, "Midsommar" rime avec sacrifices humains, agissements sordides et interrogations à n'en plus finir… Autant de détails plaisants esthétiquement pour les yeux s'avèrent trop beaux pour être vrais. Ils étaient même annonciateurs d’un cauchemar esthétique, fortement oppressant.
Ari Aster n’a pas manqué de placer des personnages déficients mentalement et très présents d’ailleurs dans la bande-annonce. Son but était de normaliser la différence chez les autres à travers des apparitions très furtives. Ces mêmes personnages ne pesaient pas tellement dans l’intrigue du film mais étaient sans doute générateurs de tensions et de visions déroutantes. Des personnages déficients mentalement mais acceptés et même adulés par cette secte malgré leurs handicaps.
Dans des médias étrangers, Aster dit vouloir changer la représentation des handicapés dans ses films. Ces individus très souvent mal représentés selon lui dans de nombreux chefs-d’œuvre du cinéma devront avoir leur place au cinéma. Le réalisateur et scénariste n’hésite pas à tacler cette culture New Age montante et très en vogue dans les Etats-Unis de Trump où de petites communautés, comme celles de «Harga», ne cessent de pulluler. Dans de nombreuses scènes, Aster les tourne même en dérision. Ari présente aussi une vision de l’amour totalement spirituelle, utopique et réesquisse l’accouplement et le fait de donner la vie, Autrement... à sa manière.
Des recherches très approfondies ont été menées depuis au moins 6 ans avant la sortie du film. Une plongée dans les traditions nordiques et folkloriques suédoises a été menée par Aster qui a découvert de nombreuses coutumes sanguinaires et même des méthodes de torture largement héritées par des générations. Un langage corporel et verbal a même été inventé en plus d’avoir attribué à cette secte fictive des traditions inspirées de faits réels.
«Midsommar» nous étouffe autrement que par des méthodes classiques qu’on a largement l’habitude de voir dans d’autres films d’épouvante. Anxiogène et solaire, il nous prend aux tripes du début jusqu’à la fin. Du haut de ces 33 ans, Aster révolutionne à la racine le film du genre. Une prouesse saluée par Martin Scorsese en personne qui commente ainsi «Midsommar» dans les médias étrangers : «Je ne veux rien dévoiler de ce film, car vous devez le découvrir par vous-même. Je peux vous dire que la maîtrise formelle est tout aussi impressionnante que celle qu’on perçoit dans ‘Hérédité’. Peut-être même plus, et qu’il creuse des émotions tout aussi réelles et profondément inconfortables que celles partagées par les personnages du film précédent. Je peux également vous dire qu’il y a dans ce film des visions réelles, en particulier dans la dernière partie, que vous ne risquez pas d’oublier. Moi, je ne les ai certainement pas oubliées.».
Le 2e court métrage de Sahar El Echi a sillonné deux festivals nationaux avant d’être retenu pour au moins trois festivals à l’international : le Beirut International Women Festival au Liban en mars, la 25e édition du Festival international de Casablanca prévue pour le 22 avril 2019 et l’Unframed festival à Berlin.
L’expérimental se laisse sentir et ne se laisse pas uniquement consommer. « Bine el Binine/In Between/Entre-deux », d’une durée de 6’24, exprime poétiquement, à travers une voix off féminine, un malaise intérieur persistant, qui peut être vécu au quotidien.
Le film plonge le spectateur dans une journée morne, celle d’un personnage enfermé chez lui, dans une demeure, secouée par des cris de détresse. Le personnage, dont on ignore le genre, est accompagné par une voix féminine qui décrit ses déplacements, ses agissements les plus ordinaires : comme veiller, dormir, s’allonger, sortir ou arpenter le jardin ou les couloirs sombres. La tension monte, accentuée par l’impact des mots énoncés. Les plans fusionnent, montrant des détails ordinaires : photographies, souvenirs, bruits, lumières, dates… La voix qui porte le film retentit comme des pensées intérieures. Celles de cet être torturé. Des bribes de pensées exprimées ouvertement. L’étouffement atteint son paroxysme vers la fin.
Le titre du film, traduit en trois langues, donne libre cours à diverses interprétations. Le court métrage est une réalisation indépendante projetée en Vost/Ang, réalisé et filmé à « Dar Eyquem » à Hammamet, lors d’une résidence artistique. La voix off est celle de Nejma Zghidi et la direction artistique a été confiée à Marwen Abouda. Le texte, point fort du film, a été écrit par Sahar El Echi et Ayoub El Mouzaine. Photographe et artiste visuelle également, Sahar El Echi a fignolé les images de son film avec l’aide de Hiba Dhaouadi.
Le film a été projeté lors de la 2e édition du festival « Regards de femmes », consacrée aux œuvres cinématographiques réalisées par des femmes tunisiennes, maghrébines ou issues de la région Mena en octobre 2018. « Entre-deux » a aussi raflé le 3e prix lors du dernier Fifak en août 2018. Le RPM Fest (Boston) l’a retenu pour son édition de février 2019, ainsi que la Sharjah Art Foundation, initiatrice du Sharjah Film Platform (UAE). Il a été sélectionné récemment au « Gabès Cinéma Fen » dans la catégorie « courts – métrages ».
L’interprétation magistrale d’un trio d’acteurs : Ghazi Zaghbani, Nadia Boussetta et Mohamed Ali Grayâa, les protagonistes du huis clos haletant «El harba» (La fuite), ne cesse de drainer un public venu nombreux les applaudir chaque fin de semaine : Prochain rendez-vous le 22 juin 2019 à partir de 19h30 toujours à l’Artisto.
Mise en scène et jouée par Ghazi Zaghbani, son œuvre «La fuite» se joue toujours à guichets fermés dans ce théâtre de poche. La thématique de la pièce, à la fois audacieuse et subtilement traitée, la rend toujours aussi attrayante.
Le public se retrouve témoin d’un face-à-face improbable entre une prostituée et un fanatique religieux. Ce dernier tentait d’échapper à la vigilance des autorités et se retrouve coincé dans l’antre d’une fille de joie. Commence alors un dialogue tumultueux entre les deux personnages que tout oppose.
L’échange se déroule dans l’enceinte d’un espace fermé : la chambre d’une prostituée, au décor minimaliste reconstituée et parfaitement adaptée à l’espace, maîtrisé aussi minutieusement. Le spectateur fait brutalement la connaissance d’une travailleuse de sexe, «Narjess», vêtue légèrement et d’un extrémiste à la barbe et au quamis long. Ce dernier fait irruption chez elle, fuyant la police à ses trousses. «Narjess» l’aidera malgré l’idéologie extrémiste qu’il prône.
Éclate alors un dialogue salace, mais subtil pendant une heure. Les deux personnages, censés se repousser, fusionneront au fur et à mesure de cette rencontre.
L’objectif de l’œuvre est de mettre en relief les contradictions d’une Tunisie, tiraillée entre modernisme et conservatisme, et accentuées depuis l’éclatement de la révolution. Ce petit pays, qui demeure le plus ouvert du Maghreb et du Moyen-Orient, continue de subir les aléas d’un soulèvement populaire doublé par une crise identitaire. Rongé par le conservatisme, il continue tant bien que mal de résister. «El Harba» de Ghazi Zaghbani est un hymne à la tolérance et une invitation au dialogue et au vivre-ensemble malgré les différences.
L’œuvre, conçue à l’espace L’Artisto à Tunis, devait toujours se jouer dans un espace clos en cas de décentralisation car elle repose sur la proximité qui unit les personnages à leur public. Le texte de «La fuite» est une adaptation du roman en français de Hassan Mili «La P… savante» et sera adapté bientôt sur grand écran.