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Feryel Saïmanouli, autrice de «Elles n’avaient pas le temps» : «Je tenais à donner une dimension universelle à mon livre»
ENTRETIENS5 / 2 / 2023

Feryel Saïmanouli, autrice de «Elles n’avaient pas le temps» : «Je tenais à donner une dimension universelle à mon livre»

Publié aux «Editions Arabesques», le premier livre de Feryel Saïmanouli, écrivaine tunisienne, annonce, de prime abord, une fuite dans le temps. Un temps qui s’étire, fait surgir de nombreuses interrogations élémentaires, annonciatrices de combats pour la justice et l’égalité. Berceau de plusieurs parcours de vie, l’autrice, au bout d’une centaine de pages, fait écho à un dialogue générationnel, creuse les différences entre les genres, remet en questions les rapports familiaux, avec, en trame de fond, une histoire de famille tunisienne. On a lu «Elles n’avaient pas le temps», disponible actuellement dans toutes les librairies et à la foire du livre, et on a rencontré pour vous son écrivaine. Entretien.


Feryel Saïmanouli, au gré de vos études supérieures en Lettres menées à Paris, vous vous êtes consacrée à l’écriture de nouvelles, avant la parution de votre premier récit fiction titré «Elles n’avaient pas le temps» (Arabesques Editions). Pouvez-vous revenir sur votre rapport avec l’écriture et la genèse de votre livre ?


J’ai commencé à écrire des nouvelles : la première était «Ses yeux gris qui me souriaient», que j’avais présentée à un concours pour L’Harmattan, en France, et qui a, également, était première sélectionnée. Elle a été postée, ensuite, en ligne, libre de droit et d’accès. La deuxième a vu le jour, dans le cadre d’une exposition, organisée par plusieurs artistes, juste après le confinement, et qui s’appelait «Un pas vers l’Après». Elle s’est passée au B7L9, à Tunis, et un des projets était celui de l’artiste Feryel Zouari. Dans ce cadre, des écrivains devaient produire un texte de 2 pages et, ensuite, d’autres artistes, issus d’autres disciplines, devaient produire des œuvres à partir de nos écrits. Au final, un artiste peintre avait, donc, produit un tableau à partir de mon texte.


Jusqu’à la parution en 2023 de «Elles n’avaient pas le temps», votre premier livre, publié en Tunisie aux éditions Arabesques…


C’était au tout début une nouvelle que j’ai transformée en roman. Sa genèse me tient à cœur parce que, je l’ai vu, il y a dedans du vécu personnel. Il y a énormément d’histoires, mais pas que cela. Je suis féministe depuis ma plus tendre enfance et je remarquais des choses qui m’interpellaient… J’ai, de nos jours, eu envie d’écrire sur le sujet de l’inégalité dans l’héritage. La genèse de ce livre était donc différente de ce que je faisais d’habitude… Pour «Elles n’avaient pas le temps», j’ai commencé à noter toutes les remarques sexistes que j’ai pu écouter, qu’on m’avait adressées. Du coup, je les ai écrites, les unes après les autres, jusqu’à en avoir des pages entières, dans un carnet. Je l’ai fait assez rapidement. Initialement, «Elles n’avaient pas le temps» est une nouvelle que j’ai écrite en quatre jours. Je l’ai publiée après l’avoir retravaillée sur des mois…

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Peut-on le considérer comme un livre militant ou engagé ?


Ce n’est pas un livre de militante. J’ai posé une situation, que j’ai racontée au gré de scènes statiques, dans des huis clos, tout en sentant le bouillonnement qu’il y a autour de ce sujet. Un récit que j’ai pas mal travaillé et retravaillé sur une période. A Paris, j’ai vu une fois une pièce de théâtre autour des contes de Perrault. Je me suis rendu compte à quel point les récits courts étaient efficaces, pouvaient raconter une histoire captivante, couramment, avec des personnages élaborés, des sujets importants, avec une clarté surprenante et le tout dans un cadre merveilleux, fantastique. Je m’étais donc inspirée de cela pour mes écrits. Pour le roman, je m’étais dit que c’était efficace de parler au lecteur, de l’impliquer, qu’il ne soit pas que lecteur ou spectateur, mais qu’il soit aussi acteur.


«L’inégalité dans l’héritage» est-elle la thématique principale de votre livre ?


Oui, bien sûr. C’est le sexisme d’une manière générale, et le cœur du sujet est l’inégalité successorale, qui reste et qui restera toujours d’actualité en Tunisie. On n’est toujours pas au même statut que les hommes, en ce qui concerne l’héritage : on n’est pas égaux face à la loi. Il faut que la société évolue et que les politiques prennent conscience que tous les citoyens ne sont pas égaux. On s’est embourbé dans du conservatisme depuis le déclenchement de la révolution, et on disait souvent que ce n’était pas prioritaire… Et cet argument-là, ils le sortiront toujours. C’est pourtant un droit vital et élémentaire d’être égaux. Il faut commencer à changer les lois. C’est ce qui nous fera changer après et bousculera les mentalités.


D’où le fait d’avoir publié votre livre en Tunisie, et non pas en France ?


En France, publier des livres est très compétitif. En Tunisie, on peut facilement sortir du lot, être plus visible, impactant. Je commence par la Tunisie, et on verra bien après….


Sans spolier les lecteurs, a qui fait référence le pronom «Elles» dans le titre ?


A toutes les femmes. Mais on comprend rapidement que c’est des Tunisiennes, ou des musulmanes, qu’il s’agit. Je ne le dis pas directement, parce que je tenais à ce qu’il y ait une universalité dans le roman : je ne dis jamais où ça se passe, je dis des noms qui ne donnent pas vraiment d’indication sur des lieux précis… Je tenais à ce que tout le monde puisse se reconnaître. Donner cette dimension d’universalité, j’y tenais. Ce récit fait sans doute écho à toutes les femmes issues de toutes les classes sociales. A travers mes mots, je pose un problème, une situation, et je tiens à ce que les récepteurs ou les lecteurs en parlent. Je ne prône pas frontalement un engagement ou un militantisme.


Engagement et littérature, parlons-en.


Mes nouvelles ne sont pas toutes engagées. Elles ont quand même traité de sujets tels que la loi 52. J’ai raconté l’histoire d’une personne transgenre en Tunisie, et parlé du viol, de sa complexité dans le monde arabo-musulman et de l’épouse, victime contrainte souvent, sous pression, d’épouser le violeur. Jusqu’aux étudiantes qui se prostituent pour subvenir à leurs besoins… Ce sont des sujets importants qu’il faut déterrer, à mon avis. Qu’il faut admettre.


Une suite de «Elles n’avaient pas le temps» est-elle prévue ? La fin est annonciatrice d’une suite.


Ce n’est pas de refus. Pourquoi pas ? (sourire) Peut-être un autre genre de suite, mais du point de vue de «Jo», le frère. Actuellement, je suis sur un autre projet d’écriture pour enfants dans lequel je raconterai des récits de femmes figures importantes, historiques, ou légendes, mais oubliées par l’histoire ou pas assez représentées et mises en valeur. Ça sera une série de livres qui racontent les voyages d’une petite fille, partie à la rencontre des femmes orientales ou africaines.

Feryel Saïmanouli, autrice de «Elles n’avaient pas le temps» : «Je tenais à donner une dimension universelle à mon livre»
Pascal Quignard à Tunis : Quignard et la Méditerranée
REPORTAGES4 / 6 / 2023

Pascal Quignard à Tunis : Quignard et la Méditerranée

Le Colloque international consacré à l’écrivain français Pascal Quignard et à la Méditerranée, qui s’est tenu les 2 et 3 mars à Ennejma Ezzahra, aura été un événement culturel marquant, associant des lectures croisées de l’œuvre par des universitaires de renom à deux spectacles musicaux qui feront date dans l’histoire du Centre des musiques arabes et méditerranéennes. Cet événement littéraire d’envergue a été organisé par le laboratoire «Langues et Formes Culturelles» de l’Institut supérieur des langues de Tunis, grâce aux efforts conjugués de la présidence de l’université de Carthage et du Centre des musiques arabes et méditerranéennes (Ennejma Ezzahra), en partenariat avec l’Institut français de Tunisie, le Cerilac Paris VII et l’Item (Cnrs-ENS de Paris).

Musicien, scénariste, et écrivain contemporain, Pascal Quignard est connu du grand public pour ses récits: tous les matins du monde (1999) consacré à la figure de Marin Marais, joueur de viole de gambe du XVIIes, et adapté au cinéma la même année par Alain Corneau, Villa Amalia (2006), ou encore tout récemment, L’Amour, la mer (2022), hymne à la beauté du monde, à la vie ainsi qu’à l’impermanence de toutes choses, d’une écriture poétique remarquable, autant de textes rythmés par la musique qui traverse tous les romans de Quignard, et qui y joue un rôle essentiel à l’instar de la beauté des choses “naturelles”. Mais il est également l’auteur d’essais inimitables comme le Dernier royaume : t.1 Les Ombres errantes Prix Goncourt 2002, Les Désarçonnés ou Vie secrète, faisant de son œuvre, complexe, exigeante et érudite, l’une des plus importantes de la littérature française contemporaine, dans la lignée d’écrivains comme Blanchot ou Bataille.


Si l’art occupe une place centrale dans sa réflexion, les frontières entre les genres disparaissent dans son écriture musicale, au profit de l’entrelacement des thèmes obsessionnels du silence, de la lecture, de la mort, de la sidération, ou encore de la figure du jadis.


Puisant dans l’héritage universel, la pensée de Quignard établit un dialogue original avec le fonds méditerranéen dont se nourrit son imaginaire tout autant que sa poétique. Ses références — à cet égard — sont multiples et variées, puisant aussi bien dans L’Odyssée, L’Enéide, Les Mille et Une Nuits ou les mythologies égyptienne, phénicienne, sumérienne que dans les contes populaires et les grands auteurs de l’Antiquité ou du Moyen-Age : Eschyle, Euripide, Averroès, Ibn Arabi, Apulée, Ovide, Saint Augustin, ou Montaigne, pour ne citer que ceux-là; à la source de son inspiration également, les œuvres d’art (mosaïques, tableaux, fresques ou gravures), mais aussi les cités (telles Carthage, Alexandrie, Rome, Athènes, Utique, Naples), et les îles (Ischia, Jerba, Capri), sans oublier le soleil méditerranéen, très présent dans son œuvre.

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Dans cette perspective, une équipe de chercheurs du laboratoire « langue et formes culturelles » de l’Institut supérieur des langues de Tunis a proposé une réflexion sur le rapport de l’œuvre de Quignard avec la Méditerranée, interrogeant les mécanismes créateurs dans ses textes, afin de voir comment cet espace marin façonne l’imaginaire de l’auteur et comment sa représentation se trouve en retour façonnée par la pensée quignardienne.


Carthage, cité-phare du monde méditerranéen, point de rencontre entre l’Afrique du Nord, Rome et le Moyen Orient, mais aussi l’un des « lieux de Pascal Quignard », constituait un cadre idéal pour accueillir une telle réflexion, d’autant que cette problématique n’avait pas encore été abordée dans le contexte d’une réflexion collective internationale. Et il est hautement significatif que le colloque se soit tenu au Palais du baron d’Erlanger, cet esthète des années 1900, qui, comme Quignard, était féru d’art et de musique, auteur d’une précieuse histoire de la musique arabe, et collectionneur de manuscrits anciens et d’instruments de musique rares.


Dans ce haut lieu de l’art et de la pensée, le colloque a réuni des universitaires tunisiens, mais aussi français, italiens et japonais, en présence de Pascal Quignard lui-même, et les communications furent de haut niveau, permettant aux étudiants, aux chercheurs et au public de découvrir l’œuvre d’un auteur inclassable et inimitable, mais aussi de rencontrer un écrivain chaleureux et simple, profondément humain et toujours à l’écoute de l’Autre.


La représentation du fonds méditerranéen dans l’œuvre de Quignard, et les lectures que les textes quignardiens proposent d’un tel fonds comportaient plusieurs axes : la mer, aspect essentiel de l’œuvre, mais aussi les figures d’Ulysse et de Boutès (ou l’appel du chant) ou encore Saint Augustin, figure des deux rives. Ont été également étudiés le dialogisme littéraire et artistique de son œuvre, ses descriptions-commentaires de la mosaïque d’El Djem, ou des fresques étrusques, ainsi que son rapport à la rhétorique antique et à la linguistique.


Les regards croisés des chercheurs des deux rives de la Méditerranée ont permis de fructueux points de convergences et de stimulantes découvertes ; étudiants et public ont pu apprécier les différentes étapes de l’écriture d’une œuvre à travers une belle exposition des manuscrits de Boutès ou le désir de se jeter à l’eau : Rendue possible grâce à la collaboration du Cerilam et de la Banque centrale.


Au plaisir de l’esprit, s’ajoutait celui des sens, chaque journée ayant été clôturée par un récit-récital, avec les textes de Quignard, lus par l’auteur lui-même, accompagné au piano par Aline Piboule, artiste virtuose passionnée et sensible, dont le talent a conquis l’auditoire. Si le premier récital, Boutès, consacré à la figure de cet homme symbole du désir, comprenait des œuvres musicales du répertoire classique (Ravel, Chopin, Fauré, Schubert, Messiæn), et une transcription inédite de La Mer de Debussy, la grande première fut le récit-récital Les Ruines de Carthage, texte inédit, écrit spécialement pour l’événement par Quignard, poignante méditation sur la destruction de la pensée, des cultures et des civilisations.


Enfin, la matinée du 4 mars, à l’Institut supérieur des langues, a été consacrée à la présentation des travaux des doctorants, en présence de l’auteur lui-même et de tous les intervenants au colloque, qui ont pu apprécier la qualité de nos jeunes chercheurs, stimulés par un tel public.


La convention de partenariat entre l’Université de Carthage et le Centre des musiques arabes et méditerranéennes, aura permis de réaliser cette jonction entre le monde universitaire et celui de la culture. Méditerranéen, cet événement le fut assurément, avec la rencontre des cœurs et des esprits des deux rives, grâce aux énergies fédératrices des femmes et des hommes, universitaires, enseignants, chercheurs, libraire, artistes et étudiants qui ont fait de ces journées, une célébration mémorable.


Amina Chenik, (Spécialiste en littérature et civilisation françaises) et Haithem Haouel

Pascal Quignard à Tunis : Quignard et la Méditerranée
«BULIFA» à Modd Studio : Au-delà de la calligraphie
REVIEWS & CRITIQUES3 / 17 / 2023

«BULIFA» à Modd Studio : Au-delà de la calligraphie

C’était comme pénétrer un édifice noir pour s’y ressourcer. Oui ! Le noir comme couleur met en valeur la calligraphie attractive de Mohammad Bulifa, artiste visuel libyen qui perce en Tunisie. Focus !

«The Experiment», «The Observation», «The Conclusion», c’est ce qu’on peut lire en guise d’annonce ou de teaser du vernissage.

Trois termes clés qui invitent le public à découvrir sur 5 jours l’univers de «Bulifa». Expérience, observation et conclusion sont les mots-clés qui traduisent bien cette exposition, maintenue au «Modd Studio», un espace converti en salle d’exposition sur deux étages à l’occasion, situé à Bhar Lazreg.

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Nous savons de «Bulifa» qu’il a déjà exposé sa première calligraphie en 3D, intitulée «Kawakéb» ou «Planète». Une installation qui n’est pas passée inaperçue. Il rempile ce mois-ci avec sa propre exposition personnelle, truffée de calligraphies, de différentes tailles et aux différentes couleurs. Son travail reflète son background, son savoir, sa culture initiale.


«Bulifa» réside en Tunisie depuis 2016. Ce n’est qu’en 2019, peu de temps avant la pandémie, qu’il décide de se consacrer à l’art de la calligraphie. Il fusionne ses touches contemporaines, avec différentes techniques donnant à ses propres œuvres calligraphiques une dimension saisissante, souvent attractive. Il y déverse diverses couleurs, rassemble peinture et art numérique, crée des traits, tantôt fins, tantôt épais et va jusqu’à inviter les visiteurs, présents sur place, au «Peeling d’une calligraphie». Son travail valorise les lettres arabes et possède un aspect traditionnel ambiant, tout en s’ancrant dans une époque actuelle moderne. «L’expérience, l’Observation et la Conclusion» sont les termes qui traduisent son processus de création. Ils peuvent être exprimés et vécus également par le visiteur.


«Bulifa» s’adonne à la mode, participe à des expos-ventes et jouit d’une visibilité importante sur les réseaux sociaux. Son vernissage et les 5 jours qui ont fait son exposition ont été accompagnés de sets musicaux et ont vu défiler une panoplie d’artistes tunisiens et libyens, toutes disciplines artistiques confondues.



«BULIFA» à Modd Studio : Au-delà de la calligraphie
2e édition de «Normal Enti ?» : La célébration de l’humour francophone
PORTRAITS / PÊLE - MÊLE 3 / 14 / 2023

2e édition de «Normal Enti ?» : La célébration de l’humour francophone

L’Alliance française de Tunis, en partenariat avec le Montreux Comedy Festival, lance la deuxième édition du Festival de l’humour francophone «Normal Enti?!!» qui aura lieu à Tunis les 16 et 17 mars courant.

Placé sous l’égide de la francophonie et de l’humour, ce festival a pour ambition de rassembler le public autour de temps forts dédiés au divertissement et d’encourager de jeunes stand-uppers tunisiens. Fort du succès de la première édition, le festival, tout aussi «pimenté», revient avec un concours, deux masterclass et deux soirées, selon le communiqué de presse de l’événement.

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Le jeudi 16 mars, à 19h30, à la salle le Rio, le festival propose une soirée intitulée «Jeunes talents, objectif Montreux», animée par l’humoriste belge Bruno Coppens. Sept talents auront l’occasion de participer au concours «Jeunes talents-objectif Montreux». Le finaliste pourrait se produire sur la scène du prestigieux Montreux Comedy Festival en Suisse.

Le vendredi 17 mars, à 19h30 au Colisée, une soirée stand-up avec Meniways (Imen Lahmar) (Alliance française de Tunis), Alexandre Kominek (ambassade de Suisse en Tunisie) et Gaëtan Delferière (délégation Wallonie Bruxelles en Tunisie). La soirée sera animée par l’humoriste français Kallagan. En plus des spectacles, le festival «Normal Enti?» se distingue par des rencontres d’échange et de réflexion autour de l’humour francophone. Le Festival de l’humour francophone propose ainsi des masterclass sur le rôle de l’humour et du rire, présentées par Bruno Coppens à l’Université de La Manouba et au Théâtre national.

Les dates clés à retenir sont celles du mardi 14 mars avec la Masterclass de Bruno Coppens à la faculté de La Manouba, le mercredi 15 mars : Masterclass de Bruno Coppens au Théâtre national, le jeudi 16 mars : Soirée «Jeunes talents-objectif Montreux» au Rio avec la participation de 7 artistes, et le vendredi 17 mars : Soirée «Normal Enti?» au Colisée, en présence de trois artistes. Les partenaires de «Normal Enti?» sont «Montreux Comedy Festival», l’ambassade de Suisse en Tunisie et la Délégation «Wallonie Bruxelles» en Tunisie.

2e édition de «Normal Enti ?» : La célébration de l’humour francophone
Conjoncture économique critique: La menace plane
REPORTAGES3 / 12 / 2023

Conjoncture économique critique: La menace plane

Deux nouvelles ont retenti cette semaine sur les réseaux sociaux, ébranlant l’univers des arts et de la culture : la fermeture définitive de la salle de cinéma Amilcar à El Manar, après 8 ans de bons et loyaux services, et l’annulation de Mûsîqât, manifestation musicale tout aussi importante. Deux disparitions regrettables, révélatrices d’une détresse économique.


L’endroit et le rendez-vous musical possèdent leur public. Une notoriété acquise depuis bien après 2011. Le Cinéma Amilcar est opérationnel depuis 2015, sous l’égide du distributeur de films tunisiens «Hakka Distribution». Composé d’un noyau de jeunes passionnés, cinéphiles, engagés, «Hakka» est parvenu à créer une dynamique nouvelle dans le secteur cinématographique à travers la gestion d’au moins deux autres salles en Tunisie, celle de Menzel Bourguiba, et Cinémadart Carthage. Les salles prônent un cinéma tantôt commercial, tantôt indépendant, très varié. Cinéclubs, rencontres, masterclass, évènements musicaux, ciné-concerts ont fait partie intégrante de leur programmation. Cette salle était la plus prisée du côté d’El Menzah-Manar-Mutuelle-ville, et même du centre-ville de Tunis. La voir disparaître est une perte pour le cinéma, dans une époque où les salles se font rares.

Le communiqué est posté sur les réseaux par l’équipe «Hakka». L’équipe informe que le 12 mars 2023, la salle fermera ses portes. «Annonce importante, après une magnifique aventure qui a commencé depuis octobre 2015, notre collaboration avec la salle Amilcar se termine. Nous fermerons à partir du dimanche 12 mars et rendons la salle à ses propriétaires (…) Nous appelons les autorités compétentes et particulièrement le ministère de la Culture à se pencher sérieusement sur la situation des salles de cinéma. Ce secteur continue d’exister grâce au courage des exploitants et à leur passion, mais l’Etat doit prendre ses responsabilités pour préserver et faire avancer ce secteur, pilier majeur de la vie culturelle en Tunisie. L’aventure Amilcar s’achève là, mais notre dévouement aux auteurs tunisiens et aux cinéphiles se poursuit au Cinémadart Carthage et au Métropole à Menzel Bourguiba». Lit-on dans cette annonce.


L’équipe tente d’attirer l’attention des autorités et du ministère de la Culture, quant à la dégradation des salles de cinéma et de l’importance de les garder. Les exploitants rendent la salle à son propriétaire, après avoir essayé de surmonter les aléas économiques des deux dernières années, causées par la pandémie. La conjoncture globale du pays reste très critique. Cette volonté collective de maintenir et de sauver le lieu s’est dissipée, face à un ministère de la Culture indifférent, peu réactif. L’entretien des machines et du matériel n’est plus faisable. Les multinationales s’imposent également dans le paysage : elles possèdent une autonomie financière et ont davantage de moyens pour garantir leur fonctionnement. La concurrence est rude et les salles tunisiennes indépendantes voient de nos jours leur pérennité sérieusement menacée. Amilcar a consacré sa dernière semaine à un public désireux de (re)découvrir les plus grands films qui ont fait le succès de l’année 2022. Un marathon qui clôt en beauté un lieu dont on se souviendra longtemps. *


Une manifestation musicale à l’arrêt


Mûsîqât, évènement prisé et fédérateur de la scène musicale tunisienne, n’aura pas lieu aussi cette année. La nouvelle a déçu les plus mélomanes, public, musiciens et passionnés. D’après le communiqué de presse, repris par l’agence TAP et d’autres médias locaux, nous pouvons lire :

«Le Festival Mûsîqât, événement phare de la scène musicale traditionnelle et néo-traditionnelle, ainsi que de la musique du monde, ne pourra malheureusement pas être organisé cette année encore..."

Créé en 2006, en co-production entre Scoop Organisation et le Cmam, le Festival Mûsîqât a été le premier PPP culturel. Après plusieurs années de programmation de qualité, la direction du Cmam a finalement décidé de ne plus allouer de budget, malgré l’obligation contractuelle de cette institution de prendre en charge le budget artistique.

Malgré les efforts des co-organisateurs, le ministère des Affaires culturelles n’a pas réagi aux différentes sollicitations et problèmes persistants dans le secteur, probablement trop occupé (ou préoccupé) par la bonne douzaine de festivals qu’il gère et finance directement, faisant ainsi de l’ombre aux initiatives privées.

Les années 2022 et 2023 auraient dû être les années de reprise de Mûsîqât, mais il faut maintenant se faire une raison : la politique culturelle en Tunisie a d’autres préoccupations et objectifs.

"Nous sommes profondément attristés de ne pas pouvoir vous proposer une nouvelle édition de Mûsîqât cette année, mais nous tenons à remercier tous les artistes et les partenaires qui ont contribué à faire de cet événement un beau succès au fil des ans. Nous espérons que la situation évoluera favorablement et que le Festival Mûsîqât pourra renaître, probablement différemment, dans le futur pour le plus grand plaisir des amoureux de la musique traditionnelle et néo-traditionnelle ainsi que de la musique du monde». Lit-on dans le communiquée.

Deux disparitions provoquées par une politique culturelle précaire, fragilisée, au plus haut point, une crise économique suffocante, et sans doute par les conséquences de la pandémie. Prémices d’une agonie inévitable ?

Conjoncture économique critique: La menace plane
Inka Gressel, curatrice allemande de l’exposition « The Event Of a Thread » : «Le textile nous touche à l’unanimité !»
ENTRETIENS2 / 20 / 2023

Inka Gressel, curatrice allemande de l’exposition « The Event Of a Thread » : «Le textile nous touche à l’unanimité !»

« The Event of a Thread » est une exposition artistique faite en fils et textile. Elle a démarré en grande pompe le 27 janvier 2023 et reste accessible à « Central Tunis » et son espace le 15, jusqu’au 11 mars. Cet évènement co-organisé par « La Central Tunis », « Le Goethe Institut Tunis » et l’IFA nous raconte différentes histoires sociales, des récits singuliers d’artistes et constitue un dialogue entre l’Allemagne et la rive sud, le tout, dans une esthétique artistique qui valorise le patrimoine culturel d’ici et d’ailleurs. Inka Gressel, curatrice allemande de l’exposition, nous en parle davantage à l’occasion de son arrivée en Tunisie.


Que pouvez-vous dire à nos lecteurs à propos de l’exposition «The Event Of a Thread», organisée par le Goethe Institut Tunis et la « Central Tunis » et qui est ouverte au public jusqu’au 11 mars 2023 ? Pouvez-vous revenir sur sa genèse ?


Ces dernières années, un certain nombre d’expositions ont mis en exergue l’importance du textile dans l’art contemporain. Leur impact et leur popularité sont sans équivoque. Dans l’univers des Textiles, le traditionnel et le contemporain, les arts et l’artisanat, les connaissances locales et mondiales artistiques fusionnent. Les récits personnels et l’esthétique se mêlent afin de refléter les conditions sociales et économiques des sociétés dans un monde globalisé. Les textiles nous touchent toutes et tous à l’unanimité.


Lors de l’élaboration de l’exposition, Susanne Weiß et moi-même, Inka Gressel, nous nous sommes posé une série de questions — les questions sont toujours un point de départ important afin de concrétiser nos idées : Quelles informations le textile stocke-t-il ? Quelles histoires les tissus peuvent-ils raconter sur leurs origines, leurs significations, leurs utilisations matérielles ou Immatérielles ? Dans quelles conditions économiques et à travers quelles structures sociales les motifs et les divers langages se sont-ils développés au fil du temps ? Comment se transforment-ils quand ils traversent les cultures ? Comment les artistes peuvent-ils enrichir notre compréhension des textiles ? Quelles techniques s’approprient-ils ?

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Ainsi, l’événement «The Event of a Thread. Global Narratives in Textiles» porte sur les œuvres textiles dans l’art contemporain, et revient sur des significations et des messages véhiculés par les tissus : leurs significations culturelles, ainsi que sur les façons de les lire. Dans les textiles, nous pouvons découvrir des codes, des symboles et différentes esthétiques. Un tissu révèle-il également quels matériaux sont importants ou comment les techniques migrent, se transmettent ou changent ?


L’exposition présente treize artistes contemporains internationaux d’Allemagne en dialogue avec des artistes locaux. Ainsi, les liens entre les différentes œuvres changent en fonction des espaces culturels dans lesquels elles ont vu le jour et ont pu être regardées. L’exposition vise à s’enraciner dans différents contextes, permettant ainsi l’émergence de nouvelles narrations. Il n’existe pratiquement aucune région du monde dans laquelle les textiles n’ont pas été inscrits dans l’histoire culturelle, économique ou industrielle. Ainsi, à travers cette matière vitale, nous pouvons créer des liens puissants.

Le titre de l’exposition — « The Event Of a Thread » ou « L’événement du fil » — est une citation de l’artiste du Bauhaus, spécialiste en tissu Anni Albers, qui l’a cité dans la préface de son célèbre ouvrage intitulé « On Weaving ». Ses réflexions sur les textiles nous ont interpelés par leur modernisme et leur poésie. C’est par le biais de l’événement — qui se veut matériel, spirituel, visuel — que nous pouvons redécouvrir ensemble des parcours, des personnes, des récits et des contextes, à l’échelle individuelle ou collective. L’histoire de l’atelier textile du Bauhaus joue un rôle important dans l’exposition. Nous avons invité l’artiste berlinoise Judith Raum à examiner de près l’atelier dans l’intention de l’intégrer à l’exposition.

Judith a fait des découvertes étonnantes. En six chapitres, l’installation, intitulée « Bauhaus Space », retrace l’histoire de l’atelier, à l’aide de reproductions de tissus et d’enregistrements de personnages importants tels que Gunta Stölzl et Otti Berger, de Weimar et Dessau, une période cruciale en Allemagne, celle située entre les deux guerres mondiales. Judith a créé un espace qui pousse les spectateurs à toucher et à sentir les matériaux, leur permettant ainsi d’apprécier leurs qualités artistiques.

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Avant de vous avoir connue à Tunis en tant que curatrice de l’exposition « The Event of a Thread», vous faites partie de l’IFA, qui est co-organisatrice de l’événement. Pouvez- vous nous présenter brièvement l’IFA ? Quel rôle a-t-il joué dans la réussite de cet événement ?


L’IFA (Institut für Auslandsbeziehungen) a été fondé en 1917 à Stuttgart — dans le sud de l’Allemagne — en tant qu’organisation intermédiaire internationale qui promeut une coexistence entre les peuples et les cultures du monde entier. Nous considérons l’art contemporain comme un vecteur important du dialogue international. L’IFA organise des expositions d’art visuel, d’architecture, de design, de photographie.. etc. Les présentations monographiques et thématiques mettent en valeur des prises de positions d’artistes qui s’expriment différemment, dans une époque actuelle. Avec les expositions itinérantes internationales — comme « The Event of a Thread » — et les programmes d’accompagnement, nous créons des échanges entre les artistes et les institutions de partout et soutenons ainsi l’expansion des réseaux artistiques. Dès 2008, l’ifa s’est consacré à la question de la culture textile mondiale et de sa signification, socialement parlant. Avec le projet d’expositions, l’ifa a initié une plateforme de dialogue sur la mode, l’Afrique et sa diaspora. Comment la signification lue dans les tissus évolue-t-elle au cours des voyages, à travers différents contextes ? Les pièces de Zille Homma Hamid que nous exposons à Central Tunis / Le 15 sont une résultante de ce projet. En tant que co-directrice de la galerie IFA à Berlin et en collaboration avec la galerie IFA de Stuttgart, nous présentons les arts visuels issus d’un monde globalisé et qui puisent leurs sens dans les développements culturels et sociopolitiques actuels (Des axes à thèmes comme les héritages coloniaux dans nos sociétés contemporaines, les questions de migration, les mouvements sociaux ou écologiques sont traités…). Les séries d’expositions donnent un aperçu de ce qui se passe dans les sociétés du monde, dépassant ainsi les frontières.

Avec le programme « Contacts d’artistes « (titre traduit du français à l’allemand), ainsi qu’avec un programme de « Financement d’expositions «, l’ifa soutient la coopération internationale et met en contact les acteurs culturels au niveau international, consolidant ainsi le dialogue interculturel entre l’Allemagne et les pays du sud. Créer, des réseaux artistiques de la sorte, a permis de développer entre autres, cette exposition.

L’exposition a mis en valeur des artistes allemands autour de ce savoir – faire textile, mais également des artistes locaux tunisiens. Quels ont été vos critères de sélection et comment s’est-elle faite?


Les artistes allemands que nous avons invités viennent de cultures différentes. Ils créent à travers la vidéo, la peinture ou autres… De cette manière, nous mettons en exergue la qualité des textiles et la manière dont elle est travaillée, sa beauté et le contexte dans lequel cette matière s’est développée.

En collaboration avec des artistes et des galeristes et spécialistes locaux, l’exposition est enrichie par des œuvres d’art, des performances ou des actions qui donnent vie à de nouveaux récits pertinents, reliant ainsi l’exposition à la ville concernée et à ses textures. Les histoires liées au textile que nous pouvons découvrir dans cette «édition de Tunis» sont le résultat d’une collaboration avec les commissaires locales Emna Ben Yedder et Soumaya Jebnouni de la « Central Tunis ». Grâce à un appel lancé par le Goethe Institut Tunis, nous avons reçu un nombre considérable de candidatures.

Lors d’une visite effectuée en décembre, des commissaires d’Allemagne et de Tunisie, avec le chaperonnage du Goethe Institut Tunis — Andrea Jacob, la directrice et Souhir Buonomo, programmatrice culturel — nous avons demandé à un groupe d’artistes de présenter leur travail et leurs idées, ainsi que leurs visions. Par exemple, Abdesslem Ayed a fait usage de la broderie dans ses œuvres d’art, ce qui nous permet de nous rapprocher d’une pratique ancienne et quotidienne. Nous avons été fascinés par le va-et-vient spatial et temporel que l’on retrouve dans les œuvres d’art, en général. Oumayma Ben Hamza utilise également la broderie et nous a fait prendre conscience de la renaissance ou de la continuité. Dans son travail textile, Asma Ben Aissa crée des paysages impressionnants qui traversent les frontières et se connectent à d’autres que nous retrouvons dans d’autres œuvres, faisant partie de l’exposition. Ces mêmes œuvres puissantes sont pour nous une véritable découverte. Il en va de même avec les nouvelles pièces de Ferielle Doulain Zouari, qui travaille aussi bien avec des matériaux industriels que naturels. Elle construit des liens et créée un dialogue entre ces éléments opposés mais inhérents à l’histoire du textile. Gani Riza, un jeune designer textile basé à Paris, utilise les tapis et la tapisserie pour raconter l’histoire et les origines de sa famille kosovare-albanaise ; il questionne les traditions et souligne le « vivre ensemble » de deux cultures. Safa Attyaoui coud également des fils pour raconter l’histoire de la matière, liée à la famille. Enfin, je tiens à souligner ici l’œuvre révélatrice de Soufia Ben Said qu’elle a présentée lors du vernissage. C’était la meilleure façon de présenter au public ce que peut être un «événement fait en fils». Les tissus font l’architecture de notre corps. Ils nous protègent, nous abritent ; ils sont associés à l’identité, à la transgression, et nous permettent de communiquer.

Comment avez-vous vécu le vernissage de l’exposition à Tunis et en quoi était-il différent des autres pays ?

Il s’agit d’une expérience unique à Tunis qui a permis de valoriser le contenu de l’exposition d’une manière impactante et via une performance. Vous pouvez voir comment l’exposition devient un rempart via lequel il est possible d’établir un réseau local d’artistes avec leur travail autour du tissu, fait d’histoires, de pratiques singulières, d’un savoir-faire qui distinguent cette exposition.


Crédit photos : Hamza Bennour


Inka Gressel, curatrice allemande de l’exposition « The Event Of a Thread » : «Le textile nous touche à l’unanimité !»
Exposition «Pèlerinage» de Sonia Souissi à l’espace Sophonisbe : Puiser en soi
REVIEWS & CRITIQUES2 / 17 / 2023

Exposition «Pèlerinage» de Sonia Souissi à l’espace Sophonisbe : Puiser en soi

Une vie cyclique et son savoir sont revisités dans l‘exposition personnelle de l’artiste-peintre Sonia Souissi, titrée «Pèlerinage», maintenue jusqu’au 19 février 2023 à l’espace Sophonisbe de Carthage.

«Pèlerinage» est un terme à connotation religieuse qui fait écho à la sacralité de la vie, célébrée singulièrement par l’artiste-peintre Sonia Souissi. Ses tableaux reflètent couleurs denses ou claires, truffés de symboles, de visages, de silhouettes, souvent féminines. Des éléments qui jaillissent d’une vision artistique précise et laissent libre cours à diverses interprétations chez les récepteurs. Des bribes de mémoire de l’artiste naissent d’un champ de recherche large. Un champ qui interroge la vie, la place de la femme et parvient à surprendre à travers son étendue. La vision de l’artiste peut être parlante pour les femmes. L’exposition tire sa force d’un imaginaire propre à l’artiste et est subtilement onirique. «Pèlerinage», ce sont les arrêts effectués durant une vie, caractérisée par des contemplations, des méditations, de la recherche et de beaucoup d’observation. Des états d’âme fusionnent avec formes, couleurs et lumières. L’artiste puise dans son environnement, son vécu et affine sa créativité.

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Sonia Souissi est originaire des îles de Kerkennah et décide de troquer son parcours dans l’informatique, contre sa passion pour les arts picturaux. Elle est autodidacte, s’inspire des traditions de sa région, de son pays, de ses souvenirs et leur donne vie autrement à travers ses tableaux. Aussi personnelle que sa passion pour les arts puisse être, son exposition paraît universelle et pioche dans les origines d’une civilisation. La nôtre ? Quelques hiéroglyphes ou lettres ne laissent pas de marbre.

L’exposition «Pèlerinage», c’est éclaircir le passé, un patrimoine, des traditions, une époque d’antan afin de la mettre en valeur, pour mieux exploiter le présent et appréhender l’avenir. C’est aussi évoluer, s’affranchir du traditionnel et embrasser la modernité de notre époque.

Exposition «Pèlerinage» de Sonia Souissi à l’espace Sophonisbe : Puiser en soi
Exposition de Tine Decroix, designer et décoratrice artistique à Tunis : Histoire d’une passion
REVIEWS & CRITIQUES2 / 9 / 2023

Exposition de Tine Decroix, designer et décoratrice artistique à Tunis : Histoire d’une passion

Un duo d’artistes, Tine Decroix et Peter Bulcke, investit à travers leurs créations toute la partie d’un hôtel, à l’occasion de leur vernissage/ exposition. Leurs créations mêlent art numérique, design, meubles et décoration d’intérieur. Tine Decroix est designer et décoratrice, belge– flamande, vivant à Tunis avec son mari. Ils entament en tandem leur aventure.

Le Movenpick Hôtel du lac de Tunis ouvre son espace en grande partie à une succession de rendez-vous artistiques, en 2023. Tine Decroix et Peter Bulcke inaugurent la saison en happant leur public dans un univers distingué tout en investissant artistiquement cet établissement hôtelier. Une grande aile de l’espace attire les visiteurs, grâce aux imposants tableaux de Peter Bulcke, spécialiste en art numérique. Le but du vernissage est de donner un nouveau souffle, une nouvelle harmonie à l’espace, loin de l’artisanerie et autres concept store à vocation commerciale, purement touristique.

Histoire d’une reconversion

Decroix et Bulcke vivent en Tunisie depuis 13 ans, soit peu de temps avant le déclenchement de la révolution de 2011. Tine était styliste modéliste et Peter travaille dans une société belge. C’est à travers ses découvertes du pays, faites au gré des hasards, que l’artiste est tombée amoureuse de ce pays. Architecture, artisanat tunisien, textile ont nourri cette passion pour le design et l’ont influencée. Son amour pour la conception des meubles et pour la décoration d’intérieur n’ont cessé de grandir, au point où, quelques années plus tard, elle finit par s’y consacrer. Une passion prenante pour le dessin des meubles, pour la décoration d’intérieur ont fini par prendre forme sur ses croquis d’abord, et en vrai ensuite. Concevoir des meubles en Tunisie était devenu un objectif. Son mari, Peter Bulcke, l’a soutenue, en piochant davantage dans sa passion pour les arts numériques. Le couple s’est fixé comme objectif de créer en Tunisie, de faire travailler les Tunisiens, de vendre sur place et d’exporter vers la Belgique ou ailleurs, offrant ainsi des opportunités d’embauche à des Tunisiens et Tunisiennes.

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Leur site «Tinedecroix.com» a vu le jour. L’artiste déclare dans les pages promotionnelles du magazine de l’hôtel que son objectif, c’est surtout de travailler avec des Tunisiens d’ici. Une façon efficace de les embaucher et de les aider à percer dans ces temps durs. « En offrant cette possibilité de travailler à des jeunes sans emploi, d’exercer leur savoir, on pourra les sauver, leur redonner de l’espoir, en leur procurant un travail décent, et surtout cette envie d’aimer la Tunisie et d’être utile ici», déclare-elle.


L’exposition de Tine Decroix puise sa force dans une ambiance créée à travers les créations de Peter Bulcke. Des tableaux numérisés qui font l’univers Decroix. Peter est passionné de photographies digitales et spécialiste en «sublimage». Il est graphique-designer, artiste-numérique et sait manier différents logiciels pointus. Ses tableaux sont des photos qu’il modifie, à sa manière, en imprimant, en couleur, les filtres et les formes. Bulcke crée derrière son écran et fusionne avec les créations Decroix. La prochaine exposition attendue dans ce même espace est dédiée à «L’amour dans tous ses états», une exposition collective, organisée par la commissaire d’exposition Michela Margherita Sarti, et maintenue à l’occasion de la Saint Valentin.

Exposition de Tine Decroix, designer et décoratrice artistique à Tunis : Histoire d’une passion
L’Indigo club à l’Enau: Un élan dynamique
REPORTAGES2 / 5 / 2023

L’Indigo club à l’Enau: Un élan dynamique

«Le Pavillon Bleu», espace d’échange et de partage, conçu au sein de l’Ecole nationale de l’architecture et de l’urbanisme (Enau) de Tunis, ne cesse d’abriter des expositions photos, des œuvres, et permet aux étudiants de l’école, en particulier, de découvrir des travaux élaborés autour de l’architecture ou des arts visuels. Focus!


A la tête du club Indigo ? Un comité directeur, formé par la présidente Aya Sellami, et Amine Maatouk, vice-président, tous les deux étudiants en 3e année architecture, entourés d’une quarantaine de membres. Ensemble, et en équipe, tout un noyau estudiantin, appartenant à une seule génération, se fraye actuellement son chemin, en garantissant une pérennité durable pour le club, malgré les difficultés.

S’unir autour d’une idée

L’Indigo Club a émergé afin d’affiner cette soif de création et d’activités chez les jeunes étudiants. L’Enau est d’ores et déjà réputée pour sa vie estudiantine foisonnante découverte au fil des générations. Les idées innovantes qui visent à améliorer l’état des lieux de l’Ecole n’ont cessé de fleurir, dont celle de créer «Le Pavillon bleu», lieux d’expositions, de réflexions, de partages, aux murs bleus-Indigo, qui accueille différents événements depuis quelques mois. Mais quand on remonte le temps, rien qu’un peu, ce club du même nom a émané d’une curiosité entre étudiants commune et très persistante.


Le noyau, qui, au départ, était composé de 6 personnes, a été soutenu par leurs deux professeurs et architectes «Narjess Abdelghani» et «Alia Belhaj Hamouda». Officiellement depuis une année et demie, la dynamique estudiantine a donc pris forme, émanant d’une volonté propre à ses étudiants ambitieux et au corps enseignant. L’Indigo Club s’est distingué grâce à ses activités culturelles et artistiques dans un écosystème de clubs déjà très présents dans l’enceinte de l’Enau, et qui travaillent sur d’autres disciplines et centres d’intérêt, comme le cinéma et l’entrepreneuriat.

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Les évènements sillonnent l’Enau


«Initialement, le projet du “Pavillon Bleu” a vu le jour suite à la proposition de notre enseignante “Narjess Abdelghani”. On tenait à avoir cet espace puisque déjà on organisait des expositions mais éphémères. On s’est dit autant créer un espace permanent d’échanges, un lieu d’exposition, et sa plateforme. Ainsi, nous arriverons à valoriser les travaux des étudiants et à rendre l’architecture accessible au monde extérieur». Explique Aya Sellami, la présidente. «Le club prône des valeurs comme Valorisation (de travaux des étudiants), Interaction (entre étudiants, professionnels, spécialistes et professeurs) et Epanouissement culturel. Une culture connectée étroitement à l’architecture», souligne Amine Maatouk, le vice-président.


Il est aussi à rappeler que le comité du «Pavillon Bleu» est composé de professeurs, et de toute une équipe jeune dont Yacine Ayeb, étudiant en architecture et qui a participé à l’emergence du projet. L’Indigo a mis en place 4 catégories qui sont : «Un architecte, une œuvre» et qui se déroule sous la forme d’une conférence et d’une exposition de travail de l’architecte invité, étranger ou tunisien. La 2e est baptisée «Un livre, pour un architecte» (Philosophe ou chercheur). La 3e est consacrée aux conférences et quant à La 4e, elle s’ouvre sur les expositions. Des catégories qui visent à nourrir cette pensée autour de l’architecture. «Nous agissons comme une vitrine qui fait défiler la richesse de l’école, qui l’expose, qui la valorise», commente le vice-président. L’accès aux activités reste ouvert à tout le monde et le club communique à travers des dépliants, affiches et les réseaux sociaux. Dernière venue en date ? Une conceptrice-lumière japonaise nommée Akari Lisa Ishii, qui a donné une conférence importante au sein de l’école et a exposé ses photos. L’événement a été soutenu par l’Enau et l’ambassade du Japon. Le club l’a accueillie.

L’Indigo Club poursuit son travail grâce au soutien de l’Ecole, même si, au départ, s’imposer et lancer les activités n’a pas été facile. Le travail accompli par ce groupe d’étudiants est, certes, prenant, mais il reste passionnant et va de pair avec leur cursus universitaire.

Parmi les accomplissements de l’Indigo : l’évènement «Rihla», qui était plus orienté vers des débats et des conférences. La conférence-exposition de Feriel Lajri, architecte spécialiste tunisienne qui s’est adonnée à un partage fructueux de savoir. L’enseignante universitaire Alia Belhaj Hamouda chaperonne la scénographie. «Nos enseignants nous soutiennent et nous poussent à développer nos conceptions et nos idées de bout en bout». Déclarent Aya Sellami et Amine Maatouk.

Un cycle sur le «Logement» est attendu pour le mois de février 2023 et qui sera marqué par la participation d’une architecte française en visio-conférence et d’autres conférenciers en présentiel. Le cycle a été précédé par l’arrivée d’un autre architecte le 1er février. Plus de détails seront affichés en ligne sur Facebook et Instagram.


Crédit Photos : Alia Bel Haj Hamouda et Feriel Mesbeh

L’Indigo club à l’Enau: Un élan dynamique
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