En pleine saison estivale, il y a de ces livres qui viennent vers vous et qui font office de trouvaille. «Parler tunisien fissa !» de Hager Ben Ammar & Valérie Vacchiani, paru aux éditions Arabesques en 2018, s’impose efficacement comme une solution pour un lectorat désireux d’améliorer son dialecte tunisien. Un «Tounsi» de plus en plus lu et édité dans de nombreux ouvrages, spécialement durant les 6 dernières années.
Une typo attractive sur un fond bleu éclatant, couleur estivale. «Parler Tunisien Fissa !» est un ouvrage ludique, éducatif, divertissant et utile pour les lecteurs curieux de connaître notre jargon aux diverses sonorités et références. Le «Tounsi» est un dialecte arabe, qui fusionne termes berbères, siciliens, italiens, arabes, français. Un dialecte qui se distingue, à la fois drôle, à la composition complexe, facile (ou difficile pour certains !), mais qui porte ses fruits.
Accompagné d’un CD audio, «Parler tunisien Fissa !» se laisse feuilleter facilement… et écouter aussi. Paru à l’époque des livres audio, le livre continue d’être diffusé et offert à des curieux, désireux d’améliorer leur «Tounsi parlé».
Sur la couverture du livre, les potentiels lecteurs sont d’ores et déjà prévenus : il s’agit d’une méthode efficace d’initiation au dialecte tunisien mélangé, tantôt arabisé ou européanisé, aux nombreuses influences. Une méthode d’apprentissage qui apporte ses fruits «au bout de 6 mois», d’après les deux autrices Hager Ben Ammar & Valérie Vacchiani. Avec un entraînement régulier d’une durée de 30 minutes par jour, les lecteurs sont imprégnés par le vocabulaire et les notions d’échanges de base, qui peuvent leur être utiles au quotidien. Des étrangers vivant en Tunisie se sont offert le livre depuis sa parution et continuent de se le passer.
L’ouvrage est encore disponible en grand format dans toutes les librairies en Tunisie et en ligne aussi. 236 pages de contenu sont mis à la disposition des lecteurs intéressés avec un CD audio (Pour les acheteurs qui possèdent encore des lecteurs CD). L’ouvrage contient 20 leçons pour une meilleure insertion dans la vie quotidienne des Tunisiens, plus de 80 exercices d’entraînement corrigés, des explications claires accompagnées d’exemples, sans oublier un apprentissage de la lecture des lettres arabes et d’un système de phonétique simple pour lire rapidement et bien prononcer les sons. A l’ère du numérique et de l’infinie étendue de savoir accessible en ligne, «Parler tunisien Fissa !» parvient à se distinguer.
Il s’agit là d’une sortie phare, celle du long métrage soudanais « Goodbye Julia » de Mohamed Kordofani. Prix de la liberté dans la section «Un certain regard» au festival de Cannes en 2023 et ayant raflé une quinzaine de prix dans des festivals à travers le monde, le film très attendu nous vient du Soudan. Le pays se distingue par son cinéma qui voit difficilement le jour à cause de l’inexistence d’une industrie cinématographique.
La crise humanitaire qui sévit actuellement sur le terrain, résultante d’une succession de guerres civiles, n’arrange en rien la situation. Un pays qui se délite et dont la catastrophe humanitaire est éclipsée médiatiquement par d’autres, notamment par le génocide en cours en Palestine ou la guerre Russie / Ukraine. Une situation humanitaire sans précédent qui sert de toile de fond à des films qui font fureur à l’international. «Goodbye Julia» n’échappe pas à la règle !
Le film, d’une durée de 2h, plonge les spectateurs dans un Soudan en proie à des émeutes civiles en 2005, entre nordistes et sudistes.
Les destins de deux femmes que tout sépare se croisent, des suites d’un accident : la première est issue du nord, la deuxième du sud. La première femme est bourgeoise musulmane, l’autre est esclave et maman d’un petit garçon. Leur relation, ayant des airs de tragédies grecques, s’embourbe dans le contexte violent et perdure malgré tout dans le temps. Le drame est traité d’une manière classique, avec effets de surprise, mise en scène remarquable, jeu d’acteurs juste et musique omniprésente.
Sa problématique fait profondément écho à l’actualité déchirante. «Goodbye Julia» est l’histoire d’une réconciliation impossible entre deux femmes… et entre deux peuples. A découvrir !
Inaugurée il y a trois semaines, l’exposition «Poemas de Agua» ou «Poèmes de l’eau» de l’artiste Immaculada Montoya est encore accessible au grand public jusqu’au 27 mars 2023 à l’Institut Cervantes de Tunis. De quoi s’offrir une immersion dans un univers pictural rétrécis, mais fait d’illusion, d’itinéraires brouillés, d’éclats ou d’associations.
Sept tableaux sont exposés dans l’enceinte d’une salle centrale à l’Institut Cervantes de Tunis. Des tableaux peints qui paraissent similaires, mais qui sont différents quand on les scrute, de très près en détails. Des éléments picturaux, perceptibles à l’œil nu. La mer ou l’eau les couvre… Une mer truffée de pointillé, sans doute, une présence massive d’individus, capturés d’en-haut, vue aérienne.
Poétiquement titrés «les poèmes de l’eau», ces tableaux sont signés Immaculada Montoya, artiste peintre espagnole, qui n’a pu être présente en Tunisie mais qui est parvenue à maintenir cette exposition, organisée par l’ambassade d’Espagne en Libye et l’Institut Cervantes. Mirages, évasion, cheminement sont des termes qui brouillent la vision des visiteurs.
Le travail de Montoya, peinture à l’huile, s’inspire directement d’une poétesse arabe nommée Fawzyya Abu Khalid. Née en 1955, elle est poétesse, essayiste, sociologue et professeure de nationalité saoudienne. Sa poésie est connue pour ses motifs politiques proéminents et propulse les femmes du monde arabe vers l’éducation et la liberté. «Until When Will They Abduct You on Your Wedding Night? (1974)» est un recueil qui l’a fait connaître. Sont parus ensuite deux autres recueils de poésie, intitulés «Les lectures secrètes dans l’histoire du silence arabe (1985)» et «Mirage Water (1995)», lit-on en ligne. C’est probablement ce dernier recueil qui a inspiré le travail de la peintre espagnole Montoya. L’exposition a été initialement conçue pour être organisée à Tripoli, à l’ambassade d’Espagne en Libye.
Elle a finalement eu lieu à Tunis. Ciel, mer méditerranéenne, bordures, plages. Elle évoque des vies, des mouvements de masse, et une nature conquise, voire envahie. Des populations en mouvement à la recherche d’un avenir, d’une meilleure existence, d’une paix collective.
Une musique du monde a conquis le public présent durant deux soirées successives au théâtre de plein air de Hammamet, ouvert au public depuis le 8 juillet, date du démarrage de la 57e édition du Festival. La venue de Kenny Garrett et Ibeyi, un duo d’artistes sœurs jumelles franco-cubaines, rappelle un cosmopolitisme musical propre à Hammamet.
Une floraison de sons
Durant ces deux nuits caniculaires et musicales de juillet 2023, le théâtre de Hammamet est occupé par des mélomanes connaisseurs, venus spécialement écouter Kenny Garrett, le musicien de jazz, qui nous arrive des Etats-Unis… en arborant de l’inédit. L’artiste saxophoniste présente en Tunisie son dernier album en date titré «Sounds from the Ancestrors», composé de 8 morceaux datant de 2021.
Garrett s’est emparé de la scène entouré de Rudy Bird à la batterie, Melvis Santa, vocaliste à la percussion, Corcoran Holt à la contrebasse et Keith Brown au piano. L’album exploite différents patrimoines musicaux issus de contrées africaines : une façon de rendre hommage à ses origines. Des airs afro-cubains, du jazz moderne, du gospel, du motown et même du hip-hop retentissent durant tout le spectacle. La performance d’une heure trente se caractérise par l’harmonie ressentie qui lie les artistes sur scène. Kenny Garrett rend non seulement hommage à une musique authentique émergeante —en partie— de pays du sud, mais valorise également son attachement à ses ancêtres à travers ses compositions. L’artiste a exprimé son attachement au continent africain, à sa ville natale «Detroit» et déclare rejouer sans hésitation en Tunisie, si l’occasion se présentait.
Une prouesse en double
Le duo féminin Ibeyi a assuré, la veille, un spectacle des plus rythmés, en sons et en lumière. Voix et instruments accompagnaient leurs morceaux, face à un public connaisseur mais timidement présent. Les hommages vibrants rendus à leur grand-mère originaire de la Tunisie, un autre destiné à leur père, à la patrie ou aux liens forts qui unissent les deux sœurs, se sont succédé, ponctuant ainsi de nombreux morceaux connus et moins écoutés. Les fans présents sont parties à la découverte de quelques morceaux joués et se sont imprégnés des messages, anecdotes, pauses drôles, racontés par ces deux artistes… sans cesse en interaction.
Lisa Kaindé et Noémie Diaz, de leur vrai nom, ont présenté au total 18 morceaux sur une durée d’une heure trente accompagnées d’un claviériste/bassiste. Parmi les morceaux les plus écoutés présentés sur scène «Sister 2 Sister», «Lavender and Red Roses» et le fameux «River», qui les a révélées au public depuis 2017. Du rap, de la percussion, du chant et de la danse cubaine ont mis en valeur cette performance de Downtempo, hip-hop, RnB ou soul. «Ici, c’est le pays de notre grand-mère. On est émues de chanter pour elle et pour la Tunisie», a confié Liza-Kaindé. Une belle première en Tunisie !
On ne peut que succomber à ce sentiment curieux et persistant de (re)découvrir Hammamet, de l’arpenter autrement à travers une touche picturale, celle d’une femme artiste-peintre, Najoua Hassouna, dont le nom ne vous dit peut-être rien, mais qui tient actuellement sa première exposition personnelle à l’Espace Sidi ben Aïssa (l’ASM de Hammamet), et ce, jusqu’au 20 mai en entrée libre.
C’est dans l’enceinte de l’Espace central Sidi ben Aïssa, en plein cœur du centre-ville de Hammamet, que se tient l’exposition-vente personnelle de l’artiste peintre Najoua Hassouna, qui, après avoir écumé les expositions collectives de la région de Hammamet, se lance à partir du 11 mai dans l’accrochage de sa première exposition personnelle.
C’est au gré des hasards que ses tableaux nous appellent. Faites uniquement à l’acrylique, ses œuvres, esquissées passionnément, révèlent un contenu qui a été déjà vu, à maintes reprises, mais qui se distingue par la touche féminine de son artiste. Fortement imprégnée par son vécu à Hammamet, elle raconte ses ruelles, sa médina arabe et l’architecture de ses édifices les plus emblématiques. Elle les dessine souvent dans les détails près, dans l’enceinte de sa médina historique, tout comme dans ses environs, à commencer par les poissons symboliques, son coucher de soleil, le golfe, quelques paysages sablonneux ou marins, qui font la beauté côtière de Hammamet, peinte à l’état initial, sans ses artifices hôteliers ou touristiques.
« El Ghram Eli fik », tel est l’intitulé de l’expo-vente, exprime la passion ardente de l’artiste, pour la peinture. Elle y raconte consciemment ou inconsciemment l’environnement dans lequel elle vit toujours, alternant souvent des portraits peints de quelques icones de la chanson arabe qu’elle adule ou qui l’attirent, citons Abdelhalim Hafedh, Om Kolthoum, ou même l’iconique Charlie Chaplin, en affichant sur ses tableaux quelques citations connues. Vortex en couleur, yeux ou des roses ponctuent aussi la découverte, sans oublier le clin d’œil à l’habit traditionnel local.
« El Ghram Eli Fik » est le titre d’une exposition subjective, qui traduit une passion presque juvénile pour la peinture, entretenue par Najoua Hassouna. Cette expo-vente pourrait éventuellement attirer les amoureux de la ville, les visiteurs passagers, qui affluent actuellement en pleine saison estivale et qui aimeraient découvrir les villes… d’une autre manière.
C’était comme pénétrer un édifice noir pour s’y ressourcer. Oui ! Le noir comme couleur met en valeur la calligraphie attractive de Mohammad Bulifa, artiste visuel libyen qui perce en Tunisie. Focus !
«The Experiment», «The Observation», «The Conclusion», c’est ce qu’on peut lire en guise d’annonce ou de teaser du vernissage.
Trois termes clés qui invitent le public à découvrir sur 5 jours l’univers de «Bulifa». Expérience, observation et conclusion sont les mots-clés qui traduisent bien cette exposition, maintenue au «Modd Studio», un espace converti en salle d’exposition sur deux étages à l’occasion, situé à Bhar Lazreg.
Nous savons de «Bulifa» qu’il a déjà exposé sa première calligraphie en 3D, intitulée «Kawakéb» ou «Planète». Une installation qui n’est pas passée inaperçue. Il rempile ce mois-ci avec sa propre exposition personnelle, truffée de calligraphies, de différentes tailles et aux différentes couleurs. Son travail reflète son background, son savoir, sa culture initiale.
«Bulifa» réside en Tunisie depuis 2016. Ce n’est qu’en 2019, peu de temps avant la pandémie, qu’il décide de se consacrer à l’art de la calligraphie. Il fusionne ses touches contemporaines, avec différentes techniques donnant à ses propres œuvres calligraphiques une dimension saisissante, souvent attractive. Il y déverse diverses couleurs, rassemble peinture et art numérique, crée des traits, tantôt fins, tantôt épais et va jusqu’à inviter les visiteurs, présents sur place, au «Peeling d’une calligraphie». Son travail valorise les lettres arabes et possède un aspect traditionnel ambiant, tout en s’ancrant dans une époque actuelle moderne. «L’expérience, l’Observation et la Conclusion» sont les termes qui traduisent son processus de création. Ils peuvent être exprimés et vécus également par le visiteur.
«Bulifa» s’adonne à la mode, participe à des expos-ventes et jouit d’une visibilité importante sur les réseaux sociaux. Son vernissage et les 5 jours qui ont fait son exposition ont été accompagnés de sets musicaux et ont vu défiler une panoplie d’artistes tunisiens et libyens, toutes disciplines artistiques confondues.
Une vie cyclique et son savoir sont revisités dans l‘exposition personnelle de l’artiste-peintre Sonia Souissi, titrée «Pèlerinage», maintenue jusqu’au 19 février 2023 à l’espace Sophonisbe de Carthage.
«Pèlerinage» est un terme à connotation religieuse qui fait écho à la sacralité de la vie, célébrée singulièrement par l’artiste-peintre Sonia Souissi. Ses tableaux reflètent couleurs denses ou claires, truffés de symboles, de visages, de silhouettes, souvent féminines. Des éléments qui jaillissent d’une vision artistique précise et laissent libre cours à diverses interprétations chez les récepteurs. Des bribes de mémoire de l’artiste naissent d’un champ de recherche large. Un champ qui interroge la vie, la place de la femme et parvient à surprendre à travers son étendue. La vision de l’artiste peut être parlante pour les femmes. L’exposition tire sa force d’un imaginaire propre à l’artiste et est subtilement onirique. «Pèlerinage», ce sont les arrêts effectués durant une vie, caractérisée par des contemplations, des méditations, de la recherche et de beaucoup d’observation. Des états d’âme fusionnent avec formes, couleurs et lumières. L’artiste puise dans son environnement, son vécu et affine sa créativité.
Sonia Souissi est originaire des îles de Kerkennah et décide de troquer son parcours dans l’informatique, contre sa passion pour les arts picturaux. Elle est autodidacte, s’inspire des traditions de sa région, de son pays, de ses souvenirs et leur donne vie autrement à travers ses tableaux. Aussi personnelle que sa passion pour les arts puisse être, son exposition paraît universelle et pioche dans les origines d’une civilisation. La nôtre ? Quelques hiéroglyphes ou lettres ne laissent pas de marbre.
L’exposition «Pèlerinage», c’est éclaircir le passé, un patrimoine, des traditions, une époque d’antan afin de la mettre en valeur, pour mieux exploiter le présent et appréhender l’avenir. C’est aussi évoluer, s’affranchir du traditionnel et embrasser la modernité de notre époque.
Un duo d’artistes, Tine Decroix et Peter Bulcke, investit à travers leurs créations toute la partie d’un hôtel, à l’occasion de leur vernissage/ exposition. Leurs créations mêlent art numérique, design, meubles et décoration d’intérieur. Tine Decroix est designer et décoratrice, belge– flamande, vivant à Tunis avec son mari. Ils entament en tandem leur aventure.
Le Movenpick Hôtel du lac de Tunis ouvre son espace en grande partie à une succession de rendez-vous artistiques, en 2023. Tine Decroix et Peter Bulcke inaugurent la saison en happant leur public dans un univers distingué tout en investissant artistiquement cet établissement hôtelier. Une grande aile de l’espace attire les visiteurs, grâce aux imposants tableaux de Peter Bulcke, spécialiste en art numérique. Le but du vernissage est de donner un nouveau souffle, une nouvelle harmonie à l’espace, loin de l’artisanerie et autres concept store à vocation commerciale, purement touristique.
Histoire d’une reconversion
Decroix et Bulcke vivent en Tunisie depuis 13 ans, soit peu de temps avant le déclenchement de la révolution de 2011. Tine était styliste modéliste et Peter travaille dans une société belge. C’est à travers ses découvertes du pays, faites au gré des hasards, que l’artiste est tombée amoureuse de ce pays. Architecture, artisanat tunisien, textile ont nourri cette passion pour le design et l’ont influencée. Son amour pour la conception des meubles et pour la décoration d’intérieur n’ont cessé de grandir, au point où, quelques années plus tard, elle finit par s’y consacrer. Une passion prenante pour le dessin des meubles, pour la décoration d’intérieur ont fini par prendre forme sur ses croquis d’abord, et en vrai ensuite. Concevoir des meubles en Tunisie était devenu un objectif. Son mari, Peter Bulcke, l’a soutenue, en piochant davantage dans sa passion pour les arts numériques. Le couple s’est fixé comme objectif de créer en Tunisie, de faire travailler les Tunisiens, de vendre sur place et d’exporter vers la Belgique ou ailleurs, offrant ainsi des opportunités d’embauche à des Tunisiens et Tunisiennes.
Leur site «Tinedecroix.com» a vu le jour. L’artiste déclare dans les pages promotionnelles du magazine de l’hôtel que son objectif, c’est surtout de travailler avec des Tunisiens d’ici. Une façon efficace de les embaucher et de les aider à percer dans ces temps durs. « En offrant cette possibilité de travailler à des jeunes sans emploi, d’exercer leur savoir, on pourra les sauver, leur redonner de l’espoir, en leur procurant un travail décent, et surtout cette envie d’aimer la Tunisie et d’être utile ici», déclare-elle.
L’exposition de Tine Decroix puise sa force dans une ambiance créée à travers les créations de Peter Bulcke. Des tableaux numérisés qui font l’univers Decroix. Peter est passionné de photographies digitales et spécialiste en «sublimage». Il est graphique-designer, artiste-numérique et sait manier différents logiciels pointus. Ses tableaux sont des photos qu’il modifie, à sa manière, en imprimant, en couleur, les filtres et les formes. Bulcke crée derrière son écran et fusionne avec les créations Decroix. La prochaine exposition attendue dans ce même espace est dédiée à «L’amour dans tous ses états», une exposition collective, organisée par la commissaire d’exposition Michela Margherita Sarti, et maintenue à l’occasion de la Saint Valentin.
«Harka» est le premier long métrage de Lotfy Nathan, réalisateur et cinéaste américain d’origine égyptienne. Il fait écho à la détresse d’une jeunesse tunisienne aux prises avec les désillusions, avec une misère ambiante, un chômage grandissant. Il s’ajoute à une série exhaustive de films tunisiens traitant des maux persistants post-révolution… Douze ans plus tard.
«Harka», d’une durée de 87’, sort dans les salles tunisiennes, la veille d’un 14 janvier 2011, « anniversaire de la révolution » date désormais symbolique dans l’histoire de la Tunisie. Elle célèbre, depuis, le début d’une nouvelle décennie qui a été fort houleuse et qui continue à l’être. « Harka » ou « Brûlure » (en dialecte tunisien littéralement traduit) peut se référer à la migration clandestine des jeunes Tunisiens, de plus en plus fréquente. Elle résonne aussi comme une métaphore qui crie une souffrance permanente, qui lance l’alerte, qui exprime une douleur commune.
Le film est un drame dur : il suit l’existence précaire d’un jeune Tunisien nommé Ali, originaire de Sidi Bouzid, qui, pour subvenir à ses besoins et aux besoins de ses deux sœurs, finit par s’adonner à des activités illégales sur les frontières tuniso-libyennes pour avoir de quoi manger et payer les dettes de son défunt père. Le jeune homme voit partir son frère aîné, subit les aléas d’une banque, sans scrupule, qui prive ces jeunes de leur habitat modeste. Ali se heurte, violemment, à l’hostilité d’un système administratif profondément bureaucratique, injuste, au chômage, à la violence policière… A un pays en déliquescence. Autant de péripéties annonciatrices d’une fin tragique, prévisible, qu’on voit arriver.
La tragédie, brillamment menée de bout en bout par l’acteur franco-tunisien, Adam Bessa (Prix de la meilleure interprétation masculine au festival de Cannes de 2022 à la section « Un certain ,Regard »), fait l’effet d’un tourbillon, d’une tourmente, de plus en plus asphyxiante, mais prévisible, truffée de plans désertiques, arides, d’un soleil de plomb pesant, d’un décor rustique et précaire, qui met en lumière une face de la Tunisie, sans doute la moins reluisante. Une voix off féminine (inutile ?) commente quelques scènes du film en mettant l’accent sur cette misère gangrénée.
Ali, antihéros par excellence, fait écho à des milliers de jeunes Tunisiens marginalisés et défavorisés qui rêvent d’un départ vers l’Europe, quitte à traverser dangereusement la Méditerranée pour fuir une vie précaire. Le héros y pense d’ailleurs vaguement, mais priorise la survie de ses sœurs avant la sienne et son éventuel départ. Le film, dans une durée standard, parvient à interpeller et rappelle surtout à quel point la situation sociale n’a nullement changé en 12 ans… Une existence sociale, qui, au contraire, se détériore. « Harka » est un film maitrisé qui interpelle mais ne nous apprend rien. « Harka » évoque la migration clandestine certes, mais se focalise davantage sur le sort de ceux et celles qui ont décidé de rester au pays et… d’y (sur)vivre par tous les moyens.