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«About The Strange City» de Rami Jarboui : Une adaptation qui fait sens
REVIEWS & CRITIQUES12 / 20 / 2022

«About The Strange City» de Rami Jarboui : Une adaptation qui fait sens

Comme son titre l’indique, ce film court de Rami Jarboui nous plonge de nuit, dans une cité glauque, amochée par la crise économique, en plein délitement et où l’étrange y règne dans chaque coin de rue. Cette étrange cité n’est autre que la capitale «Tunis». «About the Strange City » est une version courte tunisienne revisitée de l’œuvre originale d’Abdeljabbar Eleuch «Les incidents de la ville étrange».


Bienvenue dans un «Tunis by night» qui n’a rien de festif : un Tunis de nuit lugubre, peuplé par des âmes errantes : ivrognes, mendiants, citoyens lessivés de passage, écrasés par un quotidien lourd, travailleurs de nuit, couples amoureux discrets et frustrés, vivants sur cette mythique artère principale de la capitale, appelée couramment «l’Avenue». Toutes et tous défilent à une heure tardive, par un soir caniculaire. Ici est l’endroit où se dérouleront des événements surréalistes, propres à une ville étrange.


Ce court-métrage a un cadre spatial qui est mis en abîme : un grand lieu, grande avenue «Habib-Bourguiba», qui abrite ce bar iconique, bondé d’hommes, où se déroulera la quasi-totalité des événements. «L’univers», ce bar du centre-ville, traversé par mille et une histoires au quotidien, verra entrer Salah, un client fidèle de l’endroit, qui après s’être abreuvé de bières, et lu son journal, décide de rentrer… Mais n’y arrive pas. L’homme est collé à sa chaise, incapable de se lever. Tout le monde l’entoure pour lui trouver une solution et le décoller de son siège. Une cacophonie se déclenche et une agitation aigrie des gens autour se fait sentir… face au désespoir de ce dernier, qui ne comprend pas ce qu’il lui arrive.

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Le spectateur ne tardera pas à saisir la dimension métaphorique du film, mais propre à un lieu plus vrai que vrai, à l’ambiance réaliste faite de noirceur nocturne et d’insécurité. L’image est hyperbolique : elle raconte un pays qui broie du noir, rongé par une crise économique et sociale profonde, meurtri par les ego de ses dirigeants, accrochés au pouvoir.


Des leaders, qui se font chasser par un peuple qui rage, qui s’impatiente, au bord du désenchantement… Mais dans «About The Strange City», ce sont les artistes et les intellectuels qui sont visés et dont l’agonie se fait sentir. Leur précarité fait écho à leur souffrance, et à leur désarroi. Ils sont sujets à des persécutions, subissent censure et atteintes et sombrent progressivement dans un abîme sans fin. L’image esquissée dans le film crie d’une manière singulière une détresse. Rami Jarboui la filme durant 18 min, à travers ce court remake, porteur d’une réflexion. «About the Strange City» est un essai métaphorique. Une adaptation sur grand écran présentée pour la première fois dans le cadre de la section «Adaptations» lors des Journées Cinématographique de Carthage 2022 et produit par «Key Prod».

«About The Strange City» de Rami Jarboui : Une adaptation qui fait sens
«Abeille» de Mouna ben Hammed : Portrait d’une mère courage
REVIEWS & CRITIQUES12 / 18 / 2022

«Abeille» de Mouna ben Hammed : Portrait d’une mère courage

«Abeille», le film court de Mouna Ben Hammed est un portrait filmé. Incisif et poignant, l’essai filmique est une tranche de vie : celle de Deborah Lindoume, femme subsaharienne d’origine congolaise vivant en Tunisie. Une vie, un cheminement difficile, et un accomplissement, partagé avec sincérité.


Le film s’ouvre sur le quotidien de Deborah Lindoume, mère battante, qui aspire à un quotidien meilleur. Deborah arrive en Tunisie, pense partir en Europe avant de, finalement, rester. Elle est maman de deux enfants. Surnommée l’ « Abeille » depuis qu’elle est gamine, elle évoque son parcours, et se livre dans des confidences personnelles. Elle brise l’intime et revient sur son enfance : elle explique pourquoi elle a changé de nom à l’âge de 8 ans, s’exprime sur le sens de son prénom «Deborah», qui signifie «Abeille» et revient sur les origines de ce surnom attrayant. «La vie en Tunisie est très difficile pour les Subsahariens, pour les Noirs. On ressent souvent qu’on n’est pas les bienvenus. On nous insulte, on nous lance des piques, on nous appelle autrement. En Tunisie, comme ailleurs, ce vécu reste difficile». Confie-t-elle. Il s’agit d’un racisme ordinaire, violent, commenté pendant ce court métrage de 7 min 27. Deb a expliqué vouloir partir en Europe clandestinement et s’est finalement désistée quand elle a su qu’elle était tombée enceinte de sa fille. Devenir mère l’a rendue encore plus forte, endurante. La jeune maman dit avoir une vie meilleure : elle partage ses ambitions, ses plans d’avenir, ses projets de vie.

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Le film est pertinent et ne tombe pas dans le pathos : le spectateur se rapproche du personnage central, compatit, et en même temps, se sent admiratif de son parcours. Son témoignage est vu et écouté de bout en bout et s’achève sur une note positive et optimiste. «Abeille» se clôt sur des images de ses enfants, des photos de famille et des souhaits à concrétiser. Le film est produit par l’ONU Migration / Pontes. Il est scénarisé et réalisé par Mouna Ben Hammed, dans le cadre de la campagne «Esshih». Mouna est jeune réalisatrice et artiste visuelle.

«Abeille» de Mouna ben Hammed : Portrait d’une mère courage
«Les Jardins des secrets» De Mohamed Elhor : L’abîme sur scène
REVIEWS & CRITIQUES12 / 15 / 2022

«Les Jardins des secrets» De Mohamed Elhor : L’abîme sur scène

«Les jardins des secrets», titre intrigant pour une pièce de théâtre marocaine signée Mohamed El Hor. Elle a été présentée lors de cette 23e édition des Journées théâtrales de Carthage au public. D’une durée de 80 mn, la représentation était juste une occasion de découvrir un théâtre, qui nous vient du Maroc… faute d’intrigue saisissante.


Scénographie en place, voix off masculine qui accompagne le public et présence saisissante des trois interprètes… autant de composantes qui interpellent sur scène. Elles sont annonciatrices d’une histoire qu’on sent venir, mais qui n’arrivera pas comme souhaité. «Les jardins des secrets» rassemble pourtant différents ingrédients, nécessaires à la narration d’une tragédie théâtrale.


L’homme, figure paternelle, mari, mélancolique, effacé, sonne le glas d’un conflit familial. Il traîne une vie qui n’est pas la sienne, a épousé, «dans le respect» des traditions, une femme qu’il n’a jamais aimée. Leur union erronée est issue probablement d’un arrangement familial aux répercussions néfastes. L’épouse est fille de fortunés. Dépressive et malheureuse, n’ayant jamais aimé son époux, elle finit par entretenir une liaison avec un amant, aussitôt découverte. Leur vie de couple se disloque, devient un enfer et impacte la vie de leur fille unique. Cette dernière a suivi le mauvais exemple de ses parents en épousant un mari qu’elle n’a jamais aimé, et en se pliant à son tour aux traditions étouffantes. La jeune fille fuit ce mari la nuit de ses noces, et meurt dans un accident de voiture. Une mort qui hantera longtemps ses parents.


«Les jardins des secrets» est composée de plusieurs chapitres, aux différents titres, affichés en arabe, pendant la représentation. Tragique, la pièce, aux événements saccadés, raconte la détresse de cette famille, vivant au bord de l’abîme, dans un dialecte marocain peu saisissable, sans surtitrage. Le rythme lent et long, les émotions étirées sur scène dans d’interminables répliques, le ton monotone en voix off et l’intrigue pesante brouillent le spectateur. Ce dernier perd le fil et se perd dans des événements éclatés, des discours alertes, des lectures, des monologues ou dans différents échanges.


Cette création théâtrale, à la configuration classique, raconte le mal-être de l’humain et traduit sa fragilité, sur fond de tragédie familiale, ponctuée de quelques définitions psychologiques ou philosophiques : complexe d’Electre, Freud, Sartre… La pièce crie, nonchalamment, une existence vaine : celle d’un être humain qui s’interroge sur «Sa raison d’être», face aux épreuves. La pièce crie de nombreux vides existentiels et sombre totalement à son tour. A l’affiche de la création, Jalila Talemsi, Hager El Hamidi et Yassine Ahajjam.

«Les Jardins des secrets» De Mohamed Elhor : L’abîme sur scène
Les JTC des prisons 2022 : Criant de cynisme
REVIEWS & CRITIQUES12 / 9 / 2022

Les JTC des prisons 2022 : Criant de cynisme

«Théâtre de la liberté», titre attrayant d’une section maintenue dans le cadre des Journées théâtrales de Carthage, et qui fait écho à cette soif de liberté, ressentie par les détenus. En attendant leur liberté, qu’ils vivront au-delà des murs de la prison, ils entretiennent une passion pour les arts scéniques, spécialement pour le théâtre et nous le font savoir durant cette 23e édition.


«La sagesse d’un fou», pièce de théâtre, conçue entre les murs de la prison de «Borj El Amri», est un exemple de réalisation scénique, menée à bout par 6 jeunes détenus, la plupart trentenaires. Cinémadart est le lieu consacré aux pièces de théâtre signées par des prisonniers, femmes et hommes, issus de nombreuses prisons tunisiennes. La section se déroule en collaboration avec «le Comité général des prisons et de la rééducation». De différents établissements pénitentiaires, les prisonnières et prisonniers affluent, escortés par des agents de l’ordre. Pas moins de deux représentations par jour élaborées, sont présentées. Ambiance, qui allie curiosité, découverte et sympathie/empathie ressentie pour les interprètes. Ces derniers, pour la plupart amateurs, insufflent une dose d’émotion, à travers leurs textes, leur mise en scène, les dialogues et une certaine complicité.


Le théâtre affranchit des conditions de détention. Tout le travail scénique se fait en groupe : de la mise en scène, à l’écriture, au passage sur scène. «La sagesse d’un fou», mise en scène par le duo Hassen Ayachi et Mohamed Ali Jaouadi, le reflète bien : scène d’ouverture qui interpelle, silhouettes qui s’emparent de la scène, tout en gardant un semblant de mystère. Les interprètes parviennent à entraîner les spectateurs dans cette ambiance cacophonique. «Tkhalbiza», tel est le titre en tunisien de la pièce d’une durée de 40 mn, s’ouvre en grande pompe. Elle est annonciatrice d’une détresse commune, exprimée nonchalamment, au fil des scènes et des actes. Les interprètes incarnent, 6 personnages atteints de démence, des suites de leur enfermement. Dans le cadre d’un lieu clos qu’on confondrait avec un hôpital psychiatrique, reconstruit sur scène, ils expriment en solo ou en groupe, à gorge déployée, les raisons d’une folie. Le texte, la mise en scène et l’interprétation sont réalisés par ce même noyau. «Tkhalbiza» ou «La sagesse d’un fou» est un essai scénique amateur criant de cynisme et de mélancolie. Les présentations des pièces de théâtre réalisées par des détenus ont pris fin le jeudi 8 décembre 2022. Un prix sera décerné à la meilleure création.

Les JTC des prisons 2022 : Criant de cynisme
 «Bloom» de Becem Ben Othman : Eclosion artistique
REVIEWS & CRITIQUES11 / 15 / 2022

«Bloom» de Becem Ben Othman : Eclosion artistique

A la galerie «Musk and Amber» et à travers une série d’œuvres subtilement titrée «Bloom», l’artiste Becem Ben Othman a offert un aperçu global, mais immersif, d’un travail ficelé élaboré sur 10 ans.

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L’exposition solo englobe de nouvelles œuvres de collage. Certaines sont picturales et d’autres sculpturales. «Bloom» oscille entre œuvres nouvelles et d’autres, plus anciennes, mais qui continuent à auréoler ce travail artistique. L’univers décalé, hybride et onirique de l’artiste enveloppe les visiteurs, connaisseurs et curieux, pour la plupart, venus spécialement le découvrir récemment dans ce lieu.


«Bloom»,—terme en anglais—fait écho à une éclosion / floraison, qui surgit suite à un travail / un combat mené avec persévérance par une personne lambda. Son œuvre picturale «Vedette» est visible dans cette exposition : imposante, elle n’échappe pas à l’œil du visiteur.


Elle donne de la visibilité à deux corps qui fusionnent, qui luttent pour ne pas se laisser happer par le tourbillon de la vie. Au creux d’une main, une «fleur», qui fait référence à l’accomplissement.


Becem Ben Othman associe ce tableau à «une course pour une éclosion métaphysique», cite-t-il, ou à une bouffée d’oxygène.

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Une manière pour lui de dire qu’il faut s’accrocher malgré les aléas de la vie. Ce tableau central se réfère à des graines qui germent. L’aboutissement d’un parcours du combattant, un hymne à l’espoir adressé à toutes et tous. «Ne pas plier aux épreuves», c’est s’armer de ce même état d’esprit qu’il faut entretenir. Le travail de Ben Othman est truffé de symbolisme. La nature et le corps y sont frontalement visibles, parfois, légèrement dissimulés, ou présentés autrement. «J’intègre les couleurs, en gardant un style linéaire et en évitant l’encombrement. Je privilégie le minimalisme», déclare l’artiste à propos de son travail. Son œuvre est imprégnée de surréalisme moderne et accentue les volumes et les couleurs.


« Bloom » est une exposition complète, riche de plusieurs supports. Elle contient 35 œuvres : des tableaux de peinture, de collage, et des installations en passant par une projection vidéo de court-métrage. Becem Ben Othman est artiste plasticien, designer graphique et audiovisuel. Sa première expo personnelle remonte à 2012.

«Bloom» de Becem Ben Othman : Eclosion artistique
« Nos cérémonies » de Simon Rieth : Une fraternité singulière
REVIEWS & CRITIQUES11 / 6 / 2022

« Nos cérémonies » de Simon Rieth : Une fraternité singulière

«Nos cérémonies», premier long métrage de fiction de Simon Rieth, crève l’écran par son esthétique distinguée et sa thématique exploitée autour des liens du sang. Cette histoire douce et déroutante, vécue entre deux frères, interpelle par sa touche à la fois poétique, et violente.


Tantôt amis / ennemis, tantôt complices, deux frères se chamaillent depuis leurs plus tendres enfances. Ils s’aiment et se confrontent souvent, mais parviennent à entretenir cet amour fraternel, en apparence, indestructible et résistant au-delà des épreuves de la vie. Tony et Noé, interprétés avec justesse par Raymond et Simon Baur, sont inséparables : un jour, en jouant à Royan, région connue pour ses décors naturels, un drame survient et impactera à jamais le restant de leur vie : l’un d’eux chute brusquement du haut d’une falaise. Miraculeusement, il survit, mais s’ensuivra après des changements qui bouleverseront profondément leur relation fraternelle pourtant soudée, jusqu’à l’après-adolescence. Une fois adultes et durant l’après-drame, le spectateur réapprendra à les connaître au gré des premiers émois, des amitiés / inimitiés et des amours de jeunesse…


La particularité du film, c’est son récit : sa narration douce-amère, sur fond d’esthétique nouvelle élaborée avec une touche de fantastique, happe de bout en bout et parvient à retenir le spectateur. Ce récit, qui est totalement dénué de présence parentale, ne tardera pas à nous faire vivre un tournant majeur quand les deux frères tomberont amoureux de Cassandre, la fille des voisins.

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«Nos cérémonies » oscille entre violence et douceur, sublimé dans un cadre spatial saisissant. Il redéfinit les liens fraternels et les dessine autrement : des liens truffés d’amour, mais aussi de rivalités et de confrontation. La touche fantastique glissée dans le film traduit une forte relation de dépendance entre les deux personnages, campés par des acteurs, frères aussi dans la vraie vie. Une histoire saisissante, qui fusionne à la perfection, tendresse et violence, souvent symbolique, et même onirique.


« Nos cérémonies » de Simon Rieth est une découverte inédite pour le public des Journées Cinématographiques de Carthage lors de sa 33e édition. Il a été sujet d’un atelier d’écriture lors d’une journée consacrée à la Semaine de la Critique, maintenue par l’Institut Français de Tunisie et les JCC. Le film sortira en France en mars 2023. Une partie du public tunisien a pu le découvrir bien avant sa sortie officielle.

« Nos cérémonies » de Simon Rieth : Une fraternité singulière
 Parution de l’ouvrage collectif « Le geste en héritage, la Main Tunisienne » : L’artisanat tunisien au fil du temps
REVIEWS & CRITIQUES11 / 3 / 2022

Parution de l’ouvrage collectif « Le geste en héritage, la Main Tunisienne » : L’artisanat tunisien au fil du temps

Désormais en vente dans les librairies tunisiennes et étrangères, « Le geste en héritage, la Main tunisienne » est un ouvrage collectif utile et riche par son contenu : il valorise l’objet artisanal tunisien d’excellence en mettant en lumière son histoire régionale et son savoir-faire distingué mondialement. La publication puise dans l’essence-même du patrimoine tunisien et éclaire son devenir.


Grâce au soutien de l’Office national de l’artisanat et de la fondation Rambourg, le livre voit finalement le jour. Une conférence de presse s’est tenue à la Galerie Antinéa d’Alya Hamza, située à l’avenue Kheireddine Bacha. Ce berceau discret des arts abrite de nombreuses expositions, de présentations de livres et sert de lieu de rencontres foisonnantes entre artistes et férus des arts.


Ce livre est l’aboutissement d’un programme mis en œuvre autour du renforcement du secteur de l’artisanat tunisien. Un projet fructueux qui a rassemblé de nombreux axes et composantes : une définition de l’objet artisanal d’excellence, un état des lieux de l’artisanat tunisien et des ateliers de création et de recherche sont à l’origine de la genèse de ce livre. Il synthétise tout un travail minutieux effectué sur plus d’une année. Cette initiative s’est faite connaître auprès de nombreux contributeurs, et a pu donner un regard autre sur l’artisanat, en valorisant ses trésors, entre autres, par le biais de la photographie. Le tout concrétisé grâce à un comité éditorial. L’ouvrage met en avant les ressources culturelles et tunisiennes et le potentiel inépuisable des artisans et créateurs tunisiens. Une plateforme numérique qui servira de support au contenu de cet ouvrage verra le jour prochainement.

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Molka Haj Salem, directrice éditoriale du livre, a présenté les trois grandes parties qui composent l’ouvrage : un prélude, un 2ème chapitre qui évoque l’Atlas et la cartographie de l’artisanat tunisien, et un 3ème autour du «Voyage dans les métiers » : une lecture historique et sémiologique. Le livre revient également sur les ateliers, menés par les artisans et créateurs. Sa composition est ponctuée par des hommages rendus à des pionniers de l’artisanat choisis par Alya Hamza et qui sont Aly Bellagha, Samia Ben Khalifa, la famile Halioui, Hmida Wahada et Leila Menchari.


Le processus de publication était long mais a été renforcé grâce aux soutiens de collectionneurs privés et de l’État : l’ouvrage réunit plus de 200 objets et des pièces inédites entre collections nationales de l’Office National de l’artisanat et des collections privées. Un comité curatorial composé de Azza Ayachi, Shiran Ben Abderrazak, Molka Haj Salem, Alain Lardet et Mamia Taktak a veillé au bon déroulement du travail écrit par Alya Hamza et Noureddine Saidi. Le livre n’aurait pas pu voir le jour sans la contribution d’auteurs, de participants à l’atelier Fronat, de l’agence Dzeta, de collectionneurs privés, de l’ONA et des équipes de la Fondation Rambourg.

Parution de l’ouvrage collectif « Le geste en héritage, la Main Tunisienne » : L’artisanat tunisien au fil du temps
«L’Esclave» d’Abdelilah Eljaouhary : Conte moderne sur grand écran
REVIEWS & CRITIQUES11 / 1 / 2022

«L’Esclave» d’Abdelilah Eljaouhary : Conte moderne sur grand écran

La 33e édition des Journées Cinématographiques de Carthage met différents cinémas à travers le monde en lumière: Le saoudien, l’espagnol, l’italien, le palestinien. «L’esclave» d’Abdelilah Eljaouhary, retenu en compétition officielle, ajoute de l’éclat à la programmation des films marocains, en partie présents cette année.


«L’esclave» ou «The Slave» d’Abdelilah Eljaouary, bien avant sa projection, laisse présager aux spectateurs une découverte : celle d’un conte contemporain sur grand écran. Le long métrage du réalisateur marocain Abdelilah El Jaouhary traite du rapport au travail, de la place dominante qu’il prend dans l’existence individuelle et collective de personnes, et des sociétés. Sans oublier la hiérarchie, le capitalisme, la lutte des classes, la déshumanisation, l’asservissement au travail : autant d’axes racontés autour d’une histoire non moins intrigante à propos de «l’esclavagisme» moderne.

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Le film de 100 min s’ouvre sur l’arrivée d’un jeune homme prénommé Brahim dans un village au Maroc : il se présente dans «un café de la Place» et déclare, sans gêne à la foule, qu’il désire être «l’esclave» d’un acheteur, de préférence riche, et ajoute que c’est dans cette condition qu’il aimerait subvenir à ses besoins… Au grand étonnement des villageois qui ont trouvé sa proposition aberrante. Qu’un homme se mette ainsi «en vente» est contraire à la religion musulmane, aux us et coutumes… L’esclavagisme étant aboli, officiellement, mais qui est reste perpétré sous d’autres formes. L’homme persiste, et revient souvent dans ce même café, sans cesse à la recherche «d’un maître», en affirmant haut et fort que «Je suis un villageois à vendre!». Criait-il.


Agression, rejet, et effarement rythmeront le film… Point de départ de cette histoire contemporaine, qui déteindra au fur à mesure sur d’autres intrigues, autour de nombreux personnages. «L’esclave», au titre intriguant, raconte un Maroc, asservi au travail, mais met en lumière des classes et des protagonistes broyés, soumis au poids des traditions et du relationnel : unions, désunions, rapports houleux entre classes appauvries : celles prolétaires face aux hautes sphères du pouvoir. Le conte se laisse raconter de bout en bout, et est enrichi d’une esthétique attrayante. Mi- moderne, mi- authentique, mi- traditionnelle, propre au Maghreb.


Le scénario est coécrit par Abdelilah Eljaouhary et Kamél ben Ouanes, produit par «Dark Prod Ciné». Abdelilah est journaliste de profession, critique de cinéma, réalisateur, scénariste et universitaire, connu pour «Raja Bent El Mellah», «Cri de l’âme», «Clics et déclics», «La danseuse», «De l’eau et du sang». Une filmographie enrichie par cette dernière réalisation en date et par son casting composé de Saad Mouaffak, Ismail Abu Kanater, Hajar Chergui et une pléiade d’acteurs. Le film concoure, afin de rafler le «Tanit d’or», dans la catégorie «compétition officielle – Long métrage». Une catégorie qui laisse prévoir diverses découvertes au fil des JCC.

«L’Esclave» d’Abdelilah Eljaouhary : Conte moderne sur grand écran
«Rebel» d’Adil El Arbi et Bilall Fellah : Le terrorisme esthétisé
REVIEWS & CRITIQUES9 / 20 / 2022

«Rebel» d’Adil El Arbi et Bilall Fellah : Le terrorisme esthétisé

L’exode en masse de citoyens à travers le monde pour une Syrie islamique fantasmée a marqué la décennie précédente et a inspiré d’innombrables films et séries télé traitant de l’endoctrinement religieux de Daech. La Syrie du Calife est, depuis, presque dissoute, mais continue à alimenter quelques dernières sorties cinéma. «Rebel» d’Adil el Arbi et Bilall Fellah, en salle depuis le 31 août 2022, tire son épingle de cette thématique récurrente… ou peut-être pas assez !


Fellah et El Arbi, deux nouvelles coqueluches de la réalisation à Hollywood, traitent dans «Rebel» du terrorisme en tentant de le synthétiser. Pari risqué et relevé à coups d’effets spéciaux, d’acteurs remarquables, de bande sonore attrayante… Et de scénario peu original.


Après une succession de frasques et d’égarements à Molenbeek, en Belgique, Kamal coupe les liens avec son foyer (sa mère plus précisément) et part rejoindre un organisme humanitaire qui vient en aide aux victimes de la guerre en Syrie. Une fois sur terrain, le jeune homme se retrouve embourbé dans des actions terroristes, embarqué par un groupe armé affilié à Daech et bloqué à Raqqa. Parallèlement, son petit frère, resté en Belgique, se fait endoctriner par un groupe de fanatiques religieux, installé en Europe et qui finit par l’embarquer en Syrie. Leur maman, magistralement interprétée par Lubna Azabal, désemparée, part chercher son fils cadet dans une Syrie, déchiquetée par la guerre.


Les frères belges se sont fait une place rapidement dans la Mecque du cinéma mondial en réalisant «Bad Boys 3», «Miss Marvel» ou prochainement «Batgirl». A travers ce long-métrage, les frères se ressourcent et reviennent aux origines, en optant pour un drame, inspiré de faits vécus, ayant eu lieu dans leur pays d’origine, la Belgique. Ils décortiquent l’essence même de ce fléau, son emprise du corps et du mental des victimes, dans un Occident ciblé et peu immunisé de «l’Etat Islamique». Le film est fort d’une mise en scène attrayante et d’une direction d’acteurs maîtrisée : au fil de l’histoire, de nombreuses victimes sont disloqués par le terrorisme. Les ravages d’une idéologie meurtrière sont élégamment relatés, dans ce long-métrage qui parvient à allier langage corporel, danse, musique, arts et violences inouïes, causées par l’E.I.


Des scènes chorégraphiques et de chant ponctuent le film sur 2 heures 15 d’horreur, agissant ainsi comme des intermèdes qui laissent respirer le spectateur dans ce chaos narré… Ces mêmes intermèdes qui ennuient, donnant lieu à une production qui oscille, entre musique et drame sur grand écran : Un «Rebel», Ovni.


Ce spectacle sur grand écran reste esthétique certes, mais se noye dans une horreur redondante, vue et revue et qui reste peu en phase avec l’actualité mondiale. «Rebel» fait surgir des mots enfouis, des douleurs physiques et des blessures de l’âme. Des prouesses filmées font également l’éclat de «Rebel», à travers des plans –séquences de guerre, saisissants de terreur, sublimés d’affrontements, d’exécutions et de tueries. Une horreur esthétisée qui panse un scénario peu original. A l’affiche du film, Aboubakr Bensaihi, Lubna Azabal et Amir el Arbi. Le film est distribué par Pathé BC Afrique en Tunisie et en Afrique.

«Rebel» d’Adil El Arbi et Bilall Fellah : Le terrorisme esthétisé
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