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Badiaa Bouhrizi et Oum au FIH : Deux voix féminines, une culture commune
REVIEWS & CRITIQUES8 / 5 / 2022

Badiaa Bouhrizi et Oum au FIH : Deux voix féminines, une culture commune

Deux têtes d’affiche maghrébines, l’une est tunisienne et la 2e est marocaine. Neysatou ou Badiaa Bouhrizi et Oum se sont emparées successivement de la scène du théâtre de plein-air de Hammamet pendant trois heures. De l’inédit et de la découverte pour le public présent.


« Kahru Musika » est le dernier opus en date de Badiaa Bouhrizi alias Neysatou. Sonorités nouvelles et rythmes immersifs ont retenti pendant toute la performance. L’artiste portait une brassière et une crinoline, et tenait une petite valise à la main : entrée sur scène intrigante qui annonce son nouvel album. Neysatou est une valeur sûre et locale de la scène alternative tunisienne, toujours en effervescence depuis la révolution. Pendant son passage scénique, elle chante des morceaux, tels que « Ya Leytani », « Munaquadha », «Mood » ou « Orkodh ». Ses prestations de « Limits of control » ou «Patch Mama » font réagir les spectateurs présents.


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Deux voix de femmes, des valeurs humaines et des batailles prônées, dans les deux patries, unies par une culture maghrébine commune. Leurs deux répertoires restent humains et universels.


Dans un rythme lent et long, « Oum », chanteuse marocaine engagée, prend la relève avec son quatuor de musiciens et instrumentalistes et entraîne le public dans un univers autre sur plus d’1h30 de live. « Oum » présente son 3e album « DABA », sorti depuis 2 mois. Elle l’a présenté sur scène au Maroc, et ce soir, c’est au tour du public tunisien de le découvrir. « DABA » signifie « Maintenant » ou le moment présent.


« Oum », à travers ses morceaux, invite son auditoire à la découverte : elle s’essaie à un nouveau genre musical, différent de ses deux albums précédents, et qui ont d’ailleurs fait son succès. « Daba » est un album beaucoup moins rythmé, aux textes ficelés et aux sonorités modernes, plus acoustiques et instrumentales. Une performance qui a convaincu certains, mais qui a lassé d’autres. Un registre nouveau, mais une prestation qui manque de peps, d’interaction, et des spectateurs restés sur leur faim, désireux d’écouter des morceaux anciens à succès.

Badiaa Bouhrizi et Oum au FIH : Deux voix féminines, une culture commune
« L’Orchestre National de Barbès » au FIH : Performance festive
REVIEWS & CRITIQUES8 / 3 / 2022

« L’Orchestre National de Barbès » au FIH : Performance festive

De la musique algérienne et des sonorités « gnawa » et occidentales font la richesse des chansons de l’Orchestre national de Barbès (ONB) depuis plus de 25 ans. Créé en 1995, le groupe se renouvelle, et sortira bientôt un nouvel album en 2023.


L’ONB s’est emparé de la scène du théâtre de plein air de la ville d’Hammamet durant la soirée du 31 juillet 2022. Ils étaient une dizaine sur scène à venir rencontrer leur public, à interagir avec les mélomanes présents et à les habiller de leurs sonorités. Les artistes–musiciens n’étaient pas revenus à Hammamet depuis 12 ans. Ils restent charmés par l’authenticité et la beauté de lieux et le font savoir au public tunisien sur scène et face aux journalistes. « Un retour magique : rien n’a changé depuis 12 ans, pas une ride ! », commente l’orchestre. L’ONB a 1.000 concerts à son actif, maintenus dans le monde. Leur empreinte musicale mêle sons de l’Afrique du Nord, comme le chaâbi, le raï, le gnawa, le rock, le reggae ou le ska cuivré.


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L’Orchestre national de Barbès fait la promotion de la richesse musicale maghrébine et la revisite autrement avec une touche moderne. Le groupe est composé de Mehdi Askeur à l’accordéon et au chant, Taoufik Mimouni au clavier et au chant, Kamel Tenfiche à la percussion et au chant, Youssef Boukella à la basse, Ahmed Bensidhoum à la ‘‘derbouka’’, Fathallah Ghoggal à la guitare, Maamoun Dehhane à la batterie, Khliff Miziallaoua à la batterie, Arnaud Forrestier au clavier et Basile Théoleyre à la trompette. Leur concert a duré plus d’une heure et demie : un concert fort de son interaction unique avec le public réceptif et connaisseur du répertoire de l’ONB.

« L’Orchestre National de Barbès » au FIH : Performance festive
« Los Van Van » au FIH : Une touche musicale cubaine
REVIEWS & CRITIQUES7 / 30 / 2022

« Los Van Van » au FIH : Une touche musicale cubaine

Une musique outre-Atlantique, venue de Cuba, a fait chanter et danser les Tunisiens pendant presque deux heures. Les membres de «Los Van Van» ont mis le feu à la scène du théâtre plein air de Hammamet dans le cadre de la 56e édition du FIH.


Les amoureux du tango, de la salsa et du flamenco étaient présents. D’autres, plus curieux, voulant juste partir à la découverte, ont savouré le concert. Quelques-uns ont dû quitter, trouvant le rythme assez redondant ou pas assez à leur goût. La soirée «Los Van Van» a opéré, tel un souffle musical nouveau, recherché, exotique. L’Amérique latine et spécialement la musique cubaine font voyager. Dès les premiers instants du concert, entre puissantes voix, mouvements, danse et une floraison de belles paroles adressée au public, une connexion forte entre artistes et spectateurs s’est aussitôt entretenue sur presque deux heures de musique.


Il y a à retenir ce langage des corps, des voix, des rythmes sonores, qui donnent lieu à une ambiance cubaine : cette atmosphère se vit sans forcément comprendre et les compliments des artistes et les chansons chantonnées en espagnol, et qui reste soutenue par le chœur des musiciens instrumentalistes présents également sur scène. «Los Van Van» existe depuis 1969 et n’a cessé de muter depuis, devenant une valeur sûre de la chanson latine à l’échelle locale, mais aussi à l’international. Sa musique est un mélange de timba et de salsa cubaines. Ce répertoire aux multiples dérivés musicaux est transmis grâce à la présence scénique unique des membres de ce groupe.


Les «Los Van Van» ont vu le jour grâce au bassiste-compositeur du groupe, le dénommé feu Juan Formell, de José Louis Quintana, connu sous le surnom «Chinguito» et de César «Pupy» Pedroso. Leur conflit phare a fait écho en 2018, depuis le décès de leur leader, Juan Formell, quelques années auparavant. L’album qui s’appelle «Legado» est une création discographique au succès considérable.

« Los Van Van » au FIH : Une touche musicale cubaine
« Son Lux » au FIH : Un lâcher-prise auditif
REVIEWS & CRITIQUES7 / 25 / 2022

« Son Lux » au FIH : Un lâcher-prise auditif

Le groupe américain «Son Lux» a posé ses valises le temps d’un concert à Hammamet, au théâtre plein-air de la ville. Un lieu qui leur a permis de mener à bout leur live, selon les dires de Ryan Lott, leader du groupe. En effet, «Son Lux» s’imprègne des lieux dans lesquels il joue pour créer.


Rythmes lents et doux, notes musicales qui effleurent l’esprit et éveillent les sens. Les membres du groupe «Son Lux» ont assuré leur performance sur 1h30 de temps. Une prouesse qui se vit pour un public amoureux de ce registre distingué. Ryan Lott au piano et au chant, Rafiq Bhatia à la guitare et Ian Chang à la batterie fusionnent habilement leur savoir-faire. Une complicité à l’origine de la création de ce trio. «Son Lux» est initialement un projet solo conçu par Ryan Lott, et qui est devenu célèbre grâce au morceau «Easy», bande originale du film «Mon Roi» de Maiwenn. Leur répertoire est expérimental, aux sonorités pop, psychédéliques, électro.


Le concert démarre sans sa présentation habituelle : consigne du groupe afin qu’il puisse garantir aux mélomanes présents une immersion rapide dans leur univers sonore. Le groupe a déjà de nombreuses créations sonores depuis son lancement : une dizaine d’albums et de LPI et des collaborations. Le cinéma s’inspire davantage de ses compositions (Ou c’est peut être le groupe qui se tourne de plus en plus vers le cinéma). La B.O. d’un film, sorti récemment, contient un morceau titré «Everything Everywhere All at Once» et tournera en ligne et sur les plateformes de streaming. Un track qui a d’ailleurs été joué en exclusivité pendant le concert afin de bien clôturer l’évènement.


«Nous sommes heureux d’avoir si bien été reçus en Tunisie. Nous espérons que notre savoir-faire a donné un résultat à la hauteur des attentes du public tunisien», a déclaré Ryan Lott, leader du groupe lors d’un point de presse. La musique de «Son Lux» prône la diversité et se veut intimiste, émotionnelle. Rafiq Bhatia, guitariste du groupe, est revenu sur l’importance de posséder une richesse musicale et ethnique. Un savoir-faire précieux qui sera systématiquement mis en œuvre pour créer musicalement. «Son Lux» s’est frayé un chemin propre à lui et sa prouesse en dit long sur son travail scénique poussé. Akacia production, booker de « Son Lux » et société de production prévoit de faire appel à d’autres artistes internationaux de renom : cet été, Faia Younen est programmée au festival de Tabarka et à Kasserine, Faraj Suleiman se produira sur la scène de Carthage le 27 juillet 2022. Dalal Abu Amnah, Marcel et Bachar Mar-Khalifé, Kurt Rosenwinkel assureront quelques soirées à venir du festival de Hammamet. Gultrah Sound System, Yuma, Ghalia ben Ali et LABESS sont également prévus. Le Festival de Hammamet enchaîne les artistes internationaux : la prochaine soirée est consacrée à Faouzia, idole montante d’une jeune génération de jeunes fans. Son concert est «Sold Out» depuis une dizaine de jours.

« Son Lux » au FIH : Un lâcher-prise auditif
Bab L’Bluz au FIH : Musique du monde
REVIEWS & CRITIQUES7 / 23 / 2022

Bab L’Bluz au FIH : Musique du monde

Ces musiciens rempilent en Tunisie pour un 2e concert en une année. Bab L’Bluz s’est emparé de la scène du théâtre de plein-air de Hammamet le temps d’une soirée haute en sonorités.


La première rencontre avec le public tunisien a eu lieu en mars 2022 au Kef, dans le cadre du Sicca Jazz. En été, ces mêmes artistes n’ont pas manqué de répondre à l’appel des programmateurs de la 56e édition du FIH. Une popularité grandissante du quatuor en Tunisie est en train de se créer, tout comme en France, ou au Maroc.


Maniant habilement une musique «Blues», «Gnawa», «Rock», «Jazz», «Hassaini» ou «Psychédélique», «Bab L’Bluz» a conquis le public présent. Yousra Mansour, leader du groupe, n’a cessé d’exprimer son enthousiasme et son bonheur d’être sur place à travers son art et sa présence magnétique sur scène.


Guitariste, et fondatrice du groupe, elle avait à ses côtés Brice Bottin, producteur et guitariste, Jérome Bartolomet et Hafidh Zouaoui. Le quatuor uni et harmonieux met en valeur le guembri, instrument riche d’une histoire africaine unique.


Entre rythmes plus lents, et d’autres plus soutenus, le groupe a fait vibrer la foule et devient générateur d’un répertoire propre à lui : ouvert sur le monde, universel et prônant des valeurs humaines. Des morceaux transcendés par une poésie féminine unique, forts de leur écriture ficelée. Des morceaux de l’album «Nayda» ont été chantés pendant tout le concert.


Oscillant entre patrimoine musical africain, entre traditions et modernisme, leur musique traverse et les cultures et le temps. D’autres instruments comme l’«aouicha» et la flûte se sont fait entendre. Bab L’Bluz s’inscrit dans une musique alternative foisonnante émanant des deux rives de la Méditerranée et qui puise son identité du continent africain et de sa richesse musicale.

Bab L’Bluz au FIH : Musique du monde
Adonis Band & Hayder Hamdi au FIC : L’alternatif à l‘honneur
REVIEWS & CRITIQUES7 / 21 / 2022

Adonis Band & Hayder Hamdi au FIC : L’alternatif à l‘honneur

Le FIC convie, en une seule soirée, une poignée d’artistes-musiciens, tisseurs de musique alternative tunisienne et libanaise. A l’honneur sur scène, le groupe libanais « Adonis », précédé par Hayder Hamdi et ses acolytes, artiste local montant de sa génération.


Entre romance, mots d’amour libanais, déclarations d’amour à la patrie, le groupe Adonis a conquis les fans majoritairement jeunes, présents dans l’enceinte de l’amphithéâtre de Carthage lors de la soirée du 19 juillet 2022, consacrée aux jeunes talents émergents tunisiens et libanais. Spectacle musical attractif par sa scénographie, puisée dans une maîtrise de la lumière et par l’aura et la présence de ce jeune quatuor, « Adonis » a interagi avec son public pendant une heure de temps sur scène en deuxième partie de soirée… laissant les fans les plus assidus sur leur faim.


Entre ballades amoureuses et rythmes chantant les aléas de la jeunesse libanaise, souvent sujettes à des tourments sociaux, politiques et économiques, leur « indie-pop » finit par toucher, un audtoire arabe, tunisien, voire occidental. Entre ancien registre, émanant de leur début et nouveaux morceaux musicaux écrits et parus plus récemment, le groupe a satisfait les attentes d’un public connaisseur peu nombreux. « Le bel Haki », « Bass bi Hal », « Al Khafif » et une reprise de l’iconique Fayrouz ont retenti pendant la soirée. Le groupe a commencé sa percée dans le monde musical depuis 2011, en prônant son appartenance à la patrie libanaise et en mettant en avant son identité. Les membres d’« Adonis » font de la musique alternative recherchée et disent suivre de près l’effervescence de la scène musicale tunisienne. Ils ne sont pas contre l’idée de collaborer avec des artistes tunisiens. « La musique adoucit notre quotidien, elle fait partie de nous-mêmes. Nous vivons de musique !», déclare Anthony, l’un des membres fondateurs du groupe lors d’un point de presse. Paroles adoucissantes d’un quatuor de virtuoses passionnés, composé par Anthony Khoury, Joey Abu Jawdeh, Gio Fikany et Nicola Hakim.


Le Liban est sans cesse secoué par des crises dont l’explosion de Beyrouth en 2021, pourtant le groupe ne cesse de chanter un registre souvent criant de vie et pétillant : une façon pour ses membres de lutter pour une existence plus apaisante et inspirée. Le groupe collabore sur des plateformes de streaming et d’écoute mondialement connues. Belle découverte programmée lors de la 56e édition du festival de Carthage.

Adonis Band & Hayder Hamdi au FIC : L’alternatif à l‘honneur
«Original Fusion» de Zouheir Gouja : Une immersion sonore nouvelle
REVIEWS & CRITIQUES7 / 18 / 2022

«Original Fusion» de Zouheir Gouja : Une immersion sonore nouvelle

Chorégraphies, chants, rythmes occidentaux et traditionnels ont fusionné dans «Original Fusion», dernière création de Zouheïr Gouja, réalisée pour le Festival international de Hammamet. Une 2e soirée découverte consacrée aux mélomanes.


«Mazij» ou «Original Fusion» se caractérise par la participation collective de musiciens, d’instrumentistes et de chanteurs. 100 min d’un spectacle, fort d’une scénographie, adapté à l’espace plein-air mythique de la ville d’Hammamet. La maîtrise de la sono et de la lumière prend d’assaut le public, emporté et réceptif. Un répertoire musical unique émane de Cette création menée par Zouheïr Gouja sur scène et son équipe.


«Original Fusion» est l’aboutissement d’un travail d’équipe qui a vu le jour dans le cadre d’une résidence d’artistes d’une durée de 9 mois, et qui a eu lieu au Centre culturel international d’Hammamet : Dar Sebastian. Le patrimoine musical ancien de la Tunisie a été ré-exploité à travers des sonorités modernes et électro, et enrichi par d’autres disciplines scéniques comme la danse.


«Mazij», titre en langue arabe, puise sa pertinence de cette recherche approfondie dans la genèse du patrimoine musical riche, existant aux quatre coins de la Tunisie. Un patrimoine musical ancien, aussi riche que le tunisien, doit être en premier lieu découvert par les Tunisiens avant d’être exporté dans le monde. Des Tunisiens qui restent peu connaisseurs de leur richesse musicale. La danse enrichit la transe scénique dans le spectacle «Mazij». Le spectacle est universel et se détache d’un contexte temporel précis. Il concilie l’histoire de la musique tunisienne avec son devenir et son présent. «Mazij» ou «Fusion» s’adresse à différentes générations. Son ouverture demeure son point fort.


Le Festival international de Hammamet a consacré la soirée suivante du 16 juillet 2022 à Sabry Mosbah, un des artistes les plus prolifiques de sa génération. Le musicien a toujours chanté son appartenance à sa patrie et son identité tunisienne à travers ses chansons et ses albums. Il a fusionné musique tunisienne rythmique, dialecte tunisien et sonorités occidentales.



«Original Fusion» de Zouheir Gouja : Une immersion sonore nouvelle
« Argu » de Omar Belkacemi et « Le marin des montagnes » de Karim Aïnouz : Deux quêtes libres
REVIEWS & CRITIQUES6 / 5 / 2022

« Argu » de Omar Belkacemi et « Le marin des montagnes » de Karim Aïnouz : Deux quêtes libres

« Argu » d’Omar Belkacemi (2021) et « Le marin des montagnes » de Karim Aïnouz (2022) sont représentatifs d’un cinéma algérien qui tire sa force de son lieu, son contexte. Hymnes à la culture amazigh, les deux longs métrages prônent différemment une culture locale riche et des décors naturels authentiques et abondants.


Poétiser vainement la fiction


« Argu » qui signifie « Rêve » en langue amazigh, est le titre du dernier long métrage d’Omar Belkacemi. Le titre révélateur raconte déjà son contexte. Koukou est le personnage du film : il ne fait pas partie du moult, et se distingue par rapport aux habitants de ce village kabyle perché sur les montagnes. Koukou a la vingtaine, il a un comportement différent à l’apparence différente. Sur cette base, un comité de sages décide de l’interner dans un hôpital psychiatrique. Un acte collectif violent qui incitera Mahmoud, frère de Koukou et professeur de philosophie à Bejaia d’intervenir pour sauver son frère.


Ce village rétrograde et conservateur est secoué par cette personnalité, jeune, fraîche, éprise de liberté, de savoir et de musique. Une personnalité perçue comme une menace pour la communauté. Son frère à l’esprit éclairé, et érudit s’en prend à ce conservatisme lourd et pesant. Les deux frères finissent par s’isoler du poids de ces traditions, des préjugés, et de la morale dans les décors naturels de cette région kabyle, riche de sa nature enveloppante. L’occasion pour les deux hommes de se ressourcer : de se sentir libres, de s’adonner à des rêveries à n’en plus finir, à de la poésie et de chanter des lendemains meilleurs, pleins d’espoir.


Les plans et les décors naturels enrichissent esthétiquement la trame principale du film, tout en dénonçant un village rongé par l’oppression de ces préceptes et de sa mentalité : un étau qui fait fuir tous les jeunes. La caméra de Belkacemi revient sur les traditions, us et coutumes locales. Elle valorise l’esthétique irréprochable du lieu, en dénonçant le poids du conservatisme émanant de ces villageois.


Dans une lenteur ponctuée par des passages poétiques frontalement énoncés, le réalisateur tient à filmer les travers, les interdits, les ressentis éprouvés par les personnages du film, et retire sa magie à un résultat final qui s’épuise doucement mais sûrement. Le film se termine sur une note d’espoir marquante, et marquée par un retour et par l’attachement à cette terre natale.


Déplacements géographiques, recherche de soi à travers un retour aux sources, traversées ou déambulations dans des lieux habités par la nature sont récurrents dans ces deux longs métrages, car même si le premier est une fiction, «Le marin des montages » de Karim Aïnouz est un documentaire qui puise dans les origines.


Traversée initiatique


« Le marin des montagnes » de Karim Aïnouz est un documentaire personnel raconté à la première personne, et relatant le retour au village natal algérien du père. Un doc qui s’inscrit dans la durée avec une caméra portée. Un récit vrai et non moins émotif venait de démarrer, filmé banalement au départ, à travers des prises captées au fur à mesure de son trajet. Le spectateur saisira, dès le départ, la portée initiatique du film, qui brille par son titre révélateur et antonymique.


A l’écoute des passages entonnés avec une voix off, celle du cinéaste, le spectateur fait la connaissance d’Iracema, sa mère disparue. Des mots qui racontent les racines diverses de l’auteur, né au Brésil et élevé par son père amazigh, Majid, en Algérie. Le personnage narrateur qui transporte le spectateur par sa voix et sa caméra se présente comme étant originaire et connaisseur de la Kabylie et à la fois voyageur venant d’un autre continent et d’une autre culture.


Il filme son périple à travers des prises et des plans fixes depuis le navire jusqu’à son arrivée immersive à Alger puis à la Kabylie, ce berceau historique lové dans une nature fascinante. Les personnes qu’il filme depuis le début de son parcours prennent spontanément vie sous ses yeux : elles gesticulent, s’adonnent à des rires à n’en plus finir, parlent au moment où l’on s’y attend le moins et au fur à mesure des rencontres intenses et humaines, le réalisateur est comme tiré vers son village natal. Sa rencontre avec son homonyme, un autre Karim Aïnouz dans le village, fait basculer le documentaire dans une narration autre et un rythme différent, mais tout aussi attachant et attractif. Une manière de filmer d’Aïnouz qui valorise cet accueil, voire cette inclusion au sein de cette famille qu’il ne connaissait pas. Filmer l’intime dans ce film est essentiel, oui mais ça finit par englober lieux, rencontres, cultures, et tout un pays. L’intime bascule vers un collectif tout aussi divers et émouvant. Le pouvoir de l’image est à son apogée dans le dernier film en date de Karim Aïnouz : l’image comme support de souvenirs, d’histoires, de vies.


Ces deux films ont été présentés successivement à la 4e édition de « Gabès Cinéma Fen » et discutés longuement dans le cadre d’un atelier critique animé par Saad Chakali et Alexia Roux, deux critiques et spécialistes du 7e Art.*

« Argu » de Omar Belkacemi et « Le marin des montagnes » de Karim Aïnouz : Deux quêtes libres
Vient de paraître | « La Tunisie, 3.000 ans d’histoire en 120 dates » de Lamia Karray : Un bond dans le temps
REVIEWS & CRITIQUES6 / 1 / 2022

Vient de paraître | « La Tunisie, 3.000 ans d’histoire en 120 dates » de Lamia Karray : Un bond dans le temps

Au fil des 120 dates et événements historiques qui ont fait et défait l’histoire de la Tunisie sur 3.000 ans, Lamia Karray, conférencière et autrice de cet ouvrage utile, actuellement en vente, offre à son lectorat un bond dans le temps.


Voici un ouvrage nécessaire de 170 pages qui se lit d’une seule traite. Des pages ponctuées de dates-clés et d’illustrations enrichissent son contenu et retiennent l’attention du lecteur de bout en bout. Après la parution de « Révolution et après ? » en 2011 et « Un Etat islamique peut-il être démocratique ? » en 2015, Lamia Karray revient sur l’histoire de son pays dans son dernier livre en date, publié à compte d’auteur, avec comme couverture le mythique port punique de Carthage. Une couverture qui en dit long sur les chapitres du livre, tous plus instructifs les uns que les autres.


Méthodique et ludique, ce livre plonge le lecteur dans un savoir riche, d’une manière simplifiée et à la portée, et lui permet de s’acquérir d’outils utiles pour retenir l’essentiel. Toutes les périodes cruciales qui ont secoué la Tunisie sont classées par ordre chronologique en remontant aux origines jusqu’à l’Indépendance. Les encadrés ne manquent pas : ils mettent en valeur les personnages historiques phares, les dates les plus marquantes dans l’histoire du pays et les diverses et nombreuses civilisations et culture qui ont fait « d’Africa » un carrefour civilisationnel unique.


On ne tardera pas à savoir, dès le début du livre, que la Tunisie, sur 3.000 ans, a été préhistorique, berbère, punique, romaine, vandale, byzantine, omayade, abbasside, aghlabide, fatimide, ziride, almohade, hafside, ottomane, beylicale, française et post-indépendante. Il n’y a point d’avenir, sans une valorisation, une sauvegarde la mémoire collective et de l’histoire d’un peuple. Il est actuellement disponible dans les librairies du Grand-Tunis et des grandes villes.

Vient de paraître | « La Tunisie, 3.000 ans d’histoire en 120 dates » de Lamia Karray : Un bond dans le temps
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