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Le plasticien et marcheur Ridha Dhib : «Le territoire se traverse et se vit»
ENTRETIENS9 / 10 / 2019

Le plasticien et marcheur Ridha Dhib : «Le territoire se traverse et se vit»

La traversée de 3.000 km à pied de Ridha Dhib a suscité curiosité et intérêt pendant l’été. De Paris à Sousse, retour sur un itinéraire artistique marquant. L’artiste marcheur a concrétisé cette performance à l’institut Français de Tunisie le 9 septembre dans le cadre d’un finissage intitulé «ID’BA Projet hor-l-zons». Au gré des 106 étapes, et à l’aide d’une boussole performante en réalité augmentée, Ridha Dhib est parvenu à créer ce trait d’union entre la France et la Tunisie. Bienvenue dans les coulisses de cette immigration inversée hautement symbolique.


Tout d’abord, on va se focaliser sur ce fameux déclic : comment est née «cette idée de la Marche»?

La marche fait partie de mon travail et de ma démarche depuis quelques années : depuis l’avènement du numérique, on peut en effet, obtenir une trace de ce qu’on peut accomplir. Cet intérêt a vu le jour depuis une quinzaine d’années. Pour revenir sur cette performance, en tant que Tunisien : je me questionne. Cette ligne, cette traversée de la France jusqu’en Tunisie en passant par l’Italie a été un trait d’union. Sur le chemin, ce sont les rencontres qui m’ont marqué : je suis fils d’immigré et l’inattendu était stimulant. Cette démarche, cette expression par le corps, mon corps était de l’ordre de l’inconscient, de l’impensé. Je prenais en compte la misère économique, qu’on peut ressentir du nord au sud, par exemple. En France et en Italie, les gens me recevaient et m’accompagnaient. Je me suis dit qu’il faut faire l’itinéraire de cette immigration à l’envers, du nord au sud. Certains passants, des villageois, ne voient pas de touristes, ni d’immigrés, ni d’européens : ils voient leur semblable, un être humain. Ce chemin est une nécessité éthique de le faire à l’envers. Le territoire, ça se traverse et ça se vit.


En parlant, vous vous focalisez davantage sur l’Italie que la France. Pourquoi ?

En Italie, c’était la partie la plus balisée. C’était l’imprévu et c’était aussi la partie la plus longue.


Comment expliquez-vous l’hospitalité de toutes celles et ceux qui vous ont accueilli ? Est-ce que c’est dû à votre apparence ou à votre aura méditerranéenne ?

Je me vois déjà défavorisé des autres. Dans le sud, ils ont l’habitude des passants. Dans mon cas, il y a une bizarrerie, dans «comment je suis», «Ma manière d’être» dans mon énergie : je trace une ligne, je suis presque une ligne : on voit une certaine énergie qui passe : je suscite la curiosité, il y a le respect de la performance et par conséquent de la personne qui la porte.

Étape 91 Villa San Giovanni Venetico Marina  sur le bateau vers la Sicile.jpg

De Paris à Palerme, en arrivant à Tunis : c’est l’immigration inversée. Comment était le contact avec les gens ? On voudrait en savoir plus sur cette diversité humaine que vous avez sûrement croisée en chemin d’une région à une autre.

J’ai été hébergé dans des monastères, des couvents : à aucun moment, la question de l’appartenance, ou de la religion par exemple, s’est posée mais une fois, je me suis retrouvé chez des prêtres issus de toutes les nationalités : ils m’ont demandé quelle était ma religion, j’ai dit que j’étais athée, mais ça ne les a pas empêchés de bien me traiter. 99% de mes rencontres se sont très bien passées —pour ne pas dire 100% : ce 1%, c’est la part des anges— (rire). Dès qu’on échange un peu, c’est la question de la performance qui prend le dessus : son sens, son message, qui a impacté toutes les rencontres. Les gens c’est des degrés, des variétés, j’ai rencontré des gens peu ouverts dans des patelins très isolés notamment dans le sud de la France. Mais j’annonce la couleur et je leur explique ce que je fais. Cette rencontre avec mes semblables s’est toujours bien passée quand je me présente. J’ai fait pas mal de bords de route également.


Avez-vous rencontré des problèmes ? Avez-vous eu des mésaventures ?

Les chiens, ce sont ceux que j’ai rencontrés le plus (rire). Et à Palerme, sur une petite plage, j’ai commencé à filmer et j’ai aussitôt été entouré de mafieux qui se sont sentis menacés et qui ont tenu à ce que je leur montre ce que j’avais filmé. C’est juste ça, mais pour le reste, franchement… tout s’est bien passé et je suis agréablement surpris !


Parlez-nous de votre condition physique ?

Je suis sur une moyenne de 33 km par jour depuis mon départ de Paris, et en Italie, j’ai pu atteindre les 40 km. J’ai des barres de céréales sur moi et de l’eau. Je bois beaucoup d’eau jusqu’à 6 ou 7 litres. En Tunisie, j’ai fait Tunis, Grombalia, Hammamet, Ennfidha, Hergla et Sousse.


Votre performance est née de cette ligne directrice que vous avez décidé de traverser. On aimerait que vous nous éclairiez davantage d’un point de vue artistique sur les arrêts que vous effectuez…

Ce sont des points de liaison et quand je construis les étapes, je cherche les distances les plus raisonnables pour un marcheur : il y a plusieurs paramètres, celui du logement, de la distance… Ces arrêts, ce ne sont pas une coupure de la marche. Il y a de points morts : le rythme s’atténue mais il n’y a pas de coupures, il ne s’agit pas de rupture. C’est une variation d’intensité plutôt qu’un rapport de rupture. L’idée est que cette ligne doit être fluide dans les deux sens.


Derrière cette performance sportive, comment pouvez-vous nous expliquer davantage la dimension artistique, philosophique et sociétale derrière, qui reste peu saisissable ?

Tracer une ligne dans le temps, c’est presque de la géologie de l’image. Reconstituer cette ligne à partir de morceaux de paysages et d’images prises, c’est ce qui est fait. Il s’agit d’un dispositif. Je me réfère à toutes ces images prises qui font l’objet d’une exposition. Ce travail se réfère à une carte stellaire. Il y a des vidéos projetées et des images et de cette dimension artistique s’est reconstitué ainsi cet itinéraire, cette ligne. C’est un travail sur l’image. L’exposition à l’Institut Français est l’apothéose de cette performance.



Le plasticien et marcheur Ridha Dhib : «Le territoire se traverse et se vit»
Becem Ben Othman , artiste peintre et Designer : Créateur subversif
ENTRETIENS8 / 24 / 2019

Becem Ben Othman , artiste peintre et Designer : Créateur subversif

Surréaliste, saisissant … L’art pictural de Becem Ben Othman plonge à la fois les férus d’art moderne, de vêtements décalés, et les mordus de pop-culture dans un univers sombre, intrigant mais qui reste à la pointe de la tendance. Cet imaginaire, visible sur des tableaux ou des vêtements, fusionne mythologie, renaissance, expressionnisme, surréalisme et culture mainstream.


L’artiste a été bercé depuis son jeune âge par la poésie, les œuvres de Picasso et les livres d’art. Sa vision décalée du monde est faite de mystère, d’irrationnel et prend vie sur ses premières œuvres. Sa découverte du surréalisme a affiné ses tableaux … jusqu’à nos jours. Récemment, il revient en designer distingué : Avec « MaximVs » (Prononcé MaximUs), le créateur est parvenu à centraliser tout son univers. Il s’agit d’une appellation recherchée qui émane de l’époque romaine et du langage latin et fait référence à une création d’habits singulière, propre à l’artiste et disponible en ligne et dans deux concepts Store. Bessem ben Othman est pluridisciplinaire : il est scénariste, peintre, a déjà à son actif un livre publié à compte d’auteur titré «Source, Mouvance, Apparence» : dedans, on peut découvrir ses tableaux qui y ont été soigneusement déclinés. L’artiste a déjà exposé dans les galeries d’arts et dans de nombreux espaces et possède plus de 200 tableaux et dessins. Trois questions s’imposent pour mieux cerner cet univers détonnant.


Tes dernières créations fusionnent art et mode. Comment s’est déroulée cette transition ?


L’idée a émergé avec ce boom d’ images sur les tee-shirts qui remonte déjà à quelques années. Chacun essayant de se distinguer tant bien que mal. Je me suis inspiré d’un imaginaire collectif pop, dont il tire sa source des médias, de la télé, du net, des films, des séries, des BD, de l’univers des super-héros tendance de Marvel, et du monde de l’art dans sa globalité. Au début, j’ai commencé à reprendre ce genre d’images, celles d’autres artistes, jusqu’à récemment, où j’ai commencé à utiliser mes propres images, mes propres œuvres picturales dont certaines qui ont déjà été exposées dans des galeries, et d’autres en cours de création. Au début, j’ai fait en sorte d’opter pour des images connues dans le but de toucher plus d’adhérents consommateurs. Commencer directement avec mes créations pouvait ne pas être du goût de tout le monde.


Quelles ont été tes inspirations artistiques ?


Je me suis inspiré du travail de Marcel DuChamp, peintre, plasticien, homme de lettres. A l‘époque d’Andy Warhol, il avait fait sensation à travers son art. L’artiste a pris La Joconde, et lui a ajouté des moustaches. (Pour ne citer que cet exemple parmi d’autres). Il a travesti en quelque sorte, des œuvres connues. En ce qui me concerne, j’ai opté par exemple pour des super-héros contemporain comme Iron Man et je les ai affichés sur des tee-shirts, passant de la sorte des tableaux aux pulls. C’est principalement l’influence pop-culture du xxe siècle qui m’a poussé à aller de l’avant. C’est une époque que je trouve d’ailleurs proche de celle de la mondialisation.

Les Dessins de Becem ben Othman (2).jpg

Des œuvres picturales aux vêtements, tes influences sont-elles les même ?


Pas vraiment. Pour les tableaux, j’allais plus loin. Mon intérêt pour d’autres époques se fait tout de suite sentir : je parle de périodes comme la Renaissance, l’expressionisme ensuite le surréalisme et des icones comme Salvadore Dali et d’autres. Finalement, il y a ceux issus du courant moderne. Je les ai explorés en tentant de combiner entre les différentes époques. J’estime qu’au final, j’ai pu atteindre un style minimaliste. Les nouveaux dessins sont moins encombrés avec moins de détails dus à ce modernisme pop.






Becem Ben Othman , artiste peintre et Designer : Créateur subversif
Oscar D’Leon : Sur des airs latinos !
REPORTAGES8 / 20 / 2019

Oscar D’Leon : Sur des airs latinos !

Les grands noms se bousculent mais ne se ressemblent pas ! Le roi de la salsa, de la kizomba et de la bachata, Ocar D’Leon, s’est emparé de la scène face à un public qui le connaît par cœur. Ambiance fraîche, importée de l’Amérique latine, ou extraite du patrimoine musical ou dansant de l’Espagne ou du Portugal, D’Leon s’est abattu sur la ville tel un ouragan, le temps d’une soirée.


Dans les gradins, que des silhouettes dansantes et déambulantes qui suivaient les rythmes des plus grands tubes de ce monument de la culture Salsa surnommé « El Leon de la Salsa » à l’image de ce qu’il a d’emblée réservé à son public tunisien, venu nombreux l’accueillir. Les spectateurs composés en grande majorité d’adeptes de la salsa, du Kizomba, ou de la Bachata ont arboré fièrement leurs connaissances et leur admiration pour cette vedette. Son répertoire était découpé, organisé et garni de sonorités latines, résultant de plus de 40 ans de carrière. L’artiste, grâce à son charisme attrayant, sa verve et sa présence scénique irréprochable, a charmé ses adeptes. L’interaction était de mise pendant toute la soirée. L’artiste, relativement âgé, a conquis petits et grands et n’a cessé d’exprimer son admiration pour la Tunisie et les Tunisiens. Talents et bonne humeur ont assuré ce concert jusqu’au bout.


Ils racontent des contrées lointaines


Argentine, Venezuela, Caraïbes, Amérique Latine, la musique de D’Leon et ses entractes permettent de voyager. «Lioraras» «Padre Y Hijo», «Ilhora» ou «Yo Quisera», autant de tubes chantonnés successivement qui racontent le quotidien de populations lointaines. Migration, esclavagisme, racisme de couleur, droit à la différence, ses textes prônent autant de valeurs humaines et ne manquent pas de profondeur. Sa carrière a duré plus de 40 ans et a avancé de pair avec son sens du militantisme. Pendant la soirée, il a présenté d’anciens et de nouveaux registres. Son talent n’a pas pris une ride. Parmi les spectateurs, de nombreux mélomanes admirateurs sont venus l’applaudir parce qu’ils le connaissaient certes, mais beaucoup étaient adeptes au quotidien des cours de Salsa et de Zumba et ont forcément connu ses airs en pratiquant leur passion. Ce concert inédit n’a pas laissé de marbre deux jours avant le passage d’un autre astre nommé Liz MaCcomb, diva du Jazz et du gospel. Le festival international se poursuivra et sont attendus Marouen Khoury, Amina Fakhet, l’Algerino, Souad Messi ou encore « Juif », pièce de théâtre de Hamadi Louhaiebi.

Oscar D’Leon : Sur des airs latinos !
Third World : Du son universel
REPORTAGES8 / 8 / 2019

Third World : Du son universel

Ces ambassadeurs du reggae ont fait vibrer un public venu nombreux les accueillir. Charismatiques, drôles, aux rires joviaux et à l’énergie détonante, les membres de « Third World » ont conquis le théâtre de Hammamet malgré les contraintes d’ordre politique qui ont failli les empêcher de se produire sur la scène de la 55e édition du Festival de Hammamet.


Ils ont atterri en Tunisie peu de temps avant le 25 juillet avant de repartir valider une autre date de concert et revenir aussitôt le 5 août. Pas le temps de chômer pour ce groupe à la notoriété irréprochable ! Le groupe référence dans l’univers du reggae possède une carrière exemplaire, faite de collaboration avec les plus grands calibres musicaux, citons Bob Marley, les Jackson 5 ou encore l’indétrônable Santana. En chiffres ? Plus de 40 ans de carrière, 30 albums à leur actif et 10 nominations aux Grammy Awards. Depuis 1973, ils ont su s’imposer sur la scène musicale mondiale, notamment grâce à leur mélange de genres musicaux particulièrement fort varié devenant ainsi des bêtes de scène, accessibles à toutes les cultures du monde, y compris la nôtre : leurs notes fusionnent reggae, pop, rock, funk, rap, dancehall ou encore R&B, de quoi s’enivrer pendant plus d’une heure et demie. Leur répertoire garni aux valeurs humanistes est présenté tel un langage universel.


La Jamaïque sur scène


Munis par plusieurs instruments, ils ont chanté sans arrêt à partir de 22h30 jusqu’à minuit. Saxophones, claviers, sons électroniques, percussions et autres… Un florilège de sons s’est emparé du théâtre de la ville. Mais pas que : jeux de lumière, habits colorés, lunettes bariolées et coiffures jamaïcaines, visuellement, ils attirent et misent beaucoup sur le show et l’aspect scénique. Leur point fort demeure leur énergie qui ne s’est pas dissipée depuis les années 70 ou 80 : « Third World » n’a pas pris une ride. Des tubes « 96° in the Shade » et « Try Jah Love » font toujours autant son succès. Leurs textes sont des hymnes à l’amour, à la vie et à l’union des peuples. Le 16 août aura lieu la sortie de leur nouvel album célébrant ainsi leur 45e anniversaire. Le band a chanté des reprises de Bob Marley, de «We found Love», en passant par «Now That We Found Love». «Third World» a même terminé sur une note de reprise appartenant aux monuments de la scène reggae mondiale, dirigés jusqu’au bout d’une main de fer par leur leader Stephen Coore.

Third World : Du son universel
Paroles en hommage au Président Béji Caïd Essebsi
PORTRAITS / PÊLE - MÊLE 7 / 27 / 2019

Paroles en hommage au Président Béji Caïd Essebsi

Sortir par la grande porte, enter dans l’Histoire…Ou simplement créer sa légende. Chacun de ceux qui l’ont connu aura une version propre .C’est peut-être cette bonhomie, jamais sans arrière-pensées, ou cet air de fausse légèreté face aux déboires du monde, ou parfois cette obsession de l’Etat… Son air de grand-père pour certains, ou son éloquence diplomatique pour d’autres, Mohamed Beji Caid Essebssi, El Béji, Bajbouj… L‘éternel président de tous les tunisiens, puisque premier à être élu démocratiquement..

Mort dans l’exercice de ses fonctions le 25 juillet, jour de la fête de la République…tout est là pour que la trace soit particulière, positive pour certains, ambivalente pour d’autres, nuancée toujours mais présente, incontournable. Il a été un Homme d’Etat, dans une Tunisie qu’il a rêvée, forte, qu’il a certainement aimée, parfois trop parfois mal, parfois autant qu’une mère parfois moins qu’un fils. L’heure du bilan n’a pas sonné et l’histoire a ses raisons et son propre filet. Une voix de jeune fille résonne dans une foule “ Bajbouj il love you, Bajbouj :”Met too », répondit-il comme un éternel message d’humour et d’amour à ce pays aimé profondément et sans relâche jusqu’ ‘au dernier souffle. Loin des communiqués plus ou moins froids des partis politiques, loin des déclarations de peines subites… C’est aux artistes que nous nous sommes adressés, aux intellectuels pour sonder au-delà de la surface, l’impact de cette disparition, pour un ultime adieu.


Ali Bannour -comédien et député

En tant que citoyen artiste et député. Je dis avant toute chose que BCE repose en paix. Toute sa vie durant, il était là, présent pendant les tournants politiques du pays : 2011, 2014, 2019… Ses positions face aux avancements de la loi électorale par exemple, sont claires. Il a agi en tant que chef de l’Etat, juriste, président de parti. Face à sa disparition, personne ne peut lui rapprocher quoi que ce soit de mauvais, à mon avis, c’est un moment de recueillement. Je suis contre toutes celles et ceux qui font des spéculations, qui insultent ou qui dénigrent. Ce n’est pas le moment. M.BCE a fait un passage extraordinaire, après la révolution jusqu’à nos jours. C’est un monsieur qui a été tout le temps présent, comme un vrai chef d’Etat. Il a pu avoir le consensus de tout le monde et a sauvé le pays en 2011, en 2014, et il le sauve maintenant après son décès : le plus important à retenir de tout cela, c’est cette transition, cette Tunisie qui vit sa transition démocratique, doucement mais sûrement. C’est son peuple, sa mentalité, sa politique qui restent exceptionnelles. Un peuple qui avance en ayant derrière lui l’effigie de Béji Caied Essebsi qui reste, sans doute, un symbole. J’ai beaucoup de respect pour ce monsieur. On peut ne peut pas être d’accord avec ses choix, mais c’est cela la démocratie. Les âmes malades sont à esquiver. Et il faut tenir bon. Ça continue, les institutions de l’Etat sont là, l’Etat aussi. Il faut avancer en acceptant le processus démocratique qui n’est pas facile à vivre.


Syhem Belkhodja -chorégraphe

Qu’il repose en paix ! On est toutes et tous très émus. C’est un grand monsieur et on comprendra plus tard ce qu’il a fait pour l’Histoire. Beaucoup de gens étaient malheureusement très négatifs par rapport à tout ce qu’il a entrepris. Mais maintenant il est mort et ils ont déjà commencé à crier ses louanges. Mais ce n’est pas cela le plus important : sa mort va réunir les Tunisiens autour de leur destin. Aujourd’hui, on va être les modernistes et on est en train de vivre les aventures d’une Tunisie démocratique. Je pense qu’il est sorti par la grande porte, le jour du 25 juillet. C’est symbolique ! Cette Tunisie est décidément bénie par tous les Dieux. Il y a une leçon à tirer : ce petit pays qui monte est encore clairement démocratique. C’est un appel à la jeunesse aujourd’hui car c’est le dernier papa qui part. Les Jeunes doivent prendre la relève et doivent être capables de diriger le pays avec le soutien de la société civile.Les grands Messieurs nous ont accompagnés, nous ont protégés, nous –mêmes on disait du mal de nos pères comme tous les complexes d’Œdipe et d’Electra qu’on peut avoir, ça arrive.Mais aujourd’hui, il faut avancer et on a qu’un mois et demi pour continuer à écrire l’Histoire de la Tunisie et de sa 3e République, dirigée par les jeunes avec un regard sur les jeunes, pour les jeunes.


Abdelhamid Bouchnak- cinéaste

Le jeune réalisateur, qui avec mélancolie raconte une génération qui a pu découvrir le sens de l‘Etat sous la présidence de Béji caïd Essebssi. A y voir de plus près,c’est certainement le premier président pour la génération d’Abdel Hamid,le premier élu,le plus réel ,et le plus proche “ j’avais l’impression de perdre une personne proche, je crois que c’était une figure du pouvoir de la proximité.Il a su gouverner ,mais il a surtout su toucher les coeurs des Tunisiens. Beji Caid Essbssi est également pour moi une figure de ce bourguibisme fantasmé. Personnellement c’est une époque qui me fascinait. Je me suis toujours demandé si cette politique de Béji Caid Essebssi est un reflet du Bourguibisme alors qu’est-ce que la version originale aurait donné?Un âge d’or manqué certainement. Je pense que ce qui reste aujourd’hui de lui, c ‘est cette sublime leçon de persévérance, de foi en soi… Ne jamais baisser les bras c‘est la plus belle leçon que je retiens de lui qui à 92 ans devient et meurt en éternel président. Un personnage presque de fiction pourtant vrai et tellement ancré dans la réalité. Hier sa mort a de nouveau réuni les incompatibles, autour d’une idée plus grande que les hommes, celle de la Tunisie. Paix à son âme”.


Adnen Chaouachi -chanteur compositeur

La voix tendre et douce, un artiste à fleur de peau, discret généreux, avec émotion vraie, sans emphase, la voix voilée nous a accueillis dans sa peine de citoyen : ”Ce n’est pas l’artiste qui parle, je suis face à cette perte comme tous les Tunisiens peinés. C’est une grande perte. Tristesse et émotion. Le peuple et la Nation Tunisienne perdent un homme d’Etat, exceptionnel, qui a travaillé jusqu’à la fin et donné ce qu’il a pu au pays. Je garde de lui le souvenir de celui qui a essayé de réconcilier et d’unir. Difficile de le dissocier de la Tunisie aujourd’hui, je pense que tous ceux qui aiment la Tunisie partagent la peine de sa perte, mais ce pays est riche d ‘hommes et de femmes qui prendront le relais. Il nous aura laissé quelques belles leçons, la persévérance, et le sens de l‘Etat”.


Propos recuillis par Amel Douja Dhaouadi et Haithem Haouel

Paroles en hommage au Président Béji Caïd Essebsi
« Salut Salon» à la 55e édition à Hammamet : Un quatuor féminin virtuose
REPORTAGES7 / 26 / 2019

« Salut Salon» à la 55e édition à Hammamet : Un quatuor féminin virtuose

Elles jouent toujours à guichets fermés en Europe, et à Hammamet le Quatuor féminin au nom insolite «Salut Salon» n’a pas manqué de faire des vagues…


«Salut Salon» s’est érigé en valeur sûre de la scène musicale internationale : les 4 musiciennes ont conquis les Etats-Unis, l’Asie et ont écumé les scènes musicales européennes avant d’opter pour l’Afrique du Nord et plus précisément le Festival International de Hammamet. Récemment, leur tournée «Carnaval Fantasy» les a propulsées sur le devant de la scène.

Le quatuor vient tout droit d’Hambourg et est composé de 4 musiciennes allemandes : Agelika Bachmann et Iris Siegfried au violon, Ann-Monika Von Twardowski au piano et Sonja Lena Schmid au violoncelle. Toutes les quatre se sont emparées pendant presque 1h30 de la scène devant un public venu découvrir cette prouesse musicale qui s’annonçait d’emblée exceptionnelle.

Leur concert tourne en dérision les codes de la musique classique et carrée du XIXe et du XXe siècles : elles jouent habilement du répertoire de Rachmaninov, celui de Vivaldi, Bach, Prokofiev ou encore Mozart … en alternant, bien entendu, avec leurs propres morceaux, des thèmes cinéma classiques, le Tango Nuevo d’Astor Piazolla et les musiques du monde. Leur spectacle, comme partout dans le monde, se vit si légèrement : il est saupoudré d’une dose d’humour et ponctué de réflexion poétique sur la vie, la joie, le rire … «Salut Salon» jouit d’un répertoire classique et le maîtrise à la perfection. Mieux, le quartet transgresse les codes du classicisme et y insuffle une dose d’humanité et de textes qui chantent la vie et l’amour comme celle qui a fait bouger la foule «Liebe, Love Amour». La présence scénique de ces 4 filles à l’aspect hippie, va de pair avec l’énergie si apaisante et drôle qui a régné pendant toute la soirée. Elles ont aussi chantonné du finlandais, de la pop chinoise et ont concocté un répertoire fort divers. Ce groupe a su manier les notes pour un public réceptif toujours aux aguets et à la recherche d’échappées sonores inédites.

« Salut Salon» à la 55e édition à Hammamet : Un quatuor féminin virtuose
Charlotte Cardin & Myrath : A guichets fermés
REPORTAGES7 / 24 / 2019

Charlotte Cardin & Myrath : A guichets fermés

L’été 2019 à Hammamet est marqué par le passage sur la scène de la 55e édition du festival international de Hammamet de la Canadienne tant attendue Charlotte Cardin, précédée par le groupe de rock Myrath : un noyau qui ne cesse de se distinguer dans le monde


Deux jours d’intervalle ont séparé les deux tempêtes qui ont balayé la scène. Retour express sur les deux premiers Sold Out de la saison.


Divine Cardin !


Par un samedi caniculaire, les fans ont commencé à se rassembler en masse devant le théâtre de Hammamet dès 18h00. C’est encore tôt, me dites-vous … Mais non, c’est plutôt normal. Les festivaliers ont hâte de rencontrer leur idole qui n’est autre que la jeune et charmante Charlotte Cardin. La Canadienne de 24 ans ne cesse de briller dans le monde entier depuis plus de 4 ans. Sa carrière a explosé des suites de son passage dans l’émission canadienne «The Voice». Depuis, ce sont ses singles en solo qui l’ont catapultée sur la scène internationale. «Main Girl », «Dirty Dirty» ou encore «Big Boy», l’ont fait connaître. Trois heures d’attente, une file d’attente interminable, un dispositif sécuritaire «excessivement » mis en place, et la star a fini par s’emparer de la scène à 22h00 pile. Pétillante, très ouverte à l’échange avec son public, l’artiste n’a cessé de ponctuer ses chansons avec des anecdotes à elle, extraites de sa vie personnelle, relatée et saupoudrée par des plaisanteries. L’atmosphère était détendue à souhait et Cardin a magnifiquement bercé son public en chantant tous ses morceaux phares. Ce jeune prodige, c’est une voix et un charisme exemplaires, qui a conquis un public européen et américain en un temps record. Elle s’est rapidement imposée sur la scène électro-pop européenne et sur les réseaux sociaux grâce à son talent hors-pair et ses compositions distinguées. Ses reprises font partie intégrante de son répertoire épuré.

Lors de sa prestation, elle est passée de la voix au piano et a fait fondre son public hystérique en chantant des morceaux comme «Faufile» ou «Les Jupes». Charlotte Cardin n’a cessé d’exprimer son émerveillement d’être à Hammamet et en Tunisie entre deux chansons. Elle a fait Sold Out en deux semaines. Le public l’aime et elle le lui a très bien rendu.


Du rock / métal progressif et distingué


Deux jours plus tôt, une tempête musicale, venue d’une autre dimension, totalement différente et distinguée, s’est abattue sur Hammamet. Les nombreux fans du groupe Myrath se sont eux aussi emparés des sièges du théâtre pour un live rock des plus détonants et inédits. Les membres du groupe aux 1.000 concerts dans le monde ont concocté pour leur public : fresques, VG, effets sonores et lumières attrayantes, show et un répertoire nouveau titré «Shehili». Les festivaliers composés majoritairement de jeunes adeptes de leur univers étaient aux aguets pour découvrir les nouveautés promises. Leur musique est teintée de tunisianité, mélange de rock, métal, oriental, folklorique propre à eux. Leurs costumes allaient parfaitement avec le tableau scénique. Comme à l’accoutumée, leur spectacle a été enrichi par la performance de danse orientale remarquable de la Géorgienne Héléna. Ils ont commencé par une intro qui renvoie aux origines musicales du groupe «Asl», cet air, venu du désert, a capté l’attention du public. Ils ont enchaîné avec des titres comme «Mersal», «Lily Tawil» ou «Born To Survive». Le chanteur et également aux claviers Elias Bouchoucha, Zaher Zorgati au chant aussi, Malik Ben Arabia à la guitare, le bassiste Anis Jouini et Morgan Berthet à la batterie ont également servi des morceaux comme «End the Silence» et «Shehili». Le concert a duré 2 heures et a scellé les liens entre le groupe, qui est une valeur sûre en Tunisie et dans le monde entier et son public toujours aussi nombreux. Son style musical évolue et passe de la pop symphonique au rock / métal progressif et mélangé à des sonorités différentes. Ce n’est pas pour rien que « Myrath » est un label à part actuellement aux Etats-Unis.

Charlotte Cardin & Myrath : A guichets fermés
4e édition du Fairground Festival : L’électro engagé
REPORTAGES7 / 17 / 2019

4e édition du Fairground Festival : L’électro engagé

Vers la fin de la seconde décade de juillet, Sousse, pour la 4e année consécutive, arborera son festival de musique électronique, érigé depuis plus de deux ans comme l’un des évènements majeurs des scènes électroniques maghrébine et africaine. Le démarrage du Fairground Festival aura lieu les 19 et 20 juillet, à Sidi Bou Ali, une localité située à une dizaine de km du port Kantaoui.


L’évènement ne se veut pas être un rendez-vous de sons électro seulement, l’équipe a, cette année, décidé de promouvoir la culture amazigh, de s’ouvrir sur des activités inédites mais surtout de s’engager écologiquement.


Plus de 8.000 festivaliers tunisiens et étrangers sont attendus à l’Eco-village de Sidi Bou Ali, à Sousse. Pendant 48h, ils profiteront d’un Line–Up musical exceptionnel, d’exhibitions artistiques inédites et d’arts visuels. L’ouverture des portes de ce site écologique exceptionnel en Tunisie est programmé en fin d’après midi, le vendredi du 19 juillet. Les festivaliers pourront camper sur place, louer des dômes, qui ont été épuisés en moins de 2h, depuis leur mise en ligne pour location. En quelques jours, plus de 2500 tickets ont été vendus, à des prix peu abordables, mais présentés dans des formules alléchantes de logement, déplacement, et programme du festival.


Artistiquement décapant


Dans la première semaine de juillet, l’équipe du festival a fait appel à une poignée de journalistes pour un point de presse pas comme les autres, totalement inédit et à l’image du festival. Toutes et tous se sont donné rendez-vous à Takrouna à Sousse. Le café mythique de ce village berbère situé en haut de la montagne a abrité pendant une après-midi et jusqu’au coucher de soleil un set exceptionnel de «Boti», jeune artiste tunisien, suivi d’un point de presse d’une heure pour dévoiler les dessous du Fairground 2019. 36 artistes tunisiens et internationaux répondront présents, et seront dispatchés sur deux scènes : les festivaliers pourront profiter de 12 live acts. La première scène géante accueillera des pointures de la scène électronique mondiale comme Recondite, DJ Tennis, Artbat, Hvob, Luigi Madonna, Giorgia Angiuli, Animal Picnic, B2B, Marino Canal, Benjemy & Lola, une nouvelle aventure sonore créée par le Tunisien Ahmed Benjemy, Jan Blomqvist, Olivan Pandhora, Tantsui et Shaman. La seconde scène sera consacrée aux artistes tunisiens Hazem Berrebah, DJ Pila, Khaled Mrabet, Lo-Koality, Melkart, Saif Touati, Mahdi Garnaoui, Vodoom, Astrid, Anemoia, Boti, bien entendu, Vulum, Malek Mestiri, Redsea, Hearthug, Saray, Kasbah, Artgate, Bipolair et Mult Not-Lebled. La scène géante qui s’étend sur 300 m2 sera en VG et sera suffisamment équipée pour permettre à des acrobates professionnels, danseurs et performeurs de faire leur show. La seconde scène, minimaliste, plus discrète, intimiste servira de vitrine à nos artistes nationaux de la scène électronique tunisienne, toutes celles et ceux qui font et défont les nuits nocturnes.


De l’électro écolo !


Les chiffres reflètent l’impact positif que peut avoir le Fairground sur l’économie du pays mais surtout sur le secteur touristique : il s’ouvre sur le monde, se veut être qualitatif mais promeut également la région, ses caractéristiques et sa richesse historique. Le Fairground se consacre aussi à la protection de l’environnement et à la lutte contre les déchets sous le slogan «We Go Green». Pour l’équipe et depuis la genèse du festival, faire la fête écolo est une priorité, déclinée en une charte écoresponsable pour un challenge « Zéro déchet ». Cette année, ils en font un objectif primaire en faisant appel à un organisme montant de la société civile connu sous le nom de «Tunisian Campers», formé par un trio de jeunes activistes écolo qui se consacrent à la protection environnemental. Ils sont leaders et pionniers dans la promotion de l’écotourisme et du tourisme sportif. Grâce à leur coopération, ils feront des festivaliers participants des citoyens responsables, et sensibles à la protection de leur environnement. Une occasion de initier à la culture verte, aux réflexes de tous les jours pour sensibiliser à la sauvegarde la nature. Le festival permettra sur ce site d’accueillir 500 campeurs, il sera doté de douches, de WC, de casiers de rangement et de cabines sanitaires. La sécurité est également renforcée. Une «pool side», des séances de yoga et de méditation, le souk des créateurs, une game zone et une zone de détente «chill» à la thématique berbère pour se déconnecter, seront mis en place pour garantir une expérience sensorielle inédite. La scène électronique renait, et s’apprête encore à faire parler d’elle: des évènements comme le retour des « Dunes électroniques» à Tozeur ou «Fabrika», prévu en octobre à Hammamet, sont d’ores et déjà très attendus.

4e édition du Fairground Festival : L’électro engagé
Jeunesse tunisienne et vacances d’été: les vacances à tout prix
REPORTAGES7 / 14 / 2019

Jeunesse tunisienne et vacances d’été: les vacances à tout prix

Qui a dit qu’été rimait avec oisiveté pour les jeunes de 20-35 ans ? Lessivés par l’année universitaire pour la plupart, ils / elles prennent le temps de décompresser, se détendre et s’occupent autrement pendant la nuit. Une chose est sûre : les longues journées chaudes et les courtes soirées d’été ne connaissent point de répit.


Eté va de pair avec fêtes


Recherche costumes kitch désespérément, coups de fil à la pelle, préparatifs à la hâte pendant un lundi. En ce début de soirée, Molka, 27 ans, s’arrange tant bien que mal avec ses amis pour ne pas rater un événement festif pas comme les autres du côté de la banlieue nord de Tunis : il s’agit d’une soirée kitch des années 80/90 où sont attendues près de 400 personnes dans un temple de la nuit très prisé. Nejib Belkadhi est aux platines pour leur faire vivre un bond musical dans le temps : le déguisement ou l’habit kitch est obligatoire s’il vous plaît, et on ne peut pas dire que les conviés n’y sont pas allés de mainmorte : toutes et tous étaient aux aguets pour vivre le moment présent et prêts à faire la fête pendant une bonne partie de la nuit. Demain, c’est lundi, la plupart travaillent, d’autres feront sans doute la grasse matinée. Mais ce n’est guère grave, l’important est de vivre le moment présent. Voici un aperçu de ce que peut vivre une partie de la jeunesse tunisienne, qui a soif de quotidien gai et d’ondes positives, dans un climat actuel politique et sécuritaire tendu pour la plupart. La fête pour déstresser et se détendre oui, mais, pour beaucoup, faire la fête devient aussi une manière de résister aux affres des temps durs, et valider ses vacances en Tunisie reste primordial malgré tout, quand on ne peut pas s’offrir un voyage à l’étranger.


En mode foot !


Simultanément, les endroits avoisinants et d’autres éparpillés partout ailleurs regorgent aussi de jeunes mais pas du tout pour la même raison : l’été 2019 est vécu aux rythmes des parties de football interminables : la nation et le continent africain vivent en mode CAN. La Coupe d’Afrique des nations attise la foule : jeunes femmes et jeunes hommes passent parfois des après-midi entiers à attendre les matchs de la Tunisie, qui provoquent réactions collectives diverses et débats interminables. Une bonne partie de ces jeunes passionnés s’arrangent pour s’organiser un plan foot en groupe dans un endroit où il fait bon manger, ou déguster des boissons en même temps. Mieux, un endroit où il est possible de profiter de la plage, de la mer ou d’une piscine, ferait amplement l’affaire : entre deux mi-temps, l’idéal est de plonger, se rafraîchir par ce temps caniculaire. Le foot touche tout le monde : toutes classes sociales confondues. Même dans les cafés maures, populaires et partout sur le territoire tunisien ou dans le monde entier, le foot mobilise, rapproche fortement et incite à la consommation : Foued, 29 ans, ne rate pas une partie de football. Pendant toute la Coupe, sa table est réservée dans un café populaire situé dans son modeste quartier, son narguilé quotidien et son verre de thé sont installés quotidiennement sur sa table «réservée». Des amis le rejoignent ensuite pour des retrouvailles fréquentes et bruyantes : qui a déjà dit que le football était l’opium des peuples ? Ce n’est pas faux…


S’adonner à la consommation dans des endroits plaisants est très fréquent pendant l’été, peu importe le sexe, l’âge et la classe sociale. Consommer oui, mais pas aux mêmes degrés : s’offrir des cafés n’est pas comme partir en soirée, comme celle citée ci-haut, où il faudrait consacrer un budget précis si des jeunes voudraient s’y rendre beaucoup plus souvent.


Les festivals d’été, l’autre lubie


Toujours dans la même lignée des festivités, à partir du 10 juillet, place à la programmation attendue de la plupart des festivals tunisiens : Carthage débute le 11 juillet avec «Le Lac Des Cygnes» du ballet russe de Saint-Pétersbourg, tandis qu’à Hammamet, une première théâtrale attendue signée Jamel Madani ouvrira le bal : Il s’agit de «Messages de Liberté». De grandes personnalités sont programmées cet été comme à l’accoutumée : la tradition des festivals est en effet profondément ancrée dans les habitudes des jeunes pendant l’été. Mohamed et Manel, un couple de fiancés, ensemble depuis des années, ne se privent pas de soirées festives.


«On cherche des têtes d’affiches, des spectacles inédits, divertissants, de qualité, et on s’y prend à l’avance, côté budget : pour nous, voir le maximum de spectacles pendant l’été est obligatoire : ça nous permet de nous occuper, de partir à la découverte, de voyager à travers la musique et les arts, d’échanger et de rencontrer des gens. Après, on se rue vers le marchand de glace le plus proche, histoire de nous rafraîchir avant de rentrer», commente Manel en riant. Mohamed enchaîne : «Franchement, à quoi ça sert de passer ses nuits caniculaires enfermés chez soi, à dormir ou à flâner dans un café populaire, à jouer aux cartes et à parler de tout et de n’importe quoi avec n’importe qui, alors, qu’un peu plus loin, le quotidien peut être tellement trépidant, enrichissant?». Cette année, la plupart des gouvernorats vivent au rythme des festivals internationaux et locaux. De Sidi Bouzid à Bizerte, le peuple tunisien est gâté et sa jeunesse encore plus.


Partir à la découverte de nouveaux horizons


Pour un grand nombre de jeunes, partir en voyage en Tunisie ou à l’étranger est vital et ils s’y prennent à l’avance : congés pour les employés, fin de thèses et de soutenances validées avec succès pour d’autres, actuellement, place aux évasions.


A l’échelle locale, les maisons d’hôtes sont en vogue : s’évader de la vie urbaine stressante dans un coin isolé est le meilleur moyen pour beaucoup de se retrouver entre proches et de se couper du monde pendant une bonne période. Pourquoi les maisons d’hôtes ? : «Parce que le rapport qualité-prix est bien meilleur que de se retrouver dans un complexe hôtelier qui coûte trop cher pour pas grand-chose : trop souvent, on est déçu par le service qui laisse à désirer, la saleté et la clientèle bruyante et désagréable : on préfère payer pour se retrouver dans un endroit calme où on est sûr de bien profiter de ses moments en or entre nous, mieux que de prendre un risque aussi élevé de gâcher nos vacances dans un hôtel ailleurs.


Autant laisser les hôtels aux vacanciers de masse et aux étrangers qui adorent flâner dans des hôtels sans faire grand-chose d’autre!», commentent Sarah, Wiem et leur frère Sami. Agés de 24 à 28 ans, ils sont frères et sœurs et invitent chaque été cousins et amis dans une maison d’hôte, loin de la capitale et de leurs quartiers respectifs pour une évasion garantie. «S’il faut tout claquer, autant le faire dans un très bon plan et ne pas avoir de regrets après». D’autres s’accordent le voyage de l’année à l’étranger, mais pour y arriver, les économies sont de mise et il faut s’y prendre à l’avance, pendant l’année. «Il devient de plus en plus difficile de voyager de nos jours : ça coûte de plus en plus cher avec la dévaluation du dinar et les formalités du visa de plus en plus difficiles à faire pour des destinations européennes, asiatiques ou ailleurs», commente Salah, 30 ans, ingénieur, adepte de voyages divers depuis si longtemps qui cite : «Pour quelqu’un comme moi qui voyage depuis longtemps, on sent la différence : voyager n’est plus à la portée, hélas, mais je m’accroche. Ne pas m’offrir au moins un voyage par an me rendrait fou».


Le travail et les études n’empêchent pas les jeunes de nos jours de profiter pleinement des vacances d’été, chacun à sa manière, à son rythme, en couple, en solo, en groupe, entre collègues ou en famille, tout est question d’organisation et de moyens : en effet, tant que le porte-monnaie le permet, rien ne les empêche de croquer le mois de juillet et d’août à pleines dents.

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