Comment ré-esquisser sur grand écran «le Caire, la nuit» ? Le scénario en soi manque d’originalité, pour avoir été traité maintes fois dans de nombreux films, de différentes nationalités, le dernier long métrage en date d’Ahmed Abdallah, néanmoins, peut être considéré comme une comédie dramatique à l’humour intelligent.
Cette fiction, coproduite par l’Egypte et les Emirats Arabes Unis est une déambulation nocturne à bord d’un taxi dans un Caire la nuit, éveillé, qui ne dort jamais, mais qui demeure sombre et hostile. L’échappée commence quand un jeune réalisateur «Moe», issu d’une classe bourgeoise monte à bord d’un taxi et fait la connaissance du chauffeur «Mustapha», un homme d’un certain âge, charismatique, mais traditionnaliste aux idées carrées, et de «Toutou» une prostituée cairote dissimulée en apparence sous une chape de valeurs, d’habits discrets qui lui permettent de subvenir à ses besoins en toute discrétion, loin du regard inquisiteur d’un peuple ultraconservateur (du moins en apparence, le jour).
Contrairement à son apparence de sainte-nitouche et de son charme juvénile, la personnalité volcanique de cette jeune femme finira par égayer le parcours de cette nouvelle bande, liée par des inimitiés et qui aura le vertige à force de se prendre la tête et d’être confrontée aux aléas d’ «un Caire», autre, différent, peu connu du grand public… A moins d’y habiter et de le fréquenter de nuit. Lutte de classes, pauvreté, sexisme, patriarcat, violence… le tout est présenté sous une note d’humour léger, parfois noir, qui ne cesse de mettre en valeur le désarroi de Mou, totalement ébranlé par la complexité d’une existence qui, jusque-là, lui échappait totalement.
Le cinéma égyptien regorge de films qui dressent divers tableaux de la société égyptienne : du noir au tragique, en passant par la comédie et le burlesque, les cinéphiles ont toujours eu l’embarras du choix. Leurs feuilletons ramadanesques n’échappent d’ailleurs pas à la règle. «Exterior/Night», malgré un démarrage qui a tardé à se faire, un rapport entre les personnages pas facilement discernable au début, et une mise en abyme, celle d’un film qui nous donne un aperçu direct du tournage d’un autre film. Une fois la déroute des débuts passée, les acteurs Karim Kassem dans le rôle de Moe, Mona Hala (Toutou, la fille de joie) et Sherif El Deskoury dans le rôle de Mustapha, le taxiste, feront leurs preuves en interprétant des personnages attachants, qui vont devoir survivre à des mésaventures rocambolesques, qui questionnent le Caire d’aujourd’hui, loin des clichés et des prises de position politique. Ahmed Abdallah, son réalisateur, a remporté, lors des Journées cinématographiques de Carthage de 2010, le Tanit d’or pour son long métrage audacieux «Microphone». Le film a été distribué par Hakka Production est présenté à «Gabès Cinéma Fen» en mars 2019 en présence de son actrice principale Mona Hala.
Mehdi Cherif est un jeune Tunisien d’une vingtaine d’années. Son nom a retenti, avec la publication de son propre livre, publié à compte d’auteur, et intitulé “Réflexions d’un élève insoumis, ma contribution à la réforme de l’éducation”, toujours en vente. Depuis sa parution (fin 2017), la crise de l’enseignement s’est davantage aggravée, ce qui rend son contenu toujours d’actualité. Ce même (ancien élève) insoumis donne une vision globale de l’état actuel du système éducatif tunisien, mais propose aussi des solutions qu’il considère “personnelles” et totalement “subjectives”. Entretien.
Après avoir eu le bac, tu as carrément passé une année sabbatique pendant laquelle tu t’es consacré à l’écriture de ce livre. Quelles sont les raisons qui t’ont poussé à faire ce choix ?
C’est en premier lieu parce que j’ai beaucoup vécu à l’étranger (pas moins de 10 ans, cinq aux Etats–Unis et cinq en France) et, qu’une fois en Tunisie, j’ai fait partie du système français. Cela m’avait beaucoup dérangé, j’étais mal à l’aise et limité. J’ai échangé avec des élèves tunisiens issus de l’école publique, et il y avait cette fois où un garçon m’a confié qu’il m’enviait, car je faisais partie du système français. C’était le déclic pour moi ! Il a commencé à me décrire ses lacunes et celles de ses camarades, et comment se déroulait l’enseignement dans les établissements publics. C’est à ce moment que j’ai réalisé que j’avais, un énorme problème : j’étais complètement déconnecté de la réalité. C’était il y a 3 ou 4 ans ! Depuis, je me suis dit qu’il fallait faire quelque chose, en m’appuyant justement sur mon parcours personnel en tant qu’élève à l’étranger et issu du privé tunisien : ce sont des critères qui m’ont permis d’avoir du recul, une certaine neutralité et des réflexions qu’un élève du public n’aurait pas. Mais sur le plan personnel, tout ce que j’ai étudié ici était du déjà-vu pour moi, et je dois dire qu’être issu du système privé et français en Tunisie, c’est faire partie d’une bulle : c’est comme si tu ne vivais pas en Tunisie. Tu n’as pas d’idée sur la culture locale tunisienne, tu ne maîtrises pas bien la langue… J’ai mis une année pour m’intégrer pleinement dans la société tunisienne, découvrir ses rouages, sentir que je suis vraiment Tunisien, pas seulement sur les papiers ! Ailleurs, j’étais un étranger, mais en Tunisie, il ne fallait pas l’être. Je me suis fait un réseau de connaissances, je me suis donné à fond dans l’associatif, tout fait pour perfectionner mon arabe, entre autres. L’intégration était en cours.
As-tu écrit ce livre tout seul, ou est-ce que quelqu’un t’a aidé durant le processus ? Quelles ont été tes sources ?
Le livre, je l’ai écrit tout seul. Concernant les sources, il faut reconnaître qu’il y a un problème de bibliographie, pas du tout établie dans les règles de l’art. Je me suis basé sur mon expérience personnelle avec les acteurs de la sphère éducative tunisienne: j’ai rencontré des professeurs, énormément de lycéens, je suis parti dans les lycées, j’ai discuté avec des inspecteurs, des directeurs au ministère de l’Education… Ensuite, j’ai été mis en contact avec des organismes actifs dans la société civile, comme “Wallah we can”, le think tank Tunisie alternatives, etc. intellectuellement, ça m’a permis de développer mes réflexions et de bien façonner mes propos. Bien évidemment, j’ai consulté les statistiques officielles, dont celles du ministère de l’Education et je me suis renseigné sur le système éducatif américain et finlandais.
Tu soutiens qu’après avoir eu ton bac, tu t’es consacré à la vie associative. En quoi a consisté cette expérience associative ?
Au départ, j’ai ciblé l’entrepreneuriat. J’ai lancé « African Business Leaders », qui vise à travailler avec des étudiants subsahariens, mais qui s’est essoufflé après. J’ai participé à des concours et lancé également mon propre projet, « El Mech3al » qui n’existe plus : c’était une association qui avait pour but de mettre en contact les jeunes avec des décideurs, en les initiant ainsi à la prise de décision et à être plus actifs au sein de la société civile. Ensuite, j’ai fait un peu de radio, à Express Fm. J’ai également été le porte-parole de « Walah we can » et bien d’autres…
C’est en effet très riche, mais ce parcours n’a pas de rapport (du moins direct) avec l’éducation tunisienne…
Cet intérêt s’est développé précisément lorsque j’ai participé au Think tank Tunisie alternatives, de Mehdi Jomaâ (ancien chef de gouvernement de la Tunisie en 2014, Ndlr). Ils ont fait appel à moi pour faire partie d’un groupe de réflexion sur la culture et la réforme de l’éducation, et c’est d’ailleurs à travers cette expérience que j’ai été mis en contact avec des ministres, dont celui de l’éducation, en plus de « Wallah we can » et mon travail sur le terrain.
Comment quelqu’un qui n’a pas connu l’école publique tunisienne peut–il écrire un ouvrage qui traite de la réforme de l’éducation tunisienne ?
La situation était tellement grave qu’il fallait faire quelque chose immédiatement; or, l’élève tunisien n’a pas le temps de penser à ça : il a tout le temps des devoirs à préparer, des concours à réussir, des heures de cours à valider… Il est surmené : le système actuel supprime cet esprit critique. C’est d’ailleurs, une déduction qui m’a poussé à me consacrer à ce système forcément problématique, pour essayer d’y remédier, pendant toute une année.
Ce livre reflète-t-il les rêves que tu espères voir se réaliser, ou alors plutôt des suggestions concrètes pour le système éducatif ?
Deux grands axes sont exposés dans le livre : une présentation de l’état actuel de ce système éducatif, puis une exposition de ma vision personnelle du système idéal. Je dis ce que je ferais si j’avais la possibilité de changer les choses, en proposant des solutions concrètes.
Quel effet espères-tu produire avec ce livre ?
J’espère qu’il va avoir un impact symbolique, qu’il poussera les premiers concernés, c’est-à-dire les élèves à agir. Ce n’est pas parce qu’ils n’ont pas un parcours académique remarquable ou qu’ils ne tiennent pas de discours bien structurés qu’il faut les empêcher de s’exprimer ou les ignorer. Ces élèves ont des revendications, des idées à véhiculer. Il faut les écouter. Ce que j’ai communiqué à travers ce livre, c’est une vision très subjective qui parle de mon système idéal à moi, et à moi seul. Une proposition qui incitera, peut-être, les décideurs à agir et à le prendre en considération.
Interminable attente, curiosité et … crainte. Voici l’état d’esprit d’un voyageur lambda sur le point de dépasser une frontière qui sépare deux pays. Le lieu ? Une salle d’embarquement ou de transit. Le temps ? Celui d’un décollage… qui va tarder à se faire.
Une suspension dans le temps et l’attente interminable dans une salle de transit. Pas si simple de sillonner le monde, peu importe la nationalité, la destination, la raison derrière ce voyage… Trois personnes verront le cours de leur vie se faire ou se défaire par un agent de la douane dans un aéroport. L’attente est longue et elle se fait sentir… Les voyageurs se retrouvent confrontés à des questionnaires, une fouille minutieuse, une paperasse insurmontable, à contrôler ou à revoir et se heurtent à des barrières tenaces, parfois infranchissables. Pourquoi certains aéroports génèrent-ils autant d’attente et de réticences ? Le silence est devenu assourdissant à force d’attendre. Comme suspendue dans le temps, la déroute s’est finalement emparée de tout le monde : spectateurs présents et voyageurs protagonistes sur le point d’embarquer.
La pièce traite des restrictions imposées par les Etats du monde pour empêcher les individus de se déplacer, une manière autre aussi de les tracer. Un droit élémentaire humain souvent bafoué par les autorités.
La création introduit d’avance son public dans son cadre spatial : une salle de transit reconstituée à l’extérieur de la salle d’El Teatro, des billets d’avion pour tous les invités en guise de tickets d’entrée, une destination baptisée «Une ville dans le monde»…Au début, cette pièce se laisse désirer et se veut interactive. Quant au voyage, il s’annonce trépidant pour le public, et mouvementé pour les voyageurs sur scène. Le silence est langage et c’est ce qui a plané pendant tout le spectacle. Des bribes de phrases et des bruits ont émané. «First class» n’est pas une simple dénonciation de ces pratiques restrictives, il s’agit également d’un voyage dans le temps, singulier, intimiste, extrait d’un vécu réel, d’un passé ponctué de déplacements : celui de son créateur Rémi Sarmini, qui a fui l’enfer de la guerre en Syrie, en partant au Liban, aux Emirats Arabes Unis, en Egypte, entre autres, avant de rechuter dans le gouffre soudanais et de s’installer en Tunisie. Il le projette dans le personnage d’un jeune homme, à l’apparence défraîchie, appartenant à un autre espace-temps, et qui s’offre à lui seul, un monodrame : tel un homme des cavernes malmené par les aléas de la vie, il lance des cris, difficilement discernables et se lance dans des remises en question avec lui-même, ses rapports aux autres, son relationnel, sa spiritualité étalée, son rapport avec son créateur : une partie qui laisse perplexe, et qui se déroule en simultané sur scène avec l’intrigue de la pièce et de sa thématique centrale. L’embarquement à «First class» peut être vu différemment d’une personne à une autre : les non-dits embrouillent la bonne réception de quelques scènes par moments, mais n’empêchent pas d’encaisser le message principal.
Cette création est jouée par des acteurs tunisiens et syriens : Ichraq Matar, Ahmed Mourad Khanfir, Nejdvan Soliman et Bashar Abassi mise en scène par Rémi Sarmini, sans oublier la remarquable scénographie de Hossein Tikriti. La pièce a été programmée jusqu’à hier 4 mai. Cette production d’Al Mawred et ArtVeda a été soutenue par El Teatro. Il s’agit de la 4e création de Tajroubah Troupe.
Crédit Photo : © Med Karim Amri
Du 1er au 4 mai, «Doc à Tunis» rythmera le quotidien du public. Une sélection restreinte mais inédite et de qualité sera présentée au 4e art, au Centre culturel d’El Menzah 6 et à l’Institut français de Tunisie, suivie d’un détour dans des régions avoisinantes, loin de Tunis. «Tunis, capitale de la danse» commencera ensuite. L’occasion pour nous de faire le point avec Syhem Belkhodja sur les enjeux, les nouveautés, la programmation, les défis, les craintes. Un bond dans l’avenir de ces deux festivals s’impose. Entretien.
Au gré de l’actualité brûlante du pays, «Doc à Tunis» commence le 1er mai, suivi de «Tunis capitale de la danse»…
En effet, mais je voudrais tout d’abord présenter de sincères excuses pour ce qui s’est passé le samedi 27 avril. Je suis passée à la radio dans la matinée sans savoir que 12 femmes avaient trouvé la mort dans un accident de voiture horrible quelques heures avant. Des battantes qui vivent dans des conditions précaires très dures. Beaucoup ont trouvé indécent de ma part qu’on parle de danse, d’art, face à une catastrophe de cette ampleur. Je demande des excuses au public parce que je comprends leur incompréhension, mais je le répète, quand je suis passée sur antenne, je n’étais pas au courant. Comme je travaillais dans mon studio et que je ne suis pas très «réseaux sociaux», tout est arrivé de la sorte précipitamment. Je suis peinée. Mes danseurs sont issus de milieux défavorisés et ont des mères ouvrières, travailleuses et battantes, comme celles qu’on a perdues. Trois de mes élèves de Sidi Bouzid connaissent même une des victimes, donc je ne peux qu’être bouleversée.
On peut pourtant faire de l’art pour exprimer notre peine, être endeuillé, rendre hommage…
D’autant plus que je tiens à préciser que notre danse n’est pas événementielle. Ce n’est pas une danse de joie, de spectacle. C’est une danse qui est engagée. On a programmé d’ailleurs un film intitulé «L’urgence d’agir» de Magui Marin, à voir absolument : l’urgence d’agir dans toutes les conditions, l’égalité des chances, des corps, la présence du corps sur scène, l’écriture du corps… donc, on devrait se mettre en tête, comprendre et admettre que la danse est une affaire sérieuse et pas juste une animation de rue. Quand j’en fais d’ailleurs dans la rue ou dans la télévision, c’est pour attirer ce grand public vers la danse. Mais l‘écriture de la danse contemporaine, ce que nous on fait au théâtre de l‘Opera, ce qu’on fait en tant qu’artistes engagés : Nawel Skandrani, Malek Sebai, Najib Khalfallah, Imed Jemaa, Imen Smaoui, Wael Margheni, Oumaima Manai… les danseurs tunisiens qui sont actuellement exceptionnellement à l’étranger comme Aicha Mbarek, Hafidh Dhaou, Kais Chouibi, Mohamed Toukabri, Hamdi Dridi, etc. C’est une exigence, un travail qui demande une rigueur, une éthique, qui n’est pas du tout dans le superficiel. Pour les excuses, c’était une parenthèse. Ça m’a doublement peinée de voir autant d’incompréhension. Puisque je fais de la danse, je respecte donc la vie et la mort.
Comme à l’accoutumée, les deux manifestations s’enchaîneront à partir du 1er mai. Où est-ce qu’elles en sont ?
Ça fait quand même deux années qu’on est en train de faire un festival transversal. Grâce à la notoriété des «Rencontres Chorégraphiques de Carthage». Comme l’Etat tunisien a créé ces «Journées chorégraphiques de Carthage», ça fait quand même 4 ou 5 ans qu’on a changé de titre et c’est «Tunis, capitale de la danse» depuis, et on rêve que ça devienne une capitale des danseurs. «Doc à Tunis» est toujours aussi important également depuis 13 éditions. Beaucoup de Tunisiens ne lisent pas de livres et un film documentaire peut remplacer un livre de 300 ou 600 pages. Il y a cette culture, non pas de la consommation, mais elle est orale, puisqu’on est originaire d’une société orale. Cela fait deux années au moins que j’ai fusionné les deux festivals parce que je ne crois plus aux frontières du festival : il n’y a plus de danse seule, plus de documentaires à part, plus de design seul : nous, on est dans les trois disciplines, rappelons-le. En plus du Doc et de la danse, j’ai aussi un festival de design. La force de ce documentaire et la force contemporaine que je démontre est une «danse documentaire» parce que la danse contemporaine parle d’aujourd’hui et le doc est un regard d’aujourd’hui. C’est essentiel pour moi que les deux se complètent et avec la gratuité, c’est important que le public puisse continuer à découvrir et la danse et l’univers du documentaire simultanément.
Peut-on donc clairement affirmer que les deux manifestations se réinventent ?
D’une part, elles se réinventent pour plusieurs projets : j’ai la chance d’avoir 56 ans, je le confirme et j’en suis fière. Parce que stupidement, quand j’ai créé ces deux festivals-là, en 2002 et 2006, et que j’ai fait un long chemin de 18 ans, j’avais l’impression d’avoir éduqué une bonne partie de la population par ce regard critique et par ces remarques mais il faut retenir que tous les cinq ans, il y a une nouvelle génération qui arrive. Les jeunes qui étaient présents en 2002 par exemple avaient 20 ans quand on a commencé, en 2012, ils en ont 30. Sauf qu’en 2012, il y a une nouvelle génération émergente qui n’a pas connu celle de 2002, etc. Pareil pour les films que j’ai présentés, début de la décennie précédente et ô combien je devrais les repasser aujourd’hui. Donc, ils se réinventent, oui, mais parce que le public est nouveau aussi. C’est-à-dire, le public, que j’ai gagné pendant toutes ces années, peut assister automatiquement à «Doc à Tunis» ou pas. Ils ont pris l’habitude au point qu’ils peuvent ne pas venir et dire qu’ils sont venus… Ils s’y sont tellement familiarisés. Il faut qu’il se déplace : je sais que c’est très dur actuellement. N’oublions pas que «l’Ecole des arts et du cinéma» et «le Centre culturel El Menzah 6» sont prêts à accueillir ce public qui rate un film, mais qui ne le rate pas «parce que je reste à la maison et quand j’ai le temps, je vois le documentaire»… non, ce n’est pas uniquement cela : c’est bien ce moment d’être ensemble pendant 4 jours qui est essentiel.
Pouvez-vous nous en dire plus sur la programmation de «Doc à Tunis» cette année ?
D’habitude, on reçoit 70 à 80 films par an : cette année, on n’en a retenu que 20 : on est tellement submergé par un tsunami d’informations. Les gens n’ont plus le temps d’avoir un recul sur les choses et un état des lieux : le documentaire t’impose ce moment d’1h avec le réalisateur pour une leçon de cinéma, un regard autre sur la vie. Et cette année, comme d’habitude, tous les jours, on a une leçon de cinéma et on a choisi deux Belges spécialistes pour le film «Ni juges ni soumises» et c’est un homme de 70 ans et un homme de 50 ans qui seront là. L’un d’eux me demande «mais je me prépare comment ?», je lui dis : « ça va être des jeunes qui ne parlent même pas français», j’ai dit qu’il faut être présent au moins pendant cinq jours : deux c’était peu, et pendant 2h, un cours sera donné. Pareil pour les masterclass de la danse : une rencontre de deux heures peut changer notre vie : une rencontre avec un artiste nous enrichit et en plus nous arme pour aller de l’avant. Pour la danse, on s’est beaucoup appuyé sur «les ateliers chorégraphiques». Avec «Tfanen Creative» et grâce à cette rencontre avec l’U.E, on a pu persévérer, partir dans les régions. Et avec le festival, ils sont non seulement dans des ateliers, mais aussi sur scène. On invite les plus grands dirigeants des plus grands ballets dans le monde pour qu’il y ait un regard critique. Aujourd’hui, c’est la première fois que l’Etat tunisien investit sur les danseurs. Pour la première fois, on a désormais des danseurs salariés : des danseurs de danse traditionnelle, de danse contemporaine, de danse renouvelée… Toutes les créations ne sont pas bonnes mais une danseuse ou un danseur de nos jours parviennent à dire à leurs parents qu’ils sont danseurs professionnels et que c’est leur métier. On en serait pas là sans le soutien de nos partenaires : le ministère de la Culture, celui du tourisme : l’image de la Tunisie est en jeu. Et je voudrais aussi inclure le ministère de la Jeunesse et du Sport mais c’est toujours en cours de négociation.
Pour quelle raison ce soutien ministériel de la jeunesse et du Sport compte autant pour vous ?
Parce qu’on a un championnat du monde, parce que le break danse va rentrer dans les Jeux olympiques de 2024, parce qu’on un grand championnat demain au centre culturel d’El Menzah 6 : on retient 4 danseurs qu’on va emmener en Chine pour qu’ils deviennent athlètes. Ceci est l’underground : que veut dire devenir athlètes ? Parfois c’est manger correctement, qu’on les entretienne, qu’on fasse en sorte qu’ils dorment : les 8h de sommeil. 30 km dans un bassin pour un sportif professionnel de natation, c’est comme avoir 30h de danse avec moi. Que l’Etat et Tunisair deviennent mes partenaires est très important. Que je parvienne à ramener tous les chorégraphes du monde ici serait idéal : je n’ai pas besoin de quitter la Tunisie, et je crois toujours en mon pays. On ne cesse d’impressionner malgré tout. Il faut travailler et qu’on arrête de se flageller. De nos jours, nos compagnies sont partout dans le monde : A Ramallah, France, Berlin, New York… Et c’est très diversifié : toutes les danses sont là : soufi, trans, religieuse… on a une diversité d’écriture exceptionnelle : aujourd’hui, les Tunisiens sont de plus en plus portés sur la chorégraphie coréenne même.
Concernant le public de «Doc à Tunis», est-ce qu’il est toujours aussi réceptif ?
Vous êtes toujours très proches du documentaire, c’est méchant ! (rire). Le public, que les manifestations culturelles tunisiennes, toutes disciplines confondues, ont éduqué, est forcément là, sauf qu’il y a une nouvelle génération qui émerge et qui est obnubilée par les nouvelles technologies et qui s’ennuie au bout d’1h (danse ou doc). C’est à nous de faire un travail sur le public. J’ai ramené une centaine d’enfants de quartiers défavorisés pour voir de grands spectacles : on passe du temps ensemble, on mange, on échange et au bout du compte, sur 100 enfants, je ne gagne que six. Je remercie au passage «la Coupole d’El Menzah» et «le Centre culturel d’El Menzah 6» qui ont assuré le transport et le bus qui ramène les enfants des quartiers défavorisés jusqu’ici. Il faut avoir les moyens pour agir davantage. La danse est vitale, et les films aussi.
La gratuité est toujours de mise ?
Si ce n’était pas gratuit, je ne toucherai que les chics de Tunis, seulement, je tiens à ce que ces deux manifestations puissent toucher le plus de Tunisiens possibles, toutes les classes sociales confondues. Je veux toucher ces Tunisiens qui n’ont pas les moyens d’accéder à la culture, faute de moyens ou d’opportunités. Arrêtons aussi de dire que c’était mieux avant. La poche est plus vide de nos jours mais on est beaucoup plus ouvert sur l’art et le monde. Tout est tellement à la portée.
Que devient «Al Kalimat» ?
Toujours au programme ! On a un invité de prestige au programme : il va parler de Break dance et de poésie. On est en train de développer un «Kalimat» danse et mots sur deux jours avec le fameux «FATI ART» et des rencontres avec Hela Ouardi et Luc Ferry sont prévues. Avec le ramadan qui arrive, on a opté pour la transversalité dans les festivals. Une compétition de solo va être reportée pour fin mai.
Est-ce que les Journées Chorégraphiques de Carthage, prévues en juin, complètent ou empiètent sur «Tunis capitale de la danse»?
Je vais être de mauvaise foi si je dis que «mes Journées Chorégraphiques de Carthage» sont devenues étatiques. Bien sûr, j’aurais voulu prendre la direction, c’est tout à fait normal. Ça fait 18 ans que je dirige cela, j’avais un budget très limité et tout d’un coup, l’Etat, le jour où il organise son propre festival, attribue le budget à une nouvelle manifestation naissante. Mon âge —ou bien peut-être la danse— font en sorte que je parvienne à encaisser les choses négatives autrement : en les positivant le plus possible. Aujourd’hui, les danseurs ont deux rendez-vous : ils dansent chez moi et aux «Journées Chorégraphiques de Carthage». Si après 18 ans, l’Etat s’est approprié un festival de danse, au final, on ne peut être que très heureux et donc, c’est vraiment un 2ème rendez-vous incontournable pendant l’année. Maintenant, c’est à l’Etat de le développer sans me fragiliser: je ne tiens pas du tout à être concurrente : j’étais la seule à me battre pour la danse depuis 2002, pour que 450 compagnies arrivent à Tunis. Aujourd’hui, il faudrait qu’on soit vraiment partenaires : d’ailleurs, je suis programmée dans «les Journées Chorégraphiques de Carthage» notamment pour aider Mariem Guallouz ou autres et tout le monde s’ouvre à l’Etat. Il ne s’agit nullement de direction ou de prises de postes, on est face à un Etat réceptif, qui nous écoute enfin. Et c’est excellent pour tout le monde ! J’aurais aimé être directrice, mais ce n’est pas grave, on ne peut être que ravis face à l’évolution de ces deux manifestations. Je souligne l’implication du ministre des Affaires culturelles, M.Mohamed Zine Abidine, d’avoir soutenu le secteur de la danse. Il nous a donné notre crédibilité. Du jamais vu auparavant : on a des danseurs salariés, des chorégraphes invités, deux studios de danse et trois lieux à notre disposition. Il est à l’écoute et offre énormément d’opportunités. Je le revendique. Rappelons pour finir que : la musique c’est un milliard 700 mille, le théâtre c’est 3 ou 4 milliards de DT, le cinéma c’est 8 à 10 milliards et la danse, c’est 250 mille dinars. On n’a pas d’école supérieure de danse, pas de centre chorégraphique à part celui de l’Opera de Tunis : on a au retour 10 centres d’arts dramatiques : faisons d’un seul un centre chorégraphique. Maintenant, on est 4 générations de chorégraphes et de danseurs, il est grand temps de leur donner leurs droits et de régulariser le statut de l’artiste. Si la danse contemporaine, par exemple, n’est pas comprise, c’est parce qu’elle n’a jamais été étudiée nulle part ici. Il faut que cela change à la racine et c’est en cours.
En plein foisonnement culturel, la Tunisie se dote d’un incubateur culturel et créatif, le premier dans le genre à posséder un programme transversal et innovant qui vient renforcer deux industries : culturelle et créative.
Soutenu par la fondation Drosos et Inco, le catalyseur mondial de référence des startup à fort impact, «Minassa», est une aubaine pour des concepteurs majoritairement jeunes, désireux de concevoir des projets à vocation créative et qui soient économiquement durables et viables. «Minassa» s’engage sur une durée de 6 mois au moins à encadrer d’une manière individuelle ou collective des concepteurs. L’incubateur se place en tremplin pour les agitateurs et acteurs culturels, toutes disciplines confondues : il promet d’être impactant artistiquement, socialement et économiquement et vient étoffer l’entrepreneuriat culturel forcément lucratif dans le monde, mais qui demeure en pleine mutation en Tunisie. Les entrepreneurs accompagnés auront la caractéristique de surfer sur les aléas économiques, tout en parvenant également à allier cohésion sociale, insertion professionnelle et innovation créative.
Naissance de «Minassa»
L’incubateur baptisé «Minassa» (estrade ou scène en français) a pour emplacement la Médina de Tunis. Il est géré par des experts qualifiés dotés d’une expérience à l’international, mais également en Tunisie. Ces derniers prendront sous leurs ailes ces entrepreneurs naissants dans le cadre de bootcamps, workshops collectifs variés ou coachings individuels. Chapeautés par le réseau Inco, présent dans plus de 35 pays, sa visibilité est assurée à l’international. Il touchera de près artisans, artistes, experts, freelancers et autres. Le lieu se dote d’une salle de conférences et d’exposition d’événements pour entretenir cette communauté naissante, affinant ainsi les échanges, le partage tout en attisant l’inspiration des créateurs. «Minassa» se veut être durable dans le temps en proposant des formations accessibles.
Inco soutient «Minassa», comme de nombreux projets naissants dans le monde. Ce catalyseur mondial d’une nouvelle génération d’entrepreneurs a pour mission de soutenir toutes les startup en cours de lancement, et ce, à tous leurs stades de développement. Persuadé que cette nouvelle génération, porteuse d’une nouvelle économie, et de solutions innovantes aux grands enjeux sociaux et environnementaux, Inco mobilise plus de 150 millions d’euros pour investir exclusivement dans des entreprises à fort impact social et environnemental. À travers ses programmes de formation et d’incubation à forte valeur ajoutée, Inco accompagne chaque année plus de 500 startup à travers le monde pour les aider à répondre efficacement aux défis majeurs de notre société. «Minassa» est soutenu aussi par la fondation suisse Drosos, opérationnelle depuis 2005. Minassa vient en aide aux personnes vivant dans la précarité : elle promeut des aptitudes, crée des conditions de vie correctes, et veille aussi à ce que l’individu soit responsable, consciencieux notamment de son environnement et encourage la coopération entre les partenaires et les autorités locales ainsi que le secteur privé.
En chiffres
«Minassa» peut avoir une portée économique. Un pan entier reste exploitable, celui de l’entrepreneuriat culturel. Le pays regorge en effet de potentiels créatif et régional. Ces industries créatives peuvent être un secteur d’avenir pour faire face aux défis économiques et sociaux. En 2013, l’économie créative représentait 2.250 milliards de dollars, ce qui correspond à 3% du PIB mondial et peut atteindre 9 ou 10% dans certains pays comme la Corée du Sud ou les États-Unis. Elle a plus de poids que celle du luxe ou de l’automobile en France où elle emploie 3 % de la population. En France d’ailleurs, le PIB de l’industrie culturelle et créative pèse 7 fois plus que celui de l’industrie automobile. En Tunisie, l’économie créative représente entre 0.4% et 0.6% du PIB, autrement dit, elle est en baisse. Le terrain reste favorable à l’implantation de cet incubateur.
La remise des prix annuelle du Comar d’Or se déroulera ce soir au Théâtre municipal de Tunis. La célébration du livre tunisien est organisée simultanément avec «La journée mondiale du livre et des droits d’auteur» et s’annonce sous les meilleurs auspices.
Dans sa 23e édition, le Comar d’Or rend hommage à feu Rachid Ben Yedder, mécène des lettres et de la culture et pilier du groupe Comar, décédé en 2019. Trois catégories sont truffées de nouvelles publications tunisiennes en langue arabe et française dispatchées sur trois catégories : le prix de la découverte, le prix spécial du jury et celui du Comar d’or.
13 titres en langue française et 34 titres en arabe soit 47 livres ont été retenus pour cette année. La sélection des meilleurs titres fut rude pour les deux jurys composés d’universitaires, femmes et hommes des lettres et des arts, journalistes et cinéastes.
Au moins 13 romans en français sont parus entre mars et avril 2019 et ont été présentés pour la plupart à la Foire du livre de 2019, citons «Une histoire qui se répète mal» de Mongi Maaoui : «L’Amant De La Mer» d’Alyssa Belghith, «Zed, L’ex-enfant de l’Occident» de Zoubeida Khaldi, «Saber et la drôle de machine» de Salah El Gharbi, «La princesse de Bizerte» de Mohamed Bouamoud, «La Bande à Badis» de Monya Zwawi, «Une jeunesse d’enfer» de Mohamed Louadi, «Jugurtha un contre-portrait» de Rafik Darragi, «Ayoub un amoureux éperdu de Paris» de Aissa Baccouche, «Les jalousies de la rue Andalouse» d’Ahmed Mahfoudh, «Parole de femme» d’Anouar El Fani, «Les cendres de la mémoire» de Mourad Jedidi et «Tante Sitta» de Atef Gadhoumi. Le jury du Comar d’Or pour le roman français se compose pour cette 23e édition de M. Ridha Kéfi, Mme Myriam Kadhi, Mme Mounira Chapoutout, M. Kamel Ben Ouanès et M. Chaabane Harbaoui.
En langue arabe, on retient des titres comme «Lella Saida», de Tarak Chibani, «Kazma» de Salah Bargaoui, «The Melancholic» de Fathi Laysser, de Bassma Chaouali, «Goyim» d’Ilham Boussoffara, «1864» de Hassin Ben Amou et «Tin Allah (Boue divine)» de Tayeb Jaouadi. Les arabophones ont été plus prolifiques cette année. Le 2e jury se compose cette année de Mme Messouda Ben Boubaker, Mme Neziha Khelifi, Mme Monia Abidi, M. Hedi Thabet et M. Abdelwahab Brahem.
Qui sera l’heureux gagnant cette année ? On le découvrira ce soir lors de la remise des prix, qui sera organisée en hommage à feu Ben Yedder et rythmée par Hafedh Makni et son Orchestre Symphonique de Carthage.
La «Délivrance» selon Haykel Rahali, c’est transgresser les tabous sociaux sur la scène d’El Teatro. «Tanfissa» ou «Délivrance» redonne un souffle nouveau à un spectateur avide d’exprimer tout haut ce que la société vit tout bas.
L’intitulé rime, à première vue, avec liberté, tabous, échappatoire… Une thématique suffisamment présente et qui alimente souvent cette effervescence artistique tunisienne, toute discipline confondue. Pendant 60 minutes, les spectateurs assistent à divers tableaux scéniques, avec, comme fond sonore, une musique variée, tantôt contemporaine, tantôt théâtrale. Une troupe surgit sur scène comme troublée, confuse, hagarde, aux prises avec des questionnements ou tentant de se situer dans un espace-temps qui est méconnu, étranger aux protagonistes : ces derniers peuvent paraître aussi comme suspendus dans le temps, en attente, essayant de s’accrocher à des brèches en guise de repères.
Mouvements corporels et silences expressifs, qui précèdent un discours, difficilement saisissable au départ. Grâce à la tournure verbale — qui constitue le texte — l’auditoire se retrouve rapidement emporté par les répliques acerbes mais audacieuses, échangées au fur et à mesure. Le texte est en grande partie dérisoire : maîtrisé par ses acteurs, il réussit à exprimer tout haut et explicitement leurs tourments : sentimentaux, sexuels, relationnels, sociaux parfois, existentiels. Leur existence est menée d’une main de fer dans une société qui peut être libertine dans les coulisses mais qui demeure conservatrice en apparence. Une masse qui s’adonne à tout, mais qui ne parle pas et ne montre rien. La «Délivrance», selon son créateur, c’est de s’affranchir autant que possible du tabou dans une époque où même faire semblant de vivre librement peut être perçu comme un acte de résistance.
Cette production El Teatro Studio & Association : Ahl el Fen, conçue en 2018 rassemble une nouvelle vague de jeunes acteurs comme Amine Ferah, Helmi Ben Ali, Ihsen Timoumi, Inès Ben Moussa, Molka Draoui, Sadok Bousnina et Wafa Memmi.
A « Gabes Cinéma Fen », les festivaliers vivaient au gré des films récents. Entre appréciations et déceptions, les réactions ont foisonné. Tout juste avant la clôture des festivités, « Poisonous Roses » de Fawzi Salah laisse un gout d’inachevé.
L'inachevé "Poisonous Roses"
Le film tourne autour de Saqr, un jeune homme issu des bidonvilles où il a vécu et travaillé toute sa vie. Il rêve de s’évader de ces tanneries, mais il est tiraillé par un conflit intérieur entre l’amour qu’il ressent pour sa sœur, qui vit avec lui, et Reem, qui pourra l’aider à sortir de ce milieu.
Chacun des trois personnages principaux raconte l’histoire de son point de vue, et à chaque fois, les détails, les motivations, le contexte ainsi que les événements changent. L’immersion est totale dans un quartier extrêmement pauvre de l’Egypte mais la fiction en 1h10 prendra peu à peu l’eau : l’histoire n’a finalement pas aboutie, les relations entre les personnages était ambiguë, les répliques se faisaient rares et les non-dits pour une fois n’étaient pas discernables à cause d’une construction peu solide des relations qui liaient les personnages. Le film traite d’une relation incestueuse entre frère et sœur : la forte admiration de la sœur pour son frère, figure masculine pour elle, de possibles amants … Mais Le film ne peut être uniquement réduit à cette relation. Le réalisateur Fawzi Salah, présent lors du débat en post projection a exprimé son souhait de ré esquisser l’espace et ces bidonvilles. Un travail qu’il aurait pu mouvoir en documentaire. Sa fiction, elle, est restée à la surface.
« Une affaire de famille » de Hirakozu Kore-Ada : détonnant de poésie
A « Gabes Cinéma Fen », les festivaliers vivaient au gré des films récents. Entre appréciations et déceptions, les réactions ont foisonné. Retour sur « Une affaire de familles » de Hirokazu Kore-ada, palme d’or à Cannes, projeté à la salle de l’Agora Gabès.
La palme d’or 2018 au festival de Cannes continue à faire des vagues et d’être projetée y compris dans des festivals locaux à travers le monde. « Une affaire de famille » relate le drame accélérée d’une famille nippone.
Au retour d’une nouvelle expédition de vol à l’étalage, Osamu et son fils recueillent dans la rue une petite fille qui semble livrée à elle-même. D’abord réticente à l’idée d’abriter l’enfant pour la nuit, la femme d’Osamu accepte de s’occuper d’elle lorsqu‘elle comprend que ses parents la maltraitent. En dépit de leur pauvreté, survivant de petites rapines qui complètent leurs maigres salaires, les membres de cette famille semblent vivre heureux – jusqu’à ce qu’un incident révèle brutalement de secrets terribles. Le film pose avec subtilités la question des liens familiaux, entre résignation, consentement et acceptation forcée. Dans le monde, ce long métrage continu de conquérir son public et ceux dans toutes les sociétés qu’il a sillonné, mais à ce demander comment il a été accueilli au sein de sa société nippone mère. Beauté des plans, maitrise plus que parfaite de la mise en scène, acteurs prodigieux : ils endossent les rôles d’une famille qui transgresse les tabous, qui est marginale, qui va à l’encontre des convictions de la masse, massacre les règles et les codes sociaux, et fait surtout éclater la sacralisation des liens familiaux dans le japon d’aujourd’hui.
Au gré des projections à « Gabes Cinéma Fen », « You come from Away » D’Amal Ramsis, projeté en dernier lors d’une séance en fin de journée au Complexe Culturel de Gabes lève le voile sur une période historique méconnue, vécue par une partie des Arabes. Ceux qui se sont soulevés aux cotés des espagnols pour combattre le régime fasciste de Franco au début du 20ème siècle entre 1936 et 1939.
Le documentaire, réalisé par l’égyptienne Amal Ramsis est traité sur fond de drame familial. Une famille palestinienne éclatée. Le traitement du film est intimiste est fignolé grâce à des archives photos, lettres échangée entre les membres de la famille et mémoire réanimée. Un travail de recherche laborieux qui se sent dans le traitement de ce documentaire : le film se perd d’ailleurs dans la narration et la lenteur jusqu’à ce qu’à éclipser l’épisode historique, mais cela n’enlève en rien son importance. L’oeuvre atteste de la participation de 1000 arabes bénévolement et des combattants résistants à coté de républicains contre la dictature de Franco : 500 de nationalités algériennes et d’autres issus de différentes nationalités arabes. Une recherche très approfondie a été entamée depuis 2002.
La guerre civile espagnole était une occasion pour elle d’aborder la notion de l’identité et de l’appartenance surtout avec la naissance de palestiniens nés en dehors de la Palestine. L’histoire relatée de la famille de Najati Sidki dans ce film renforce la thématique de la question identitaire chez les Palestiniens. Sa famille a été dispersée au quatre coin du monde à savoir en Russie, au Brésil, au Liban et en Grèce et les suivre a demandé beaucoup d’efforts et de travail.
La fin des années trente évoque également la dislocation de familles palestiniennes, y compris celle-ci, accélérée par des troubles historiques majeurs comme l’éclatement de la 2ème guerre mondiale, la guerre des 6 jours de 1967 ou encore le conflit palestino-israélien. Ce soutien arabe aux espagnoles enjolive l’image négative des arabes maghrébins chez les espagnoles : le rôle de son documentaire était de mettre en valeur le parcours d’arabes anarchistes, communistes au parcours atypiques, très loin de l’image fausse véhiculée actuellement par les médias. Une aide à la production « Takmil », obtenue lors des Journées Cinématographiques de Carthage lui a permis de finaliser son documentaire.
Secteur cinématographique : parlons- en :
« Gabes Cinéma Fen », c’est aussi des rencontres et des panels réalisés qui ont traité de l’avenir du cinéma arabe dans les journées du 15 et du 16 avril 2019. L’académicienne Lamia Guiga BelKaid et la chargée de programmation Samia Laabidi : toutes les deux et en présence d’invités et d’un parterre de festivaliers, ont abordé la question des circuits de distribution des films, du fonctionnement des distributeurs, des enjeux et des challenges à relever, dans une période où la nation arabe est secouée par des bouleversements sociopolitiques importants et des conflits qui opposent le nord au sud. Ils ont mis le voile sur l’émergence du cinéma indépendant arabe et de sa diffusion également, en présence de la critique cinéma Houda Ibrahim, le réalisateur Mourad Ben Cheikh et le critique Ikbel Zalila : ils ont évoqué le pouvoir de l’image, du regard du cinéma arabe sur le cinéma du sud. La chargée de programmation a également parlé de son expérience dans le cinéma palestinien en évoquant d’autres effectuées dans le cinéma arabe. Des cinéastes – réalisateurs tunisiens et arabes comme Abbes Fadhel, Malek ben Ismail, Jilani Saadi et Hechmi Zortal ont relaté leur parcours et leur manière de dépasser les difficultés des subventions. D’autres artistes jeunes comme Mouna Hala, Najoua Zouhaier et abou Bakr Chawki ont prôné les libertés dans le cinéma et ont appelé à dépasser certainement visions clichétiques et à un renouveau du secteur. Tout comme Sami Tlili, le directeur artistique du festival, qui a proposé de reconstruire le système de production en Tunisie dans son intégralité et à le développer à la racine.