Dix ans après le 14 janvier 2011, Anissa Ben Hassine, universitaire et écrivaine, publie « C’était un 14 janvier 2011 à Tunis », un livre-hommage édité par Leaders, qui retrace ce tournant majeur de l’histoire tunisienne, revécu à travers les yeux de cette citoyenne tunisienne, témoin de son époque. Illustré par plus de 100 images percutantes prises par Mohamed Hammi, le livre rassemble chroniques écrites et fait office d’album photos nécessaire pour la sauvegarde de la mémoire collective. Préfacé par Gilles Kepel, le livre revient sur un rêve éveillé commun. Rencontre avec son auteure.
« C’était un 14 janvier 2011 à Tunis » est votre deuxième livre qui paraît au moment même où la Tunisie s’apprête à célébrer le 10e anniversaire de sa révolution. Est-ce prémédité ?
Non, ce n’était pas du tout prévu. C’était prévu qu’il sorte en 2012, tout de suite après l’avoir écrit en 2011. Je l’avais rédigé au jour le jour à l’époque, et j’avais même prévu de le sortir très vite, et vu les évènements qui ont suivi après, j’ai finalement fait un arrêt. Même la maquette, les photos… j’ai tout fait en décembre 2011. J’étais dans les manifestations d’ailleurs, sur terrain, à ce moment-là.
Comment a émergé l’idée d’écrire ce livre sur les évènements de décembre 2010 / janvier 2011 ?
Ce n’était pas du tout prémédité d’écrire un livre. Après le jour de la manifestation du 14 janvier 2011, quand je suis rentrée, j’avais envie de faire quelque chose. Il fallait évacuer, extérioriser, je tournais en rond. J’ai donc commencé à écrire en publiant sur Leaders : 3 à 4 pages sur le sujet. Après, j’ai continué à le faire pour moi-même. Pour moi, c’était comme des mémoires, des chroniques. Et plus il y avait des choses qui se passaient, plus l’idée d’en faire un livre commençait à prendre forme. Je me suis dit « Pourquoi pas ?». Je suis donc revenu au 17 décembre 2010 : le livre commençait à partir de cette date là, tout aussi symbolique. J’y suis revenu rapidement pour ne rien oublier.
« Facebook », à cette époque-là, battait son plein. Vous a-t-il aidée à rassembler informations, évènements, documentation ?
Je ne suis pas passé par Facebook pour publier le contenu du livre. Je publiais de petites choses, ce que je pensais des évènements, des commentaires… sans plus. Dans le livre, il n’y a pas du tout de jugements de valeur, d’opinion, je ne dis jamais le fond de ma pensée. Il y a une certaine distance, aucune prise de position. Ce sont des évènements écrits. Ce qui a alimenté cette activité, c’est, entre autres, ce qu’on voyait défiler sur Facebook. C’était une explosion d’opinions : tout le monde s’exprimait. Il y avait souvent de l’intox. Des rumeurs. C’était bien afin de restituer un peu l’ambiance du moment, forcément. Tout ce qu’on voyait en ligne impactait notre quotidien. Comme je n’avais pas cours à l’époque, je sortais beaucoup dans la rue, dans les manifestations. J’étais témoin, j’allais sur place, je parlais avec les gens, de l’intérieur et de la capitale. Pour moi, c’était impressionnant : on est dans la découverte, on mesure la souffrance, la misère, les problèmes, autrefois cachés par l’ancien régime.
Au fur à mesure de la lecture, on est effectivement tenu à distance en tant que lecteur mais, à un moment, vous vous introduisez et vous racontez votre propre récit. Vos chroniques prenaient l’allure d’un journal intime. Est-ce voulu ?
J’ai vraiment hésité à mettre ce côté personnel. Et même en le révisant, j’ai pensé enlever l’aspect personnel. Mais on m’a conseillé de ne rien toucher. De tout laisser intact : avec la révision du moment. Laisser le côté personnel, ce que j’ai vécu personnellement, ce qui s’est passé au niveau national et s’ouvrir au final sur l’international et comment la Tunisie est perçue ailleurs. Cette démarche m’allait. Ce n’était pas une journaliste qui parlait, c’est la citoyenne qui s’exprimait avec un style journalistique. Et cela montre qu’on ne peut pas mettre sa propre vie de côté quand on vit une révolution. Dans le cas des évènements nationaux, quand on y est, il y a une dimension intime qui se crée, de l’humanisme. Ce ne sont pas des évènements qu’on perçoit de l’extérieur, on est en plein dedans. La révolution, je l’ai vécue en tant que citoyenne mère, épouse, citoyenne et femme tunisienne, universitaire.
Qu’est-ce qui a retardé la parution du livre, terminé depuis 2012 ?
Sa parution devait coïncider avec la célébration du premier anniversaire de la révolution. Après, il y a eu la formation de la première Assemblée constituante. C’était un choc ! C’est resté, depuis ,en suspens. Je l’ai même oublié. J’ai vécu ce qui a suivi après … que j’ai mentionné uniquement dans des légendes et des photos. J’ai essayé de dire ce que sont devenus quelques personnages phares. L’écriture du livre s’est arrêtée en février 2011. Leaders m’a encouragée à le sortir après tout ce temps: je pensais que cela n’interesserait personne de le sortir.
La perception de la révolution a beaucoup changé depuis. Quel est l’apport de ce livre et comment se distingue-t-il ?
Mon objectif, c’était de retrouver cette euphorie, l’espérance, l’union des Tunisiens autrefois. Nourrir les ambitions. C’était unique ce qu’on a vécu. Grandiose. Tout cela, on le sous-estime de nos jours : la joie, la libération, le regard vers un futur moins répressif… Tout cela, on l’a oublié de nos jours. On ne connaissait pas les militants de la révolution, y compris les disparus. Les circonstances nous ont fait oublier ce vécu et ce tournant exceptionnel dans l’histoire de la Tunisie. Tout n’est pas perdu actuellement, on est encore capable d’accomplir des choses incroyables. Je trouve que c’est important de revenir dessus et de valoriser cet état d’esprit collectif malgré le désenchantement qui règne à présent. Ne pas se résigner est important. Et hâte aux théories des conspirations : la vague était là, le mouvement était honnête et émergeait du peuple. A bas le complot. Le mouvement a, par la suite, été récupéré, comme tout autre mouvement historique. Les islamistes ont fait leur apparition, et tout commençait à changer…
On a l’impression d’après le titre que vous valorisez une date précise, celle du 14 janvier 2011 précisément, et non pas toute la période…
Parce que derrière chaque révolution, il y a une date-clé. Ce moment où tout bascule : sans le 14 janvier, notre révolution n’aurait peut-être pas eu lieu. Il y aurait eu des arrestations, des morts et tout reprendrait son calme.
Et si cette révolution était à refaire ?
Il faut la refaire encore et encore sans aucun doute. Je sais que beaucoup ne sont pas d’accord avec cela, mais le régime était déjà à bout de souffle : on le sentait, si sa chute n’a pas eu lieu le 14 janvier, il aurait pris fin ensuite. C’était une ambiance de fin de règne. Son entourage faisait des ravages. L’avantage, c’est que tout aurait pu se passer d’une manière beaucoup plus chaotique. Il y a des morts, mais par rapport à d’autres pays, notre révolution était pacifiste grâce à cet esprit d’union entre les Tunisiens.
Tout ce qu’on peut voir actuellement à l’ARP, 10 ans après, décourage quand même. Qu’en pensez-vous ?
Je pense que l’erreur qu’on a faite est de croire que tout ceci pouvait changer très vite. Tout allait se calmer, tout de suite après. Tout ce qu’on a vécu et on vit toujours après le 14 janvier 2011 est tout à fait normal. C’était clair qu’on allait connaître 10 ou 20 ans terribles. Après chaque révolution, il y a la terreur, un gouffre. On a pensé à tort que tout allait se tasser rapidement. Encore 10 ans de chaos, d’anarchie et toute une génération sacrifiée, mais tout ceci est le prix à payer. Les institutions de l’Etat sont tout de même très fragiles actuellement.
Est-il toujours possible d’entretenir ce « souffle révolutionnaire » de nos jours ?
La révolution a fait son travail : elle nous a donné une étincelle, ensuite tout doit être repris par les institutions. La révolution a eu raison d’un système dictatorial. Un autre régime doit se mettre en place. On est dans une démocratie très fragile. Un retour en arrière n’est plus possible, grâce aux élections, aux contre-pouvoirs. Désormais, il y a une force commune instaurée : tout se complète. On manque d’organisations, de leadership, de structures, mais c’est un chaos constructeur et on est en plein dedans.
Pourtant l’image globale du paysage politique actuel est marquée par l’absence des femmes, le règne des conservateurs, de l’extrême droite. Un déséquilibre quelque part est ressenti…
Ça, c’est la Tunisie et c’est à l’image du peuple. Ceux et celles qui ont fait la révolution sont une minorité. La majorité est silencieuse et c’est toujours des minorités qu’émanent les changements. Celle qui a provoqué le changement est une minorité agissante. Je ne suis pas du tout majoritaire. (Rires) La majorité suit d’ailleurs. A l’époque, cette minorité s’exprimait dans la rue et sur le Net en contournant la censure, il ne faut pas l’oublier.
Quel était le rôle des réseaux sociaux, principalement Facebook, à cette époque, toujours d’après vous ?
Un rôle capital. S’il n’y avait pas Facebook, il n’y aurait rien eu et il y aurait eu un manque de mobilisation. Avec la pression des Tunisiens à l’étranger, tout s’est déclenché. Les médias étaient aussi scellés et réticents. Beaucoup de figures de la révolution sont mortes malheureusement. Elles sont broyées. La plupart étaient ciblées et c’était épuisant. Dur à supporter. Je ne me justifierai pas d’ailleurs d’avoir écrit ce livre en français. La liberté d’expression, c’est ce qu’on a acquis. Je n’en suis pas à mon premier livre d’ailleurs en français : le premier se focalisait sur Yassine Brahim et son parcours. J’étais là à appuyer les compétences tunisiennes qui ont émergé. Je n’ai pas écrit sur Yassine Brahim par appartenance politique. Pas du tout. C’est parce que c’était un profil fort intéressant, parmi d’autres.
2014 : Beji Caied Essebsi a pris les rênes du pouvoir. Comment percevez-vous cette période ?
C’est la plus belle chose qui nous soit arrivée depuis la révolution. Le seul moment de joie, celui de son élection pas de son mandat. Un espoir était né, synonyme d’aboutissement de la révolution. Il représentait la Tunisie qu’on aime et elle était incarnée dans ce personnage politique. Même s’il n’a pas pu aller au bout de ses idées ensuite… J’aurais aimé pourtant. Ses actes n’ont pas suivi ses idées, il y a eu trop de difficultés.
Comment expliquez-vous cet acharnement sur la femme tunisienne?
Les Tunisiens sont conservateurs à la base. Ce mépris, on n’osait pas l’exprimer haut et fort sous Bourguiba et Ben Ali. Dès les premiers jours après le 14 janvier 2011, dans la plupart des réunions qui s’organisaient à l’avenue Habib-Bourguiba et à la Kasbah, quand j’y allais, il y avait trop de discours qui vont à l’encontre de la femme et de son statut, et ça m’avait surprise à l’époque. Mais après, je me dis, c’est la libération de la parole. Mais quand moi, en temps que femme, je pouvais riposter, les hommes le prenaient mal. Quand il y a une crise économique ou sociale, dans le monde entier, ce sont les femmes qu’on pointe du doigt en premier. C’est international actuellement en plus. On est en phase avec notre époque d’une manière universelle. Par contre, je remarque à la faculté beaucoup plus de filles qui étudient que d’hommes, et c’est inquiétant. N’oublions pas aussi que « Le pire ennemi de la femme est bien la femme », la femme peut être aussi persécutée par d’autres femmes.
Comment trouvez-vous Abir Moussi, politicienne controversée et de plus en plus convoitée ?
Je dirai que la nature a horreur du vide (rire). Elle est Tunisienne. Elle s’exprime haut et fort et fédère. Elle s’impose. Faute d’autres modèles, elle se fait sa place et elle joue sur la nostalgie d’une certaine Tunisie éclatante d’avant 2011 … qui n’est même pas vraie.
Et pour finir, qu’avez-vous à dire sur ce populisme ambiant ?
Le populisme touche la Tunisie de plein fouet. Comme un peu partout dans le monde. Grande gangrène du monde. On ne le subit directement ici, mais ce n’est pas pire qu’ailleurs. Mon souci c’est que nos institutions sont fragiles. Je voulais retrouver l’euphorie d’il y a 10 ans, j’espère pouvoir le faire pour les lecteurs de ce livre. Un livre qui va se vendre beaucoup plus à l’étranger qu’ici. Il sera apprécié par des lecteurs qui valorisent toujours ce qu’on a vécu, bien plus que les Tunisiens, eux-mêmes. La frustration plane plus que jamais en Tunisie.
«Rascal» en tunisien, c’est «réutiliser». En ancien français, c’est «Rescaille», «une variante de rebut» ou «ce qu’on a rejeté». Thomas Egoumenides, designer et son équipe de jeunes Tunisiens ont achevé leur résidence artistique grâce à l’Art Rue, donnant naissance ainsi à l’atelier «Rascal Tunis», situé en plein cœur de la Médina dans une ancienne bâtisse abandonnée. L’atelier a été ouvert au public sur trois jours et se développe autour du design et de la valorisation des déchets dans la Médina de Tunis et ses environs. Thomas Egoumenides, son concepteur, nous en parle davantage.
«Rascal» paraît être un projet engagé à vocation écologique. Peut-on le définir ainsi ?
Justement, pour commencer, il est primordial pour moi de ne pas le définir ainsi : en disant qu’il est juste «Ecologique». Je n’aime pas trop ce terme parce que je trouve que c’est un «fourre-tout». Il s’agit d’un projet plutôt «Logique» (rires). Sans le préfixe «Eco» donc. La cohérence, en effet, compte. Pour moi, le mot «Ecologie» est très large.
En d’autres termes, quelle est donc la genèse de «Rascal Tunis» ?
Je suis designer depuis des années. J’ai commencé avec «Flayou» en Tunisie. Il est difficile au fil du temps de ne pas être sensible aux déchets, à la pollution visuelle, à la surconsommation. A un moment, ma question, c’était : est-ce qu’on ne peut pas donner une 2e vie à cette matière ? Est-ce qu’on ne devrait pas plutôt cesser de culpabiliser ? Faire son rôle de citoyen ? Faire le tri, emballé, ne plus user des plastiques ? etc. Après tout, ce sont finalement les politiciens qui ont la mainmise sur des problématiques qui échappent aux citoyens. De mon côté, je ne suis pas là pour pointer du doigt n’importe qui, par contre on ne pourra se demander si c’est possible de recycler ces déchets, jouer avec, les considérer comme une matière rebut. Une matière rejetée par les industriels entre autres… après, autant la transformer ou s’en servir autrement. J’ai commencé de mon côté à travailler dessus quand j’avais le temps : j’ai exposé à l’événement «Bauhaus» l’année dernière, autour de cette problématique-là. J’ai participé à une expo à Sousse où j’ai présenté les travaux. Un appel à projets lancé par l’Art Rue arrivait au bon moment. Il s’agissait d’une résidence artistique. C’était une occasion à saisir. L’Art Rue a compris le projet et l’a soutenu. On a pu expérimenter ce laboratoire pendant trois mois.
Quand la résidence a-t-elle commencé ?
Elle a commencé officiellement en septembre. A partir du moment où j’ai été sélectionné, au mois de juillet, il y avait tout un travail préliminaire à faire en amont, de méthodologie, une mise en place du projet, la procédure, trouver un lieu, travailler avec la chargée projet, etc. On l’a terminé le 1er décembre 2020.
«Rascal Tunis» est-il participatif ?
Avec mon assistante Sarra Bouzgarrou, j’ai une bonne entente. Elle connaît bien mon travail. On a trouvé 5 jeunes de la Médina qui avaient entre 23 et 26 ans et qui avaient déjà travaillé sur une résidence auparavant de l’Art Rue. On a revu les profils, on les a rencontrés, afin de leur expliquer le projet. Ils étaient réceptifs. Le projet est collaboratif. Le but, c’est d’y travailler de la manière la plus horizontale possible. Leur faire découvrir une méthodologie de travail et une vision différente. Et qu’on cogite toutes et tous dessus. Je leur ai dit dès le départ qu’il fallait s’investir. Personnellement, j’avais déjà des outils que j’ai pu acquérir grâce à mon parcours. J’étais donc dans la transmission d’un savoir, toujours ensemble. On avait trois personnes en production et deux personnes en communication. Ce nom «Rascal», on l’a trouvé ensemble, et l’idée était qu’on pouvait maîtriser tout : la forme, le fond, la communication, tout en se formant sur terrain.
Pour le résultat final et la présentation au grand public, le 17 décembre 2020, de «Rascal Tunis», vous avez opté pour une maison abandonnée, totalement entretenue de nouveau. Pourquoi avoir choisi ce lieu en particulier et comment l’avez-vous trouvé ?
Dans le travail préliminaire, je cherchais un espace à investir. Celui-ci appartenait à l’INP. Je tenais à investir un lieu en entier et non pas une partie. On m’avait proposé «la Caserne», et d’autres lieux pour finalement m’arrêter sur cet endroit : doté d’un patio, et d’un espace en plein air, qu’on pouvait aménager avec d’autres salles. On a pu avoir une autorisation et le travail a commencé sur 3 mois. Le lieu était totalement abandonné, même si en 2017, sur place, il y a eu l’exposition de Malek Gnaoui, que le public a pu voir dans le cadre de «Dream City» et qui a eu pour thématique la prison du 9-Avril et ses prisonniers.
Pour toutes celles et tous ceux qui n’ont pas encore découvert «Rascal Tunis», pouvez-vous nous dire comment aura lieu la visite une fois sur place ?
Il s’agit d’un processus partagé et lié. Dans un premier temps, dans une pièce, on présente tous les matériaux, rebus. On les a sortis d’une benne, et on les a revalorisés de la manière la plus simple possible. C’est un travail sur l’esthétique qui vise à changer le regard des gens sur les déchets, notons-le. Ensuite, il y a eu 4 collections, avec des matières de déchets, des verres en plastique, créer à partir de bouteilles, des assises de mousse, de carton, du tissu refait. Au départ, il y a la présentation de la matière, de ce qu’on en fait et puis l’espace de travail, où on montre les machines qu’on avait utilisées, les techniques dans le but de montrer qu’on n’a pas besoin de s’investir beaucoup pour montrer les choses. Montrer qu’on n’a pas besoin d’être dans une usine pour créer les objets, par exemple. La dernière salle est sombre : on y présente les prototypes et les expérimentations sur la matière. Sur des choses qui n’avaient pas de fonctionnalités. Sur comment répond la matière et la transformer. En fonction des réponses, elle me donnera une idée sur ce qu’elle va devenir comme objet. Une projection autour de la résidence en collaboration avec Mira Hamdi, qui a écrit autour de la résidence. Je tenais à ce que des gens écrivent sur «Rascal». Mira a écrit un slam autour de la résidence. Et c’est important pour moi d’avoir des retours de gens qui ont suivi la résidence de l’extérieur. Plus de 200 personnes sont venues dans le respect du protocole sanitaire : grâce à l’équipe, on a pu être là pour les informer, les guider et que les collaborateurs jeunes puissent s’exprimer sur leur propre travail. Je voulais les mettre en évidence : les voir présenter eux–mêmes comptait. Ça reste un travail de groupe et l’implication de chacun est importante.
Comment « Rascal » pourra-t-il-durer dans le temps ?
On y réfléchit. Là, je vais me poser, prendre du recul, réfléchir à comment tout cela pourra se développer, autour de résidences, travailler davantage sur la matière, faire appel à des collaborateurs internationaux, organiser des formations, monter une équipe et entretenir cette réflexion de «Rascal» sur le temps et autrement. En janvier, on remet le couvert et on contactera des acteurs, en cherchant des fonds aussi. Il y a beaucoup d’opportunités. C’est important que les gens sentent l’intégrité du projet. L’expo pourra être déplacée à «Dar bach Hamba».
Le travail de Mara Fortunatovic se caractérise par sa (re)mise en valeur des formes et des volumes en usant d’un blanc éclatant et infini. Diplômée des Beaux-Arts de Paris, elle se spécialise dans les pratiques conceptuelles, créant un rapport nouveau et exprimant sa propre vision singulière d’un environnement. Après avoir investi et revisité divers lieux dans de nombreuses régions et pays, elle s’arrête à la Médina, en s’appropriant à sa manière le nouveau «Mono». Mara dévoile à La Presse son dernier accomplissement.
Pouvez-vous nous en dire plus sur ce «Mono Zéro» ?
A l’intérieur, il y a un cercle au sol et les arches : il y en a quatre, deux qui étaient déjà présentes, espacées et allongées. J’ai reproduit les deux arches déjà existantes au millimètre près en métal inoxydable et je les ai copiées en créant une sorte de profondeur afin de faire un transfert, un déplacement imaginaire multidimensionnel de la galerie, comme s’il y avait une porte qui pouvait se continuer : quand on est dans l’espace, on voit les quatre arches et l’ombre des lames qui surgissent des murs. On peut se les imaginer se terminer jusqu’au sol comme si c’était une continuité dans l’espace. Ce qui reste vraiment, c’est cette histoire d’architecture, de multidimensionnalité, d’ombre, de lumière et d’immersion du corps, du geste, du regard. Mon challenge était de ne pas utiliser la hauteur d’œil parce que c’est là où les prochains artistes vont exposer et que mon œuvre va rester «ad vitam æternam» : il fallait vraiment que j’intervienne au niveau du volume de l’espace, de sa hauteur. Mon travail est ancré sur la lumière, le «White cube», le plan, chercher où réside l’intervention de l’artiste, la limite entre la sculpture, la peinture, la scénographie, etc. C’est nouveau pour la Médina et c’est un défi pour moi de faire mes preuves ici.
Avez-vous procédé à un repérage avant ?
Bien entendu ! J’étais venue un an auparavant. Je suis venue pour parler avec l’équipe, mieux cerner le concept de ce «Mono» : on a fait le nécessaire avant. J’aimais bien cet aspect mystique, mais sans entrer dans aucune religion. Cette idée que quand un visiteur se fend dans n’importe quelle galerie, il faut qu’il entre dans cette sorte de méditation, se créer un miroir de soi, contempler et je tenais à créer ce sanctuaire, cette aura et révéler la beauté que peut offrir cet espace, en prenant les éléments de l’architecture, combinés à la volonté de créer quelque chose d’extrêmement propre, «White cube», moderne.
Comment peut-on parler de votre travail, où le présenter ?
Mon travail perturbe car il y a cette idée que l’artiste peut se permettre de ne pas montrer son talent de dessinateur, son geste. Il ne permet pas au spectateur de s’approprier un objet comme un tableau, par exemple, et de créer quelque chose qui appartient à la galerie, à un espace précis. Il y a cette dé-personnification, le vide et ce que c’est que cette peur du vide : j’aime que le corps soit pris en considération et que le spectateur prenne son temps lors d’une expo. Je me rappelle en 2013, lors d’une expo, il y avait des journalistes qui ne voyaient pas mes œuvres : ils étaient perdus (rires). La question autour de l’invisible, de l’effort, revient souvent. Prendre le temps qu’il faut pour voir en profondeur les œuvres et se révéler est important.
La 20e édition du festival de la chanson tunisienne aura bel et bien lieu du 30 mars au 3 avril 2021 sous la houlette du ministère de la Culture, avec à sa tête l’artiste et directeur Chokri Bouzayen. Un appel à candidature a été lancé pour permettre à la nouvelle vague d’artistes méconnus d’être au-devant de la scène et l’édition sera décentralisée. Rencontre en amont du redémarrage de la vie culturelle fortement impactée par la crise sanitaire.
Pouvez-vous nous en dire plus sur cette 20e édition en cours de préparation ?
Après des années d’absence, le festival est ressuscité, dans un aspect totalement nouveau, inédit et de notre temps. L’époque a beaucoup changé depuis son arrêt. L’espace où il aura lieu va permettre ce renouveau d’un point de vue «compétition» ou même «esthétique»: ça sera à «L’Opéra» de la cité de la Culture. Avec tout un comité, on est en train de faire en sorte déjà de promouvoir ce festival dans les régions. De nouvelles idées seront mises en place. D’autres comités désigneront des participants dans d’autres gouvernorats. D’autres spectacles se feront en parallèle avec l’édition dans les régions : 12 gouvernorats vont être inclus, 12 autres le seront l’année prochaine. Comme ça, tous les deux ans, on fera en sorte que tous les gouvernorats puissent participer. Des récompenses nouvelles sont mises en place au niveau des chansons choisies comme la réalisation de clips vidéos, le maintien de la compétition selon des thèmes et des genres musicaux : le patrimoine tunisien, chanson contemporaine, le «Moltazam», le soufi, le populaire… en privilégiant les jeunes talents qui seront au premier plan. Le renouveau, c’est cela ! Ça va être du goût de tout le monde.
La programmation a-t-elle déjà été établie?
Un appel à candidature a été lancé pour recueillir les participations, bien entendu. Il y en a qui ont postulé l’année dernière, parce qu’il était prévu que le festival se fasse avant la crise du coronavirus. Afin de mieux assurer la distribution de la chanson, on tient à la présenter autrement. D’une manière à ce qu’elle parvienne mieux au public. Ils ont jusqu’au 18 décembre pour participer.
Dans un contexte aussi glissant que celui du coronavirus, comment se déroule l’organisation ?
Une équipe logistique est en train d’être désignée et on a encore quelques mois encore pour tout préparer. On tient à l’organiser sur l’année. A n’importe quel moment, les participants pourront y participer. 45 ans dans le domaine, et je ne cesse de dire que la chanson devrait avoir du goût. Elle doit être belle à écouter et être présentée loin des démonstrations musclées. L’esthétique de la chanson est essentielle: elle ne doit pas être monotone, redondante. La beauté de la chanson doit résonner à travers des décennies. La salle de l’Opéra donnera une autre dimension au festival : la scénographie fera en sorte d’être attractive.
Si jamais la crise Covid-19 ne s’estompe pas d’ici à la date fixée, quelles sont vos alternatives pour le maintien des festivités?
L’édition aura bel et bien lieu parce qu’au pire on va drastiquement réduire le nombre des festivaliers et nous respecterons farouchement le protocole sanitaire. De 1.800 spectateurs, par exemple, on retiendra 800/700 personnes en appliquant les mesures mais on espère que ce virus s’évaporera.
L’édition sera décentralisée. Ça va se passer comment ?
Un comité sélectionnera les nouveaux morceaux et fera partie du jury directement à travers une visioconférence s’il le faut ou sur place. Selon le budget, on ne pourra pas aller sur terrain, dans toutes les régions. Jury, comité de sélection sont déjà mis en place et l’organisation impliquera les artistes dans les régions.
L’art d’interpréter est plus que jamais nécessaire en ce XXIe siècle voué aux fausses et aux vraies interprétations des discours, des traditions, cultures, mais surtout celles des textes sacrés. Raouf Seddik s’est fixé comme objectif de rendre à la portée, le plus possible, cette notion philosophique à travers des chroniques rassemblées et publiées dans un ouvrage publié chez Nirvana, titré « Chemins de l’herméneutique ». Dans ce livre, il raconte et décortique l’herméneutique pour un large lectorat. Raouf Seddik a déjà une prolifique carrière de journaliste derrière lui. Récemment, il s’est consacré davantage à sa passion de toujours : la recherche philosophique. Une passion qu’il associe à un « mal secret », mais qui s’avère d’actualité. Entretien.
Afin de mettre en contexte un large lectorat et même l’initier, qu’est-ce que l’herméneutique ?
L’herméneutique c’est l’art d’interpréter. Traditionnellement, l’art d’interpréter a toujours porté sur les textes qui ont une stratégie pour l’organisation d’une société, autrement dit, les textes religieux. Dans l’histoire, cela commence par « L’Iliade » et « L’Odyssée », qui étaient des textes au même titre que le Coran et les textes de religions monothéistes : ils étaient à caractère religieux et qui, à un certain moment, ont commencé à poser des problèmes de bonne compréhension. D’autant plus que dans le cas de « l’Iliade » et « l’Odyssée », il y avait une multiplicité de versions. La version qu’on trouve aujourd’hui est une version qui a été unifiée comme dans les Evangiles, les Apocryphes, etc… Donc, l’herméneutique commence autour de la bonne compréhension du texte religieux, parce qu’évidemment, s’il y a plusieurs lectures divergentes, cela peut poser problème. Il s’agit de retrouver le sens juste. L’art d’interpréter va s’élargir et s’appliquer à d’autres thèmes, comme la compréhension des cultures et des traditions de l’Autre sans les réduire, il touchera à l’anthropologie… etc., c’est comment interpréter la pensée d’autres peuplades, comprendre l’Autre, sa littérature, son parcours de vie. Qui est l’Autre ? Comment dois-je le comprendre ? Des interrogations qu’on peut se poser tous les jours. Sans oublier l’art d’interpréter appliqué à soi-même. Quand on prend des décisions, on se dit : « Est-ce que cela nous convient ? ». Cela part d’une certaine interprétation de son propre parcours, sa propre nature et ce n’est pas une science exacte : c’est une interprétation et on peut, en effet, prendre de mauvaises décisions parce qu’on a mal interprété. Il se trouve qu’il y à toute une réflexion sur la manière d’interpréter et j’estime qu’il est bon de faire connaître ce qui a été dit et pensé sur le sujet.
Pourquoi s’y intéresser de nos jours et pourquoi avoir choisi ce chemin ?
Il y a un intérêt personnel. Il faut savoir que l’herméneutique constitue aujourd’hui une branche fondamentale de réflexion philosophique : quand on fait de la philo, on s’y intéresse systématiquement. Il y a aussi un contexte actuel qui peut donner des raisons supplémentaires d’explorer ce domaine. Je pense qu’une des raisons pour laquelle je me suis décidé de m’y intéresser, c’est qu’actuellement, on est assailli par des questions sur notre relation à nos traditions, aux textes fondateurs de comment est-ce qu’il faut les reprendre sans y toucher, les rejeter et on se demande souvent… quoi en faire ? On nous submerge de traditions interprétées. Il s’agit d’aller voir en profondeur ce que veut dire l’herméneutique. « Al Ijtihad » en arabe, est une lecture censée renouveler le sens en fonction d’un contexte. C’est une sorte d’adaptation. L’herméneutique peut mettre en difficulté le texte. On est dans une situation culturelle critique, épuisé par les débats et la réponse est de se dire : « Et si on allait voir du côté des méthodes qui permettent la conquête des textes ? De les interroger d’une manière autre pour susciter des sens qu’on ne soupçonne pas ? ». De nos jours, en effet, on ne peut emprunter des chemins qui nous permettraient de sortir des débats dans lesquels on patauge.
A qui, donc, s’adresse précisément ce livre ?
Je vise les jeunes qui, aujourd’hui, peuvent eux aussi éprouver une certaine lassitude par rapport au débat. Il faut qu’ils se disent : « Et si on dépassait cela, d’une façon qui permette d’apprendre les choses sur ce qui s’est fait ailleurs ou par le passé ? ». En apprendre sur les Grecs, les juifs et les chrétiens y compris, chez nous dans notre propre tradition et culture qui a connu entre autres « Ibn Khaldoun » ? « Ibn Khaldoun » qui s’est rendu compte qu’il y a une évolution de l’humanité et de toute une civilisation. Avec lui, on a connu une marche vers la civilisation. Il y a l’approche qui nous sort des batailles « Des versets contre versets », tout en se dirigeant vers des perspectives nouvelles. De la même façon pour saint Augustin qui, à l’époque, avait marqué l’ère culturelle de l’Algérie et de la Tunisie. Une ère qui est aussi la nôtre. Les chrétiens se sont souvent tournés vers saint Augustin pour des questions d’ordre religieux. C’est une personnalité qui avait beaucoup de choses à dire et qui a apporté à la théologie. Il y a une notion qui relève de l’appropriation de l’héritage.
Quelle est la genèse de « L’herméneutique en temps d’Islam » ?
L’herméneutique ne s’est pas vraiment développée en terre d’Islam. Le problème dans l’Islam est que l’herméneutique a tendance à se replier sur le terrain de l’exégèse du texte : il s’agit de ne pas partir sur de fausses pistes. On est resté sur cette approche herméneutique, alors qu’en Occident, on trouve déjà des indications sur saint Augustin lui-même : il y a une façon de se dégager du texte. Dans la tradition coranique, le texte relève d’une grande importance. Assez tôt, on comprend qu’il n’est pas exclusif. Comprendre le projet de Dieu dans sa relation avec les hommes passe par des messages directs que Dieu adresse aux hommes, mais ne résument pas la parole de Dieu. Sa parole, on peut la trouver dans la nature, dans l’histoire. Il y a une sorte d’élargissement du support à interpréter. Il y a eu en terre d’Islam des expériences intéressantes pour dégager l’essence du texte et le rendre le plus pertinent possible. Il y avait des divergences d’approches selon les théologiens, mais on est resté limité par l’horizon du texte : comme avec les Hadiths évoqués par l’entourage par exemple censés apporter un éclairage et qui ont été souvent considérés comme des abus. Tout tournait autour de la bonne façon à apprendre pour bien comprendre le Coran. C’est donc un peu limité par rapport à comment a été pensée l’herméneutique en Occident, d’où l’intérêt d’aller voir ce qui a été fait chez les Occidentaux.
Le Tafsir, le Fekh… peut-on les considérer comme des lectures herméneutiques ?
Ça relève de l’herméneutique, mais c’est une herméneutique qui reste prisonnière d’un horizon en particulier : le texte coranique. On reste figé autour de la tâche qui consiste à dégager le sens du texte.
Quelle est la différence entre « herméneutique » et « exégèse » ?
L’herméneutique est l’art d’interpréter en général : on peut même parler de l’art de bien comprendre et d’éviter la mécompréhension. L’exégèse, traditionnellement, c’est l’art d’interpréter, appliqué aux textes écrits. Il y a les règles de l’exégèse qui s’appliquent et qu’on peut considérer comme des techniques de lecture du texte, alors que l’herméneutique, c’est forcément plus large. L’exégèse fait partie de l’herméneutique : l’herméneutique étant bien plus globale.
Qu’est-ce que l’herméneutique moderne ?
Quand on parle d’herméneutique moderne, ça renvoi à une phase de la réflexion sur le sujet : la phase inaugurée par Friedrich Schleiermacher. C’est lui qui a opéré cette sorte d’émancipation de l’herméneutique par l’exégèse et qui définit en même temps une sorte de méthodologie qui s’applique à l’herméneutique quel que soit son objet. Parce qu’avant, il y a eu dans l’histoire, une herméneutique des textes juridiques, des textes littéraires aussi qui n’avaient pas forcément de connotations religieuses. Il y avait l’herméneutique appliquée aux textes religieux, et selon les domaines, il y a eu des règles différentes. L’herméneutique moderne a énoncé des règles générales. Ce n’est plus compartimenté. C’est un peu comme quand on parle de Newton, qui a énoncé une loi universelle de la gravitation : c’est une loi qui s’applique sur tout les corps qui existent dans l’univers. Cela relève donc de la compréhension universelle. On n’est plus sous la loi religieuse : il s’agit d’une loi qui appartient à l’herméneutique elle-même. C’est une forme d’émancipation.
Vous avez évoqué dans votre livre « L’ère de l’exégèse critique ». Pourquoi « ère » ?
Parce que l’exégèse critique, née dans l’approche d’un texte, n’admet plus les dogmes qui ont longtemps accompagné la lecture des textes. Moi, je pense que cette ère de l’exégèse critique est arrivée après Descartes : connu par la condamnation de Galilée, prononcée par l’église. Lui, il a quelque part, produit une métaphysique qui permet aux savants de ne plus écrire sous l’église. La même idée : toujours selon l’église, les tenants de l’exégèse critique ne doivent pas donner de comptes à rendre. L’exégèse critique est une exégèse qui peut être très corrosive. C’est pour cela qu’elle a suscité beaucoup de réserve de la part des milieux religieux.
Est-ce que ces lectures ont connu la censure ?
Bien sûr. Spinoza, grande figure de l’exégèse critique était connaisseur, d’origine juive. Il connaissait la bible, était éduqué dans une culture religieuse juive et en même temps philosophe critique, cartésien : ses textes n’ont pas été publiés de son vivant. Les débuts de l’exégèse critique l’ont été d’une manière clandestine. Ce n’est qu’au XVIIIe siècle, qu’il y a eu triomphe de l‘approche critique avec le développement des sciences historiques.
Pour finir, à quoi sert ce retour vers l’herméneutique de nos jours ?
L’herméneutique permet de se frayer une issue claire vers la philosophie, éviter les querelles épuisantes qui nous fatiguent à longueur de journée. Comme l’herméneutique est une forme de pensée qui est ouverte à l’histoire, à la culture de l’Autre, à l’actualité… c’est donc une façon de se donner des outils pour faire les choses d’une manière intelligente et pertinente et non plus dans la cacophonie générale et le crêpage de chignon. (Rires). C’est un sujet digne d’être exploré. On participe en même temps à une initiative plus grande : celle d’insérer la pensée philosophique dans l’espace tunisien qui se caractérise par le fait que les débats philosophiques se font en langue arabe, dans l’enceinte universitaire, dans des cercles assez restreints… Pour ce qui est de l’espace francophone, on est dans les sciences humaines par exemple, mais ce qui caractérise réellement la philosophie n’est pas à la portée. Là, il y a une tentative de permettre au langage philosophique de se faire sa propre place dans notre vie intellectuelle, dont la francophonie est déjà une composante. Il n’y a pas de raison que la langue française soit amputée de cet héritage philosophique.
Pour son numéro de 2020, le collectif «Jaridet Lemdina», composé de jeunes Tunisiens, a tenu à relancer «le Journal de la Médina» en prônant une thématique épineuse, celle de la «Politique urbaine-Urban Politics» à adopter pour un Tunis plus éclatant, cosmopolite. Ce numéro est une prouesse rédactionnelle, multilingue, «tunisifié» et qui traite de l’art, de l’architecture, de l’humain et du social, réalisé bénévolement par des contributeurs. Emily Sarsam, cofondatrice du collectif de «Jaridet Lemdina», revient sur la genèse de cette initiative du début jusqu’à la sortie de son dernier exemplaire annuel.
«Jaridet Lemdina» a marqué son retour cette année. Quels sont les nouveautés ?
Effectivement, il y a eu des changements. L’époque n’est plus la même déjà. 4 ans auparavant, tout a commencé dans le cadre d’un programme d’échange, soutenu par un fonds allemand. Ce programme d’échange se déroule entre l’Allemagne et les pays du Moyen-Orient, l’Amérique du Sud… etc. Le collectif de la Médina, à l’origine de cette initiative, est composé des amis de la Médina, des jeunes Tunisiens et résidents sur place ou d’ailleurs, comme Nader Khelifi, Raoul Cyril, Aymen Gharbi, Molka Haj Salem, etc. On en a parlé, et on s‘est dit qu’on pouvait créer un journal participatif, écrit en tunisien sur la vie contemporaine à la Médina. Une thématique pas du tout «romantisée», mais on évoquerait plutôt la vie quotidienne, les traditions locales, dans un contexte contemporain, actuel. La communication autour du projet s’est faite de bouche-à-oreille et la communauté autour s’est formée. Le collectif, avant, rédigeait les articles, mais maintenant, c’est ouvert aux contributeurs essentiellement qui étaient bénévoles, conduits par leur passion pour la Médina autour des légendes urbaines, des rues, de leurs symbolismes, de leurs histoires, leurs mausolées… toujours dans une perspective contemporaine.
Le journal est paru régulièrement avant, ensuite il y a eu une interruption.
On était ouvert aux contributions, productifs, ensuite, avec mon départ précédent, deux solutions se sont proposées afin d’assurer la continuité du projet : Iheb Kassmi et Yosr Hizem, mon amie et collègue voulaient prendre le flambeau, mais avec le temps, la communauté commençait à s’effriter. Il y a eu des désaccords avec une autre association connue de la Médina qui soutient beaucoup de projets culturels et qui tenait à prendre en charge le journal. La 2e solution, c’était la mise en veille du projet jusqu’à récemment : on l’a redémarré avec d’autres membres, citons Yasmine Houemed, Syrine Siala, Siavash Eshghi, Aya Rebaï, Mariem Essaadi, Aziza Gorgi (designer et directrice artistique du journal), Sarah Bouzgarrou, Frederike Meyer, Kathleen de Meeûs, Lea Djaziri, Issam Smiri, le 5015 et au moins une quinzaine d’autres contributeurs. On est revenu avec une édition annuelle titrée «Urban Politics»-la politique urbaine, soutenue par le «Heinrich-Böll-Stiftung» et tous les contributeurs. Cette thématique riche, autour de la politique urbaine, nous permet aussi de voir en dehors du périmètre de la Médina.
Pouvez-vous nous en dire plus sur les axes principaux du journal, les sujets traités, les rubriques … le contenu en général ?
Il n’y a pas de rubriques déjà et le numéro est multilingue : français, anglais et tunisien. Pour cette année, c’était la politique urbaine : une approche qui nous permettrait de jeter la lumière sur les points faibles ou les problèmes de la cité, de son infrastructure, des bémols sociaux, habitats… c’est assez ouvert. Ce dernier numéro est plus à caractère sociopolitique mais on reste ouvert. Notre but c’est d’approcher la cité à travers l’art, le design, l’urbanisme, la cuisine, tout en mettant en lumière les problèmes existants autour. Cyrine Douss, chorégraphe, a parlé de son spectacle présenté dans le cadre des Journées chorégraphiques de Carthage à Bab Bhar avec son collectif «El Maghroumine». L’artiste a critiqué «l’objectivation du corps féminin dans l’espace public» et le manque d’exploitation de l’espace public via l’art. Sinon, on fait un appel ouvert à tous les contributeurs désireux d’écrire : illustrateurs, artistes, critiques, universitaires, chercheurs, etc. Un seul bémol, cette année, c’était le manque d’articles en tunisien : notre but principal pourtant était de «tunisifier» le journal. On devait se focaliser sur la traduction, grâce à Aymen Gharbi. Comment aborder la Médina en tunisien. Avec le vocabulaire académique, ça ne sera pas accessible et le langage sera soutenu. On voudrait faire un glossaire en dialecte tunisien, mais ça demande de l’argent et du temps. Les langues sont très importantes, une ouverture sur le monde, mais le tunisien est aussi capital afin de toucher davantage les Tunisiens. Le contenu du journal avant était en grande partie tunisien et on voudrait continuer dans ce sens. C’est le journal du public tunisien.
De nos jours, se lancer dans le papier, c’est risqué, avec la crise…
En effet ! C’est un challenge. Mais on a tenu à avoir la version papier. C’est primordial ! Le digital ne nous permet pas de bien lire sur le net. Le contact avec le papier est unique. On a tenu à valoriser le papier et on tient à ce que les gens le gardent et l’archivent. «Jaridet Lemdina» paraîtra une fois par an et le contenu reste consistant. Le journal est paru en papier, mais pas mis en vente. Le HBS nous a permis de vendre une partie afin de financer le prochain numéro. Nous ciblerons un public passionné de politique urbaine, afin de pouvoir surtout couvrir le coût de l’impression et de la distribution. Nous le donnerons gratuitement à des gens qui ne peuvent pas se payer le numéro.
Comment «Jaridet Lemdina» pourra contribuer à améliorer la scène locale artistique, culturelle et la vie urbaine à Tunis ?
On voudrait penser la ville autrement via cette initiative. Etre utopique pour l’avenir de la ville. Créer des connexions, s’ouvrir sur les problématiques liées à la ville, à sa scène culturelle et artistique, à son mode de vie. L’exploitation de l’espace public, on y tient. On voudrait créer une plateforme médiatique. Parler d’urbanisation politique, c’est traiter d’une politique citoyenne. Sans oublier, l’usage du dialecte tunisien. Ne pas avoir d’hiérarchisation dans le collectif assurera la pérennité du journal et de l’initiative qui est créée pour tout le monde.
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Il affirme souvent tirer sa force et son succès du destin et d’un concours de circonstances. Nous avons rencontré un artiste riche d’une carrière prolifique, et menée au gré des hasards, avec beaucoup de persévérance. Nour El Erab, ou Noureddine El Oueslati, de son vrai nom, revient sur un parcours artistique polyvalent, ouvert sur tous les arts, accompli en Egypte et beaucoup plus ouvert sur le monde arabe. Rencontre.
Un parcours long et fructueux est déjà tout tracé par « Nour El Arab », artiste confirmé dans le monde arabe et doté d’un nom de scène à connotation poétique. Comment tout a commencé en Tunisie pour vous ?
Noureddine El Oueslati, de mon vrai nom, a fait ses premiers pas à Jbel Jloud, à l’âge de 11 ou 12 ans. C’était ma première année au secondaire : mon professeur de musique M.Ezzeddine Ayachi, enseignait là-bas. Cette première année a été marquée par un certain 20-Mars : fête de l’Indépendance. Il y avait une célébration organisée par le club de musique de mon lycée. J’y étais donc. J’étais complètement déconnecté de l’univers de la musique. Je n’avais aucune notion. J’étais impressionné par la fougue des autres élèves et par leur passion pour cet art. Un déclic a eu lieu à ce moment-là, en me disant pourquoi ne suis-je pas avec eux, comme eux, et comment faire pour être comme eux ? C’était transcendant comme sensation : je ne réagissais pas sur le coup, mais la question trottait dans ma tête. Je suis ensuite parti les rejoindre dans une salle de musique à El Ouardia. Je me suis adressé à mon professeur, M. Ayachi, qui m’a répondu que la saison était finie, mais que je devais m’inscrire pour la saison prochaine. Si j’avais la fibre artistique, ils allaient le remarquer et me retenir. Je ne savais même pas si j’en avais ! (rires). Après quelque temps, je jouais au sport quand je suis tombé sur un livre en piteux état, jeté par terre. C’était un livre de compositions d’Abdelhalim Hafedh. J’ouvre le livre et la première chanson écrite que je vois, j’ai commencé à la chantonner : à la lire en chantant. Il n’y avait pas de radio ni de télé à cette époque postcoloniale. C’est mon subconscient qui s’exprimait. Un camarade de classe m’a encouragé à faire de la musique, par la suite, à la maison de la culture de Jbel Jloud : c’était la tentative que j’attendais impatiemment pour intégrer ce club. Lahbib Chagouaye, un professeur de musique sur place, m’a ouvert grand les portes : des instruments, des apprentis, une vie culturelle vive et plaisante. M.Chagouaye me demande si je savais chanter. J’ai dit « Oui », alors que je n’en savais rien, (rires) avec tout le stress du monde et j’ai enchaîné en me demandant si je chantais sous la douche… et j’entends le rire des autres élèves autour. Déstabilisé, je me suis quand même retenu et j’ai chanté pour la première fois à ce moment-là « Kaamil el Aoussaf » de Abdelhalim Hafedh. Et l’aventure a commencé au sein de cette chorale, avec compétitions, fêtes, festivals, etc … « Nour El Arab » n’a vu le jour qu’en Egypte en 2001, nommé par un producteur égyptien.
Noureddine El Oueslati a cédé la place à Nour El Arab, une fois en Egypte, des années après. N’avez-vous pas été gêné par ce changement identitaire radical ?
Je n’ai jamais pensé un jour me frayer un chemin en changeant mon nom de famille… tout comme je n’ai jamais imaginé un jour faire une carrière en Egypte ou m’absenter autant de la Tunisie. J’étais parti pour une semaine en Egypte, j’y suis resté 28 ans (rires). Pour ce producteur, quand on s’était rencontré pour travailler, je m’étais présenté comme « Nour el Oueslati » (j’ai retiré « Eddine » pour alléger !). Ma première cassette a porté le nom de Nour El Oueslati, le prix du festival international du Caire, je l’ai eu au nom de Nour El Oueslati, le premier feuilleton également. En 2001, tout a changé en me proposant ce nom de scène valorisant… J’ai été subjugué. C’est là que j’ai compris que tout ce qui m’arrivait de bon et de constructif était purement dû au hasard… et à un concours de circonstances et cela se poursuit jusqu’à nos jours. Sonné, j’ai consulté des proches pour avoir leurs avis sur ce nom de scène. Même ma petite fille, artiste de naissance, a eu son mot à dire. Et j’ai accepté volontiers. Depuis, je tenais à être à la hauteur d’un nom aussi prestigieux de par mon travail et mes accomplissements… et pas qu’à travers l’art seulement.
C’est-à-dire ?
En étant le plus exemplaire possible, même sur le plan humain, comportemental, relationnel. Je me retenais de chanter des chansons que j’aimais, mais que je ne pouvais le faire, parce que cela risque de blesser ou donner le mauvais exemple. Ces chansons ne m’allaient pas.
Au tout début de votre carrière en Tunisie, vous êtes passé par le Centre culturel ferroviaire. Pouvez-vous nous en dire plus sur cette étape ?
Ce centre culturel, spécialisé en musique, n’existe plus. J’y suis resté trois ans là-bas. J’ai condensé la durée, en apprenant plus vite et en privilégiant la pratique et le terrain. Normalement, ma formation devait durer 5 ans. On pouvait avoir mon diplôme à la « Rue Zarkoun ». C’est là que les ennuis ont commencé : je ne pouvais, en effet, pas l’avoir, parce que je n’avais pas le Bac et que si je visais l’enseignement, je devais le faire beaucoup plus loin de la capitale. Je n’étais pas fait pour les études ni pour l’enseignement ni pour cette assiduité et cette dynamique vitale à la profession professeur / élève. Scientifiquement, c’est à partir de cette étape-là que j’ai su que je n’étais pas fait pour la musique sur le plan académique. C’était assez et je me suis formé, après, en solo. L’expérience m’a été très utile en Egypte. Le niveau scientifique et culturel était élevé là-bas, bien plus qu’ailleurs.
Dans un tournant précis de votre vie en 1992, vous vous êtes envolé pour l’Egypte. Qu’est-ce qui vous a surtout poussé à partir et ne pas faire carrière artistique en Tunisie ?
Les mauvaises expériences ! Mon départ n’était pas une décision préméditée déjà. Le visa, je l’ai d’ailleurs eu à travers le ministère des Affaires culturelles facilement. Je suis passé dans des émissions, dont « Noujoum El Ghad », et j’ai essuyé une grande déception, celle de n’avoir pas été choisi …et le concours n’était pas juste non plus. J’ai participé, ensuite, à une émission qui encourageait les jeunes compositeurs, paroliers, poètes… J’ai écrit une chanson à cette époque-là, soutenu par si Abdelmajid Ben Jeddou (Paix à son âme), signée par si Abdelhamid Ben Aljia. C’était prévu qu’on l’enregistre : j’ai trouvé finalement la troupe en train de la jouer et de l’enregistrer déjà. Je l’ai signalé à un responsable qui m’avait rabaissé directement par des mots très durs… qui m’ont marqué jusqu’à nos jours. « Le oud était tombé », comme on dit, et la chanson n’a jamais vu le jour. D’ailleurs, c’est un épisode pénible que vous venez de me rappeler (sourire). Un autre passage à la télé, où je tenais à me faire connaître sur le plan des médias, s’est aussi soldé par un échec cuisant. Certains me demandaient de l’argent pour percer… c’était bas. Ils sont tous morts d’ailleurs et pardonnés. Je leur dois même beaucoup : autant de déceptions qui n’ont fait que me pousser davantage à changer de vie. J’avais une bonne situation en Tunisie, mais je pouvais encore m’améliorer bien plus ailleurs, en Egypte… et une fois là-bas, c’était un choc.
Dans quel sens ?
Ce n’était pas facile ! J’avais une image totalement faussée de l’Egypte. L’Egypte faisait trop dans le commercial et le consommé déjà. Le public en redemandait… Des sommités déjà très connues ont, selon moi, dégradé l’aspect artistique et musical. Dans les années 90, la quantité débordait et le rendu artistique commençait à perdre de sa qualité. En 1992, des valeurs reconnues de la scène musicale arabe commençait à nuire à la scène et au patrimoine, la vague émergente des années 90, plus précisément. Au début, je faisais des allers-retours Tunisie/Egypte. Une société de production égyptienne a cherché rudement à m’avoir. Elle a cru en moi jusqu’à venir me chercher en Tunisie.
Ensuite, vous vous êtes ouvert et pas qu’un peu sur le théâtre et le cinéma …
Par hasard, encore une fois ! (rires). Je tiens à préciser qu’on ne devient pas artiste par hasard, quand même. Il y a beaucoup de travail et de persévérance derrière. Il y avait eu une pièce de théâtre « El Mazikati », mise en scène par Hassan El Salem, je ne rêvais même pas de l’approcher. Il cherchait une opérette à placer pour clore le spectacle. Un atout que je maîtrisais. Un scénariste m’avait repéré, les rendez-vous ont suivi… Pendant la performance ou la démo, ils se lançaient des regards… observaient… J’étais face notamment au réalisateur exécutif. La démo durait 7 min, c’était long pour eux, je devais raccourcir jusqu’à 3 min en improvisant. Je ne devais pas nuire au contenu. J’ai négocié 5 min au final, pas moins. Et j’ai pu les conquérir. Et c’est là qu’ils ont commencé à m’envisager dans des créations théâtrales ou télévisées ou même cinématographiques… Hassan Abdessalem, c’est lui qui a commencé à croire en moi. Ma première pièce, on en a fait 45 dates partout… l’aventure avait commencé. Encore une fois, au gré des hasards… les feuilletons aussi. Ma première cassette venait de sortir en 1994 et contenait des morceaux, comme : « Tkalem ya zamen », « Habibi Yabni », « Tir el Mahabba », « Sahhara », « Wala Soltane », « Mochtaak » … celle qui me parlait le plus c’est « Tkallem ya zamen », que j’ai interprétée à maintes reprises après. Les artistes avaient tendance à descendre ou à insulter le temps et l’époque : j’en faisais une force à travers cette chanson qui a été conçue en une nuit. J’ai pu avoir des prix prestigieux et une couverture média de qualité, grâce à cette chanson… que j’ai pu chanter avec l’accent égyptien à la perfection. Une très belle langue d’ailleurs …
Avec quelle valeur artistique avez-vous eu plaisir de collaborer ? Celle qui vous a le plus marqué et enrichi ?
Pour moi, toutes celles avec qui j’ai eu l’honneur de travailler m’ont enrichi ,chacune à sa manière et ce sont les plus précieuses au monde. Les circonstances m’ont mis sur scène face à Abdelmoonem Madbouli, qui dirigeait une école de théâtre. Mon premier clip était face à Nour El Charif. Il avait un regard très puissant. C’est un monstre ! Hassan Abdelsalem a écrit l’histoire du théâtre. Je suis chanceux et reconnaissant. S’il n’y avait pas eu les mauvaises expériences, je n’aurais pas pu aller de l’avant. Le hasard fait toujours partie du décor.
Récemment, vous avez participé à un festival à Ben Arous, destiné aux artistes résidant à l’étranger et vous vous êtes uni avec M.Abdelkarim Louati, compositeur, homme de culture et journaliste. Dites-nous un peu plus sur votre étroite relation et vos projets.
On est amis de longue date. On comptait travailler ensemble en 2003, il est venu en Egypte chez moi. On comptait écrire une chanson sur la Tunisie. Depuis 2003, je n’ai pas mis les pieds en Tunisie jusqu’en 2017. On a commencé à travailler en ligne à partir de janvier 2020. On a écrit des chansons, composé, interprété… On en a joué quelques-unes au festival de Ben Arous. Ce qui me navre en Tunisie, c’est qu’en matière de droits d’auteur et de copyright, on n’a encore rien. On est « blacklisté » à travers le monde et notre scène artistique pouvait encore rayonner partout si ce problème était résolu.
Comment était votre participation au festival de Ben Arous, consacré aux artistes résidant à l’étranger ?
Une idée originale à laquelle j’ai participé avec grand plaisir. Tout s’est très bien passé. Sandra, une artiste présente aussi, a fait du bon travail. Houda également… Cendrillon, je connaissais la plupart des artistes participants. Abdelkarim Louati a fait du bon travail. 4 nouvelles chansons ont été interprétées, il y a eu une opérette et on nous a rendu hommage. Je remercie par la même occasion la radio culturelle qui nous a soutenus dans les conditions liées au Covid-19.
Quels sont vos projets ?
Valoriser l’art autant que possible. Je compte sortir une chanson prochainement qui, j’espère, remédiera au secteur. Elle n’est toujours pas filmée, mais ça viendra. Elle sera dotée d’une illustration audacieuse qui exprimera l’état des lieux actuels du domaine. Un festival de musique ramadanesque est en cours de conception. Je rattrape le temps passé loin du pays !
La scène artistique et culturelle tunisienne et africaine vient de s’enrichir d’un premier numéro de «No’o cultures», un nouveau magazine, spécialis é en critique d’art, une discipline indispensable peu visible et pratiquée. Nidhal Chemengui, rédactrice en chef, nous en dit plus sur ce programme.
Nidhal Chemengui, vous êtes attachée de presse internationale, chargée de communication, journaliste. Comment vous êtes-vous retrouvée embarquée dans cette aventure ?
Je connais Eustache Agboton, journaliste spécialiste en culture et développement et responsable éditorial, depuis quelques mois : c’est lui l’initiateur de tout le programme. On évoque plus un programme qu’un magazine. Il y a la formation, le concours, le magazine : c’est un tout. Il a besoin d’être avec des personnes pour gérer les axes. J’ai accepté directement, parce que, de par mon observation personnelle et mon expérience professionnelle, la critique d’art ouverte, en plus sur tout le continent africain, manque cruellement de visibilité dans tous les médias : tunisiens, maghrébins, africains. Donc, pourquoi ne pas proposer quelque chose sur laquelle on peut travailler, en comptant sur notre réseau national et international. On croise nos réseaux et on s’entraide mutuellement, Eustache et moi, pour un résultat encore plus consistant et riche.
Se doter d’un magazine spécialisé en critique d’art à l’échelle africaine est toujours une richesse pour le secteur artistique et culturel. Pouvez-vous nous donner un aperçu général de «No’o cultures» et de son contenu ?
Le magazine est axé spécialement sur la critique d’art et les personnes qui la pratiquent sont essentiellement issues de tout le continent africain. Les critiques d’art qu’on verra et qu’on connaîtra très probablement via «No’o cultures» travailleront sur des œuvres africaines uniquement. Mis à part la critique, on peut trouver des portraits, des tribunes, des avis, des entretiens… Chaque numéro sera en grande partie consacré à une dynamique culturelle propre à au moins cinq régions du continent. Des journalistes africains ont libre cours d’alimenter le magazine par des articles à eux. Les directeurs de festivals africains et les festivals qui se déroulent sur le continent seront mis en valeur et constamment valorisés. «No’o cultures» met en exergue l’africanité à travers l’art : il est fait par des Africains pour les Africains. Le public-cible se compose de toutes celles et ceux qui s’intéressent à la vie culturelle et artistique propre au continent africain, passionnées par toutes les disciplines : théâtre, chorégraphie, cinéma, art moderne, classique…
Pour l’instant, est-il décliné uniquement sur le digital ou paraîtra-t-il en version papier ?
Au départ, quand on l’a conçu, c’était un magazine sur tirage papier. Fortement impacté par la crise du Covid-19, on a finalement décidé de le lancer en ligne pour l’instant, en téléchargement gratuit. Notre objectif et de le rendre à la portée des lecteurs et le plus accessible possible, malgré les circonstances. Sans oublier les lecteurs qui ont déjà commandé leur numéro, désireux d’avoir une version papier. Il est à noter que «No’o cultures» paraîtra tous les 4 mois. Pour son site en ligne, il est, donc, alimenté tous les 4 mois en articles et en matière. Il est ouvert aussi aux libres-plumes: Meriem Guellouz, directrice du festival «Carthage Dance» a, d’ailleurs, publié une tribune en guise d’ouverture pour le premier numéro.
Comment voyez-vous «No’o cultures» contribuer au secteur artistique et culturel à l’échelle locale ?
L’échelle locale pour moi n’est pas que la Tunisie : il y a le Maghreb et l’Afrique. Comme terme, c’est très relatif, mais je dirai que cela alimentera davantage le réseautage, permettra de se reconnecter à notre africanité et notre continent et ça c’est beaucoup plus important, parce que personnellement, je crois en une collaboration Sud/Sud. Je veux qu’on essaie de couper un peu le cordon avec le Nord… surtout que l’Afrique regorge de talents exceptionnels et d’une richesse culturelle exceptionnelle. C’est plus qu’intéressant pour tout le monde !
CREDIT PHOTO : ROUA BIDA
Mais qui a donné vie à Wassila dans la planète «Nouba» ? Hela Ayed, comédienne et metteure en scène n’est pas passée inaperçue, pendant deux années de suite dans la peau de cette femme des années 90, combattante, féminine, transgressive et distinguée…bien assez pour le petit écran tunisien. Entretien.
Hela Ayed, vous devez votre notoriété à Wassila dans «Nouba», interprétée pendant 2 années de suite sur le petit écran tunisien. Mais avant, comment tout a commencé pour vous ?
(Sourire) Rien d’exceptionnel ! Je savais depuis toute petite que je voulais jouer, faire du cinéma. Le déclenchement bizarrement, s’est fait lors d’une séance d’italien, l’année de baccalauréat. (Rire) j’habitais à El Omrane avec ma famille. Mon père était militaire, et on déménageait très souvent. Ce jour-là, le professeur nous parlait du «Cinecittà». J’étais ébahie, fascinée. Mais après le bac, on m’a, bien entendu, découragée de suivre la voie artistique. J’ai dû toucher à tout, parfois, ça marchait, d’autres pas… j’ai dû opter pour des études en gestion, j’ai passé ma maîtrise en pleurant… que j’ai eue finalement ! (Rires) Ensuite, on m’a poussée à faire un Master de recherche, mon père ne lâchait pas l’affaire!… il voulait que j’enchaîne avec un doctorat que j‘ai bouclé en un temps record. Et là, il m’avait dit, c’est bon … tu peux faire du cinéma ou du théâtre. Délivrance. (Sourire). Entre-temps, j’ai entendu parler des cours de Taoufik Jebali, je me suis installée à Tunis, et j’ai commencé en 2008. Ma première montée sur scène a eu lieu avec «Manifesto Essourour», à l’ouverture du festival d’Hammamet en 2009. C’était grandiose pour les novices que nous étions. Et la critique n’a pas été tendre avec nous. (Rire). Après, j’ai travaillé avec Jean Luc Garcia, dans «Klem Ellil» aussi, etc. Jusqu’à ce que un jour, on se rend compte qu’il faut voler de ses propres ailes. A se lancer et montrer ce qu’on pouvait faire. Et il y a eu une rencontre ! Un auteur irakien m’a présenté un texte, afin que je lui trouve un metteur en scène, et je me suis dit autant que je le devienne et que je le fasse. Les encouragements de Jebali m’ont boostée. J’ai dû revisiter le texte d’origine avec toute la spontanéité d’un débutant. Moi, qui suis appliquée de nature, cela m’a pris un temps fou.
La conversion du théâtre à la télé a-t-elle été difficile pour vous ?
Le passage s’est fait avec Bouchnak, avec qui j’étais au théâtre avec toute l’équipe. Et, forcément, pour ses projets, j’étais avec lui. Abdelhamid le dit tout le temps : «Pourquoi aller chercher ailleurs quand j’ai déjà des comédiens ?». Il nous racontait ses projets. Et les choses se faisaient naturellement. Mes personnages ont été écrits sur mesure pour moi: Wassila, c’était Hela. Au début, la télé, pour moi manquait de passion. Je trouvais que c’était de la pure technique. J’avais l’habitude de m’emparer de la scène pendant des mois, j’avais plus d’espace, je me lâchais… la scène, je la vivais pleinement. C’est jouissif ! A la télé, c’était dirigé, technique, on répétait souvent les scènes pour tourner, et on répétait trop pour ce que je considérais des futilités, pour un bruit, de l’éclairage qui n’allais pas, c’était stressant et épuisant. C’était une phase «adaptation» et je me suis adaptée. Ensuite, j’ai pu totalement maîtriser. Un bon comédien, ce n’est pas celui qui donne un jeu, une émotion, une gestuelle. C’est une personne qui doit gérer le tout, qui sait composer, maîtriser ses repères, être dans son personnage mais conscient de tout ce qui se passe autour.
Entre le jeu et la mise en scène. Laquelle des deux préférez-vous le plus ?
Etre actrice, très honnêtement. D’un point de vue, responsabilité, passion, pression, rythme… C’est extraordinaire. Etre metteure en scène, c’est terriblement stressant. On doit gérer les autres, le tout… J’ai fait le choix de faire les deux. C’est certes frustrant… mais probablement, qu’à l’avenir, je le ferai moins. J’ai peur d’être oubliée en tant qu’actrice. Quand on se donne à fond en tant que metteure en scène… on n’arrive plus beaucoup à s’en détacher. J’ai un projet en tête, mais entre les deux, c’est fatigant. Beaucoup de responsabilités. J’ai un défi : celui de réaliser pour le cinéma. C’est un domaine où on n’attend rien de personne surtout si on rêve, et qu’on ambitionne beaucoup. Au final, on peut être formé, et apprendre sur le tas, sur le terrain en nouant ses propres liens. C’est faisable de s’auto-former. Si je devais choisir en tout cas, je resterais seulement actrice.
Mongia dans «Dachra» au cinéma et Wassila dans «Nouba». Deux rôles à vous qu’on peut trouver physiquement très transformés. Est-ce pour cette raison que Bouchnak a fait appel à vous spécialement, afin de les interpréter ?
Je pense qu’il y avait sûrement un critère propre à moi qui l’a amené à me choisir dans ces rôles. Abdelhamid Bouchnak me disait : «Avec toi, je peux imaginer un travail théâtral». C’est-à-dire des scènes installées, des regards précis, une mimique… comme ce qu’on avait vu pour Mongia. Wassila, un peu moins, mais c’est aussi théâtral dans sa manière d’être, de parler, de bouger, d’interagir, de réagir… Abdelhamid écrit des personnages en pensant d’emblée à l’interprète. Il fonctionne comme ça… Le faire, peut même alimenter l’imagination autour du personnage. Wassila, il l’a pensée avec son caractère, ensuite, dans sa phase recherche, il a rajouté la caractéristique de «l’œil». On se consulte souvent pour l’écriture. Je le taquine souvent en lui disant «Vivement le jour où je serai femme fatale», par exemple. (Rires). C’est important pour moi de diversifier les rôles et savoir bien les choisir : vous ne me verrez plus jouer le rôle d’une vieille ou dans la peau d’une femme bandit afin d’éviter la catégorisation des rôles.
Wassila est sans doute l’un des personnages les plus féministes qu’a pu connaître le petit écran. En quoi consiste, d’après vous, son côté engagé, rebelle, fort, voulant s’imposer dans une société masculinisée ?
(Sourire). Elle est imprévisible de nature. Déjà… Son féminisme a surgi naturellement, je trouve. Elle doit l’être sans le savoir. Dans le sens où, ce n’est pas juste une question d’époque mais, ça sera celle d’un contexte ou d’un milieu social. C’est une forte personnalité, mais elle a appris à l’être. Depuis toute petite, elle voulait danser… elle le faisait chez le voisinage. Mais elle a grandi dans une culture, où c’est l’homme qui prime et qui doit au final se marier, devenir mère ou femme au foyer, etc. Le vécu de Wassila, notamment son rapport violent avec son ex-mari tyrannique, a forgé ce côté-là. Il y a une composition, un cheminement qui a fait qu’elle devienne ainsi, qui s’assume, qui fait ce qu’elle veut, qui ne veut plus se faire marcher sur les pieds et qui va jusqu’à défendre les femmes lésées, battues, farouchement, à sa manière. Elle les rend plus fortes. J’en ai discuté longuement avec Abdelhamid cette année. Après tout, ce sont ses propres personnages imaginés… Il y a eu une scène importante qui a beaucoup fait réagir, c’est celle où on la voit pardonner rapidement à Kraiem. On peut comprendre qu’elle est peut-être féministe sans le vouloir, limite spontanément mais dans le sens où elle n’est pas là pour «écraser» l’homme, mais elle impose sa personne, elle est consciente de sa valeur en tant que femme tout en respectant l’homme et puis il y a aussi son amour pour Kraiem. Ensuite, on a travaillé le côté humain chez Wassila. Cette année, elle est devenue même beaucoup plus émotive. Pour moi, c’est très important de découvrir, au fur à mesure, des facettes inattendues dans les personnages qu’on interprète. Sinon, Wassila, je l’adore. Je l’aime. Je l’ai un peu oubliée… mais je l’aime trop. Je me sens même émue quand je parle d’elle. C’est un être à part ! (Rire). J’ai eu du mal à me séparer d’elle après avoir passé autant de temps avec elle. Je la voyais partout après la fin du tournage. C’était fort ! Elle est tellement là, qu’en dehors de moi, elle doit évoluer quelque part, dans une autre dimension. Elle est protectrice, aimante, bienveillante, au fond… Elle a beaucoup souffert. Elle traîne un vécu lourd. Elle exprime une sorte de déni de ces malheurs… elle esquive les malheurs et se concentre sur l’essentiel…
A cette époque-là, le cadre temporel de «Nouba», pensez-vous que les femmes, en général, dans leur manière de vivre, pourraient être féministes sans le vouloir ? Des femmes qui n’étaient pas dans la revendication, mais qui le prouvaient tous les jours…
Exactement ! Je suis parfaitement d’accord. C’était spontané, à la limite, inné… elle vivait même plus par instinct. Actuellement, on est là à revenir sur des droits précis, à les revendiquer alors que, pour moi, ce n’est pas la peine d’y revenir. S’y arrêter est même agaçant. Une fois, juste après la révolution, j’ai dû échanger avec des journalistes qui me demandaient ce que je pensais de la date du 13 août. Ça m’a agacée. Je ne veux même pas voir des femmes fêter ces droits, sortir pour le rappeler en quelque sorte. Je suis née dans une époque contemporaine, avec des femmes émancipées, éduquées, libres… quand on creuse, c’est clair qu’on a des défaillances sur le fond. Mais pour la forme, j’aimerais que tout se passe naturellement. Qu’on s’y focalise plus autant et qu’on impose les choses concrètement. Je suis contre le fait de combattre les choses sur Facebook. Il faut les sortir du virtuel. Mon prochain projet parlerait de femmes mais je ne serai pas en guerre contre l’homme. Et je ne tiens pas à faire de lui un ennemi. Si j’ai envie de faire changer les choses, je ne le ferai pas sur les réseaux sociaux et je ne lyncherai pas l’homme juste pour le faire…
Rim Riahi est une valeur sûre d’une autre époque. Comment s’est déroulé le travail avec elle ?
Magnifiquement bien ! Je l’ai rencontrée pour la première fois dans une réunion de travail, bien avant le tournage. C’est comme si on se connaissait depuis toujours. On connaissait nos personnages. Najoua et Wassila complices. Elles finiront leur vie ensemble malgré leur différends ces deux-là. (rire). Humainement, c’était fort et sur le plateau, on était complices, elle était stressée, malgré son grand talent. Elle était là à vouloir être rassurée, elle demandait, on se consultait… C’était extraordinaire. Une grande découverte pour moi.
Y a-t-il une scène qui vous a particulièrement épuisée ?
Bien sûr ! La toute dernière. Le dénouement. Je suis quelqu’un qui ne me prend pas beaucoup la tête avec les séquences. Je ne préparais pas tant que ça… Je me laisse beaucoup d’espace. Pour cette séquence, elle était déterminante, pour tout le feuilleton et pour Wassila, d’après moi. Je me conditionnais carrément pour la séquence. Je jouais mes séquences dans ma tête. Je pouvais la laisser en stand-by et y revenir et j’y accordais une grande priorité. Je savais que j’allais pleurer même si Wassila n’a pas la larme facile d’habitude. Si vous voyez l’ambiance sur le plateau ce jour-là… (rire) c’était bouleversant.
Qu’est-ce qui a changé entre les deux tournages des deux saisons ?
C’était différent. La responsabilité était pesante. L’évolution des personnages. Il fallait se surpasser. Entre l’équipe technique et artistique, il n’y avait pas de séparation. On était une équipe. La logistique pendant la 2e année était devenue plus difficile. On était épuisés. Le rythme était beaucoup plus corsé. Même si je ne suis pas dans des scènes précises, j’étais présente sur le tournage.
Le public était exigeant et violent par moment. Comment avez-vous vécu ce lynchage ?
Personnellement, ça n’a pas eu d’impact sur moi mais je l’ai vécu à travers le groupe. Par moments, j’ai choisi d’en rire. Elles font mal mais autant en rire. Mais je dis à bas les dires qui n’ont aucun sens et qui ne t’apportent rien. Et c’est dans ces épreuves-là, que tu arrives à connaître les gens auxquels tu peux te fier et ceux qu’on doit fuir. On est effaré par certaines réactions des gens, leur manière de voir les choses et de réagir et par leur cruauté. Le tout accentué par les réseaux sociaux… d’où donc ma discrétion en ligne. L’artiste, pour moi, doit rester au-dessus des méchancetés et doit s’imposer par le travail.
Vous êtes presque la préférée des acteurs de «Nouba», celles avec qui ils/elles aimeraient partager des scènes. A votre tour de nous dire avec qui vous adorez le faire…
(rire). Ça fait plaisir. C’est flatteur ! Les scènes avec Amira Chebli, par exemple. C’était formidable ! Avec Yasmine Dimassi, on a une écoute formidable, surtout l’année dernière. On a une petite séquence de rien du tout cette année… Il y a l’aspect humain et amical qui entre en jeu. Il y a une sensibilité partagée.
Préférez-vous la tragédie ou la comédie ?
Les deux, mais j’ai envie à moyen ou à long terme de me lancer davantage dans la comédie. (rire). Les deux sont difficiles. Vous pouvez me voir dans les deux mais, pour l’instant, je reste davantage dans la tragédie.
Est-ce qu’on vous verra davantage au cinéma et à la télé ?
Possible mais je serai plus exigeante pour les rôles à la télé. Des rôles qui seront bien choisis. Je vise une carrière au cinéma. Le cinéma, c’est un monde à part et pour le théâtre, ca reste la base. J’ai des projets en cours. Je ne vous en dirai pas plus. A travers la télé, on peut ouvrir grande la porte à un large public. On est un peu dans l’exposition. On devient connu rapidement via la télé. Seulement, j’aimerais que le public vienne aussi vers moi. Vers mon travail au théâtre et au cinéma.
Votre sœur, Rym Ayed, grande découverte de cette saison dans «Nouba 2». Avez-vous eu le même parcours ? L’avez-vous initiée ?
Je l’ai poussée oui. C’est moi qui ai mené le combat dans la famille… Le jour où j’ai intégré le domaine, elle était partante avec moi. On a la même formation foncièrement. J’ai peut-être une petite longueur d’avance sur elle. Les gens me font rire : j’ai entendu dire qu’on se moquait de moi en disant que je venais d’un autre milieu : celui de la gestion et du marketing et que j’ai ramené ma sœur avec moi. N’importe quoi ! (Sourire). Je n’ai jamais été aidée ou soutenue par personne. Je me suis formée par moi-même, je me suis frayé mon propre chemin et elle était avec moi… et ça continue ! Dans «Bernarda Alba», une création scénique d’El Teatro, elle a était remarquée par le public avant d’intégrer l’univers de «Nouba 2». Je suis dans la transmission et le partage d’un savoir et d’une expérience riches, d’une formation artistique qui m’a beaucoup enrichie et qui continue… Le tout d’une manière fluide et jamais sous pression.
Qu’avez-vous à dire à la nouvelle génération montante d’artistes ?
Il faut s’accrocher de tout son cœur. Compter sur soi-même, s’entourer des personnes, comme nous le faisons, qui ont le même rêve, s’auto-enrichir. Se former, se rassembler, être dans l’effort collectif.